Petits-fils de Kârr, les deux frères en étaient la réplique exacte, tant par leur aspect général que par leur esprit revanchard et leur désir de se nourrir à leur convenance.
Du temps de leur enfance, ils étaient la fierté du patriarche, ce dernier leur apprenant le plaisir de la chasse aux paisibles et tous les délices de leur bonne viande, la seule et unique, abstraction faite des gibiers. Ils mangeaient de tout, sauf une seule et unique viande, proscrite.
— Tu sais quel goût çà a ? demanda un jour Gôhrr, encore tout jeunot, à son grand frère alors qu’ils retournaient à leur campement.
— Quoi ? lui répondit Prol.
— Ben, la grosse volaille des plaines de Gohare.
— Non, répondit Prol en lui donnant une grosse tape sur le nez. Et ne t’avise pas poser la question devant la tribu !
Gôhrr, légèrement étourdit par le choc, porta la main à ses narines pour éponger le sang qui en coulait. Loin d’avoir reçu la réponse escomptée, il insista.
— Mais pourquoi ? C’est de la viande et moi j’aime bien la viande. Il paraît qu’elle est toute blanche et …
Cette fois-ci, Prol lui envoya une grande bourrade qui le fit rouler à terre et lui tourna le dos. Gôhrr se releva prestement et, se jeta sur son frère qu’il frappa de ses petits poings. Prol le repoussa et attendit qu’il se calme, puis il pencha pour se mettre au niveau de son visage.
— Entends bien, petit kro, tu aurais des ennuis si tu en parles. Ok ?
— Mais, mais … pourquoi ?
— Ne fais pas l’imbécile, s’énerva Prol. C’est parce que c’est interdit par pépé, pardi !
Cette explication eut l’effet escompté et cloua le bec au petit Gôhrr qui acquiesça prudemment car il savait que quand c’était interdit, il valait mieux ne pas chercher à enfreindre la loi de Kârr. Ces colères et ses punitions étaient terribles. Aussi, malgré sa grande curiosité, il grandit sans plus chercher à savoir de quelle saveur était la viande blanche de gastornis.
Les jours de disette, quand le groupe ne trouvait plus de bestioles de paisibles, il mangeait avec les autres des cerfs ou des bœufs, mais ce n’était pas ce qu’il préférait, loin de là.
Le temps passa et, adultes, Gôhrr et Prol se retrouvèrent seuls. Derniers représentants de leur tribu, ils avaient survécu à la lente disparition des leurs et désormais, ils erraient, désœuvrés, dans les tunnels cherchant une quelconque occupation. Ne trouvant plus d’intérêt à rester dans leur refuge, les deux frères, partirent à la recherche de nourriture et peut-être même un peu d’aventure, telle qu’un krogll pouvait se l’imaginer. Ils quittèrent définitivement les Cendreux pour s’aventurer au-delà des limites de Gohare par une entrée secrète.
Chez les paisibles, en toute tranquillité, ils commencèrent leur festin. Sans distinction, ils consommaient tout ce qui était à portée de main : cervidés, sangliers, bœufs, chevaux, ils savourèrent même quelques marchands ambulants bedonnants et autres créatures. Ils appréciaient particulièrement les gnomes, qu’ils débusquaient sous les ponts et qui craquaient sous leurs dents comme des bulles pétillantes, à l’opposé des fées, dont les petites ailes se coinçaient désagréablement entre les molaires ou chatouillaient la gorge.
Ils avaient totalement occulté l’interdiction du Haut-Directoire mais comme ils ne laissaient aucun témoin, ils n’étaient guère inquiétés. Cependant, un jour fatidique, les frères s’attaquèrent à un convoi humain dont quelques individus parvinrent à s’échapper pour aller avertir les mages-régnants. Immédiatement un détachement de guerriers-centaures fut mandaté pour capturer les deux voraces. L’information se propagea rapidement à travers le territoire, où toute personne apercevant un crougwal, voire deux, devait en informer immédiatement les centaures.
Ces guerriers, totalement dévoués au Haut-Directoire, étaient enrôlés depuis leur plus jeune âge dans des régiments où ils faisaient leur classe ensemble. Frères d’armes, ils étaient solidaires les uns des autres et agissaient aveuglément aux ordres des mages-régnants, leur formation militaire les y ayant conditionnés. De ce fait, la population paisible se sentit rassurée, quand des guerriers-centaures furent envoyés à la poursuite des deux kroglls ; car il ne faisait aucun doute qu’ils les arrêteraient.
Inconscients de ce qui se tramait, Gôhrr et Prol continuaient de prélever quotidiennement et au fil des rencontres, leur ration journalière de protéines. Ce jour-là, ils aperçurent des nains qui s’étaient arrêtés le long de la rivière. N’ayant pas mangé depuis l’avant-veille, les deux frères avaient grand faim, et décidèrent, même s’ils n’aimaient pas trop la viande de nain, de prendre un petit en-cas.
