Dernier chapitre du premier épisode 😉

Bonne lecture !

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Tout dégénéra très vite.

De la poussière, puis des gravats, rapidement suivis par des blocs de pierre se détachèrent du plafond pour s’écraser avec fracas. Janaya força Ileana à aller sous la table, avant de l’y rejoindre avec Jaelyn. Brusquement, il y eut une explosion crépitante, puis ils furent plongés dans la pénombre. Les seules lueurs étaient celles du clair de lune qui passait à travers le trou béant qui s’agrandissait à chaque seconde. Aymeric se mit face à l’origine de la déflagration afin de former un mur pas particulièrement haut mais très épais, censé les prémunir contre l’onde de choc qui arrivait à pleine vitesse.

Après s’être assuré que les autres se réfugiaient sous la table pour s’offrir une maigre protection face au désastre, Vince se concentra sur le plafond. La roche tombait, allant contre sa nature première qui était l’immobilité. Pour ne pas être dérangé par la poussière omniprésente, il rabattit rapidement sa capuche pour s’en protéger un peu. La tête basse, il prit le contrôle d’un bloc de béton plus imposant que la moyenne pour le positionner au-dessus d’eux.

Cela se mit en place péniblement et le jeune homme dut faire appel à toute sa puissance. S’il avait des facilités à manier la terre même en très grande quantité à partir du sol, faire léviter un pavé de plusieurs centaines de kilos complètement déconnecté était autrement plus ardu.

Vince cala la roche sur le mur créé par son frère et l’étira autant que possible pour élargir leur zone de protection. Pour pouvoir continuer à la garder en l’air bien qu’il manquât d’appuis sous ce toit de fortune, il plaça ses paumes dessous, donnant l’illusion qu’il la soutenait grâce à sa seule force.

En dehors de leur cocon difficilement bâti, Roraima s’effondrait sur elle-même. Le plafond leur tombait dessus et le poids devenait de moins en moins gérable pour Vince qui y mettait toute son énergie pour tenir bon. Parfois, son rocher se brisait et il avait besoin de toute sa volonté pour le ressouder. La magie le consumait. Le jeune homme savait qu’il puisait trop loin dans ses réserves et qu’il en paierait le prix fort, mais il n’avait pas le choix.

Plus les secondes passaient, plus il craignait de ne pas réussir à conserver son contrôle. Créer un mur pour soutenir le bloc de béton l’aiderait à gagner en stabilité, mais il ne pouvait pas lâcher la pierre au-dessus d’eux. Il aurait aimé appeler Aymeric à la rescousse, mais une seconde d’inattention risquerait de leur être fatal. Alors Vince s’accrocha. Serrant les dents et crispant les doigts sur la roche pour oublier la douleur.

Enfin, les choses s’immobilisèrent sans qu’il puisse néanmoins se libérer de la magie. Le jeune homme avait créé une anomalie, et si autour d’eux les flux d’énergie avaient retrouvé leur lenteur et leur stabilité naturelle, il n’en était pas de même dans l’espace que Vince avait bâti pour les protéger. Le silence et le noir devinrent rapidement pesants. Il souhaitait appeler ses amis, demander si tout allait bien, mais c’était impossible : tout ce qu’il arrivait à faire, c’était de s’assurer de la solidité de la cavité.

Enfin, le jeune homme entendit du mouvement sous les tables. Aymeric fut le premier à sortir.

— Vince, murmura-t-il.

Il resta muet, incapable de lui répondre. Il sentit sa magie se mêler timidement à la sienne pour ne pas le troubler et son frère appréhenda la situation sans qu’il ait besoin de dire un mot. Aymeric s’empressa d’éloigner sa présence en devinant l’équilibre précaire que Vince maintenait tant bien que mal. Il jura.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Janaya d’une voix plus perchée que d’habitude.

— On n’est pas encore tirés d’affaire, il faut raffermir les parois sous la pierre que maîtrise Vince.

— Je comprends rien à ce que tu racontes, s’agaça Janaya. Jaelyn, tu peux faire en sorte qu’on puisse voir quelque chose ?

