Grys Dilur courait à travers branches, depuis de longues minutes. La pluie lui cinglait le visage et une épaisse couche de boue alourdissait ses bottes. La fuite ne lui avait jamais posé de problème et s’il était toujours de ce monde, c’était bien grâce à sa capacité à juger quand il était de trop.

Et il était souvent de trop.

Ce contrat lui poserait encore des problèmes. A raison bien évidemment, il venait de faire tuer Dwenn et sa petite fille. Le mercenaire ne pouvait le blâmer. Un ennemi de plus à inscrire dans sa longue liste, il ne les comptait plus. De même que ses amis , il n’en avait plus. Par contre Grys ne lui avait pas menti, il avait une famille, une femme et trois enfants qui vivaient dans une petite ville du Nord des terres sauvages. Ils ignoraient tout de ses activités de mercenaire. Pour eux il était commerçant itinérant et les affaires marchaient très bien.

C’était la première fois qu’il ordonnait l’assassinat d’enfants. Il ne prenait pas de plaisir particulier à tuer. C’était juste son travail. Il ne se salissait d’ailleurs jamais les mains, ses acolytes étaient là pour ce genre de besogne. Ce qu’il aimait c’était cette sensation de pouvoir qui l’envahissait quand quelqu’un était à sa merci. Ses victimes perdaient espoir petit à petit. Grys avait perdu la première bataille. La prochaine fois serait très différente. Il l’avait sous-estimé, et le mercenaire ne se trompait jamais deux fois.

Deux de ses meilleurs éléments avaient succombé face à cet animal. Grys allait devoir recruter. « Les Glaives Pourpres » possédait une petite renommée dans les Terres Sauvages. Il l’avait créé il y a une trentaine d’années avec le seul ami qu’il n’ait jamais eu Brim Kourline. C’était lui qui avait engagé Dwenn, la belle rouquine. Son regard d’incompréhension l’avait ravi en effet elle ne pouvait pas se souvenir de lui. Ils ne s’étaient rencontré qu’une fois. Grys avait eu un œil sur elle, discrètement, pendant quelques temps. Dwenn était d’une efficacité redoutable jusqu’à l’erreur qui lui avait coûté très cher. Brim avait appris qu’elle avait survécu, et quelque mois plus tard son « meilleur » ami l’avait trahi, alors il l’avait tué. Et depuis vingt ans, seul maître à bord, Il régnait sur son petit royaume d’une main de fer, sans velours mais avec beaucoup d’argent. Il payait bien, c’était la seule façon de limiter les trahisons, les postulants se bousculaient pour être engagés. Il avait ainsi créé quelques petits tests d’aptitudes dont certains pouvaient être mortels. Les épreuves des « Glaives Pourpres » étaient devenues une référence dans le milieu et de nombreuses guildes s’en étaient inspirées.

Ses petites préoccupations étaient secondaires, il devait trouver une explication plausible à donner à son employeur. C’était un homme qui aimait peu l’échec. La vérité serait la meilleure solution. Il devait d’ailleurs déjà être au courant des événements. Grys avait eu la désagréable sensation d’être observé depuis son départ de Cyryule la grande cité des Terres Brûlées, son ombre lui semblait être celle d’un autre. Il espérait ne pas être tombé sur un des derniers adeptes de la magie de Sharse. Ils n’étaient plus qu’une poignée mais n’avaient jamais réellement disparu. Les conteurs en parlaient comme d’une légende. Les livres les concernant avaient été brûlés. Des êtres manipulant les ombres. Une sombre magie interdite depuis des siècles. Il frissonna.

Grys s’arrêta de courir. Il était fatigué et était proche de sa destination. Un portail de Trieste. Personne ne savait qui les avait construit. Un cercle de pierre sur de la terre noire avec quelques inscriptions dans une langue inconnue. Les deux pieds posés sur ce sol et vous voilà instantanément dans un autre cercle de pierre avec autour de vous un paysage différent. Des guerres avaient été déclenchées pour leur possession puis progressivement, les principaux portails avaient cessé de téléporter pendant des décennies sans aucune raison.

Récemment certains avaient commencé à fonctionner de nouveau. Peu de gens le savaient. Et ceux qui étaient au courant ne l’ébruitaient pas. C’était le cas de son commanditaire.

Sans hésiter Grys Dilur posa ses pieds dans le cercle.

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