Une sensation de légèreté l’envahissait, presque comme si elle avait été un spectre. Ne touchant pas le sol, la sensation que tout la traversait, qu’elle n’était fait que d’ombre et de lumière, elle ne sentait pas le vent, elle ne sentait pas l’atmosphère lourde autour d’elle. Elle errait entre des roches froides tel un fantôme dans un cimetière par une nuit noire.
Une femme apparue devant elle, la vingtaine, ses boucles blondes aux reflets roux volaient autour d’elle telle la crinière d’un cheval galopant en toute liberté. Son visage était blanc, teinté de peur, elle portait un simple manteau grisâtre très abîmé, on aurait pu dire qu’il avait été traîné dans la boue, déchiré par des pierres auxquels on se serait frottées…comme si cette femme avait rampé.
Ambre s’approcha d’elle et vit alors qu’elle tenait un enfant, un bel enfant, un petit ange en plein sommeil, il ne devait pas avoir plus de deux mois et semblait très faible, la peau plus blanche que celle de sa mère. Se devait être une petite fille, même s’il était dur de le deviner par sa bouille ronde et ses joues joufflues qu’avaient beaucoup d’enfant de son âge.
Ambre se rapprocha de ce curieux duo, ils lui inspiraient la frustration, l’inquiétude, la peur…mais par quoi pouvaient-ils bien être effrayés ainsi ?
A son approche la femme s’enfuie en courant, pourtant la jeune fille était sûre de ne pas avoir été vue.
Une course s’engagea alors, Ambre voulait l’observer, comprendre, cette femme l’intriguait. Son visage était crispé, comme si un furieux danger les guettait elle et son enfant.
Ils arrivèrent tous trois devant une grande bâtisse de pierres blanches, c’était une immense maison, inanimée à première vue, ses occupants devaient dormir à une heure aussi tardive de la nuit, mais à bien y regarder, sur la façade riche se trouvait une ouverture illuminée, un espoir, au troisième étage.
Un soupir de soulagement et la jeune femme se précipita vers l’entrée de cette bâtisse. Ambre la suivie jusque devant la grande porte, une immense embrasure fermée par deux portes de métal.
Le contraste fut alors saisissant, la fête se faisant entendre par la fameuse fenêtre, des rires, des cris, des chants joyeux, et le visage triste maintenant baigné de larmes de la jeune femme, ce doux visage de porcelaine humide prit Ambre au cœur, elle aurait voulu l’aider mais sentait bien qu’elle ne le pouvait pas.
Un froid intense survient alors, Ambre n’eut qu’à tourner la tête, ce n’était pas du froid, c’était une peur, un nuage très étrange, noir, s’approchait. La femme semblait alors désespérée, elle embrassa le front blanc de l’enfant et le déposa aux pieds de la porte, frappant à l’entrée elle fut ensuite emportée par l’ombre, cette ombre qui semblait venue pour elle.
Ambre savait au fond d’elle-même, et sans s’en étonner, que l’enfant allait être sauvé. Elle repensa à la jeune femme et sans que ça ne l’inquiète le décor changea autour d’elle. Elle se trouva alors dans une pièce sombre, aucun éclairage, pas même une fenêtre, était-ce vraiment une pièce ?
De manière soudaine, éberluant Ambre, une boule lumineuse apparue, un homme la tenait dans sa main droite, cette main…elle était telle celle d’un squelette ! D’une maigreur incomparable, blanche et grise à la fois, telle un ciel de tempête, on voyait chaque os, chaque partie même infime de l’ossature de cette main. Les yeux d’Ambre remontèrent le long du bras, elle ne le voyait pas ce bras, recouvert par une manche de couleur sombre, comme le reste du corps à vrai dire, caché par une longue cape et un habit noir. Le col de cette cape était remonté sur le visage de l’homme, oui c’était bien un homme, par la carrure il était simple de le deviner, Ambre ne put apercevoir son visage. A ses pieds, allongée, pleurant à chaudes larmes, la jeune femme.
Il lui tournait autour, tel un vautour tournant autour de sa proie.
– Où les as-tu mis ?
Sa voix hargneuse résonna autour d’eux, se répercutant sur les murs, à ce son la femme semblait trembler d’avantage. Malgré cela elle leva sur lui des yeux braves.
– Petite garce !
Le coup qui suivit obligea la jeune innocente à s’effondrer au sol, du sang coulant de sa bouche.
– Je les retrouverais, et ni toi ni personne ne sera là pour m’en empêcher.
Il tendit alors sa main squelettique vers elle et, dans un fracas assourdissant, un éclair noir s’échappa de ses doigts, tous furent obligés de fermer les yeux sous la lumière aveuglante de cette foudre. Ambre vit d’abord la femme, allongée, baignant dans son sang, clairement morte, une longue entaille courant le long de son cou et la peau blafarde.
