Radwan vint chercher Aram pour le repas du soir. Les deux hommes s’installèrent à table où se trouvaient deux bols de soupes. Aram mangea un peu de pain qu’il trempa dans sa soupe et finit son repas en quelques minutes puis se posa contre le dossier de la chaise.

– Comment se passe l’appel ? Demanda-t-il.
– Ce n’est pas très compliqué mais c’est très important donc les rôdeurs font une cérémonie pour l’appel. Quand nous aurons fini le repas, nous irons dans le jardin où j’ai tout préparé. Tu es pudique ?
– Un peu, répondit le jeune homme en rougissant. Pourquoi ?
– Car pour communier avec les êtres vivants, il faut être très proche de la nature pour cela être nu est fortement recommandé. De plus, je vais dessiner des symboles sur ton corps pour te permettre d’entrer en transe avec la nature car je ne peux pas t’apprendre à le faire en moins d’une heure. Ses peintures t’aideront à ne pas te perdre.
– Me perdre ?
– Tu comprendras le moment venu, je ne veux pas te gâcher l’expérience.

Les deux hommes finirent le repas en silence. Aram avait hâte de découvrir ce qui l’attendait mais un sourde appréhension le tenaillait. Il joua avec un morceau de pain pendant que son oncle terminait sa soupe puis ce dernier se leva et débarrassa la table. Quand la table fut vide, il invita Aram à le suivre. Ils passèrent dans le couloir de la maison et sortirent par une porte qui les mena dans le jardin. Sur l’herbes fraîche se trouvait deux cercles de bougie dont la lumière brillait dans la nuit noire. À côté de l’un d’eux se trouvaient deux bols. Radwan se dévêtit sans gène et se plaça nu dans le cercles prêt des bols. Aram se déshabilla en essayant de cacher son intimité puis vint s’agenouiller dans le second cercle. Les ronds étaient très proches et Radwan pouvait toucher Aram. Le rôdeur trempa l’un de ses doigts dans un bol et le ressortit rougit par la peinture qu’il contenait. Il posa ses doigts sur le torse du jeune homme qui frissonna. Radwan dessina des motifs sur son torse et son visage puis changea de bols et lui en dessina d’autres d’une couleur verte. Quand il eut terminé, il s’essuya les mains sur l’herbe et regarda le jeune homme dans les yeux.

– Je ne pourrais pas t’accompagner dans ton voyage mais je viendrais te rechercher si tu te perds. Tu auras trois phrases à retenir. Une pour entrer, une pour l’appel et une pour sortir. Ce n’est pas très compliqué mais une fois en transe tu ne voudras peut-être plus en sortir.

Aram acquiesça.

– Très bien, la phrase d’entrée est Aura lassi mi entras, Une fois à l’intérieur tu prononceras Ama Surus vini ar mi pour l’appel. Et enfin la sorti est un dérive de la première phrase, Aura lassi mi sortas. Répète les trois phrases avant que l’on commence.

Aram s’exécuta plusieurs fois avant que son oncle soit satisfait. Ensuite, Aram du fermer les yeux et faire le vide en lui. Ce ne fut pas simple car la peur l’envahissait petit à petit. Il finit par mettre toutes ses pensées de côtés et le calme prit le dessus. Radwan se mit à chanter dans une langue totalement inconnu au jeune homme. Mais soudain il se mit à comprendre les paroles du rôdeur comme si c’était sa langue maternelle. Radwan chantait les louanges de la nature. Sa voix était magnifique et Aram fut parcouru de picotements. Sans qu’il ne sache pourquoi, il prononça la phrase d’entrée. Son esprit fut aussitôt aspiré dans un monde totalement différent. Il ne voyait plus son oncle mais des centaines de couleurs différentes qui dansait au rythme de la chanson. Aram se sentit aussitôt dans son élément. Il se déplaça autour des rayons de couleurs. Il était comme dans un rêve que l’on ne veut pas quitter. Il était toujours nu mais cela ne le dérangeait pas. Il marcha en effleurant de ses doigts les lumières. Pour rien au monde, il ne voulait partir d’ici. Il regarda ses mains qui se mirent à briller d’une lumière blanche si pur que le jeune homme ne pouvait pas en détourner les yeux. Mais alors qu’il se laissait emporter par le chant et les centaines de lumières dansantes, la lumière de ses mains disparut et il se souvint de ce qu’il faisait là.

– Ama Surus vini ar mi, prononça-t-il.

