Vince sortit de l’Agence Protectorale en s’étirant. En voyant Jaelyn et Janaya qui l’attendaient, il laissa son mouvement en suspens un sourire narquois aux lèvres. Le collègue d’Emi, Peter, qu’il avait dû protéger durant sa mission, éclata de rire.

— Tu devrais être flatté d’avoir en permanence deux si jolies demoiselles qui s’inquiètent pour toi !

— Mouais. Je suis pas sûr que ta femme approuve ce genre de commentaire.

L’homme se passa la main dans les cheveux :

— J’ai quand même le droit de souligner quand des femmes sont belles ! se justifia-t-il. Bon, je vais rentrer, j’aimerais récupérer la petite à la sortie de l’école !

— Bonne fin de journée !

— À la prochaine ! Et merci encore pour la mission, ta présence était rassurante.

— C’est mon boulot, se contenta d’éluder Vince.

Peter lui adressa un signe de tête avant de s’éloigner. Vince ne resta seul que quelques secondes, Jaelyn et Janaya le rejoignant.

— On se demandait si tu allais être de retour à temps pour notre soirée cinéma, s’exclama cette dernière.

— Il y avait de la marge, je te signale que le film commence dans deux heures ! Vous attendez ici depuis longtemps ? s’alarma-t-il.

— Non, on a regardé le tableau des retours de mission, votre hélico y était annoncé. Puisque tu es déjà là, on va prendre un verre ? Tu enchaînes les missions en ce moment et on te voit beaucoup moins. Tu vas me manquer si ça continue, conclut-elle sur un ton bourru.

Janaya semblait sincèrement peinée par cette situation et en même temps, Vince sentait qu’elle avait quelque chose derrière la tête. Jaelyn tempéra les propos de sa sœur, un petit sourire aux lèvres :

— C’est vrai que tu es souvent parti, mais quand tu es là, tu sembles plus serein et d’humeur plus légère. Ça fait plaisir de te voir plus…

Elle chercha quelques secondes le mot sans le trouver et Janaya vint à sa rescousse :

— Vivant ! C’est vrai que ça fait du bien de te voir comme ça !

Il baissa la tête pour cacher sa gêne devant tant d’enthousiasme. Même si effectivement, il se sentait mieux. Le jeune homme avait moins besoin d’aller sur la tombe d’Ileana. Les missions lui redonnaient un but qui rendait son quotidien plus acceptable et canalisait ses pensées. Certes, elles l’obligeaient à faire face à une réalité inquiétante, certains mages se radicalisant de plus en plus et prônant le grand déballage, mais se trouver au cœur de l’action sans avoir la sensation de la subir était une délivrance. Il avait enfin l’impression de retrouver le contrôle de sa vie. Et ne plus être obligé d’avoir à faire équipe avec un élémentaire, d’être forcé de synchroniser leur magie pas tout à fait compatible et en ressentir tous les désagréments pour n’obtenir que des résultats très mitigés était un vrai soulagement.

Janaya et Jaelyn n’insistèrent pas, prenant la direction du quartier où se rassemblaient bars, cafés et restaurants. Il leur emboîta le pas, se demandant avec curiosité ce qui l’attendait réellement. Une fois à leur niveau, il réengagea la conversation l’air de rien :

— On me propose un poste permanent à la cellule de surveillance.

Janaya s’arrêta nette, mais voyant que Vince ne l’avait pas imité, s’empressa de revenir près de lui :

— Sans déconner ? Toi et ton foutu caractère ?

— D’après ce que j’ai compris, ils préféreraient que mon foutu caractère reste en dehors de ça, répliqua-t-il avec bonne humeur.

— Quel genre de poste ? demanda Jaelyn, les mains derrière le dos.

— Pas d’enquêteur comme Emi, tu t’en doutes bien : je ne maîtrise pas assez l’art de la diplomatie pour ça ! Je serais agent de soutien. Un homme de terrain qui répare les pots cassés, que ce soit les nôtres, ceux des mages nouvellement réveillés ou des briseurs pour résumer.

— Ça paraît être la suite logique de tes dernières missions, non ?