Une faible flammèche tremblotante apparu dans la paume de la jeune femme, amenant un peu de luminosité dans la cavité. Vince plissa les yeux, incommodé par la lueur.

— Maintenant, je comprends, énonça Janaya avec fatalisme. Au cas où, Ileana, ne touche pas Vince pour le moment, ça risque de perturber sa gestion des flux magiques. Aymeric, tu peux t’occuper de quoi ?

— Je ne sais pas. Tout, en temps normal, mais là, j’en doute.

À sa voix, Vince devina qu’il était choqué et il y avait de quoi.

— Fais-ce que tu peux ! le rassura la Colombienne, on s’occupe du reste. Plus tu en feras, mieux ce sera : en utilisant la glace pour fixer la pierre, on va transformer les lieux en chambre froide. Et je ne parle même pas de l’oxygène qu’on va pomper !

— Okay, je commence.

Vince sentit qu’Aymeric prenait lentement le contrôle de la paroi dans son dos et il se concentra un peu plus sur le rocher au-dessus d’eux pour ne pas être perturbé par sa magie et son intervention.

— Où est Raphaël ? demanda soudain Alan, sortant à son tour de sous la table en poussant Ileana.

— Plus tard ! intima Janaya. Pour le moment, on doit s’assurer de la stabilité de la cavité.

— Non, hurla Alan.

Il se précipita dans la direction où aurait dû se trouver l’entrée du bar et aux bruits que faisaient les gravats, Vince devina qu’il creusait. Rapidement, cela mit à mal le maigre équilibre qu’il avait réussi à édifier et il gémit pour signifier que c’était dangereux : c’était tout ce qu’il pouvait faire. Janaya pesta et tant bien que mal, se faufila dans l’espace exigu pour rejoindre Alan, se contorsionnant pour ne pas toucher le jeune homme faisant office de pilier. L’insultant, elle le somma de s’arrêter. Malheureusement, leur différence de carrure ne lui permit pas d’arriver à ses fins. Vince serra les dents, fermant les yeux en essayant de garder le contrôle. L’agitation de ses amis et de la pierre rendait sa concentration délicate.

Brutalement, le calme revint et Vince poussa un soupir soulagé. Ce ne fut que de courte durée, Alan se mettant à hurler :

— Non, non, non !

Un sanglot. Il leva péniblement une paupière et découvrit Ileana assise sur la table devant lui. Sur ses joues salies par la poussière, deux sillons humides coulaient jusqu’à sa gorge. Elle fixait un point derrière lui qu’il ne pouvait pas voir. Il ne pouvait bouger sans risquer que tout s’effondre. Janaya troubla de nouveau le silence :

— Aymeric, tu accélères le mouvement ?

— Je fais ce que je peux, se justifia-t-il, la voix tremblotante d’effort.

Mettant la détresse de ses amis de côté, Vince allait refermer les yeux pour se reconcentrer sur son rocher, quand il capta le regard d’Ileana. Ses larmes s’étaient calmées. Elle avait ramené ses genoux contre elle et posé sa tête dessus. Elle l’observait, l’air hagard. Douloureusement, il se força à sourire avant de replonger dans la léthargie magique qui lui permettait de garder le contrôle.

Le silence s’imposa de nouveau, seulement troublé de temps à autre par les lamentations d’Alan. C’était long pour Vince qui ne savait plus comment il réussissait à tenir bon. Probablement que la simple idée du rocher les écrasant s’il relâchait son attention suffisait.

— J’en peux plus, souffla Aymeric la respiration hachée.

— On prend le relais !

Bientôt, un froid intense s’installa en le faisant frissonner : les filles étaient à l’œuvre. Le jeune homme se referma un peu plus sur lui-même pour ne pas être troublé par le changement brutal de température. Il ne sut combien de temps cela dura, lorsqu’il capta la voix de Janaya :

— … nce, tu m’entends ? Vince ? Réponds, s’il te plaît !

Il émit un grognement pour lui signifier qu’elle avait son attention.