— Vas sur la gauche et prends les à rebours, murmura Prol à son frère.
— Encore ? grogna Gôhrr. C’est toujours moi qui dois faire le tour.
— Fais ce que je dis, sinon ils vont nous entendre et déguerpir, s’impatienta Prol.
Ils étaient tapis derrière un petit bois et observaient avec envie les nains qui faisaient boire leurs poneys. Gôhrr fit la grimace dans le dos de son frère et partit à reculons pour encercler le convoi. Comme il s’approchait, il vit deux nains se diriger vers lui. Il s’arrêta net et utilisa son don de dissimulation. Les kroglls avaient développé cette faculté afin de se fondre dans les paysages, surtout montagneux, mais cela fonctionnait aussi ailleurs, afin de se soustraire aux représailles de Gnul. Les nains passèrent tout près de lui puis s’arrêtèrent pour se soulager. Totalement immobile, Gôhrr ne respirait plus.
— Dépêche toi, nous devons repartir, fit l’un des nains à son acolyte.
— Tu as peur ? se moqua le second.
Le nain haussa les épaules, mais ne put s’empêcher de jeter un regard inquiet alentours.
— On aurait tord de se croire à l’abri des crougwals juste parce que des guerriers-centaures les traquent. Tant qu’ils ne les ont pas attrapé, moi je ne serais pas serein. Fais ce que tu veux, moi je rentre.
Sur ces mots il fit demi tour et se dirigea vers la rivière sans se retourner. Gôhrr qui avait eu un haut le cœur à l’énoncé de ces mots attendit patiemment que le second rejoigne la troupe. Dès qu’il le put le krogll se précipita vers son frère. Quand Prol le vit revenir à toute allure, il fronça ses épais sourcils.
— Que se passe-t-il ?demanda-t-il. Je t’avais dit de faire le tour !
Gôhrr lui fit signe de se taire et de le suivre sans broncher. Devant l’expression alarmée de son frère, Prol le suivit en silence. Quand ils furent suffisamment éloignés, Gôhrr relata les mots qu’il avait entendu. Le sang de Prol se glaça. Ce n’était pas bon du tout !
— Dorénavant nous allons nous dissimuler tout le temps et ne voyager que de nuit, dit-il.
— Qu’est ce qu’on va devenir ? fit Gôhrr de mauvaise humeur et encore tout retourné par ce qu’il venait de découvrir.
Il donna un coup pied dans un rocher qui alla rouler loin d’eux.
— En plus j’ai faim, grogna-t-il dépité d’avoir dû laisser passer leur collation.
— Moi aussi , mais il en va de notre sécurité et de notre liberté. Nous devons être très, très prudents, quitte à sauter des repas pour cela., insista Prol, dont l’estomac vide grondait aussi.
Gôhrr acquiesça et tous les deux filèrent loin de ces nains qui les avaient bien malgré eux alertés du danger. Cette information leur avait sauvé la vie et cela ils ne le sauraient jamais.
La traque dura plusieurs semaines car les kroglls se déplaçaient prudemment, mais les guerriers-centaures finirent par les débusquer, dans une crevasse, alors que leur pouvoir s’amenuisait. Gôhrr et Prol furent ligotés par des chaines-collets : à chaque tentative de s’en défaire, les liens les enserraient plus étroitement.
Aussitôt déférés devant le Tribunal-des-Mages, juridiction pénale du Haut-Directoire, ils furent condamnés à intégrer à perpétuité le Labyrinthe Glacé, pour «surconsommation illégale d’hommes, fées, nains et autres lutins».
Saisis d’une terreur primale à l’énoncé de ce verdict, les deux frères se débattirent violemment, mais rien n’y fit et les liens magiques qui les retenaient ne cédèrent pas. Ils tentèrent de s’expliquer mais constatant l’intransigeance du tribunal, ils hurlèrent leur colère, suintante d’angoisse, car ils savaient qu’ils périraient atrocement dans cet enfer gelé. Tout, et même mourir maintenant, plutôt que d’être enfermés vivants dans cette affreuse prison.
Dans les chaumières paisibles, il n’était pas rare, pour se faire peur, que les conversations dévient sur le sujet de la terrible prison.
— Il paraît que la nourriture y est jetée deux fois par mois du haut des immenses remparts, chuchotait-on.
— Et qu’elle gèle même en quelques heures ! ajoutait-on en frissonnant.
— Seul un carré de verdure, au centre, permet de faire un feu pour cuire les aliments, précisait un autre comparse, rappelant au passage que les sporadiques fagots de bois fournis ne suffisaient qu’à chauffer une quantité minime de nourriture.
Tous opinaient gravement, la mine sombre. Pour rien au monde, ils ne voudraient même s’approcher du Labyrinthe car les vibrations négatives y étaient bien trop puissantes.
