Intermède : Andrashad Bersky

La Mort qui rôde

Les rues sombres et boueuses de Lorry auraient effrayé n’importe qui. Ce petit port au sud de Stalinsky appartenait à la capitale Masriva. Mais l’endroit était depuis longtemps négligé. La route abandonnée se couvrait de boue ou de glace selon les saisons. Les petites maisons de bois avaient piètre allure. Le port en lui-même n’accueillait plus que quelques barques de pêcheurs et servait de cimetière pour épaves. Une belle image du pays lui-même en pleine dégringolade économique.

Malgré la nuit et le froid, deux silhouettes arpentaient ce lieu de désolation. Les longues et épaisses capes en fourrures qui les couvraient de la tête aux pieds ne laissaient rien deviner de leur identité. Elles avançaient lentement et prudemment, mais semblaient savoir où elles allaient. Outre ces inconnus, personne n’osait affronter l’hiver naissant. Même s’il fallait avouer que sur le Continent des Glaces il n’y avait que deux saisons, l’hiver et l’automne. Deux mois par an, Birenze se retrouvait même plongée dans une nuit totale. Les mois estivaux qu’étaient juillet et août offrait leurs seuls instants de temps chauds. Cela signifiait un soleil gris et des températures entre dix et quinze degrés. Les pays du Nord parvenaient à survivre grâce à l’importation des fruits et légumes venus des autres continents. En échange, ils offraient du très bon bois venant de leurs immenses forêts de pins, mais aussi de nombreux minerais comme le fer ou le charbon. Sans compter les fourrures d’ours bruns et blancs. Ce qui constituait un luxe au delà des eaux du Golfe se résumait aux moyens de survie sur Birenze. Pas de charbon pour se chauffer, pas d’isbas en bois, pas de fourrures pour se couvrir et c’était la mort assurée. Ce n’était pas pour rien qu’on le surnommait le Continent des Glaces.

Une grande maison se détachait dans l’obscurité. C’était la seule allumée. Un phare dans les ténèbres. Elle se situait à la jetée du port. Elle servait autant de capitainerie pour le port, que d’auberge pour les voyageurs, que de bar pour les marins. Nos deux silhouettes y entrèrent sans l’ombre d’une hésitation. Cependant, elles s’arrêtèrent dès le seuil franchi. L’une des deux, la plus petite, sembla frémir et se recroqueviller sur elle-même. L’autre la saisit par le bras et la tira à l’intérieur.

L’hygiène du lieu laissait à désirer. Le plancher était recouvert de paille et de boue. La pièce principale donnerait des angoisses aux claustrophobes. Elle ne possédait que deux petites fenêtres et avait été construite tout en longueur. À la gauche de la porte, un petit bar, tenu par un homme qui avait un air d’ours mal léché. Derrière lui, un petit escalier sombre ressemblant plus à une échelle donnait sur l’étage. Le reste de la salle était occupé par une dizaine de tables rondes en bois grossier. Seules deux étaient occupées par des vieux marins. Les seules sources de lumières se résumaient à quelques bougies posées ici et là.

La silhouette frêle tenta à nouveau de se soustraire à l’étreinte de l’autre ; sans succès. Raffermissant sa poigne, elle se pencha sur elle et lui murmura quelque chose qui la calma aussitôt. Le tenancier leur jeta un regard noir par dessus le verre blanchâtre qu’il essuyait en un geste mécanique.

« C’est pour quoi ? » grogna t-il, les poings crispés.

Il n’aimait visiblement pas de voir ces deux étrangers pénétrer dans son antre. De ses petits yeux porcins, il tentait de distinguer leurs traits dissimulés par une lourde capuche. Mais il devinait que lorsque tomberont les fourrures les corps dépouillés deviendraient petits et fins. D’où venaient ces gringalets ? Aucun bateau n’avait accosté et il connaissait tous les gens du coin. Ils venaient de l’intérieur des terres. Le plus grand – qui lui arrivait avec peine à l’épaule – s’approcha du bar.

« Nous cherchons quelqu’un. »

Il déguisait sa voix si grossièrement qu’il lui faisait pitié.

« Qui ?

– J’ai entendu dire qu’il logeait ici parfois.

– J’ai beaucoup de clients fidèles, ma petite » ricana le barman en frappant son bar de ses deux mains à plat.