Ses paroles se répercutèrent entre les rayons et s’éloigna de lui. Sa voix mit plusieurs secondes à disparaître et il resta là à regarder le spectacle se déroulant devant lui. À certain moment, les lumières fusionnaient entre elle puis se séparaient en donnant naissance à une nouvelle lumière. Certaines se déplaçaient très rapidement pendant que d’autres ne bougeaient absolument pas. Il resta plusieurs minutes à les contempler puis prononça les paroles de retour à contre cœur qui le ramenèrent dans son corps. Il ouvrit les yeux et trouva son oncle au même endroit avec un sourire sur les lèvres. Il se leva et enfila ses vêtements. Aram fit de même mais la sensation des vêtements le gêna, il se gratta et faillit retirer ses vêtements.

– Tu t’y habituera ! À chaque fois que tu entreras en transe, tu n’auras plus envie de te couvrir car ce n’est pas naturel pour ton corps. Un homme est un animal et un animal vit avec sa peau et sa fourrure rien de plus. Comment as-tu trouvé le plan des Auras ?
– C’était magnifique, s’exclama le jeune homme. J’ai faillit me mêler à eux tellement ils étaient en communion mais quelque chose m’a fait revenir à moi.
– Remercie les peintures, c’est à cela qu’elle servait. Ce que tu a vu là-haut te montrait la vie qu’il y a en chacun. Les arbres, les animaux, les hommes et tout ce qui est vivant. Le plan des Auras peut être très utile pour régénérer tes forces et te soigner. Je t’apprendrais à y entrer et à te défendre contre l’envie d’y rester. Si tu entre dans le plan, personne ne pourra attaquer ton esprit et quand ton corps sera mort, ton esprit ira communier avec les êtres vivants.
– Il faudra combien de temps pour que mon compagnon arrive ? Demanda le jeune homme avec impatience.
– Combien de temps ta voix a-t-elle résonné ?
– Quelques secondes.
– Alors tu connaîtra ton âme-sœur animal demain.
– J’ai hâte.

Radwan sourit et rentra chez lui suivit de son neveu. Ils burent une grande tasse de thé et s’installèrent dans le bureau. Aram choisit un fauteuil moelleux et se blottit dessus. Radwan s’installa dans un fauteuil face à lui et sirota tranquillement son thé.

– Demain matin, je serais parti quand tu te lèveras.

Aram sursauta.

– Tu vas où ? Demanda le jeune homme. Nous n’avons même pas commencer l’apprentissage.
– J’ai une mission à accomplir et je ne peux pas attendre que l’hiver soit trop avancé. Je serais de retour dans une semaine. Pendant ce temps, tu auras beaucoup de choses à faire. Tu t’entraîneras à l’arc derrière la maison et surtout tu apprendras le langage sacré des rôdeurs. J’ai des dizaines de livres qui te permettront d’apprendre du vocabulaire. Quand je reviendrais, je testerais tes compétences et nous commencerons les leçons ensemble.
– Comme tu voudras, répondit le jeune homme résigné.

L’oncle et le neveux se séparèrent très tard après avoir longuement discuté. Aram s’endormit aussitôt que sa tête se posa sur l’oreiller et quand il se réveilla le lendemain, le soleil était déjà haut dans le ciel. Il s’habilla et se rendit dans la cuisine pour se faire chauffer du thé et manger un peu de pain beurrer. Une fois son estomac satisfait, il se rendit dans le jardin avec son arc et son carquois. Une cible se trouvait devant un arbre à une vingtaines de mettre du jardin. La vue était bien dégagé et le jeune homme n’eut aucun mal à toucher le centre de la cible. Au bout d’une dizaine de flèches, il recula la cible et recommença à s’entraîner. Alors qu’il allait récupérer ses flèches,Il sentit une présence derrière lui. Il se retourna vivement et se retrouva nez à nez avec une magnifique panthère noire. Les deux yeux jaunes de la bête le fixaient sans ciller. Le jeune homme ne bougea pas et fixa l’animal pour deviner son prochain geste. Aussitôt ses pensées se mêlèrent à celles de l’animal.

– Bonjour Tara, dit Aram sans savoir d’où lui venait le nom de l’écureuil.
– Bonjour Aram, répondit l’animal. Je suis heureuse d’enfin te rencontrer, j’ai entendu ton appel et depuis je ne me suis pas arrêtée avant d’être ici. Je n’ai même pas pris le temps de chasser.
– Nous avons de la viande cru dans le cellier. Répondit le jeune homme sans s’inquiéter de parler à une panthère.
– Avec plaisir !
– Si je parle à voix haute, me comprends tu ? Demanda Aram.
– Essaye
– Viens, allons te trouver de la viande.
– Je te comprends très bien, je crois que quand nos esprits ont fusionné, nous avons appris la langue de chacun. Je te suis pour la viande.