Des récits d’affreuses rixes sanglantes circulaient également mettant en scène des détenus qui s’entretuaient pour conserver leur place dans ce fameux carré, cœur du Labyrinthe, où seuls les prisonniers les plus agressifs monopolisaient cet espace restreint. Les faibles étaient rejetés dans les couloirs adjacents où ils mouraient de froid et de faim ; s’ils n’avaient pas eu la gorge tranchée auparavant.
Ainsi était la réalité du Labyrinthe et cela plongeaient Gôhrr et Prol dans une panique sans fin car s’ils étaient des crougwals, ils n’en n’étaient pas moins de grands froussards lorsqu’il s’agissait de se battre contre plus forts qu’eux. Leur effroi était tel que les mages-magistrats durent les neutraliser par un sortilège de sommeil, tiré d’un bois de licorne, avant de les transférer dans la prison.
A leur réveil sur le sol gelé, les deux frères découvrirent des vêtements chauds et couvertures ainsi qu’une provision de nourriture. Indécis et apeurés, ils restèrent aux abords de l’accès, puis enfin traînèrent les rations alimentaires jusqu’à un abri qu’ils découvrirent dans un renfoncement d’une des parois du Labyrinthe. La peur au ventre, ils utilisaient constamment leur faculté de dissimulation, notamment quand des prisonniers venaient récupérer la nourriture, mais cela les épuisait.
— Prol ? appela doucement Gôhrr du fonds de leur abri.
— Quoi ? Tu devrais dormir, lui répondit son frère qui se tenait à l’entrée pour monter la garde.
Incapable de rester allongé plus longtemps, Gôhrr vint se poster à ses côtés.
— Je n’y arrive pas, soupira-t-il. Dis, ça fait combien de temps déjà qu’on est là ? reprit-il.
Cette question le taraudait depuis quelques jours. Ils n’avaient aucun moyen de mesurer la durée de leur séjour et, sans repère, il se sentait désorienté. Prol haussa les épaules.
— Qu’est-ce que çà peut faire ? On y est pour longtemps, crois moi, et on n’est pas prêt d’en sortir. Moi, ce qui m’intéresse plutôt c’est de rester en vie ! grogna-t-il.
La tristesse de Gôhrr s’accrut car son frère avait raison. Ils étaient bloqués ici, et n’avaient pour seul objectif que de survivre. Ce n’était pas une vie ! Et tout çà pour avoir voulu se nourrir « à la krogll ». C’est ce qu’ils étaient après tout ! S’il avait fallu qu’ils soient végétariens, il ne fallait pas qu’ils naissent crougwal. C’était désespérant, condamnés à mourir gelés ou assassinés pour nourriture inappropriée. Il poussa un gros soupir. Prol se tourna vers lui et posa une main sur son épaule.
— Tu devrais te reposer, mon frère. Tu es exténué et tu dois te recharger en énergie. Tu ne pourras pas te dissimuler sans cela. Nous risquons à tout moment d’en avoir besoin si d’autres prisonniers passent par là. Alors va dormir !
Gôhrr observa attentivement Prol : il était livide. Lui aussi avait besoin de repos, sûrement bien plus que lui.
— Je n’ai pas envie. Vas-y à ma place. Après, ce sera mon tour. Promis.
Gôhrr s’adossa à la paroi et ne s’occupa plus de son frère. Prol prenait trop à cœur son rôle de grand frère et s’épuisait rapidement. Que deviendrait-il si Prol tombait malade et disparaissait ? Il ne lui restait plus que cet être bourru et fruste mais doté d’une grande tendresse fraternelle, que Gôhrr lui rendait. Ils devaient prendre soin d’eux réciproquement, c’était une nécessité et Prol allait devoir accepter le fait que son frère ne soit plus un petit Kro, comme il aimait parfois l’appeler encore pour le taquiner. Tout comme lui, Gôhrr, maintenant un adulte, était apte à prendre des décisions. Ils étaient en enfer, dans un monde de glace et de peur, où tout était dangereux, sans espoir de sortie, mais ils étaient deux et c’est ce qui leur permettait de tenir et de ne pas devenir fous, car ensemble, ils pouvaient tout supporter et faire face.