Son interlocuteur sursauta. Il avait frappé juste. Il avait bien affaire à une femme. Les deux personnes se regardèrent brièvement. À son grand étonnement, la plus petite prit la parole. Elle ne chercha pas à aggraver sa voix.

« Nous avons une affaire délicate à régler. Nous avons de quoi le payer. Dites-nous où il est ! »

Malgré sa petite voix de crécerelle, elle faisait presque autoritaire. Dommage qu’elle tremblât durant son petit discours. Le tenancier eut un rire gras. Voilà qui devenait plus clair. Voilà ce qui emmenait deux petites dames des terres dans cette anti-chambre de l’enfer.

« Dernière chambre à gauche. Frappez avant d’entrer. » répondit-il enfin en désignant les marches branlantes derrière lui.

Avec précipitation, les deux femmes se faufilèrent derrière le bar et montèrent l’escalier. Quand elles arrivèrent, elles semblaient encore plus fébriles. Même la plus grande se tordait les mains et son souffle était saccadé. Le couloir ne possédait aucun éclairage. Juste quelque raies de lumière pâle passant sous les portes leur permettaient de voir où elles mettaient les pieds. Il était si étroit qu’il leur était impossible de passer de front. Elles se firent silencieuses comme des ombres et débutèrent l’avancée. Comme par réflexe, la plus petite s’était mise derrière et marchait en tenant fermement la cape de l’autre. La chaleur qui s’en dégageait lui faisait du bien. Comment pouvait-on dormir dans un tel endroit ? C’était tellement sinistre.

Après ce qu’il leur semblait une éternité, elles atteignirent le fond du couloir. Elles se tournèrent vers la gauche. Une maigre lueur jaunâtre passait par les interstices. Il était là et réveillé. La plus grande sentait les ongles de son amie pénétrer son bras malgré l’épaisseur de sa cape en fourrure.

« C’est trop tard pour faire demi-tour, Nastia. » murmura t-elle pour se donner du courage.

Elle leva une main blanche et maigre. Elle tremblait. Et elle toqua faiblement à la porte. Elle garda son bras levé en attendant une réponse qui ne vint pas. Elle échangea encore un regard avec Nastia. Elle ne pouvait pas voir ses grands yeux pâles, mais elle les devinait écarquillés par la peur. Peut-être même pleurait-elle en silence. Elle se racla la gorge et frappa à nouveau le bois sec.

« C’est bon, j’avais entendu ! grogna une voix rauque. Entrez ! »

Les deux femmes sursautèrent. Cette voix était indéniablement masculine. Grave et rocailleuse, elle puait la virilité et la violence, le tout accentué par la langue rude du Nord. L’invitation avait sonné comme un ordre et n’offrait aucune ouverture à la discussion. Alors, les deux femmes s’exécutèrent.

La chambre était sommaire. Un lit, une chaise et un placard. Un épais rideau recouvrait la fenêtre. Un chandelier posé à même le sol réchauffait le tout de sa lumière tremblotante. L’occupant de la pièce était installé sur la chaise. Une jambe avait été repliée sur le genoux de l’autre et servait d’appuis pour poser une longue épée qu’il affûtait. Ses yeux froids et délavés se levèrent pour observer les visiteuses. Ces dernières se figèrent en l’apercevant.

« Fermez cette porte, ça fait courant d’air. » aboya t-il.

Nastia obéit en tremblant. L’autre ne parvenait pas à bouger, le regard fixé sur la lame immense qui crispait sous les mouvements de l’homme. Ses mains éraflées par la lame, aux doigts calleux, mais la poigne forte et grande.

« Alors, c’est pour quoi ? »

La voix impatiente de l’homme la frappa dans sa contemplation morbide et lui fit lever le regard. Celui de l’homme ne l’avait pas quitté. Derrière elle, Nastia était restée contre la porte. À l’image de ses mains ou de sa voix, le visage de l’assassin – car c’était ce qu’il était – était rude et viril. Il semblait gravé dans la pierre, mais n’avait pas la délicatesse artistique des statues. Non, il avait été façonné par l’érosion naturelle. Le teint blafard et le cheveux blond des hommes du Nord, il était l’archétype de leur continent. Même s’il demeurait assis, il était grand et large d’épaules. Et ce n’était que du muscle. Ses avant-bras étaient découverts, longs, secs, solides, d’où les veines ressortaient en relief. Cet homme, l’assassin Andrashad Bersky, dégageait une aura de puissance brute et animale.