— Ouais, je suppose que c’était l’idée dès le départ, mais ils voulaient être sûr de leur décision avant de l’évoquer avec moi.

Vince s’arrêta brusquement en fixant la foule avec colère :

— Qu’est-ce qui se prépare réellement Janaya ? demanda-t-il dans un grognement. N’essaye même pas de me faire croire que mon frère ou Ileana sont là par hasard.

Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais sentant qu’elle allait tourner autour du pot, il la coupa avant qu’elle ait pu dire quoi que ce soit :

— Je pensais que le face à face avec Ileana de la dernière fois t’avait suffi ! Le lien n’existe plus : fais-toi une raison !

Il savait que Janaya avait mis beaucoup d’espoir en les laissant en tête à tête. La jeune femme n’avait pas caché sa déception en comprenant qu’il ne s’était rien passé de particulier. Même des cris lui auraient sûrement plus convenu parce qu’elle aurait pu y voir quelque chose à analyser. À l’inverse, Aymeric se montrait plus calme depuis cette rencontre, comme si certaines de ses craintes s’étaient évanouies. Son frère lui faisait moins de reproches sous-entendus au quotidien et leurs échanges étaient bien moins tendus. Cela jouait d’ailleurs grandement sur l’amélioration de sa propre humeur.

— Elle a eu sa Maîtrise, répondit enfin Jaelyn.

Vince cligna des yeux comme s’il avait reçu un coup :

— Quoi ? Sa Maîtrise ? Déjà ? Mais elle a commencé ses entraînements…

— Il y a un mois et demi, susurra Janaya, le sourire de nouveau aux lèvres.

Amusé, Vince secoua la tête avec fatalisme :

— Et je suppose que vous avez tous oublié de lui préciser qu’il fallait théoriquement minimum 6 mois pour avoir le niveau de passer l’examen !

— C’est fort possible effectivement. Lorsqu’elle l’a vue s’exercer la première fois, Emi nous a dit que son niveau n’avait rien à voir avec celui d’une débutante. Certes, ça n’approche pas son ancienne maîtrise, mais ça reste impressionnant pour une fantôme terrifiée par son don.

— Et je suppose que vous êtes très contents de vous !

L’expression satisfaite de Janaya répondit pour elle. Vince poursuivit :

— J’espère pour toi qu’elle ne l’apprendra jamais ou bien dans très, très longtemps. Pour le peu que j’ai pu voir et entendre, elle a conservé une bonne part de son caractère. Je ne suis pas sûr qu’elle apprécie ce genre d’oubli !

La jeune femme eut l’air brusquement bien moins assurée et Vince s’en félicita. Innocemment, il la questionna à nouveau, essayant d’avoir une vision claire de ce qui l’attend :

— Et si tu crachais le morceau, à présent ? Qu’est-ce qui est vraiment prévu maintenant ?

— Tu sais quoi ? Tu fais chier ! T’as le don pour me faire me sentir mal !

— Tu l’as cherché, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même.

Vivement, Janaya se tourna vers sa sœur, la moue boudeuse :

— J’ai changé d’avis, je le préfére plus amorphe.

Bien évidemment, ce n’était qu’une boutade et Vince l’ignora. Il insista, craignant malgré tout une mauvaise surprise :

— Donc, on se retrouve juste pour fêter sa Maîtrise ? Rien de plus ?

— Exact, Monsieur Méfiance ! On boit un coup, peut-être un resto et ensuite ciné. Quand tu en auras marre, je compte sur toi pour trouver un moyen de nous le signaler !

— Je devrais trouver un moyen de capter votre attention ! Allons féliciter la demoiselle !

Elle tiqua sur la formulation, mais ne releva pas. Ils en avaient déjà parlé à de nombreuses reprises. Pour lui, l’Ileana sauvée des briseurs n’était plus celle qu’il connaissait et il avait beaucoup de mal à faire usage du prénom si chargé de souvenirs pour s’adresser à elle. Au départ, Janaya tentait de lui faire changer d’avis, mais plus cela allait moins c’était le cas. Le jeune homme supposait que l’idée avait également fait son chemin chez son amie, expliquant que le sujet soit moins abordé.