Prol resta un instant à regarder son frère. Il était fier de ce petit kro. Même si ce n’était ce qu’il lui aurait souhaité, il était content que ce soit Gôhrr et pas un autre à ses côtés dans le Labyrinthe. Le crougwal avait fait du chemin depuis les Cendreux. Il était devenu un krogll fort même s’il avait oublié de grandir autant que lui, mais ce n’était pas important. Il savait se débrouiller tout seul et avait un cœur en or, sauf lorsqu’il il s’agissait de se nourrir, car dans ces instants, il devenait effroyable. Prol rit doucement à cette évocation cat il avait appris à ses dépends à ne pas toucher à la viande de son frère. Il pouvait tout lui prendre, mais certainement pas son repas. Cette possessivité agressive amusait déjà beaucoup le terrible pépé Kârr lors de leur jeunesse. Il avait l’habitude de lancer avec orgueil : « regardez ce petit kro, comme il a les crocs. Un vrai crougwal de la tribu des kroglls, comme son grand-père ! ». Apaisé par ce souvenir, Prol sourit en dépliant sa grande silhouette et partit se coucher sur la paillasse aménagée au fond de leur abri. De l’entrée, elle était invisible car ils avaient prolongé l’abri en creusant perpendiculairement une alcôve où ils dormaient et stockaient leur nourriture. En contemplant leur installation sommaire, il eut un élan de tristesse avant de s’endormir : ils étaient devenus comme du bétail, ils vivaient au milieu de la paille et des victuailles. Mais ils étaient tous les deux en vie, et c’était bien.
Gôhrr l’entendit ronfler et se leva pour le faire changer de position, ils ne devaient être ni vus, ni entendus. « Enfin Prol prend du repos » songea-t-il avec plaisir. Il tira un morceau de viande de bœuf de leur réserve et alla la mastiquer de son poste de garde. Son frère pouvait dormir sur ses deux oreilles, il veillait.
Depuis leur arrivée, ils se tenaient ainsi prudemment très éloignés des autres condamnés et du carré central et ainsi vécurent, sans voir âme qui vive — à part lors des transferts de ration alimentaire — se nourrissant de viandes et de légumes crus.
Hélas, pour les deux frères, cette fragile quiétude ne dura pas.
Avertis de la présence de ces deux insatiables kroglls, les autres prisonniers, craignant pour leur vie partirent les traquer dans les couloirs. Cepndant, il était facile de ne pas tout explorer, et de se perdre, dans ce Labyrinthe immense et tortueux, aussi, au bout de longues recherches infructueuses, la mobilisation s’essouffla pour ne laisser qu’aux plus forts prisonniers la tâche de se débarrasser des intrus.
Pour la première de fois de l’histoire du Labyrinthe, un consensus avait été trouvé entre tous les prisonniers : celui ou ceux qui extermineraient les kroglls auraient, à vie, une place dans le carré central. Cette mesure concernait tous les prisonniers, sans distinction d’âge ou de race . Qu’ils soient hommes, centaures, nains, fées et autres paisibles, toutes les espèces étaient représentées dans le Labyrinthe car le banditisme, la filouterie, l’escroquerie ou pire, la criminalité, ne se cantonnaient pas à une seule catégorie d’êtres vivants. Et puis, la peur du crougwal était telle qu’elle permettait de donner une chance à quiconque, assez fou, pour oser se frotter aux deux frères.
C’est ainsi qu’un gros centaure, incarcéré pour avoir piétiné à mort son épouse, partit en solitaire, fort de son expérience de crapule et de sa robustesse. Il les chercha plus longtemps que les autres et finit par les débusquer un matin, au petit jour. Malade depuis quelques temps, Prol s’était endormi et avait perdu sa faculté de dissimulation. Le centaure le trouva couché dans l’entrée de l’abri. Sans attendre, ni signaler sa présence, il se jeta sur lui et l’égorgea d’un seul geste. Prol, surpris dans son sommeil, ne put rien faire et mourut dans un gargouillis désespéré. Gôhrr, réveillé en sursaut, découvrit avec horreur son frère qui se vidait de son sang. Une effrayante silhouette haletait près du corps. Quand elle bougea, Gôhrr distingua un centaure énorme, tout en muscles de couleur bais. Autour de ses sabots s’étalait rapidement une tâche rouge sombre. L’agresseur prit son élan pour poignarder Gôhrr en plein cœur, mais ce dernier l’évita de justesse en reculant et se planquant au mur. Le centaure emporté par son élan, et déséquilibré par la matière visqueuse au sol, dérapa et le manqua de peu. Il perdit son couteau dans sa chute. Gôhrr était paralysé de terreur et contemplait, avec désespoir, Prol dont les yeux vides le fixaient sans rien voir.
Le centaure se releva et se saisit d’une pierre. Dans un hurlement guttural, il se projeta sur Gôhrr pour lui fracasser le crâne. Ce son sortit le krogll de sa léthargie. Frénétiquement, il tâtonna autour de lui. Sa main rencontra un des pieux qui leur servaient à maintenir les carcasses hors du sol. Il s’en saisit et n’eut que le temps de le brandir devant lui. Ne pouvant l’éviter, le centaure s’y empala. Il fixa son adversaire avec incompréhension et bafouilla « NON impossib… ! » avant de mourir à son tour.
Gôhrr était couvert du sang de son assaillant dont il poussa le corps sur le côté avant de s’agenouiller près de son frère où il pleura. Dans ses larmes qui roulaient sur sa vilaine face, se mêlaient la douleur de la perte d’un être cher, mais, devenu en cet instant le dernier représentant des Kroglls, également le sentiment d’une immense solitude.
