Les Pics du Crépuscule, Zénith.
Mardi 15 octobre 2013.
11h50.

Une douleur lancinante envahissait son abdomen, son dos, ses jambes et ses poignets. Son visage était sale, recouvert de terre et de sang séché. Ses cheveux étaient emmêlés, secs et poussiéreux. Lily était couchée à même le sol, recroquevillée en position foetale. Elle se situait dans un coin sombre d’une cellule, faiblement éclairée par un flambeau accroché à un mur de pierre, au bout d’un long couloir. L’air était si chargé en humidité que ses bronches étaient obstruées et sifflaient. La moisissure avait envahi les parois, et l’atmosphère était irrespirable, putride.
Elle était vêtue d’une robe en haillon, poisseuse et trouée. Ses pieds nus et ses cuisses décharnées étaient recouverts d’hématomes. Son dos était profondément entaillé comme si on l’avait fouettée à plusieurs reprises, avec acharnement, et ses blessures suintaient de pus.
Son abdomen lui faisait affreusement mal, un tissu recouvrait une plaie ensanglantée. Le pire n’était pas la douleur, non. Le pire était la terreur qu’elle ressentait à ce qui l’attendait.
Soudain, un homme entra en trombe dans la cellule. Elle sentit sa main froide et rugueuse agripper son bras avec force et la soulever sans ménagement. On lui attacha fermement les poignets et les chevilles avec des chaînes.
— L’heure de ta sentence est arrivée, ma petite ! siffla-t-il.
Abattue, elle se laissa manipuler comme une vieille poupée de chiffon, et entraîner par l’homme dans des couloirs sombres. Soudain, des cris, des hurlements, des acclamations lui parvinrent. Ils résonnaient au sein d’une immense caverne. Les lieux étaient lugubres et majestueux. Une ville souterraine et spectaculaire semblait taillée dans la roche. Seule la lumière des torches éclairait la mystérieuse cité. Lily était debout, les pieds enchaînés comme une vulgaire prisonnière et les mains liées dans son dos.
Ses poings étaient solidement fermés.
L’homme l’entraîna à côté d’un autre prisonnier. Ils se trouvaient tous les deux face à une foule déchaînée. Lily sentit sa robe bouger, baissa la tête et vit des doigts la frôler. Le jeune prisonnier était attaché comme elle.
— Tu vas me manquer, murmura-t-il, bouleversé. Je t’aimais…
Elle n’eut pas la force de lever les yeux vers lui et de croiser son regard. Elle fondit en larmes, impuissante, et souffla entre deux hoquets :
— N’emploie pas le passé, supplia-t-elle. Nous ne sommes pas encore morts… Ce n’est pas terminé…
— Tu vois une autre issue pour nous deux, toi ?
— À MORT ! À MORT ! À MORT ! hurlait la foule qui se tenait devant eux.
Soudain, une main glacée l’agrippa et l’entraîna vers la potence : une vertigineuse guillotine. On l’obligea à s’agenouiller, plaça de force son cou fin sur le bois dur et froid, et referma la lunette sur sa vulnérable nuque. Enfin, on en écarta ses cheveux sanguinolents, de façon à l’exposer au mieux à la lame meurtrière.
— Je te laisse une dernière chance pour me révéler où se trouvent les Trésors du Temps, susurra une voix mielleuse au creux de son oreille.
Une haleine putride finit par lui donner la nausée.
— À MORT ! À MORT ! À MORT ! continuait de crier la foule.
Lily serrait les dents et plissait les yeux. Sa respiration était saccadée.
— Jamais, cracha-t-elle. Jamais je ne vous le dirai ! Vous pourriez exterminer tous les êtres de la Terre et de Zénith que je ne vous le dirais pas !
— Très bien, pesta froidement l’homme. C’était ta dernière chance.
Sans prévenir, elle entendit la lame grincer et trancher sa nuque. Elle sursauta vivement et son cœur cessa aussitôt de battre. Elle put entendre le bruit d’un boulet tomber sur le sol et rouler sur quelques mètres. Quand elle ouvrit les yeux, sa propre tête était toujours solidement attachée à son buste. Elle comprit alors que c’était l’autre prisonnier qui venait de subir la sentence. L’instant d’après, elle voulut hurler mais aucun son ne sortit de sa bouche pendant un bref moment.
— NOOOOON !
Elle tenta en vain de se débattre, hurla de plus belle et devint rouge de fureur.
Elle fit tourner frénétiquement un objet froid dans sa main.
— JE VOUS HAIS ! SIAN ! JE VOUS HAIS ! JE ME VENGERAI ! VOUS ENTENDEZ ? JE ME VENGERAI ! DANS CETTE VIE OU DANS UNE AUT…
Mais avant qu’elle ait pu terminer sa phrase, elle entendit sa propre lame, cette fois-ci, grincer affreusement.
Trou noir.

7