Plus tardivement dans la journée, tout était prêt pour le départ sur Eris. Pour rentrer chez lui, Tiago enfila un tee-shirt entièrement noir avec le slogan orange vif « Loser Machine Company », accompagné d’une main avec deux doigts croisés. Son épais manteau descendait jusqu’aux chevilles avec un col remonté jusqu’aux oreilles. Il le savait, il faisait toujours froid sur Eris. Il arriva dans le hall d’embarquement, et se dirigea vers une des bulles transparentes posées contre la paroi du cube. Elles emmenaient les voyageurs vers les navettes rangées sur le parc de stationnement, et l’une d’entre elles contenait déjà les affaires d’Haïp à bord. Attendant patiemment à son entrée, elle vit Tiago passer à côté d’elle, l’ignorant complètement. Toujours au bord de l’impolitesse, il monta à bord de l’appareil, faisant remarquer à qui voulait le voir, son impatience. Haïp et Lys furent un peu surprises par cette marque de mépris tandis que Zeian ne prêtait plus attention à ce trait de caractère.
— Soyez prudents, fit Zeian à Haïp. Nous ne voulons pas te perdre comme nous avons perdu Faraï.
— Je vais essayer, lui dit-elle, en tentant de le faire sourire. Ne cherchez pas à nous joindre. Un driver se pirate trop facilement. Je nous donne trois jours pour trouver qui est derrière cette attaque.
— Nous n’aurons aucune nouvelle ? S’insurgea Lys. Et si nous avons des informations importantes ?
— Envoi des messages vocaux, on peut moins facilement les tracer.
Haïp jeta un rapide coup d’œil en direction du mercenaire, visiblement lassé d’attendre.
— J’y vais, conclut Haïp. À très vite.
Elle monta à côté de Tiago qui ne lui adressa pas un regard. Les portes se refermèrent et l’automate emmena les deux voyageurs vers « Féranie », la navette de Tiago. Lys, qui ne quittait pas la bulle des yeux, sentait une inquiétude grandissante la ronger.
— Je ne sais pas pourquoi, mais je n’ai aucune confiance en lui, murmura-t-elle.
— Je pense que c’est la solution…la moins pire que nous puissions prendre, répondit Zeian. Et Haïp est très intelligente. Elle sait se sortir de tout.
— J’espère que vous avez raison.
La navette se posa contre la porte d’accès de « Féranie », et Lys vit sa marraine montée à bord. Elle espéra juste au plus profond d’elle, que ce ne soit pas la dernière fois qu’elle la voyait. La dernière Amazone partit seule en mission avait été Faraï. Il était devenu rare, voire exceptionnel, que l’une d’entre elles travaille avec un étranger en mission. Lys regarda « Féranie » décoller et passer l’atmosphère artificielle avec une angoisse qui resterait présente jusqu’à son retour.
« Féranie » navigua à l’aveugle pour retrouver le chemin séparant les deux autres planètes colonisées, Eris et MakéMaké. Des routes célestes illuminaient le champ d’astéroïdes de la ceinture de Kuiper pour les trajets entre elles, mais pas encore pour Hauméa. En dehors de ces autoroutes de l’espace, la conduite était risquée et hasardeuse, mais Zeian ne parvenait pas à convaincre le Conseil de débloquer des fonds pour cela. Haïp regardait l’espace défilé, à défaut de pouvoir faire la conversation avec quelqu’un qui n’en avait visiblement pas envie. « Féranie » s’inséra dans le flot de circulation, et quand la navette approcha d’Eris, elle intégra une immense pieuvre délimitant les routes et desservant toute la planète. Chacun de ses bras plongeait vers tous les astroports d’un astre surpeuplé et recouvert de bulles bleues d’atmosphérique sur toute sa surface. « Féranie » fit piquer le vaisseau vers un des chemins menant dans sa partie sud.
— D-v, contacte la tour 24 et demande un numéro de place pour poser « Féranie », ordonna Tiago. Demande également le transfert de nos bagages. Mon compte doit être toujours actif.
— Toutes vos demandes sont transmises, Monsieur.