— Je pense que c’est bon, tu peux tenter de relâcher ta magie ?

Il ouvrit un œil avec précaution, de nouveau aveuglé par la flammèche créée par Jaelyn. Doucement, progressivement, il essaya de détacher son emprise sur le bloc de béton. Il ne pouvait pas le faire d’un coup : si la structure était trop fragile, elle ne le supporterait pas. Cela lui demandait un effort douloureux, comme s’il s’était crispé durant des heures pour tenir un objet et qu’il devait à présent le lâcher.

Enfin, il éloigna de la roche une première main fébrile. Soudain, la pierre se tassa, provoquant une pluie de poussière. Il y eut un petit cri commun avant que tout s’immobilise de nouveau. Avec lenteur, il suivit le même processus avec sa deuxième paume. Il chancelât et Janaya vint le soutenir. D’un geste brutal, il remit de la distance entre eux. Elle l’observa étrangement, mais n’insista pas, préférant s’intéresser au toit de la cavité avec inquiétude :

— Tu penses que ça tiendra ?

— Pas longtemps, coassa-t-il.

Elle chassa de la table les verres miraculeusement intacts du dos de la main et l’invita à s’asseoir d’un mouvement de menton pour qu’il reprenne ses esprits en même temps que quelques forces. Alors qu’il inspirait profondément sans prêter la moindre attention à la discussion entre Janaya et Aymeric, son regard se posa sur Alan, prostré sur lui-même. Près de lui, un bras inerte s’échappait de la paroi. Dans la faible lueur dansante, il reconnut sans mal les bracelets d’Emi. Ils avaient essayé de les rejoindre, mais il n’avait pas fait un espace assez grand pour les protéger. D’épuisement et de peine, quelques larmes coulèrent. Les premières depuis bien longtemps.

— Vince ?

Il fit un effort soutenu pour tourner la tête en direction de Janaya.

— Ça va ?

— Je ne dirais pas ça, mais je tiens sur mes jambes.

Ce n’était pas vrai et il savait pertinemment qu’il avait été trop loin, mais la jeune femme s’en contenta.

— Je crois qu’on va devoir de nouveau faire appel à toi, annonça-t-elle d’une petite voix.

— Je sais.

— Aymeric n’aura pas les ressources nécessaires pour creuser une galerie… Jaelyn et moi n’avons pas les compétences.

— Je sais.

— J’aimerais pouvoir être plus utile.

— On va faire avec. On s’en sortira, ne t’en fais pas.

Il lui adressa un regard doux et s’attarda sur les yeux humides de la Colombienne. Vince devinait que c’était autant à cause de la rage d’être impuissante que par peine, ses émotions étaient à fleur de peau.

— On est à tes ordres !

— Il faut dégager la table, la coller contre la paroi pour que ça reste derrière et ne me dérange pas durant la manipulation.

— Okay !

Pendant qu’ils s’affairaient, Vince se concentra sur la pierre autour d’eux. La tâche s’annonçait ardue car il y avait énormément de matières différentes qui se mêlaient dans les ruines.

— C’est bon pour nous ! lui dit Aymeric.

— Restez groupés, mais ne me touchez pas !

— On fera ce qu’il faut, affirma Janaya

— Alors on y va !

Il donna plus d’assurance dans sa voix qu’il n’en avait réellement. Le jeune homme tendit les mains devant lui et créa un tunnel triangulaire, suffisamment haut pour qu’ils puissent s’y faufiler. Pour cela, il dut tasser la matière de chaque côté. Cela le fatiguait encore plus qu’il ne l’était déjà et il savait avant même de s’y être engagé que l’effort ne pourait pas se prolonger dans le temps.

— Aymeric et Ileana en premier, ordonna Janaya, puis Vince et Alan, on ferme la marche. Restez groupés autant que possible sans toucher Vince.