L’homme releva alors la tête, mais Ambre ne put voir qu’un sourire, son sourire, ce sourire, le plus horrible, un sourire diabolique.

Ambre se redressa brusquement, elle était toujours auprès de la rivière, allongée. Alors que ses yeux venaient tout juste de s’ouvrir, des pas résonnèrent près d’elle. Un groupe de cinq hommes apparu, Ambre se leva en vitesse mais ils l’entouraient déjà :
– Mais qu’avons-nous là ?
– Un pauvre petit ange qui s’est perdu.
– T’as vraiment pas de chance ma belle.
Ambre s’affola, elle était seule, face à cinq hommes adultes, tous ayant une certaine envie dans la tête et dans le regard, elle n’avait aucune chance…aucune possibilité de leur échapper.

Ce qu’ils lui firent subir était indescriptible. Une douleur si intense, si brûlante, tant d’horreurs et de souffrances que, en toute sa petite vie, Ambre n’aurait jamais penser ressentir cela un jour.
Alors qu’elle était allongée, l’un des hommes sur elle, ses yeux se fermèrent, mais elle ne s’endormait pas, non, elle ne le pouvait pas. Quelqu’un lui venait en aide, faisant en sorte qu’elle s’évanouisse pour ne pas ressentir la douleur.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux les hommes avaient disparus, la forêt également, elle se trouvait à présent dans une pièce délimitée par des draps d’or, seul un bassin meublait la salle, le sol était fait de dalles blanches et lisses, lustrées.
La jeune fille s’approcha du bassin, allant regarder son reflet. Un bruit survient et une main massive se posa sur son l’épaule. Elle se retourna donc et fit face à un homme, plutôt bel homme malgré son attitude plutôt glaciale et distante. De taille haute il était imposant dans toute sa hauteur, corpulent et quelque peu rondouillet ça lui donnait un aspect paternel, un homme qui conseillait mais n’agissait pas. Ses cheveux bruns clairsemés et volant tout autour de lui semblaient former une auréole derrière sa tête, faisant bien ressortir son visage carré et lisse. Sur ce même visage pâle des yeux d’un olive pur étaient percés, ressortant très peu, lui donnant un aspect assez plat, son nez était d’ailleurs camus, accentuant cette impression. Il avait un certain air enfantin tout de même avec ses joues gonflées et sa bouche fermée comme pour retenir des paroles qu’il n’aurait pas fallu prononcer. Il était bel homme. Habillé simplement, tunique jaune pâle serrée à la taille par une ceinture d’or, certainement juste de couleur.
– Bienvenu à vous, Meneuse des âmes perdues.
Mais où était-elle ? Ne se trouvait-elle pas dans une forêt avec des hommes quelques secondes plus tôt ?
– Vous êtes ?
– Je me nomme Delandël, esprit de la forêt pour vous servir très chère.
Il s’inclina gracieusement face à elle et d’un signe très insistant de la main, il l’invita à s’asseoir avec lui sur le rebord du bassin.
– Qu’est-ce que je fais ici ?
– Vous vous êtes évanouie, par ma faute je vous l’avoue, mais il me fallait vous parler.
– Alors je suis toujours dans cette forêt…avec ces hommes ?
– Oui.
– Bon…de quoi vouliez-vous me parler ?
– A votre ton je devine que vous ne pensez pas tout cela réel.
– Remonter le temps, devenir un ange, voir ses habits changer, vous pensez vraiment que c’est possible ? Mais après tout je parle à un rêve.
– Non, tout ceci est vrai, totalement vrai. Vous vous trouvez réellement dans cette forêt, en compagnie d’hommes, là certes nous sommes dans votre esprit mais nous nous parlons tout de même vraiment.
Ambre croisa ses bras sur sa poitrine, releva un sourcil, l’air de montrer qu’elle n’était pas convaincue.
– Admettons, pourquoi ai-je remonté le temps ?
– Vous ne l’avez pas fait, vous avez simplement changé de monde.
– Changé de monde carrément ? De mieux en mieux. Et donc ? La magie existe c’est bien cela ?
– Tout à fait.
– Excusez-moi d’avoir du mal à vous croire.
– C’est normal, mais vous vous y habituerez.
– Jusqu’à ce que je me réveille.
Il sourit comme d’amusement et l’observa de ses yeux émeraude.
– Vous êtes encore plus magnifique que ce que j’avais pu imaginer, plus belle que ce que les légendes décrivent, mais parfaitement conforme à votre caractère.
Ambre se sentit rougir, elle baissa les yeux. L’esprit sourit un peu plus, il finit par se saisir de son menton pour qu’elle le regarde.
