Alex toussote et prend la parole.
— Je crois que ton esprit cherche à rationaliser la situation de maladie dans laquelle tu te trouves. Il la traduit en quêtes, en aventures et en obstacles à traverser pour te réveiller. Sûrement en lien avec tes goûts profonds et ton passé.
— Tu crois qu’il y en a encore beaucoup ?
— Je ne sais pas, avoue Alex. Mais il y a autre chose. On a pensé tout de suite que Matt, Jen et moi étions une partie de ton rêve. Je crois que c’est pas si simple en fait.
— Qu’est-ce que tu veux dire, vous inquiétez-vous.
— Quand tu as dit que tu t’appelais Joël, ça m’a rappelé quelque chose à moi aussi. Comme si je me souvenais. On a tous grandi depuis le rêve précédent. On avance, d’une certaine manière, et on progresse en même temps que toi.
— C’est compliqué ton truc, grogne Matt.
— Bon, simplifions, concède Alex. Prenons l’exemple de la poitrine de Jen.
— J’aime quand tu me parles comme ça, approuve Matt.
— Les mecs, y en a qui vont ramasser leurs dents dans pas longtemps, menace la principale intéressée.

Vous tentez d’apaiser l’adolescente et de lui expliquer à quel point vous avez besoin de comprendre ce qui vous arrive. Elle accepte avec réticence de laisser la discussion se poursuivre, mais son regard noir vous fait comprendre que vous ne perdez rien pour attendre.

Alex s’éclaircit la voix et reprend.
— Est-ce que la poitrine opulente de Jen est un choix de Joël ou est-ce que c’est notre amie qui avait envie de grandir et de devenir ainsi ?
— La poule ou l’œuf, en fait, médite Matt.
— Mais pas du tout ! se désespère Alex.
— D’ailleurs, on peut aller plus loin. Est-ce que c’est Joël ou Joëlle, ton nom ? vous demande Matt.

La fulgurance de cette question pertinente au milieu des réflexions étranges du beau gosse du groupe vous laisse pantois. Un des rares souvenirs qui surnage dans votre esprit confus est celui de cette femme qui vient vous voir chaque jour, et vous témoigne un amour indéfectible. Vous en avez conclu que vous êtes un homme, mais est-ce si simple ?

Jen soupire avec emphase, vous distrayant de vos doutes. Elle a plaqué son haut contre sa poitrine, moulant des formes plus que généreuses qui captent très efficacement votre attention.
— Vous voyez ça ? demande-t-elle.
— Oh que oui ! confirme Matt.
— C’est un corps de mec.
— Ouais, je trouve pas, moi…
— Crétin ! C’est un fantasme de mec. Aucune nana n’a des boobs pareils en étant mince partout ailleurs. Joël est un gars, je te le garantis ! Et moi je vais avoir tellement mal au dos avec ces conneries…

Vous ne savez plus si vous devez vous excuser ou admirer votre « œuvre ». Alex vient charitablement à votre secours.
— Nous sommes donc en partie issus de l’esprit de Joël, mais en partie plus que ça.

Ses réflexions sont interrompues par le tintement d’une cloche et une marée d’élèves qui vous emportent vers les salles de classe.

Rendez-vous au 104.

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