La petite équipe insolite continua à avancer et elle finit par arriver aux abords d’une vaste étendue déserte. Le sol était dur et de la poussière se souleva sous leurs pieds alors qu’ils s’y engageaient. Jehim avait beau regarder aux alentours, il ne parvenait pas à trouver un seul brin d’herbe. En apercevant au loin les fumées et les rugissements des véhicules Grandes Gens, le jeune gobelin ne put réprimer un vague sentiment d’appréhension. Il savait que s’il voulait rentrer chez lui, il n’avait pas le choix, mais cela n’en restait pas moins effrayant.

— Il va pleuvoir.

Pirma avait prononcé cet avertissement de son ton badin habituel, et elle ne récolta qu’un haussement d’épaules de la part de Naltya. Cette dernière avait pris son parti de la présence de la fée, mais elle n’était pas pour autant prête à accorder du crédit à ses élucubrations incessantes.

Jehim leva le nez pour observer le ciel. Aucun nuage n’était visible à l’horizon. Le soleil brillait haut, la chaleur devenait assommante… Rien ne laissait présager un changement de temps.

— Continuons, décréta la souris. Si nous ne traînons pas, nous arriverons à la voie noire avant la tombée de la nuit.

— La pluie va nous ralentir.

Nouvelle tension, presque électrique.

— C’est vous qui allez apporter le mauvais temps ! prévint-il.

Après ces longues heures en leur compagnie, Jehim avait finalement dépassé sa peur des disputes et avait décidé que pour s’en sortir, il leur fallait s’entendre.

— Il ne va pas pleuvoir.

Naltya était formelle alors qu’elle reprenait la route d’un pas décidé. Pirma n’ajouta rien, excepté une petite exclamation méprisante exprimant tout à fait bien le fond de sa pensée. Le jeune explorateur leva une nouvelle fois les yeux au ciel. Il espérait que la fée se trompait. Tels qu’ils étaient, au milieu de ce terrain si sec, ils seraient dans de beaux draps.

Quelques heures s’écoulèrent sans qu’aucun ne parle. La température avait encore augmenté et ils n’entendaient plus que leur propre souffle saccadé alors qu’ils peinaient à avancer. Puis du temps passa encore et le soleil entama son déclin.

— Et voilà ! Nous serons bientôt arrivé !

La petite souris s’était exclamée en montrant de sa patte la voie noire qui s’étendait plus proche que jamais. De là où ils étaient, Jehim n’avait aucun mal à discerner la sinistre noirceur du goudron. Cependant, de nuit, les véhicules Grandes Gens seraient moins nombreux. Ils auraient peut-être leur chance.

— Ça y est, il va pleuvoir.

Pirma s’était arrêtée et observait en l’air en agitant ses ailes. Ses deux compagnons levèrent une nouvelle fois les yeux au ciel, et, constatant qu’il était toujours aussi bleu, Naltya s’avança vers elle, énervée. Au moment où elle ouvrit la bouche pour râler, un terrible bruit de tonnerre retentit et de gigantesques nuages gris se rassemblèrent au-dessus de leurs têtes. Il ne fallut que quelques secondes pour que d’énormes gouttes viennent s’abattre tout autour d’eux.

— Et voilà, dit simplement la fée en haussant les épaules. Heureusement que j’ai tout prévu !

Jehim regarda avec espoir la fée plonger la main dans une de ses poches, pour finalement en sortir trois minuscules ponchos. Trempé jusqu’aux os, la déception l’envahit. Naltya avait eu raison de se méfier de l’excentricité de la fée.

De colère, la souris donna un coup dans la main de la fée et les trois minuscules poncho s’envolèrent pour retomber plus loin dans une flaque. Dans un étrange bruit de succion, ils se mirent à grossir encore et encore pour finalement atteindre une taille respectable.

Avec dignité, Pirma les ramassa et les tendit sans un mot à ses compagnons.

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