– Vous faites partie de beaucoup de légendes belle dame, dont une qui parle particulièrement d’une beauté et d’une douceur divine. Elle raconte que n’importe quel homme peut tomber sous votre charme avec un simple regard. C’est un bel avantage que vous avez là.
Mais de quoi parlait-il ? Des légendes…Elle ? Faire partit d’une légende ? Impossible…
– Un fort caractère mais aussi une grande timidité.
– Je ne suis pas timide. Bon, vous avez parlés de plusieurs légendes…
– Exacte, il en est une dont je ne puis parler à qui le veut, à vous si bien évidemment.
– Pourquoi ?
– C’est compliqué, mais je peux tenter de vous la conter si vous le voulez.
– Je vous en prie allez-y.
– Il y a déjà dans cette prophétie, une partie appartenant au passé. Il y a de cela une centaine d’années, d’horribles événements sont survenus parmi les grandes familles des esprits. Plusieurs morts furent à déplorés. Ressortant de cette sombre époque, un être à part, à soif de puissance cherchait à dominer les mondes. Il ne pouvait y parvenir, sans la mort des plus puissants êtres de l’univers. Ces derniers, dirigeaient les autres esprits, il était donc logique qu’il veuille les tuer eux. Il y est parvenu pour certain. Mais, et là il existe deux légendes, l’un des esprits les plus puissant, peut-être le plus puissant de tous, aurait partagés ses pouvoirs avec une enfant d’un monde où le temps est ralentit par rapport aux autres, ou alors il aurait caché l’un des esprits les plus puissant, enfant, dans ce même monde. Cet enfant ignorerait ces origines magiques véritables. L’esprit ayant stoppés ses pouvoirs jusqu’à un certain âge. Lorsqu’ils s’éveilleront, l’enfant désormais grand, découvrira d’autres mondes. Alors il fera face à tous les défis qui lui ont été réservés. Dans la prophétie où cela se termine bien, cet être réussira à rétablir l’ordre parmi les esprits par la mort de celui qui est la cause de tous les malheurs, cependant, il n’est pas précisé si ce sauveur parviendra à le tuer sans lui-même mourir.
– Et dans celle où ça se termine mal ?
– Seul cet enfant mourrait.
– Je vois…et il n’y a rien d’autre ?
– Non malheureusement, il manque des éléments, personne ne la connait dans sa totalité.
Ambre le regarda fixement, essayant à la fois de comprendre le sens exact de ses mots, mais aussi de trouver une faille, quelque chose qui lui prouverait qu’elle était en plein rêve.
– Moi-même je ne la comprends pas et personne ne peut prévoir la fin.
– D’après ce que j’ai compris cet enfant serait l’être le plus puissant qui existe ?
– Exact.
– Alors c’est obligatoirement lui qui va gagner non ? S’il est le plus fort ?
– Sauf qu’il n’a pas été instruit magiquement, donc qu’il doit découvrir ses pouvoirs et par la ruse, le mal pourrait le vaincre.
– Il suffit de ne pas se laisser avoir.
– Je vois que vous êtes intelligente, cela vous sera très utile.
– Oui bien sûr ! Parce que cet enfant c’est moi…
– Oui, vous êtes celle qui peut sauver les esprits, qui peut sauver le peu de paix qu’il reste.
– Le peu de paix ?
– Vous êtes en ce moment dans le monde où le mal commence à gagner, à vous de l’en empêcher.
– Ces hommes qui sont avec moi…
– Ils sont dirigés par le mal, ils ne savent pas ce qu’ils font.
– Je vois…
– Bien, je dois vous laissez.
– Mais…euh…je fais quoi ?
Il se leva avec un sourire.
– Ils vous ont affaiblit et vous ne pourrez pas vous réveiller pour l’instant, mais quelqu’un va vous venir en aide.
– Qui ?
Il ne répondit pas et, dans un nuage gris, son corps s’évapora.
Ambre était ainsi seule au bord du bassin, elle finit par baisser les yeux et regarda l’eau paisible. Une image apparue alors, d’abord floue, puis de plus en plus nette. Ambre pus ainsi distinguer une très belle demeure, blanche, entourée d’un magnifique jardin, une allée fleurie menait à la porte, de chaque côté de ce chemin se dressaient des arbres aux feuillages clairs, le soleil était brillant et la végétation luxuriante. L’image se mit en mouvement. Mais la maison allait en se dégradant, les vitres se brisèrent, les murs devinrent ternes, les arbres s’assombrirent, les fleurs fanèrent, le jardin se perdit. La demeure était désormais vieillie, une maison abandonnée, sale, en ruine de son passé, comme oubliée.
Cette maison…c’était celle par laquelle elle était venue !

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