Avec ce comportement plutôt distant, Haïp ne savait pas trop comment s’y prendre pour briser la glace. Elle se souvenait souvent de son attitude très insolente pendant son adolescence, avec en face, la douceur et la patience de Faraï qui avaient été ses meilleures alliées pour les sorties de crise. Après l’avoir quelque peu dragué à la morgue, celui-ci affichait désormais une attitude très dédaigneuse. Haïp en conclut qu’il ne devait pas être très content que Zeian lui ait imposé sa présence. Elle passait du temps à analyser les gens qu’elle rencontrait, aimait apprendre à les connaître, voulait savoir les points faibles et les qualités de chaque individu dont elle croisait le chemin. C’était un réflexe qu’elle ne s’expliquait pas, mais elle examinait Tiago depuis plusieurs minutes, et cet homme était une énigme. Si son langage corporel lui révélait une grande assurance, il était en décalage avec l’image qu’il voulait donner. Il avait une carapace, elle en était sûre, il fallait juste savoir ce qu’il y avait en dessous. Elle passa à l’étape suivante de sa « procédure réflexe » pour tenter de mieux le cerner, le dialogue.
— Je sais que nous allons dans les cubes du sud d’Eris, mais je n’ai pas la moindre idée de la suite, fit Haïp, avec un ton poli. Sachant que nous devons travailler ensemble, puis-je être curieuse, et savoir si quelque chose est prévu, monsieur Wilson ?
Il lança un soupir d’exaspération volontairement outrageant, et donna l’impression de faire une énorme concession, celle de devoir lui répondre.
— J’habite ici, fit-il, sèchement. Donc, on va déjà commencer par poser les affaires. Et juste une précision, je ne travaille jamais en équipe, et il n’est pas prévu que je commence aujourd’hui.
Elle le savait déjà, l’impertinence et la provocation étaient les empreintes qu’il aimait laisser.
— Bien sûr, répondit Haïp. C’est pour cela que je suis assise ici, et que nous allons au même endroit.
— Je vous pose chez moi pour vous éviter de vous faire égorger. Rien d’autre !
— Avec l’intention de m’enfermer dans un placard ? Ne nous trompons pas d’objectif, je ne suis pas là pour vous faire la guerre ! Je devais partir seule, et mais il paraît qu’avec vous, ce doit être plus simple, plus rapide. Alors ? Qu’est-ce que l’on fait ? On se chamaille comme des gamins, on va chacun de notre côté ? Ou l’espace de trois ou quatre jours, on bosse ensemble, on rentre avec des réponses, et après, vous et moi, on n’en parle plus ? Que devons-nous faire, monsieur Wilson ?
Après de multiples signes d’agacements et un bref silence, il reprit.
— Je préfère quand on m’appelle Tiago.
Haïp pressentit un premier test réussi. Mais elle ne pouvait pas deviner qu’appeler Tiago par son nom de famille l’irritait au plus haut point, car c’était un rappel encore douloureux de ses origines. Fils de très bonne famille sur Terre, il n’avait jamais réussi à se faire une place au milieu d’un foyer où les marques de politesse ponctuaient chaque fin de phrase. Second fils dans une fratrie de quatre garçons, l’éducation parentale se voulait ferme, et la discipline de rigueur. Mais il avait toujours été un électron libre, un caractère indépendant, impossible à commander et à canaliser. Seul son grand-père, Eustace Wilson, réussissait à lui apporter un équilibre. Mais Eustace mourut brutalement d’un problème cardiaque alors qu’ils se baladaient tous les deux dans la nature sauvage de sa Colombie-Britannique natale. Il fut victime d’une dissection aortique qui ne lui laissa aucune chance. Tiago avait 14 ans, et à cette époque, il passait son temps à chasser avec son grand-père et maniait déjà le fusil avec une grande dextérité. Face à cette douloureuse perte, le jeune garçon partit oublier sa peine dans un tour du monde pendant une année entière, bravant toutes les interdictions, et trouvant toutes les parades pour passer les frontières. Suivant son parcours grâce au réseau de surveillance mondiale, ses