Et le convoi s’ébranla. Ils avançaient de quelques pas à chaque session, Vince lâchait une partie de la pression derrière lui pour rouvrir une voie devant. Il donnait à leur tunnel une pente pour se diriger vers la surface. Malgré sa volonté d’aller aussi directement que possible vers sa cible, il était souvent obligé de dévier pour éviter une matière autre que la terre et la pierre : parfois du bois ou du métal, parfois un corps. Alors qu’il menaçait de s’écrouler, les choses devinrent soudain plus faciles, signe qu’ils s’approchaient d’une large zone dégagée.

Enfin, une lumière différente de celle portée par Jaelyn dans son dos lui parvint : celle de la Lune. Il entendit des cris et on les aida à s’extirper. Alors qu’il se débattait pour ne pas être touché, Aymeric empêcha les âmes charitables de lui porter secours. Une fois tout le monde dehors, il tomba à quatre pattes, le front moite de sueur. On voulut lui retirer sa capuche, mais il chassa la main indiscrète, ne souhaitant pas être découvert. On le laissa un peu tranquille et il respira profondément. Une présence sur sa droite attira son attention et il leva la tête, reconnaissant Jaelyn.

— Tu devrais t’éloigner un peu pour récupérer, le temps qu’on trouve quelqu’un pour t’examiner.

Il se hissa jusqu’à un coin un peu à l’écart et s’assit contre un immense morceau de verrière qui constituait autrefois le toit. Bien que cela crissa sous son poids, son dossier improvisé tint bon. Il s’assoupit presque immédiatement en espérant que sa magie n’en profiterait pas pour n’en faire qu’à sa tête. Il se savait plus que jamais dangereux à cet instant. L’idée de se diriger vers un des bords de la falaise pour sauter lui effleura l’esprit, mais il avait conscience qu’il n’aurait pas l’énergie nécessaire pour aller suffisamment vite et échapper à ceux qui voudraient l’en empêcher.

Une main large et calleuse se posa sur son front. Il se débâtit et le contact ne dura pas. Il ouvrit un œil et reconnut le docteur Thomas dont la joue était couverte d’une pellicule de sang séché.

— Tu t’es pas ménagé, lui dit-il dans un soupir.

Il grogna pour toute réponse. Le médecin souleva sa capuche sans pour autant la retirer et Vince trouva l’énergie de parler :

— Pas trop. Pas le choix…

L’homme plissa les paupières avec suspicion et se pencha plus près pour s’assurer que ses yeux ne le trahissaient pas. Le docteur lâcha un juron et se frotta le visage avec inquiétude.

— Comment tu le sens ?

— Mal.

Il pesta de nouveau avant de lui tendre une gourde. Il regarda autour de lui, soudain agité de tics nerveux :

— Tu ne peux pas rester là ! Ça ira en empirant en moins de deux. Tu peux marcher ?

— Je crois. Pas sûr.

— Il le faut Vince. Tu ne peux pas partir seul d’ailleurs…

— Pas bonne idée.

— Je ne pense pas qu’on ait le luxe de décider. C’est trop chaotique pour que tu restes ici. Je reviens, essaye d’être stable d’ici là.

— Un couteau.

— Quoi ?

— Donnez-moi un couteau au cas où !

— Je t’ai sauvé la vie Vince, il est hors de question que ce soit pour que tu y mettes fin toi-même. Tu peux garder le contrôle, je le sais.

Il allait protester, mais le médecin était déjà parti. Le regard du jeune homme se perdit sur les gravats à perte de vue, le ciel étoilé qui n’aurait pas dû être visible et les personnes démunies errant ou s’affairant selon leur façon de faire face à la catastrophe. Il ferma les yeux pour oublier un instant le désastre. Malheureusement, les cris éperdus à la recherche de survivants et les hurlements de douleur ne lui offrirent pas le moment de paix dont il avait si désespérément besoin pour fuir sa surcharge.

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J’espère que cette première partie de l’aventure vous aura plu ! Personnellement, j’ai pris beaucoup de plaisir à vous faire découvrir la colonie pour tout détruire ensuite XD

Je ne sais pas encore si la suite sera disponible ou non sur Tellyon, si vous avez un avis sur la question n’hésitez pas à laisser un message 😉

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