Un grand feu tentait désespérément d’atteindre le ciel.

Autour, des dizaines de femmes et d’hommes, assis, debouts ou allongés. Toutes et tous armés comme si la guerre venait d’enflammer les terres de Milsden.

Leurs visages étaient tous tournés vers Selenn qui venait de pénétrer dans la clairière.

Un homme souriant se détacha du groupe et vint vers elle, son visage disparaissait partiellement sous une barbe abondante d’où surnagait des yeux noirs comme du charbon. Une armure légère en cuir noir, sans doute façonnée par un maitre armurier lui donnait une prestance presque hypnotique.

– Bonsoir Selenn! Nous t’attendions. Je suis Ashard. Sa voix était rauque mais pas dénuée de douceur.

– Bonsoir Ashard. Je suppose que tu es un adepte.

– En effet. Nous avons des croyances communes.

– Pour quelle raison m’attendez vous?

– Ta soeur.

L’excitation monta en elle. Elle regarda les alentours.

– Où est-elle?

– Ne la cherche pas ici. Tu ne le trouveras pas. Ta soeur est prisonnière.

– Où? Qui la retient? La jeune femme sentit monter en elle la chaleur de ses pouvoirs.

Ashard leva les mains en signe d’apaisement.

– Ne t’énerve pas Selenn. Nous savons où elle est détenue et nous sommes tous là pour t’aider. Garde ta colère pour les geoliers de ta soeur. Je vais tout te dire mais viens d’abord te restaurer, le ragoût mijote depuis deux bonnes heures et tu dois être affamée.

Selenn parvint à contenir la montée de rage qui explosait en elle, en partie grâce à la voix rassurante et apaisante de Arshard.

Elle suivit son hôte jusqu’au feu en expirant profondément.

Les conversations reprenaient, le mélange des voix flattait les oreilles de la jeune femme et le parfum de la nourriture ensorcelait son odorat. Le barbu avait raison, elle était affamée.

On lui servit un bol de ragoût et Ashard se tourna vers elle.

– Selenn, je ne vais pas tergiverser. Ta soeur est prisonnière depuis sa disparition. Esclave pour être plus précis. Elle a été enlevé par un clan d’assassin, LE clan d’assassin qui sévit depuis des millénaires sur Milsden. Et comme tu dois t’en douter maintenant, les Trioms n’ont rien à voir avec une poussière des morts brûlante qui emporteraient les vivants. Par contre je ne saurais te dire quelle sombre magie est à l’oeuvre ici. Nous avons réussi à localiser leur repaire il y a quelques semaines, dans les montagnes au nord ouest. Je ne vais pas te mentir, nous ne savons pas si ta soeur est toujours en vie. Le cheval de notre éclaireur est revenu avec la tête de son cavalier en guise collier..

Selenn était à la fois heureuse de savoir que toutes ces années, elle avait raison et complètement ravagé de penser aux souffrances que sa soeur avait enduré.

– Quand partons nous?

Ashard rit bruyamment .

– Impulsive et téméraire! Comme me l’a dit Auxane!

– Elle te parle aussi?

– Oui moins souvent qu’à toi je suppose. Il changea de sujet. Nous partirons au lever du jour. Nous avons deux jours de marche et… Il s’interrompit.

– Et?

– Nous devons traverser le fleuve des larmes. Ses yeux s’étaient plissés malgré lui.

– Et c’est un problème visiblement.

– Cela peut l’être en effet mais nous verrons ça demain. Maintenant il faut se reposer. Terminons notre diner. Une journée harassante nous attend demain.

Sa manière de parler laissait apparaître une instruction supérieure, plutôt rare pour un simple guerrier.

– Tu m’as l’air d’être plus qu’un guerrier Arshard.

Il sourit.

– En effet. Il fit une petite pause. Je suis aussi un serviteur d’Auxane.

– Ce n’est pas ce que je veux dire.

– Je sais ce que tu veux dire mais mon passé m’appartient et je le garderai pour moi sans t’offenser jeune Selenn.

La jeune femme acquiesa d’un mouvement de tête.

Le guerrier barbu se leva.

– Il est à présent temps que j’aille me reposer. Tu devrais en faire autant. Je te souhaite une bonne nuit. Je t’ai fait installé un couchage à côté du vieil arbre juste là-bas.

– Merci Arshard. A demain.

Elle ne le connaissait que depuis quelques minutes mais elle apréciait déjà ce guerrier poli.

Selenn se fraya un chemin parmi ses nouveaux compagnons jusqu’à son couchage, une vieille couverture posée sur un vieux matelas, lui-même posé sur un lit de feuilles mortes. Une odeur boisée embaumait l’endroit. Elle se coucha.

Ses pensées confuses mêlées au léger bourdonnement des voix, devenu insupportable en quelques minutes, l’empêchérent de trouver le sommeil.

L’odeur de la terre noire, entêtante, se faufilait dans son nez.

L’espoir de revoir sa soeur s’était mué en inquiétude et la colère grimpait le long de son dos. Ses pouvoirs allaient se réveiller. Incontrôlables, dévastateurs. Elle tenta de se calmer en se focalisant sur sa respiration.

Les voix s’atténuèrent peu à peu apportant un silence salvateur mais de courte durée.

Les ronflements de ses nouveaux compagnons résonnèrent dans le vent et dérangeaient les rêves de printemps de la forêt. Cette dernière murmurait, tentant vainement d’assourdir la cacophonie des hommes.

Selenn tenta de se concentrer sur le feu bienveillant et apaisant. Elle occulta tout le reste. Ses paupières se faisait plus pesantes.

Pas tout à fait endormie mais pas tout à fait éveillée, elle était à la frontière des songes. Ce moment où le rêve empiète sur la réalité. Elle distingua un visage.

Auxane?

Sa soeur?

La douceur de cette vision la fit tomber dans un profond sommeil.

Semblant surgir de l’âtre, une silhouette s’éleva alors. Elle glissa entre les couchages jusqu’à celui de Selenn. Elle la contempla quelques instants et disparut dans les ténèbres aussi soudainement qu’elle était apparue. Arthas se retourna. Il l’avait vu et il ne la connaissait que trop bien. Il sourit et quelques secondes après avoir fermé les yeux, ronfla comme ses compagnons.

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