Ils se remirent en route, slalomant dans la foule dense en cette fin de journée. Jaelyn attira son attention, d’une main légère sur son biceps :

— Tu es sûr que ça ira ?

Il la dévisagea avec surprise : il était rare qu’elle fasse preuve d’une telle sollicitude avec quelqu’un d’autre que Janaya. Il plissa les yeux avec suspicion :

— Janaya a mal vécu notre dernière dispute ? Tu aimerais en éviter une nouvelle ?

Son sourire en coin était explicite :

— En partie ! Je n’aime pas lorsqu’elle devient si chaotique.

— Vous partiez en mission, je n’ai pas fait d’histoire, mais depuis le temps, vous devriez savoir que me mettre au pied du mur n’est pas l’idée du siècle.

— On te met au pied du mur aujourd’hui ?

— Non.

— Donc pas de problème en perspective ?

— A priori, non.

Elle sembla satisfaite et accéléra le pas pour rejoindre sa sœur qui se perdait déjà dans la foule. Vince soupira avant d’en faire de même. Il n’était pas pleinement convaincu par sa propre réponse. La savoir en vie, savoir qu’elle allait bien, lui suffisait. Devoir la rencontrer, lui parler lui faisait peur. Il redoutait de retrouver ses vieux démons. Mais d’un autre côté, vouloir l’éviter éternellement dans la colonie tournerait vite au ridicule. Surtout si Aymeric ne renonçait pas à l’idée de la réinstaller dans son ancienne chambre.

Il chassa ses pensées noires, accueilli par le sourire d’Emi, puis une vive accolade. Elle était aux anges :

— On est tous ensemble, lui murmura-t-elle à l’oreille.

Le jeune homme comprenait sa joie mais peinait à la partager. La sienne se teintait d’une envahissante nostalgie. Aymeric était plus exubérant que de coutume et riait aux éclats avec deux bons amis, Raphaël et Alan.

Lorsque lui-même appartenait au groupe d’intervention, il avait eu l’occasion de les croiser à plusieurs reprises et il appréciait le duo d’agents qui dégageait un calme rassurant. Raphaël était connu pour son humour décalé qui en déroutait plus d’un. Il avait généralement un petit rictus en coin et ce dernier ne lui faisait pas défaut. Au contraire, Alan était pétri d’un sérieux qui confinait à la rigidité parfois. D’un naturel nerveux, des tics agitaient souvent ses doigts et lui faisaient plisser ses yeux déjà bridés. Néanmoins, ce soir il semblait détendu et adressait un de ses rares sourires à Aymeric.

À la gauche de son frère se trouvait Ileana qui les observait s’approcher avec curiosité. Son regard s’attarda sur lui et il lui fit un petit signe en retour. Elle détourna vivement les yeux, préférant jouer avec sa paille. Cela l’amusa, même s’il se garda bien de le montrer. Au moment de s’installer, Janaya hésita à lui laisser la place près d’Ileana mais captant son regard, elle renonça.

Vince s’affala sur la chaise, pas mécontent de s’asseoir enfin. Janaya commanda pour lui et il se massa les épaules, les yeux fermés. Jaelyn lui donna un coup de coude et il se redressa en grommelant. Plus ou moins discrètement, elle pointa Ileana du menton. Cette dernière n’était pas dupe et essayait tant bien que mal de dissimuler un fou rire.

— Bravo pour ta Maîtrise !

Son amusement disparut et elle le dévisagea timidement. Vince tenta de lui sourire, mais ses commissures se levèrent difficilement : la voir si peu sûre d’elle lui faisait particulièrement mal au cœur. Il vida une partie du verre apporté par le serveur. Il n’aimait pas perdre le contrôle, mais le lâcher-prise engendré par la douce ébriété serait bienvenu et il comptait bien faire en sorte de sentir rapidement son esprit s’alléger.

La conversation se poursuivait sans qu’il y prenne part. Malgré son mutisme, Vince s’amusait de constater Emi et Janaya en aussi grande forme, animant bruyamment la table. De temps à autre, un éclat de rire plus audible lui échappait, ce qui redoublait la gaieté de la Colombienne, bien décidée à lui faire passer une bonne soirée.

