Le luxe ne s’invitait guère dans le logement étudiant dont elle bénéficiait mais les lieux suffisaient pour sa seule présence. Le bâtiment, coincé entre deux autres immeubles surplombait une épicerie et avait pour vue cette rue peu passante où seules les voitures cherchaient en vain une place quotidienne. Chanceux furent ceux qui purent prétendre à un logement directement sur le campus mais la jeune femme ne se plaignait pas puisque seulement trois stations de métro la séparaient de l’université. Son « chez elle » restait cependant sommaire, un couloir desservant une salle de bain exiguë où une pagaille monstre règnerait toujours en maîtresse tant que la brune l’occuperait. Les lieux se finissaient par une pièce centrale de forme carrée où un clic clac et une télévision occupaient la partie gauche tandis qu’un bureau et un coin cuisine sommaire occupaient le côté droit. Un balcon ravivait l’oxygène lorsqu’il était ouvert car les bruits de la rue nuisaient à l’équilibre de la belle. Liv n’avait jamais été coutumière du bruit, ne supportant les sons trop forts. Ancien traumatisme sur lequel sa mère n’est jamais revenue cependant.

Alors que la brune s’affairait, son téléphone vibra, annonçant l’impatience de sa camarade de la journée. Vêtue d’une simple robe noire sans manches, de collants propices au froid qui se lèverait dans la soirée et d’un perfecto marron, assorti à ses bottes, son regard lui renvoyait une image plutôt positive. Quelques touches de maquillage vinrent masquer sa fatigue accumulée et ses cheveux volaient libre, sur ses épaules. D’un naturel lisse, ils étaient rarement l’ami des élastiques et autres joyeusetés. Laissant derrière elle son chez elle, Liv rejoignit Samantha devant la boite de nuit qui leur servirait de repère pour la nuit. Dans le domaine des relations, Sam primait sur miss Hébras qui préfère un regard accusateur à un sourire enjôleur. Elle s’approcha du petit groupe déjà formé et laissa la chef de file faire les présentations : Mathias, son éternel ami d’enfance dont elle ne se passe pas, leur laisser-passer pour la soirée. Le classique fêtard qui connait tous les lieux et tout le monde. Eden, la plus petite de la bande aux yeux fuyants, une potentielle alliée de choix pour notre protagoniste et Thomas, son fiancé. La retardataire des cours du matin emprunta sans son consentement le bras de son binôme attitré et ils s’engouffrèrent dans l’allée piétonne menant aux videurs qui se tenaient, prêts à dégainer. L’entrée, bien que sommaire, était formée de deux portes battantes plantées au milieu d’une façade noire. Le tonitruant son parvenant aux oreilles du groupe finit de les mettre dans l’ambiance, ambiance qui laissa Liv de marbre, prise déjà d’une appréhension justifiable quant à son mal être vis-à-vis des bruits trop pertinents.

– C’est qu’ils ne font pas semblants les videurs ici, s’écria une Samantha médusée face à l’abondance de ces derniers. Cinq au bas mot arpentaient l’entrée et ne laissaient personne déroger à leur manège.

– Ils fabriquent quoi là ? Et c’est quoi ce machin bizarre ? renchérit-elle.

Thomas, le plus grand des quatre, tenta d’apporter des réponses qui vinrent, teintées d’un mystère entier.

– Je sais pas, ils collent un symbole sur certaines personnes et d’autres non et se fichent de la carte d’identité.

– Peut-être qu’ils préparent le terrain pour ensuite venir draguer ? hasarda Samantha.

L’attente lancinante ne fut bientôt qu’un souvenir puisqu’ils arrivèrent devant l’entrée et face aux molosses. Ceux-ci étaient vêtus tels des mercenaires, tout de cuir et leur regard n’avait rien de professionnel. Quelque chose gêna Liv dans leur attitude revêche, sans un mot, ils firent signe aux jeunes gens de tendre leur poignet. La chose sembla amuser l’effrontée Samantha qui, minaudant, apposa sa main sur l’épaule de celui qui lui faisait face. Un coup d’épaule sec balaya son audace et le videur passa un drôle de boitier, semblable à un téléphone mais de forme carrée, où seulement deux diodes clignotaient d’une couleur rouge. Il lâcha la fêtarde et lui céda le passage. S’ensuivit le même procédé pour les deux autres puis vint le tour de Liv. Franchissant la barrière des mots, elle demanda :

– C’est une sorte de tazer ? Si ma tronche te revient pas, tu m’envoies une décharge ?

Ses mots trahissaient une angoisse naissante, matérialisée par cette boule au creux de son estomac. Ses sens l’invitaient à reculer mais elle avait besoin d’oxygène, de vivre au rythme des autres et non de sombrer, seule dans un recoin. Tendant son bras, quelques crépitements animèrent son poignet comme des fourmillements qui viennent et disparaissent. L’homme échangea quelques brefs mots avec ses collègues et elle ne saisit que des brides, sonnée par la décharge.

– En…a une. Le décodeur est vert, réussit-elle à comprendre.

Paniquée, le videur lui adressa un sourire carnassier tout en apposant un tatouage sur son poignet juste avant qu’elle libère sa main.

– Ta tronche me plait ma belle, tu ne peux même pas imaginer, conclut-il en dévisageant Liv de ses yeux perçants.

L’intéressée se sauva dès que l’entrée fut libérée pour son passage et, pour la première depuis longtemps, s’ancra solidement contre Sam en lui empoignant le bras. Cette dernière observa l’autocollant collé sur le poignet de miss Hébras et susurra à son oreille :

– Il a bon goût, t’es canon dans cette robe !

– Ce serait dommage de pas en faire profiter la piste de danse, voulez-vous m’accorder cette chance ? ironisa Mathias.

Leurs pas hachurèrent le sol déjà strié de pieds mal avisés et la musique adoucit la paranoïa grimpante de Liv qui, plus docile que rebelle, s’accorda au rythme de la musique, fermant les yeux pour calmer les images qui la gagnaient. Elles s’insinuent, à chaque bruit lui rappelant quelque chose qu’elle ne parvient à nommer. Des paysages luxuriants et des éclats de métal tapissent son esprit lorsque l’implosion arrive. Voguant au milieu de ses cauchemars, les lumières moururent, le bruit s’intensifia et elle rouvrit ses yeux. Une main encerclait désormais sa taille tandis que l’autre bloquait sa respiration, apposée sur sa bouche.

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