Il resta prostré un long moment, sa main tremblante posée sur le torse de son frère comme s’il cherchait encore un soubresaut de vie, un infime espoir que Prol soit encore à ses côtés. Mais le corps qui se refroidissait rapidement ne lui laissa aucune illusion. Le cœur en lambeaux, Gôhrr enfin se leva et lentement commença à creuser une sépulture pour Prol. Il utilisait ses grosses mains, son pieu qu’il avait arraché des entrailles du centaure et de la lame que ce dernier avait utilisée pour assassiner son frère. Il plaça aussi délicatement qu’il le put la dépouille de Prol dans son caveau de glace qu’il reboucha ensuite pour en dissimuler l’accès et garantir le repos éternel de son frère. C’était le minimum qu’il pouvait faire pour Prol, n’ayant la possibilité de procéder, dans le labyrinthe, aux rites funéraires de son peuple.
Au fur et à mesure qu’il achevait sa tâche, une sourde colère l’envahissait comme une fureur brûlante et ravageuse qui annihilait toute peur ou raisonnement en lui. Un voile rouge sombre l’environnait tel un linceul suintant d’une haine ardente et explosive. Gôhrr voulait se venger et surtout faire mal autant que ce qu’il ressentait au plus profond de son être déchiré et anéanti.
Debout devant son abri, il leva ses poings au ciel et hurla sa rage, déversant sa fureur dans ces notes grinçantes et inquiétantes. Ce grondement sinistre se répercuta à l’infini dans les couloirs. Les prisonniers se figèrent de terreur : les dévoreurs étaient toujours en vie.
Gôhrr déclarait la guerre contre le Haut-Directoire qui les avait envoyés, lui et son frère défunt, dans cet enfer. Il voulait des représailles sanglantes et quitter cet endroit … fuir le Labyrinthe. Et surtout, ce qu’il voulait, c’est qu’on le laisse manger en paix, comme sa nature le prédisposait ! La voix cassée, il se tourna vers la sépulture de glace qu’il contempla tristement.
« Tu avais raison mon frère» fit-il.
Alors qu’ils étaient condamnés par le Tribunal-des-Mages, il avait tenté de négocier avec les mages-magistrats un retour dans la nation crougwale. Il leur avait proposé de s’établir avec son peuple, sous le contrôle du roi Gnul, pour devenir à son tour un paisible, mais Prol l’avait surpris en refusant tout net, arguant qu’ils ne tiendraient pas un mois entier, cette vie n’étant pas faite pour des kroglls affamés. Devant le rejet catégorique de son frère, Gôhrr n’avait pu se résoudre à le quitter et avait abandonné l’idée de s’établir dans la plaine de Gohare. « Aucun retour possible ! » avait de toute façon affirmé le Tribunal.
« Effectivement, tu ne rentreras jamais chez toi » songea le dernier krogll qui était bien décidé qu’il en soit autrement pour lui. Mais à défaut de ne pas revoir ses congénères, il n’allait pas mourir dans le Labyrinthe. Toutefois, il était conscient que, s’il arrivait à s’échapper de cette glace mortelle, sa condition de fuyard l’obligerait à se cacher continuellement. Mais peu lui importait de vivre longtemps, il tiendrait le temps nécessaire, car Gôhrr n’attendait plus rien de l’avenir ; seule lui importait sa volonté d’anéantir ceux qui les avaient précipités dans cet enfer en faisant un maximum de dégâts.
Il pressa une main contre son torse, il avait mal tout au fond de ses entrailles. Une douleur glaciale, insidieuse et violente à la fois, prenait racine dans son cœur racorni et envahissait son corps tout entier. Il frappa une fois, deux fois contre son poitrail pour la faire disparaître. Sans résultat. La souffrance physique qu’il s’était infligée n’effaçait nullement ce mal-être et ce chagrin profond.
Une nouvelle force, faite d’énergie négative, grandit rapidement en lui, envahissant les moindres recoins de son esprit fracassé. Toute trace de gentillesse ou de compassion déserta à jamais le crougwal. Le labyrinthe avait fait son œuvre : même Gôhrr, petit kro devenu adulte, éprouvant de l’amour pour son frère et de la joie de vivre, avait disparu au profit d’un krogll véritablement enragé.
La souffrance, toujours présente alimentait sa férocité, décuplant sa sauvagerie. Il voulait que cesse la douleur et ne connaissait, en tant que krogll, qu’une manière : il allait faire ce pourquoi on l’avait condamné. Il allait manger ! Et dévorer sans se priver ! « Le Haut-Directoire peut compter sur moi », grogna-t-il en dévoilant une rangée de dents acérées taillées en pointes, les yeux brillants de malveillance.