— Au fait, félicitations ! lui dit soudain Emi.

Le groupe se calma d’un coup, suspendu à la réponse de Vince.

— Tu vas un peu vite en besogne ! Le poste m’a été simplement proposé, c’est tout !

— C’est déjà bien, se justifia-t-elle, l’air mutin.

Vince avait surtout l’impression qu’elle voulait en informer indirectement Aymeric et cela lui convenait parfaitement ainsi : il y avait peu de chance qu’il ait pris le temps de le faire.

— Un poste pour quoi ? demanda Alan.

— Pour la cellule de soutien ! Sur des missions de nivea d’après ce qu’ils m’ont dit.

— Un niveau de risque si élevé ? s’exclama Alan. Je sais que tu es bon sur le terrain, mais quand même tu es en solo…

— Je pense que les missions de niveau 4 seront rares et plus des cas de force majeure qu’autre chose.

L’américain hocha la tête, l’air songeur.

— Je ne comprends pas, glissa Ileana à Aymeric.

— Les missions ont leur risque évalué sur cinq niveaux. 3 à 4, sont considérés comme dangereux.

Ileana le fixa un instant et il eut le sentiment qu’elle avait quelque chose à demander. Néanmoins, elle ne le fit pas, fuyant de nouveau son regard. Janaya prit la parole sur un ton maussade :

— Tu vas être souvent parti.

Vince se contenta de hocher la tête. Il y avait effectivement de grandes chances qu’il passe beaucoup de temps à l’extérieur. Ce n’était pas vraiment nouveau et même la norme avant la disparition d’Ileana. En vérité, cette perspective lui plaisait tout particulièrement.

Désirant néanmoins changer de sujet en voyant le regard de Janaya s’assombrir dangereusement, il se recentra sur Ileana qui se faisait pour le moins discrète :

— Et toi ? Quel est le programme à présent que tu as ta Maîtrise ?

En captant l’œillade glaciale de son frère, Vince sut qu’il avait commis un faux pas. Il tenta de retenir un soupir, mais l’expression réprobatrice d’Aymeric lui fit douter de sa réussite. Prenant en compte cet avertissement muet, il mit sa paille dans la bouche en se promettant de se taire pour le reste de la soirée.

— Je ne sais pas, bredouilla Ileana, je crois que je n’y ai pas réfléchi…

Elle n’avait pas senti la tension qui s’était brusquement installée, plongée dans ses pensées. Aymeric passa un bras protecteur sur le dossier de la chaise de la jeune femme en prenant bien soin de ne pas provoquer de contact physique :

— Ne t’en fais pas, tu as tout le temps d’y songer !

— Je crois que j’aimerais quitter Roraima, aller ailleurs, poursuivit Ileana sans prêter la moindre attention à son voisin.

— Ailleurs ? s’étonna Emi. Où ça ?

— Je ne sais pas trop.

— Pour quitter la colonie, tu vas devoir avoir une meilleure maîtrise de ta magie, l’informa factuellement Jaelyn.

— Mais je viens d’avoir mon diplôme !

— Cela ne suffira pas ! Tu es trop fragile pour que Thomas accepte ce genre de projet pour le moment.

— J’ai fait ce qu’on m’a demandé !

— Et ça te donnera de la latitude ici, mais pour quitter le Tepuy, il en faudra plus. Dans la colonie, tout le monde ou presque est formé en cas de crise d’un mage. Dehors, c’est loin d’être le cas et ça peut rapidement tourner à la catastrophe. Avec ta puissance, ils ne prendront aucun risque et c’est normal, asséna de nouveau Jaelyn, plus sûre d’elle que jamais.

La jeune femme avait entièrement raison, mais Vince regretta qu’elle ne se montre pas plus douce dans ses explications. Néanmoins, la connaissant, cela aurait été surprenant ! Même s’il craignait le départ éventuel d’Ileana, préférant nettement la savoir sous la garde de Janaya et de son frère, il était heureux qu’elle commence à faire ses choix. L’idée qu’elle puisse s’éloigner et échapper à l’emprise de la Générale qui ne souhaitait qu’une chose, qu’elle retourne sur le terrain, le rassurait également.