Elle déglutit avant de prendre la parole. Si elle espérait que sa peur ne transperce pas sa voix, elle avait échoué.

« Je suis Avdotya…

– Pas de nom, l’interrompit Bersky. Juste ce que vous voulez que je fasse et à qui.

– Il y a un homme. Il nous a volé les terres de notre père…

– Je me fiche de votre histoire. Vous voulez qu’il meurt ou seulement l’effrayer ? À moins que vous ayez quelque chose à récupérer ? »

Avdotya sentit sa gorge se serrer. Elle ouvrit la bouche, mais ne parvint pas à articuler ou à émettre le moindre son. Instinctivement, elle recula vers sa petite sœur. Nastia se saisit aussitôt de son bras et se blottit contre elle. Ni l’une ni l’autre n’aurait un jour imaginé qu’elles en arriveraient là. Dans ce port miteux, dans cette auberge coupe-gorge, à demander la mort d’un homme face à un assassin reconnu. Elle n’arrivait pas. Elle se sentait pleurer. Ses longues mains couvrirent ses joues. C’était une erreur. Mais comment faire autrement ? Leur père malade s’était fait arnaquer par ce gros propriétaire et ils n’allaient pas tarder à être expulsés. Ils ne survivraient pas longtemps. Les deux sœurs avaient alors rassemblé leurs maigres économies pour trouver une solution. Et la mort de cet homme leur semblait la seule. Mais maintenant… C’était elle l’aînée. Elle qui devait en prendre la responsabilité. À vrai dire, elle n’aurait jamais dû emmener sa cadette. C’était cruel de lui faire partager son fardeau.

« Il faut qu’il meurt ! » s’écria une petite voix suraiguë derrière son épaule.

Nastia. La petite blonde et frêle Anastasia du haut de ses quinze ans avait osé dire ce qu’elle ne parvenait pas à formuler. L’arrêt de mort de leur ennemi.

Bersky reporta son attention sur elle, amusé par ce petit brin de femme qui tremblait de haine.

« En ce cas, ma petite, il mourra, promit-il avec un sinistre sourire. Des préférences ?

– Comment ça des préférences ? s’étonna Avdotya qui avait retrouvé sa voix. Que voulez-vous dire ?

– Pour la mise à mort. Une manière de faire. Rapide, lente. Avec ou sans torture. Un message à laisser sur les lieux. Une mise en scène, énuméra l’assassin tandis que les deux sœurs se rapetissaient sur elles-même.

– N… Non, bredouilla Avdotya en pâlissant.

– Rapide, souffla Nastia en même temps.

– Je vois, reprit Bersky en reposant enfin son épée contre le mur. Un truc discret et propre. Maintenant, qui est-il et où je vais le trouver ? »

Encore une fois ce fut la cadette qui prit les devants.

« Zakhar Provderine. Il a une villa au nord de Masriva.

– C’est noté. En comptant le temps du voyage, je devrais lui avoir fait la peau d’ici une semaine maximum. Ça vous ira, les filles ? »

Elles hochèrent frénétiquement la tête.

« Maintenant, parlons argent, attaqua Bersky en s’étirant les bras. La moitié maintenant, l’autre après. Vous comprenez que j’ai besoin d’une petite assurance.

– Combien ? demanda Avdotya du bout des lèvres. 

– Pour une exécution simple, c’est deux cent Couronnes. »

Les sœurs eurent en chœur une inspiration bruyante. Elles avaient cessé de trembler. Elles semblaient au bord de la syncope.

« Vous ne les avez pas, en conclut Bersky d’un ton catégorique.

– Il nous en manque une cinquantaine, avoua Nastia, la mine basse.

– Dommage. Bonne chance et au revoir mesdemoiselles. » salua t-il en se levant.

Il se dirigea à grands pas vers la porte et l’ouvrit en grand, bousculant les sœurs au passage. Les ongles enfoncés dans ses paumes, Avdotya tourna les talons et s’apprêta à passer le seuil quand Nastia revint à la charge.

