Après une nuit paisible dans un lit qu’elle aurait cru moins confortable, elle avait pris un rapide petit-déjeuner puis elle reprit la route vers Rose Citadel. L’aubergiste avait tenu absolument à ce qu’elle prenne un de leurs chevaux. Elle avait d’abord refusé poliment puis devant l’obstination du vieil homme avait choisi une jument à la robe blanche magnifique qu’elle baptisa « Blanche ». À cheval, la cité n’était plus qu’à une heure de trajet, en espérant que la météo ne redevienne pas trop mauvaise. Le soleil commençait à se lever et les dernières traces du déluge de la veille se résumaient désormais à des flaques d’eau éparses et quelques branches tombées sur le bas-côté du chemin. Sur la route, elle fut surprise de ne pas apercevoir l’étrange élève qui avait essayé de lui dérober sa chambre la veille. Est-ce qu’il était parti plus tôt? Est-ce que tous les élèves étaient aussi désagréables? Elle espérait que non mais ce premier aperçu ne lui disait rien de bon. Étudier dans cette académie n’allait pas être de tout repos.
La cité de Rose Citadel portait son nom par les nombreux champs de roses sauvages qui étaient de part et d’autre de chaque côté de la route. L’odeur était agréable, douce, l’atmosphère rassurante et les bâtiments qui se dessinaient au loin ne faisaient qu’accentuer son enthousiasme. Le cœur battant, elle observait, émerveillée, l’environnement qui changeait de sa petite ville portuaire. La ville était célèbre pour ses produits dérivés de la rose : parfums, alcool, bonbons… Tout était prétexte à faire du commerce et c’était en parti ce qui faisait la force de la cité. Alice fut étonnée par les couleurs dominantes : le rose et le rouge rappelant les couleurs dont étaient les champs de roses. Le tout était marié avec de la pierre gris clair ce qui donnait un aspect plutôt féminin et agréable à regarder.
L’Académie de Magie était située en plein milieu de la ville, entourée par des quartiers résidentiels et des commerces. Elle apportait un sentiment de sécurité et de bien-être pour ses habitants. Alice avait encore un peu de temps devant elle avant la cérémonie où aurait lieu l’annonce officielle des nouveaux élèves. Elle avait laissé sa jument aux écuries et était entrée timidement dans le bâtiment principal où se trouvaient l’administration et certaines salles de cours. Elle s’avança jusqu’au bureau d’accueil où une jeune femme d’une vingtaine d’années arrosait plusieurs plantes.

— Très jolies roses, s’exclama Alice en posant son sac à dos à terre.
— Merci, je ne suis pas très douée pour garder les plantes en vie. C’est un vrai miracle avec ces deux-là ! Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? demanda-t-elle le sourire aux lèvres.
— Je suis une nouvelle élève. Est-ce qu’il y a moyen d’avoir la clé du dortoir avant la cérémonie ?
— Tout à fait ! Je ne vais pas te faire attendre deux heures en restant assise ici. Tu risquerais de trouver le temps long.

Après une courte présentation, Alice reçut la clé de sa chambre, qu’elle trouva dans le bâtiment adjacent. Dans l’Académie, les dortoirs étaient séparés, dans l’Aile Est se trouvaient ceux des filles tandis que dans l’Aile Ouest ceux des garçons.
Le dortoir était finement décoré avec des meubles en bois blanc et des roses éparpillées un peu partout. Elle trouva à l’entrée, un tableau dominait sur le mur sur lequel se trouvaient les répartitions des chambres et les noms des élèves. Elle repéra rapidement le sien et essaya de s’orienter correctement. Elle trouva facilement sa chambre. À côté de la porte, accroché à hauteur des yeux, se trouvait une petite plaque dorée avec trois prénoms : « Alice, Tamara et Erin ».
Lorsqu’elle ouvrit la porte, son visage s’illumina. Le salon était vaste et éclairé par trois grandes fenêtres, où de fins rideaux blancs flottaient au gré du vent qui s’engouffrait. Trois canapés et une table basse trônaient au milieu et une plante verte prenait un bain de soleil à quelques mètres de là. Alice partageait sa chambre avec Tamara.

— Tu dois être Alice? demanda une voix derrière elle.

Alice se retourna et dévisagea la jeune fille qui se tenait devant elle. Elle devait mesurer sa taille environ: un mètre cinquante-cinq. De longs cheveux roux bouclés retombés dans son dos. Elle portait déjà l’uniforme de l’Académie qui mettait en valeur ses yeux noisette.