Emi la dévisagea un moment comme si elle réalisait seulement que son projet était quelque chose de possible. Faisant contre mauvaise fortune, bon cœur, elle l’interrogea avec curiosité :

— Tu sais ce que tu aimerais faire ?

Si Ileana fronça les sourcils à la recherche d’une réponse, Janaya, Jaelyn et lui peinaient à cacher des sourires en coin. Finalement, l’hilarité de la plus extravertie des deux sœurs prit le dessus et elle s’esclaffa ouvertement. La jeune femme en prit ombrage, affichant une moue boudeuse. L’expression était si identique à celle qu’elle pouvait avoir avant sa disparition que le rictus de Vince s’effaça brutalement. Son souffle se coupa, profondément troublé par ce vestige de l’ancienne Ileana.

— Tu voudrais partager ce qui provoque une telle crise de fou rire ? demanda sèchement Aymeric.

— Bibliothécaire, répondit Janaya entre deux pouffements incontrôlés.

En entendant son affirmation, il leva les yeux au ciel. À sa droite, Ileana devint songeuse. Emi ne put retenir son amusement :

— C’est vrai que ça lui irait bien ! Je vois que les trois quarts de vos verres sont finis, je vais recommander : vous prenez la même chose ?

Tout le monde hocha la tête. Elle se dressa en fixant la table pour mémoriser les boissons. Raphaël l’imita :

— Je t’accompagne, ce sera plus simple pour rapporter la commande et ça évitera qu’on attende que le serveur revienne avec !

Le silence s’installa, seulement troublé par quelques messes basses entre Ileana et Aymeric. Son frère avait l’air particulièrement soucieux et Vince devinait qu’il essayait de la faire changer d’avis. Si Janaya tendait l’oreille pour capter quelque chose afin de s’inviter dans la conversation, Vince s’en détourna complètement.

Lorsque leurs regards se croisèrent, Alan lui adressa un sourire. Le jeune homme s’était de nouveau étoffé depuis la dernière fois qu’il l’avait vu. Ses larges épaules avaient quelque chose de surprenant chez quelqu’un possédant la morphologie longiligne si répandue dans les pays asiatiques. Vince engagea la discussion en faisant tourner les glaçons dans son verre vide :

— Ça va pour vous ?

— Le rythme s’est beaucoup intensifié depuis quelques mois, répondit-il.

— À ce point ?

— Ouais, on est plus suffisamment nombreux sur le terrain. Le ménage que la Générale a fait suite à la découverte des traîtres a été dévastateur. Ça a aussi mis le moral des troupes un peu à plat. Il faut qu’on trouve un nouveau souffle.

— Pour résumer, vous ne chômez pas !

— C’est le moins qu’on puisse dire !

Ce rythme effréné lui manquait un peu, mais il se satisfaisait de sa situation. Un bref coup d’œil à sa gauche lui indiqua que Janaya était arrivée à ses fins. Elle questionnait innocemment Ileana sur sa future carrière de bibliothécaire, pendant qu’Aymeric fulminait à côté.

Brusquement, Vince sentit les flux d’énergie dans la pierre se contracter sous ses pieds, comme si elle se crispait. Il se leva d’un bond, cherchant des yeux ce qui pouvait provoquer une telle chose. Il ne vit rien d’inhabituel. Une œillade à son frère aussi sensible que lui aux courants telluriques lui indiqua qu’il n’était pas le seul à avoir capté la variation. Il tournait sur lui-même et croisa le regard d’Emi qui sortait juste du bar, les bras chargés, cette dernière lui posa une question muette, mais il continua son inspection sans lui adresser plus d’attention. Janaya l’appelait pour tenter de comprendre ce qui se passait sans plus de succès.

Soudain, le sol trembla et tout le monde se mit à hurler. Informé par la lecture des courants magiques, il savait que l’origine du séisme était au nord. Les pierres du plafond commencèrent à se détacher et le niveau supérieur menaçait de s’écrouler. Les yeux écarquillés par la peur, il cria à l’attention de ceux autour de lui :

— Rapprochez-vous !

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