parents avaient laissé faire, pensant que ce voyage et cette pause allaient apaiser les problèmes familiaux, calmer sa douleur. Mais à son retour, les tensions n’en furent que plus exacerbées. Avoir fui les problèmes ne les avait pas réglés, bien au contraire. Il se souvenait de cette journée, lorsqu’il passa les grilles de la maison familiale situées dans l’île de Vancouver, au Canada. Après être parti un an plus tôt sans avoir laissé ni mot, ni adresse, Tiago était très angoissé à l’idée de revoir les membres de sa famille. Il fut terrifié lorsqu’il arriva devant le portail d’entrée, mais son angoisse diminua d’un cran lorsque le driver de la propriété le reconnu, et lui autorisa l’accès. Il était encore chez lui. Il s’avança doucement dans la grande allée qui menait jusqu’à l’immense maison en pierre située au milieu des arbres énormes et centenaires. Rien n’avait changé depuis son départ. Il gravit l’escalier monumental qui donnait sur l’immense porte d’entrée en bois massif et le driver de la villa déclencha de nouveau une identification lorsqu’il se présenta devant l’entrée. La porte s’ouvrit automatiquement et il fut accueilli chaleureusement par le majordome, Raoul, un vieil Indien portant depuis toujours son turban, l’attendant, solennellement, debout au milieu du grand hall.
— Monsieur, je suis si heureux de vous revoir. Vous avez beaucoup manqué à votre famille, fit Raoul respectueusement.
— Si seulement c’était vrai. Je suis content de vous revoir aussi. Où sont-ils ?
— Messieurs Léonide et Wales Junior sont à l’université, quant à votre père, il est en déplacement pour les affaires. Ils seront tous de retour pour le dîner. Madame est dans le jardin avec votre plus jeune frère. Et votre chambre est prête.
— Mon driver est disponible ?
— Je suis désolé d’apprendre cela à monsieur, mais l’obtention de votre driver personnel vous à été refusé. Mais je suis sûr que cela n’est que transitoire.
Tiago regardait autour de lui, un peu perdu comme s’il était parti depuis une éternité. Raoul le salua puis il se rendit dans le parc aménagé à l’arrière. Son driver lui avait été refusé, il se contenterait de celui qu’il s’était procuré illégalement. Le « test de disposition », une sorte de test obligatoire de personnalité des 14 ans et qu’il avait fait juste avant de partir, n’avait donc pas été concluant. Tiago n’était pas si surpris de cela. Sa contrariété fut balayée lorsqu’il vit avec joie son plus jeune frère, le petit Nolan, âgé de 7 ans, prenant son cours privé d’équitation. En un an, il avait tant grandi ! Edélina, sa mère, lisait un livre sur son bain de soleil relaxant, surveillant d’un œil les progrès de son plus jeune fils. Tiago s’avança sur la terrasse aménagée de plusieurs parterres de fleurs, statues en marbre et de buis taillés. L’immense piscine était découverte et la cascade qui se jetait dedans distillait un bruit doux et reposant. Lorsque Nolan aperçut enfin son grand frère, ce fut une explosion de joie qui le transporta.
— Tiago ! S’exclama le petit garçon en sautant de sa monture.
— Ne saute pas du cheval ! Ordonna en vain sa mère.
Mais rien ne vint calmer l’ivresse de Nolan, ce petit garçon brun au visage coquin qui traversa le parc en courant à perdre haleine vers son grand frère. Edélina distingua Tiago entre deux rosiers, éteignit l’hologramme de son livre, et hésita quelques secondes avant de se lever pour aller accueillir son fils. Ses retrouvailles, elle en rêvait depuis un an, les avait imaginées mille fois. Elle se sentit, pourtant, complètement perdue quand elle le vit. Alors, les vieilles et mauvaises habitudes reprirent le dessus. Quand elle s’approcha de ses deux enfants, elle se concentra à retenir sa longue robe blanche soufflée par la brise, ce qui vexa Tiago. Elle n’avait pas changé, une grande blonde sculpturale prenant soin de chaque détail de son apparence, donnant l’impression d’avoir la trentaine malgré ses cinquante ans.