Gôhrr se tourna vers le centaure : il allait commencer de suite, ici même avec celui-ci. Il traîna le centaure par un sabot hors du renfoncement et comme Kârr le lui avait enseigné autrefois, il découpa un bon morceau de viande dans le jarret. Il le dévora d’un coup, puis il recommença, prélevant de grosses bouchées dans la poitrine, l’épaule ou le collier. Il termina par le filet où la chair est la plus tendre et s’y attarda. Il apprécia la viande équine encore chaude, lui qui ne s’alimentait plus que de vivres presque gelées. Il essuya ses mains ensanglantées sur son pantalon.
Cette collation lui avait ouvert l’appétit : il en voulait encore plus, de cette substance tiède, souple et juteuse … de celle encore vivante et s’en léchait d’avance les lèvres. Voici trop longtemps qu’il s’était privé de viande de paisible. Avant de prendre la direction du carré central où il était certain de rencontrer des proies, il déposa la carcasse du centaure sur le lieu du ravitaillement, bien en évidence.
Dans les couloirs, alors qu’il cherchait des traces de passage récent sur le sol, il tomba nez à nez avec des détenus qui se figèrent d’horreur, le temps suspendu. Les trois hommes blêmirent et lâchèrent ce qu’ils transportaient, tant ils tremblaient violemment. Le plus petit des trois commença à reculer doucement, pour ne pas attirer l’attention du krogll, mais Gôhrr qui n’était pas dupe, le laissa faire pour s’amuser. Quand le petit homme se jugea assez loin pour s’enfuir, le krogll grogna. L’homme s’immobilisa aussitôt dans un petit couinement. Un des deux autres émis une plainte et urina dans son pantalon. Le dernier suait à grosses gouttes tant il était terrifié. Gôhrr prit son temps, puis se penchant en avant, il lança d’une voix doucereuse :
— Courrez !
Ce fut la déroute totale. Le petit homme sursauta et glissa lourdement sur le sol. L’incontinent fut incapable de bouger, mais émis un sanglot avant de s’évanouir. Quant au dernier, il prit ses jambes à son cou et fila aussi vite qu’il le put dans un couloir adjacent. Le petit homme ne se releva pas assez vite et Gôhrr l’attrapa rapidement après avoir enjambé le corps inanimé. Il leva l’homme au niveau de ses yeux. Ce dernier étouffait dans les grosses mains qui lui comprimaient le torse.
— Tu voulais aller quelque part ? demanda Gôhrr
L’homme agita sa tête frénétiquement de gauche à droite, niant l’évidence. Gôhrr le secoua violemment.
— Je n’aime pas les menteurs, poursuivit-il. Tu sais ce que je leur fais ?
L’homme commença à se tortiller, battant l’air de ses jambes quand Gôhrr l’approcha de sa bouche.
— Quel goût as-tu ?J’aimerais bien le savoir, continua le krogll en riant et projetant son haleine fétide sur le prisonnier.
L’homme, soudain cessa de bouger. Il avait compris qu’il n’en réchapperait pas. Gôhrr, le trouvant moins intéressant, lui fracassa le crâne contre un mur et partit à la poursuite du troisième prisonnier. Il le trouva rapidement car l’homme sanglotait et geignait fortement. Le krogll ne joua pas avec lui et le tua dès qu’il s’en saisit. Ensuite il ramassa le corps et le traîna à côté des deux autres. En attendant que le dernier reprenne connaissance, Gôhrr dévora ses compagnons en prélevant goulument de gros morceaux de viande.
La première chose que vit le dernier détenu à son réveil fut ce crougwal rognant une jambe, du sang dégoulinant sur son menton. Cette vision associée au bruit de mastication immonde fut intolérable pour l’homme qui eut un haut-le-cœur et vomit sur lui. Gôhrr le trouva écœurant et ne put se résoudre à le manger, alors il se contenta de l’écraser et de le laisser tel quel, amas difforme de chair et d’os. Le krogll repartit dans les couloirs et se régala d’autres paisibles qui eurent le malheur de le rencontrer. « En fin de compte, cette prison n’est pas si mauvaise que çà, se dit Gôrhh. C’est un peu comme un grand marché, il suffit de se promener pour trouver tout ce don on a besoin ». Il abandonnait les restes au fur et à mesure de sa progression. Ces traces sanglantes laissaient sur la glace éclatante un avertissement retentissant : l’affrontement était déclaré ; gare à ceux qui croiseraient son chemin !
Repu, mais sa fureur toujours aussi vivace, il fit demi-tour, longeant les parois pour se rendre jusqu’au point d’entrée de la prison où il se dissimula dans un recoin en attendant que son carnage soit découvert. Les immenses portes qui gardaient l’entrée du labyrinthe s’ouvriraient pour permettre aux gardiens de venir ôter les morts. Sa patience fut récompensée quand il entendit des cris d’horreur venir des couloirs, suivis du son du gong qui était mis à la disposition des détenus pour avertir l’extérieur. Le code était trois longs coups sur le disque de métal, mais cette fois-ci, l’affolement était tel que le gong semblait être pris de convulsions.
