Aujourd’hui

Quelques secondes à la saveur d’éternité s’écoulèrent sans que nous n’entendîmes plus rien. Avec précaution, je m’approchai de l’unique fenêtre barricadée de l’abri de chantier, qui me baignait d’une lueur éthérée, pour jeter un coup d’œil à l’extérieur. Je me redressai avec une lenteur douloureuse pour mon corps tout entier courbaturé, et tins ma position, à demie-accroupie.

D’abord, je ne vis rien. Mais, en un instant, dans une projection de poussière, un infecté se matérialisa sous mes yeux en dérapant jusqu’à se stopper, à une dizaine de mètres de notre cachette. Terrorisée, je m’écroulai en arrière. Je parvins à me rattraper de justesse, en atterrissant sur les mains, me permettant ainsi de faire un minimum de bruit. Un souffle collectif de suspend nous échappa et je sentis tous les muscles de mon corps se rigidifier. Je fermai les yeux, priant une divinité en laquelle je ne croyais pas, de ne pas nous abandonner maintenant. Nous ne savions que trop bien combien l’ouïe des créatures était sensible. Et c’était une chance, vraiment, qu’elles semblaient avoir été rendues plus ou moins aveugles par le virus et que leur odorat ne se soit pas sur-développé, vu l’odeur repoussante que nous dégagions, après des jours passés sans avoir eu l’occasion de nous baigner correctement.

Les petits miracles.

Quand, au terme d’une minute entière, rien ne se produisit, nous nous permîmes d’exhaler et je m’abaissai doucement vers le sol, jusqu’à pouvoir m’asseoir. Je jetai immédiatement un regard circulaire sur mes comparses. Ils me le rendirent avec un soulagement crû et, du côté de Roger, agrémenté d’un accent accusatoire. Je rétractai vers moi mes membres inférieurs, que j’entourai de mes bras, essayant de prendre le moins de place possible dans l’espace limité dont nous disposions, afin de ne pas gêner les autres. Pour me distraire de la menace mortelle qui rôdait dehors, je laissai courir mon regard sur mon environnement.

Les murs de la petite structure en tôle étaient tapissés d’outillage et, sur ma droite, repoussé contre la paroi, il y avait un bureau en métal sur lequel étaient -vraisemblablement- disposés des plans. Une lampe au design industriel se trouvait-là, elle aussi. Je ne songeai pas un seul instant à l’allumer. A l’extérieur, nous entendîmes bientôt un concert de croassements débuter, signe que l’infecté avait été rejoint par certains de ses semblables. Je ne tentai pas le sort une seconde fois pour pouvoir les compter.

Nous attendîmes.

Et attendîmes.

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