— J’ai gagné le jumping junior de Toronto, j’ai battu Virgile ! S’exclama Nolan. Et je tiens debout sur ma planche de surf !
— Bravo ! Je suis fière de toi, répondit Tiago.
— Regarde, je sais faire le signe des surfeurs !
Sous le regard attendri de son grand frère, Nolan lui montra son poing en sortant le pouce et l’auriculaire, puis balança la main. Quand Edélina approcha, Tiago se leva et ne bougea plus, son regard affectueux se transforma à l’arrivée de sa mère. Elle s’avança, visiblement contrariée et freinée par cet accueil si glacial envers elle. Elle s’arrêta à quelques mètres de lui, alors que Nolan, au bord de l’ivresse, continuait à l’étreindre. Puis, au bout d’une minute interminable, elle finit par lui faire une accolade, légère et brève.
— Le dîner est à 20h précise, fit-elle. Ne soit pas en retard.
Tiago regarda sa mère disparaître dans le salon, au milieu des grands rideaux blancs, volant sous l’effet du vent. Il ne la vit pas partir se cacher dans sa chambre pour s’effondrer en pleurs. Un an d’absence et rien n’avait changé. Elle en était désespérée, et lui aussi. Mais Tiago dut rapidement répondre à Nolan, réclamant encore plus d’attention de sa part.
— Il faut que je te montre ma chambre ! S’exclama le petit garçon.
— Continue ta séance d’équitation, nous verrons cela tout à l’heure.
Nolan partit remonter à cheval, pressé de montrer ses progrès à son grand frère. Tiago s’installa sur le rebord en pierre de la balustrade et admira les performances du petit garçon, lui adressant des sourires et des signes d’affection à chaque fois qu’il le pouvait. Le parc aménagé n’avait pas changé depuis qu’il était parti, mais il ne se sentit pas à l’aise d’être à nouveau chez lui.
Ce fut le soir même que tout bascula. Tiago ne put s’empêcher d’arriver à 20h15 à la table familiale. Il sentit un mélange de gêne et de joie de la part de ses deux autres frères, Wales junior et Léonide quand il entra. Ses deux grands bruns donnaient l’impression d’être jumeaux, même coiffure, et même style vestimentaire, strict et sobre. Ils avaient parfaitement intégré les exigences et l’éducation familiale imposées par le patriarche, Wales Wilson. Quant à son père, ce quinquagénaire aux traits durs et marqués, il ne semblait pas montrer le moindre enthousiasme à la vue de son fils cadet, blond, les cheveux en bataille et au style ouvertement négligé. Tiago s’acharnait à mettre en avant tout ce que Wales détestait. Les robots domestiques humanoïdes avaient commencé à servir le dîner sous la direction de Raoul et Tiago s’installa à la place qui avait toujours été la sienne sur cette table rectangulaire. Il n’adressa pas un regard à ses parents installés aux deux extrémités, mais fit un clin d’œil en s’installant à côté du petit Nolan, toujours heureux de revoir son grand frère. Il remarqua que l’ensemble des photos familiales avaient été changées, toutes marquées d’événements auxquels il n’avait pas participé.
— Dois-je entrevoir dans ce retard une volonté particulière de reprendre des mauvaises habitudes ? Fit sèchement Wales.
— Cette maison n’est pas un hôtel, ajouta sa mère. Le dîner est à 20 h, pour tout le monde !
Les deux autres frères baissèrent le regard et un silence de plomb s’abattit sur la famille. Le petit Nolan tendit son bras vers Tiago, avec pour seul but de lui faire un sourire, mais cette attention fut immédiatement réprimée par Wales.
— Nous mangeons en silence ! Et dans le calme !
— Il ne fait rien de mal ! Répondit Tiago.
— Mais c’est qu’en plus il a décidé de me répondre ! Répondit son père, en le fusillant du regard.
— Il a sept ans, il est content de me revoir, et il ne fait rien de mal !
Wales posa avec force ses mains sur la table et fit voler des couverts en argent. Son mécontentement était flagrant, il était au bord de l’implosion.
— Ici, ce n’est pas toi, mais moi qui dicte les règles ! Et toutes les personnes vivant sous mon toit s’y plieront !