Gôhrr sourit et ses grosses lèvres charnues laissèrent apparaître ses dents dans un dégradé de couleurs, qui oscillait entre l’ocre, le marron et le noir. Ses yeux jaunes et globuleux, injectés de sang, fixaient de façon hypnotique les ventaux encore fermés tandis que ses oreilles appréciaient la ronde des hurlements, amplifiés et déformés par les corridors tortueux. Il était certain que les dernières victimes avaient été découvertes.
« Bientôt ils trouveront le centaure » se réjouissait-il.
Des piétinements en haut des remparts glacés se firent entendre suivis d’une exclamation stupéfaite. Gôhrr sourit plus encore, satisfait. Il leur faudrait ouvrir l’accès pour entrer et ainsi il s’enfuirait pour faire payer aux mages-magistrats la perte de son frère !
Le gong n’en finissait plus de retentir, pressant le monde extérieur d’intervenir. « Ils vont avoir du boulot pour rétablir l’ordre » se moqua Gôhrr. Une corne sonna près de l’accès. Quelques prisonniers, qui venaient d’arriver, se précipitèrent vers la porte pour orienter les secours mais furent saisis d’horreur à la vue du centaure. C’était épouvantable ! Etrangement, le fait qu’il ait été découpé, tranché et débité méthodiquement rendait la vue pire que les autres dépouilles.
La grande porte grinça sur ses gonds et s’ouvrit lentement. En état de choc, les condamnés oublièrent de se plaquer dos aux parois quand les gardiens entrèrent, comme le stipulait le règlement, et furent refoulés par de puissants jets d’eau afin de libérer le passage.
Une longue procession entra en ordre, deux par deux. Les guerriers-centaures qui avaient été appelés en renfort menaient le cortège. Ils avaient revêtu leur armure bleue nuit, faite de métal et d’argent, qui les recouvrait de la croupe au poitrail. Leur torse dénudé n’était recouvert que d’une fine tunique de maille du même alliage, laissant apparaître leur puissante musculature. Tête nue, le regard froid et droit, ils se déployèrent de part et d’autres de la grande porte, une arc à l’épaule droite, le carquois dans le dos, et un fléau à trois têtes hérissées d’épines dans la main gauche. Ils tenaient sur leur côté droit un long bouclier ovale hérissé lui aussi de pointes.
Malgré le flegme qu’ils affichaient en toutes circonstances, Gôhrr, qui s’était « fondu » dans la glace, pouvait voir leur air horrifié. Ce n’était pas anodin de contempler un spécimen de son espèce ainsi découpé et morcelé … et dévoré.
Ensuite vinrent les gardiens-mages, tels des fantassins, harnachés de pieds en cap de cuir si épais que des épées droites, frappant d’estoc, ne pouvaient trouer. Ils avançaient une main sur la garde de leur cimeterre fixé à la hanche et brandissaient un boulier circulaire à pointe d’acier pour protéger leur torse. Ils portaient un casque en métal à pointe dorée, la visière en cet instant abaissée. En ordre parfait, ils prirent place devant les centaures.
Un tel déploiement de force était impressionnant, tout comme le silence qui régnait après l’extinction des jets d’eau. Même le gong s’était tu.
Tous fixaient le centre de la place, où gisait le cadavre. Les prisonniers, transis de froid et dont les vêtements commençaient à geler contre les murs, jetaient des regards apeurés autour d’eux.
« Ils ne savent que je suis si proche d’eux » ricana Gôhrr. A cause de leur agitation, il ne pouvait encore sortir de son renfoncement. Il devait attendre. Encore un peu. Son dos qu’il tenait courbé le faisait souffrir, mais conscient qu’il n’aurait pas d’autres occasions comme celle-ci pour s’échapper, il ne pouvait prendre le risque d’être détecté par un seul mouvement, aussi minime soit-il. Il resta donc ainsi, surveillant les uns et les autres.
Un grincement se fit entendre, long et strident, juste avant que n’apparaisse à son tour une charrette tirée par des poneys. Les petites bêtes peinaient sur le sol gelé. Des gardiens se détachèrent et vinrent aider le convoi pour le positionner près de la carcasse. Des nains sautèrent du banc et allèrent directement ouvrir le panneau arrière. S’ensuivit une longue discussion pour savoir comment s’y prendre pour charger le corps, sans parvenir toutefois à un accord. Devant l’agacement grandissant des charretiers et les murmures des prisonniers, quatre guerriers-centaures s’avancèrent pour prendre la manœuvre en main. Cela désorganisa quelques peu les rangs et toute la troupe se rapprocha pour aller de son conseil.