Aram se tourna vers la maison et Tara le suivit de près. Les deux âmes-sœurs entrèrent dans la maison et trouvèrent de la viande. La panthère avala la viande en la mâchant à peine pendant qu’Aram se servit une tasse de thé tiède.

– Tu étais où quand tu as reçu mon appel ?
Dans la direction où le soleil se lève, répondit la panthère entre deux bouchées. J’aimerais me reposer maintenant que je t’ai trouvé.
– Allons dans la jardin, tu pourras dormir pendant que je continuerais mon entraînement.

Aram et Tara retournèrent à l’air libre. La panthère s’installa près de son compagnon et posa sa tête sur ses pattes. Aram resta quelques secondes à la regarder puis repris à son entraînement à l’arc. Il trouva incroyable de sentir la présence de l’animal au fond de lui. Il savait ce qu’il faisait et ce qu’il pensait. Après son entraînement, il mangea un morceau et s’installa confortablement dans la bibliothèque pour apprendre la langue sacrée. Il prit tous les livres que lui avait conseillé son oncle. Pour la plupart c’était des dictionnaires mais certain parlé de l’histoire de la langue. Il commença par lire ceux là. Il lut jusqu’à ce qu’il sente le réveil de Tara. Il referma le livre et se leva pour aller ouvrir la porte à la panthère noire qui entra pour s’installer à côté du fauteuil du jeune homme.

– Ta lecture se passe bien ?
– Oui, mais c’est un peu long. Je dois apprendre la langue des rôdeurs mais je ne sais pas par où commencer donc pour l’instant je lis l’histoire de cette langue.
– Ça n’a pas l’air très passionnant. Je vais continuer ma sieste ici.

Le jeune homme acquiesça et rouvrit son livre pour reprendre sa lecture.

Quelques jours plus tard, alors que le jeune homme lisait un des dictionnaires en essayant de retenir les mots, Tara vint poser sa tête sur le livre ; Aram la caressa et elle ronronna de plaisir.

– Je ne comprends pas que tu essayes d’apprendre une langue que tu connais déjà.
– Je ne la connais pas.
– Pourtant quand tu parles avec moi directement dans ma tête, c’est la langue que tu utilises.
– Je m’en rendrais compte si j’utilisais une autre langue que la mienne.
– Et pourtant quand tu prononces les mots à voix haute, je reconnais la langue que j’utilise.

Aram sentit la panthère percer son esprit et s’immiscer dans ses souvenirs. Elle fit revenir à lui les différentes discussions qu’il avait eu et Aram se rendit compte que Tara avait raison. Il avait toujours utilisé cette langue mais il ne s’en était pas rendu compte.

– Comment se fait-il que je ne m’en sois pas rendu compte plus tôt ? S’exclama Aram.
– Je ne sais pas, tu demanderas à ton oncle.
– Que dois-tu me demander ?

Aram sursauta en entendant la voix de son oncle.

– Je ne t’attendais pas avant demain, s’exclama Aram.
– J’en ai eu pour moins de temps que prévu. Je vois que ton compagnon t’a trouvé. Une panthère ? Il est vrai qu’elles te ressemblent beaucoup, solitaires, rapides et puissantes. Vos auras sont identiques.
– C’est vraiment incroyable, j’ai l’impression qu’elle a toujours été avec moi. En un regard, je connaissais toute sa vie et inversement.
– C’est normal. Vos esprit ne font plus qu’un.
– Et pour la langue sacrée, tu as une explication ? Demanda Aram un peu énervé.

Radwan sourit et vint s’asseoir en face du jeune homme.

– La langue sacrée des rôdeurs est la même utilisé par les animaux pour nous parler et communiquer entre eux. C’est une langue que tous les rôdeurs connaissent dès leur naissance. Quand on l’utilise avec son compagnon, on ne se rend pas compte qu’on l’utilise car les deux esprits sont mélangés. Ton cerveau traduit automatiquement. C’est très frustrant mais je n’ai jamais compris comment cela fonctionnait mais c’est ainsi. Maintenant que tu t’en ai rendu compte, tu pourras la parler et t’en servir. Et au niveau de ton entraînement à l’arc ?
– Je m’entraîne tous les matins depuis que tu es parti.

Les deux hommes passèrent le restant de la journée à discuter de la semaine et de la magie des rôdeurs. Dès le lendemain, ils commenceraient l’apprentissage d’Aram et ceux jusqu’à ce qu’il soit devenu un vrai rôdeur.

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