— C’est exact, tu es Tamara?
— C’est bien ça! D’après l’administration, on va partager pas mal de temps ensemble alors j’espère que l’on s’entendra bien! J’ai pris le lit de gauche, j’espère que ça ne te dérange pas.
— Pas le moins du monde!

Elles entrèrent dans leur chambre et Alice se dirigea vers sa partie de la chambre. Elle était simplement composée d’un lit, d’une table de chevet, d’une commode et d’un petit bureau. Comme le reste du bâtiment, le mobilier était en bois blanc.

***

La cérémonie se déroulait à l’extérieur, dans les jardins. De grandes tables avaient été dressées, un peu en retrait où de la nourriture et diverses boissons colorées avait été entreposées. Vers l’avant, une scène en bois avait été installée et une dizaine de rangées de chaises s’apprêtait à accueillir les futurs élèves.
Ils avaient été répartis dans plusieurs groupes qui attendaient d’être dirigés vers leurs sièges respectifs. Debout, derrière une jeune fille aux cheveux longs et bouclés, Alice attendait, à la fois ravie et angoissée. Un peu plus loin, un homme d’une corpulence assez forte vérifiait l’identité de chaque personne à l’aide de la convocation et que personne n’ait utilisé une incantation pour usurper le physique d’une autre.
Tamara se glissa jusqu’à elle et lui donna un coup dans l’épaule.

— Ne t’en fais pas tout va bien se passer. La cérémonie n’est pas très compliquée.
— Je m’inquiète plus pour les agents de sécurité qui sont postés un peu partout, dit-elle, en lui indiquant du menton trois soldats en armure, lances à la main.

En entendant leur conversation, la blonde se retourna et pouffa de rire.

— Ils sont là pour assurer le bon déroulement de la cérémonie, rien de plus. Pourquoi certaines personnes doivent voir le mal absolument partout ? dit-elle en rabattant une mèche de cheveux derrière son oreille.
— Peut-être parce que nous sommes en guerre ? répondit Tamara sèchement.
— Balivernes ! L’armée est en train de les repousser.

Alice sortit de sa poche le papier que le jeune garçon lui avait donné hier dans la journée lorsqu’elle faisait une pause à Longdale.
— Ce n’est pas ce que j’appelle les repousser. Ils sont en train de se faire massacrer, répliqua Alice. Si Oscana tombe, nous serons les prochains d’ici quelques mois.

La jeune fille se retourna à nouveau et présenta sa convocation à l’homme qui écoutait discrètement leur conversation. Lorsque ce fut le tour d’Alice, il lui sourit.

— Les jeunes devraient s’intéresser davantage à ce qui se passe dans leur pays, ça fait plaisir de voir que certaines se sentent concernées, dit-il en adressant un clin d’œil. Mais ne vous en faites pas, l’armée trouvera un moyen de les arrêter.

Il regarde la convocation d’Alice et fit une moue surprise.

— Alice Sterling ? Un quelconque rapport avec Leo Sterling ? demanda-t-il perplexe.
— Oui, c’était mon père.

Il lui redonna le papier, l’air troublé et lui indiqua sa place au deuxième rang, suivie par Tamara. Comment connaissait-il le nom de son père ? Elle n’eut pas le temps de creuser plus sur la question. Rapidement, les professeurs et la principale de l’Académie arrivèrent et la cérémonie débuta. Elle était composée de discours de bienvenue, de mise en garde sur certaines classes, comme la classe de potions et les accidents pouvant arriver si les ingrédients étaient mélangés de façon incorrecte… puis vinrent les mises en garde contre les Assassins du nord et le Prince Maudit, jetant quelque peu un froid parmi les élèves. Une fois le discours terminé, tous prêtèrent allégeance à l’Académie et à leur région:

« Je promets de servir sa Majesté le Roi,
De protéger Odora et de défendre ses habitants,
D’utiliser la Magie à des fins raisonnables »

Alice n’aimait pas cette ambiance, ni cette façon de procéder. Elle ne faisait pas partit de l’Armée, et pourtant ce serment semblait indiquer tout le contraire. Elle savait que ce n’était plus qu’une question de temps avant que les meilleurs éléments de l’Académie soient recrutés de force dans les rangs de l’Armée Impériale.

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