— Laisse-moi respirer, tu veux bien ?
— Et n’oublie pas à qui tu parles ! Je suis ton père ! Tu me dois le respect !
— Le respect, je sais ce que c’est, mais je ne l’ai pas appris avec toi !
Wales frappa violemment son poing juste à côté de son assiette. Le ton montait d’un cran à chaque échange, et les intonations étaient de plus en plus agressives. Tiago, qui ne pliait toujours pas devant l’autorité de son père, provoqua sa colère.
— C’est mon toit donc mes règles ! Et jusqu’à ta majorité, tu te soumettras !
— Nous t’avons laissé une année pour voyager au gré de tes envies, intervint calmement Edélina. Il est totalement interdit de traverser les frontières, et de t’accorder ces visas nous a coûté très cher ! Nous avons fait jouer nos relations pour te permettre cette parenthèse. Tu as manqué un an d’école ! Et le pire de tout, tu es parti sans nous donner de nouvelles !
— Cette comédie a assez durer, ajouta Wales, toujours furieux. Ton « test de disposition » a été une catastrophe, et de toute façon ton entrée dans un « centre de réhabilitation à la vie en société » ne peut plus être repoussée !
— Je n’irai pas dans un centre ! Répondit Tiago.
— Je ne te demande pas ton avis ! Personne ne te demande ton avis ! Un point, c’est tout !
Tiago explosa et fit voler son assiette au travers de la salle à manger. Edélina sursauta avant de fondre en larmes devant Léonide et Wales Junior, spectateurs impuissants. Le petit Nolan sauta de sa chaise et vint tenter de se blottir contre son frère.
— Non, Tiago ! Je te protège ! Il ne t’arrivera rien ! Fit affectueusement le petit garçon.
— Personne de ne t’a dit de te lever de table ! Assis ! Ordonna Wales.
Terrorisé, le petit Nolan lâcha son grand frère en sanglotant. Wales était dans une rage noire. Tiago se leva et quitta la table, refusant d’abdiquer devant lui.
— Je savais que je n’aurai jamais dû revenir ! Fit Tiago.
— Où vas-tu ? Hurla Edélina.
— Là où il ne sera pas ! Cria-t-il. Et certainement pas dans un centre !
— C’est ce que nous allons voir ! Répondit son père.
Le soir même, Tiago entendit la colère encore présente de son père faisant trembler les murs du hall d’entrée. Il prit sa décision en quelques minutes, et partit embrasser Nolan, emmitouflé sous ses couvertures. Sa mère lui avait installé un casque sur la tête qui libérait une hormone en continu et l’obligeait à dormir. Le petit garçon avait retransformé sa chambre en carnet de voyage, décoré de tout ce qui faisait la culture de certains pays. Ses parents savaient donc tout de ses déplacements, faits et gestes. Il avait eu beau prendre les chemins les plus sauvages, Tiago reconnut tous les endroits qu’il avait traversés, car les murs vivants de sa chambre étaient illuminés de toutes ces destinations, de la grande muraille de Chine au désert africain, via les steppes de Mongolie. Il refit son paquetage, et prit un transport en direction du nouvel astroport de toute la côte ouest des Amériques, situé dans le désert de Sonora. Un dessous-de-table notable suffit à l’agent gérant l’accès au vaisseau pour que son embarquement pour Eris ne soit notifié sur aucun registre. Il n’avait jamais revu un membre de sa famille depuis, ni la Terre. Mais cette partie de sa vie, il la gardait pour lui, personne n’était informé de son passé, car personne ne serait en mesure de comprendre un exil volontaire de la Terre.
— Tu habites loin ? Demanda Haïp.
— On y sera vite.
Tiago se tourna vers Haïp, et constata qu’elle était en tenue de combat moulante et blanche. Il n’était pas revenu sur Eris depuis plus d’un an, mais la mentalité des habitants n’avait pas dû beaucoup évoluer.
— Je pense qu’il serait raisonnable que tu mettes quelque chose sur ta tenue, dit-il en la regardant de la tête aux pieds.
— C’est prévu…

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