« Non, attendez ! » s’écria t-elle de sa voix d’enfant.

Bras et jambes écartés, elle fit barrage de son corps devant la porte. Sa capuche avait glissée et révélait son visage rond aux joues roses. Elle ressemblait à une poupée, mais ses yeux clairs brûlaient de détermination. Elle n’avait plus peur. Devant ses actes impulsifs, elle en était essoufflée. Bersky s’était immobilisé et la regardait, le visage neutre.

« On les trouvera ces cinquante Couronnes, jura t-elle d’une voix étonnamment ferme, presque d’acier. Vous avez dit qu’il vous faudrait une semaine. Ça nous laisse le temps. Cent aujourd’hui et on aura le reste la semaine prochaine.

– Tu en es certaine, ma petite ? questionna Bersky à voix basse. Car si le jour venu, je n’ai pas mon argent, poursuivit-il de plus en plus bas et se rapprochant lentement de la jeune fille. Je devrais alors trouver un autre moyen de me faire rembourser », termina t-il presque collé à l’adolescente.

Nastia sentit ses tremblements la reprendre. La chaleur que dégageait le corps de l’assassin l’étouffait. Elle voulut se soustraire de sa présence, mais les mains de Bersky se saisissent d’elle, l’immobilisant sans mal. Elle paraissait aussi petite et insignifiante qu’un brin d’herbe entre les bras de ce colosse. Il se baissa sur elle, ses lèvres frôlant sa peau. Avec un cri de peur mêlé de rage, Avdotya se jeta sur l’homme et s’accrocha à l’un de ses bras, voulut lui faire lâcher prise. Mais Bersky ne bougea pas d’un pouce et ne semblait même pas se rendre compte de l’action de l’aînée. Nastia se débattait, les dents serrées.

« Oui ! s’écria t-elle en se tordant comme une diablesse. On les trouvera ! On les aura ces maudites Couronnes !

– Voilà qui est mieux », se félicita Bersky.

Il lâcha brutalement Nastia et s’écarta d’elle comme si de rien n’était. Il se débarrassa sans effort d’Avdotya et retourna s’asseoir sur sa chaise. Les deux sœurs se jetèrent dans les bras l’une de l’autre, le corps secoué de sanglots silencieux.

« L’affaire est faite, mes petites dames, conclut-il d’un ton léger. Vous me donnez cent Couronnes et on se retrouve dans dix jours pour la seconde moitié ici-même. Convenu ? »

**

Masriva possédait toutes les facettes architecturales du continent. Les bâtiments étaient hauts, colorés et arrondis. Seuls les quartiers les plus pauvres se contentaient d’isbas, voir de bidonvilles. Les habitants de ces derniers passaient rarement l’hiver. Le dénommé Provderine vivait très éloigné de ces lieux de désolation. Alors que les quartiers pauvres se situaient au sud et autour des docks, sa demeure se trouvait dans les faubourgs du nord.

Bersky était monté à la capitale à cheval. D’ici quelques semaines, il devrait faire ses trajets en traîneau et cette idée le contrariait. D’où son projet de quitter Birenze rapidement. Il irait bien dans les contrées du nord des Terres d’Ædan. Il y avait beaucoup de clientèle. Sur les rives de la Mer d’Orient, la noblesse aimait se faire la guerre et les coups de poignards ou poison étaient monnaie courante. Il avait entendu dire que Hasgarr semblait agitée ces derniers temps. Ensuite, il ferait bien un détour par Sidhàn. Là bas, les clans se haïssaient trop pour ne pas avoir besoin d’un assassin. Il savait que de nombreuses pègres et tueurs avaient élu domicile à Thalopolis, la cité des complots. Mais le climat chaud et sec de la ville-état le rebutait.

Bersky baissa les yeux sur les pavés qui menaient au manoir de sa proie. Du gel commençait à se former. Finalement, il allait devoir quitter ce maudit pays dès que les sœurs lui auraient versé la seconde moitié. Sinon, il était bon pour subir la morsure de l’hiver jusqu’à la fonte des glaces. Donc, environ six mois plus tard.