Gôhrr se prépara. Subtilement il décala son pied droit pour avoir un meilleur appui lors de sa détente lorsqu’il sortirait de sa cachette.
Les guerriers-centaures avaient attrapé le défunt par les pattes et le soulevaient tandis que des gardiens-mages soutenaient la tête. Ils parvenaient à l’approcher du plateau quand les poneys, effrayés depuis leur arrivée par l’odeur du crougwal firent pivoter la carriole de côté. Les nains se précipitèrent pour les calmer tandis que le corps était déplacé dans le bon axe pour de nouveau le hisser, laissant des arabesques macabres sur le sol gelé.
Gôhrr fit un nouveau mouvement qui affola les poneys. Cette fois-ci, ils se cambrèrent pour rompre leurs liens. Les nains ne purent retenir les brides et l’attelage prit la fuite dans le couloir de droite. Des exclamations fusèrent dans les rangs. Les guerriers-centaures, sans attendre, déjà, galopaient après la carriole. Les nains, qui avaient été renversés, se relevèrent et se lancèrent à leur tour à la poursuite des fuyards . Leurs poneys, fournis par le Haut-Directoire lors de leur prise de fonction, étaient très précieux : ils ne devaient en aucun cas les perdre et surtout pas dans le Labyrinthe car les mages-magistrats pouvaient bien décider de les envoyer rejoindre l’attelage de façon définitive. Les charretiers en frissonnaient d’avance et c’est la peur au ventre qu’ils détalèrent dans le dédale des couloirs.
Les gardiens-mages hésitaient ne sachant que faire : rester pour garder la porte et le cadavre ou partir en soutien ? Ces idiots de nains ne tiendraient pas longtemps seuls et sans arme. Si ces deux-là étaient connus pour leur insondable bêtise, ils n’en étaient pas moins utiles, personne ne voulant occuper leur fonction.
Des cris de lutte leur parvenaient des couloirs, une décision s’imposait. Il y eut un court conciliabule à l’issue duquel la troupe s’ébranla en direction de la bataille. Deux gardiens-mages repoussèrent simplement la grande porte : ils n’en avaient pas le temps de la fermer par un charme. « Cela tiendra le temps de tout remettre en ordre » se dirent-ils. Personne, hormis eux, ne savait que la porte n’était pas correctement close. «De plus, tous les prisonniers ont suivis l’attelage» ajoutèrent-ils pour se rassurer de laisser la porte sans surveillance. « Personne ne saura, non, personne » se répétèrent-ils confiants en s’éloignant.
Personne, sauf un des plus dangereux prisonniers du Labyrinthe, celui par qui les horreurs se produisaient, celui qui justement ne devait absolument pas sortir !
Gôhrr n’en croyait pas ses yeux ! La roue de la bonne fortune se tournait enfin vers lui. C’était trop facile en fin de compte. Ils déguerpissaient et lui laissaient le champ libre et comble de tout, il n’avait qu’à ouvrir la porte pour sortir. Il s’avança prudemment, déployant son immense silhouette douloureuse, étirant ses muscles ankylosés et s’arrêta. Il leva la tête pour vérifier qu’il n’y avait pas d’archers dissimulés, prêts à le cribler de flèches. Comme rien de fâcheux ne se produisait, Gôhrr s’approcha de la porte qu’il tira doucement. Dans un grincement qu’il trouva assourdissant le battant s’ébranla, lui offrant la liberté.
Gôhrr n’hésita pas une seconde. Avant de courir pour se mettre à l’abri dans le bois touffu et se dissimuler de nouveau, il repoussa la porte négligemment de moitié. Ainsi, caché, il pourrait tranquillement déterminer par où commencer sa vengeance. Mais avant de partir, il avait très envie de contempler la désorganisation des gardiens et leur affolement quand ils se rendraient compte de leur négligence.
Il apprécia le spectacle quand une heure plus tard, tous les mages-gardiens, affolés, s’éparpillèrent pour le chercher. En compagnie des guerriers-centaures, ils s’éloignèrent rapidement à l’opposé de sa cachette, ce qui permit Gôhrr de réellement prendre la fuite. Il les avait entendu parler de la sépulture de son frère. Ils savaient désormais qu’un seul krogll s’était échappé. Impossible pour Gôhrr de trop s’attarder dans les parages car les gardiens reviendraient fatalement sur leurs pas. Tout en effaçant ses traces au fur et à mesure, le krogll prit la direction des Roches-Argent où il pensait pouvoir se reposer un temps. Il n’était pas question qu’ils le rattrapent si tôt.
« Maintenant place au jeu du chat et de la souris » songea Gôhrr qui avait bien l’intention de faire un maximum de dégâts avant de mourir à son tour. C’était la seule issue pour lui, il le savait, après ce qu’il avait fait dans le labyrinthe. Il était certain d’une autre chose également : il ne retournerait plus jamais la dedans, foi de crougwal !

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