Il faisait nuit et tout était silencieux. Ce serait rapide et discret. Comme le désirait ses clientes. Il traversa le jardin comme une ombre. Heureusement, il y avait beaucoup d’arbres lui permettant de se cacher. Contrairement à la tradition de Stalinsky, le manoir était carré. Seules les couleurs vives allant du bleu au rouge en passant par le vert répondaient aux critère nationaux. Il y avait aussi un joli porche en fer forgé d’un charmant bleu clair. Les nombreuses décorations présentes tout du long étaient idéales pour s’y accrocher. Bersky sourit. Cela ferait parfaitement l’affaire. Il grimpa au premier étage grâce à cela. Il atteignit sans difficulté le rebord de la fenêtre. Il s’y assit avec souplesse. Adossé au mur, une jambe dans le vide, il prit un couteau qu’il avait à la ceinture et entreprit de forcer la serrure avec. Après le bruit sec du bois qui céda, les vitres s’ouvrirent. Il se glissa à l’intérieur. Il atterrit avec une roulade sur un épais tapis. Vu la douceur et la finesse du tressage, il devait venir de Damra. Il se faisait plaisir le Provderine. Cette tapisserie avec laquelle il s’essuyait les pieds valait plus cher que sa vie. S’il avait le temps après le meurtre, Bersky se promettait de vérifier s’il y en avait une ou deux de transportables. Il devrait pouvoir en tirer un excellent prix.

Il se releva et fit quelques pas. Où se trouvait la chambre du maître des lieux ? Il avait suivi sa victime dans la journée, mais n’avait pas pu voir où il était parti se coucher. Il pensait qu’il s’agissait de cet étage, mais il avait besoin de plus de précision. S’il pouvait éviter de tuer les serviteurs… Il n’avait pas été payé pour ça !

Ses pas étouffés par les tapis excessifs, il avança et vérifia chaque pièce. Pour le moment, elles se révélèrent toutes vides. Il commençait à douter que Provderine dorme à cet étage. Pourtant, c’était là que la lumière du couloir avait été éteinte en dernier et il lui avait semblé reconnaître le profil bedonnant de l’homme d’affaires. Il arriva devant une grande double porte. Provderine était suffisamment égocentrique pour s’installer dans une chambre immense avec une double porte. Son instinct lui soufflait qu’il touchait au but. Vraiment une mission rapide et simple.

Il dut cette fois crocheter la serrure. Il chauffait. N’y parvenant pas, il força la porte à coups d’épaule. Celle-ci céda et il entra – en tombant à moitié – dans la chambre. Et il se retrouva face à la bouche d’un pistolet. Il se figea et releva les yeux de l’orifice.

En pyjama et décoiffé, Provderine suait déjà et pointait son arme en tremblant sur son visage. Visiblement, il l’avait réveillé. Il n’avait pas cherché à être discret quand il avait défoncé la porte. Il voyait le gros doigt de sa proie glisser sur la gâchette et vu comment il vibrait, il ne risquait pas grand chose. Dépouiller les gens et les faire exécuter par des gros bras étaient ses domaines. Pas tenir lui-même l’arme, face à face avec un tueur. 

Bersky esquissa un sourire amusé et se jeta sur le côté. Le coup de feu ne fit que brûler la moquette. L’assassin roula à quelques mètres avant de se relever. Il reprit en main son couteau. Il était inutile de salir son épée pour ce lourdaud. Rapide avait précisé la petite poupée blonde ? Rapide ça serait. En deux pas, il était sur Provderine. Ce dernier redirigea son pistolet sur lui, mais d’un coup de coude, Bersky la lui fit lâcher. La lame s’enfonça dans la poitrine grasse, transperça directement le cœur. Zakhar Provderine eut un dernier sursaut et il tomba de tout son poids – et ce n’était pas rien – en avant. Sans cérémonie, Bersky le lâcha et le laissa s’effondrer au sol.

Il se redressa avec un sourire satisfait. Voilà un bon boulot de fait. Il sortit un mouchoir et essuya soigneusement son couteau de chasse. Il rangea son petit matériel. Retour sur ses pas maintenant, il fallait qu’il voit ces tapis plus qu’intéressants. Mais il n’en aurait pas l’occasion. Il se figea en voyant une haute silhouette se détacher de l’ouverture de la porte. Son sourire s’effaça et il releva le menton. Chacun de ses membres étaient tendus, prêts à réagir.

« Commandant Heldegarde, cela faisait longtemps. »

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