Institut d’Héliogie Elfique, Zénith.
Samedi 10 mars 2012
17 h.

La première journée de formation achevée, Lily sortit de l’Institut, accompagnée de Kaël et Lixi, soulagée qu’elle se fût bien passée. Les Humains déposaient leur collier dans une grande cuve encastrée dans le mur, avant de partir sous les regards aguerris d’Elfes qui les surveillaient de près, afin de s’assurer qu’ils avaient bien laissé leur bijou. Aucun ne semblait avoir le droit d’emporter ce collier avec eux qui permettait aux Humains de pratiquer l’Héliogie de manière très rudimentaire. Lily les imita et déposa le sien dans la cuve, en toute innocence. Bien évidemment, elle n’en avait pas eu besoin grâce à l’Anneau.
— Cette journée est enfin terminée, soupira Lixi, ses cheveux noirs agités par la brise. Et si nous allions lui montrer l’Ambre ?
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Lily.
— La source d’Héliogie ! s’exclama la princesse avec enthousiasme.
— Où se trouve-t-elle ?
— Dans la salle principale de la Tour Royale. D’autres résident sous cette ville, dans les cavernes. Mais seuls les membres de la Guilde peuvent y accéder.
— Et ce que portent les Humains au cou, c’est…
— Un fragment de l’Ambre, coupa Kaël d’un ton posé. Les Elfes utilisent de manière autonome l’Héliogie. Comme tu le sais, ni les personnes de ton espèce ni les Ombres ne le peuvent. Ainsi, s’ils veulent la pratiquer, ils doivent porter ce fragment autour du cou qui captent les hélioctrons le jour, de l’Aurore jusqu’au Crépuscule, et les diffuse dans leur corps. Mais leur champ d’action reste tout de même limité. Leurs compétences en Héliogie n’égaleront jamais celles des Elfes.
— Ni les tiennes, précisa Lixi à l’adresse de Lily. Quoi qu’il en soit, l’utilisation de l’Héliogie en dehors de l’Institut nous est interdite, jusqu’à nos 25 ans et la réussite des tests finaux. Mais les règles sont plus strictes encore sur le port de l’Ambre.
— Pourquoi donc ?
— Parce que la quantité d’énergie qu’elle renferme grâce aux hélioctrons permet à la personne qui en porte un fragment, et qui se trouve dans un état d’inconscience, de passer dans l’autre monde. Or, la Loi nous interdit formellement de quitter Zénith à la découverte de la Terre.
— Vraiment ?
Lily était stupéfaite.
— C’est donc grâce à cette pierre que les Elfes ont voyagé sur ma planète pour surveiller et protéger ma famille, c’est bien ça ? demanda Lily avec impatience, les idées de plus en plus claires.
— Exactement.
— Seuls les membres de la Guilde des Héliogiciens ont le droit d’utiliser l’Ambre pour voyager sur la Terre, pour des missions bien précises votées à l’unanimité par l’ensemble du comité. La protection de ta famille contre la menace de Sian Valtori, lui-même natif de ton monde, représentait l’une de ces missions. Malheureusement, ils ont échoué pour ton père et ton frère…
— J’imagine que si n’importe qui peut voyager sur la Terre grâce à un fragment de l’Ambre, les Ombres le peuvent aussi s’ils s’en emparent, n’est-ce pas ?
— Oui, d’où l’importance de la protéger et de les empêcher d’approcher Aurora. C’est pour éviter de tels risques que la Reine exige qu’on exécute n’importe quel Ombre qui se trouve sur ce territoire…
Silence.
— Kaël, tu oublies de préciser que certains membres de la Guilde ont abusé de leur pouvoir et ont voyagé sur la Terre pour des missions pas très honorables, commença Lixi avec cynisme. Bien sûr, ce n’est pas officiel, il ne faudrait pas que ces informations peu reluisantes pour eux s’ébruitent…
— Tais-toi, cracha Kaël avec véhémence. Lily n’a pas besoin de connaître ces rumeurs.
— Ces rumeurs ? répéta la princesse d’un air offusqué. Je suis plutôt bien placée pour le savoir, car je suis la fille de la Reine, prédestinée à participer à ces réunions ennuyeuses ! À plusieurs reprises, les Héliogiciens ont voyagé sur la Terre pour profiter de votre culture, de votre science, de vos techniques, de votre langage, et même de votre art ! Et cela depuis des siècles !
— Si je comprends bien, interrompit Lily, certains Elfes sont venus dans mon monde pour s’instruire sur nos civilisations, et pour rapporter des informations afin d’améliorer leur mode de vie, c’est ça ?
— Oui, répondit Lixi, ses pommettes rougissant de plus en plus à mesure que la conversation progressait. Ils se sont inspirés de certains objets de votre quotidien, d’instruments de musique, de vêtements, et de bien d’autres choses. Ils ont pu les reproduire par leurs propres moyens grâce à l’Héliogie, étant donné que nous contrôlons la matière.
— C’est bon signe, objecta-t-il. Cela prouve qu’ils admirent les Terriens.
— Oh, tu trouves ? minauda la princesse. Moi je pense plutôt que les Elfes sont égoïstes et que, lorsque le peuple de Lily avait besoin de leur aide pendant les nombreuses guerres, famines et maladies qui ont secoué leur monde, le nôtre est resté tranquillement chez lui à profiter, seul, de la puissance de l’Héliogie !
Kaël leva les yeux au ciel face à tant d’humanisme, de bons et naïfs sentiments dont la princesse pouvait souvent faire preuve. Il l’écoutait à moitié, l’air blasé, tandis que Lily ne perdait pas une miette de leur débat houleux et passionnant.
— Pour moi, c’est du vol, voilà tout, insista Lixi. Les Elfes n’ont rien apporté aux Terriens en échange. Ce sont des opportunistes…
— Très bien ! aboya Kaël, soudainement hors de lui. Nous sommes des racistes, des criminels, des voleurs et des parasites ! Parfait, Lixi, parfait ! Si tu es insatisfaite du système, casse-toi avec ton cadavre d’amant aux Pics du Crépuscule pour rejoindre Sian Valtori et son armée d’Ombres sanguinaires !
La redoutable princesse le fusilla du regard. Son air sévère et ses traits pointus accentuaient son côté prédateur. Elle menaçait de rugir à chaque instant, mais se maîtrisa néanmoins. L’instant d’après, Kaël leur tourna le dos et disparut en silence, sous le regard satisfait de la princesse.
— Bon vent ! dit-elle. Et bien, nous voilà entre filles !
Lixi se détendit et adressa un sourire des plus chaleureux à la jeune Aurora. Elle lui attrapa le bras et s’exclama :
— Viens, je t’emmène voir l’Ambre.

Plus tard, Lixi l’entraîna à l’intérieur de la tour avec engouement. Elle s’avança vers le fond du hall d’entrée et entrouvrit la porte en ébène.
— Une réunion se déroule en ce moment, chuchota-t-elle. On ne peut pas la visiter tout de suite. Allons dans ma chambre en attendant.
Elles gravirent l’immense et majestueux escalier en pierre. Les marches étaient recouvertes à leur centre d’un somptueux tissu rouge sang qui scintillait à la lumière.
Arrivées au premier étage, elles empruntèrent une passerelle ouverte sur l’extérieur, leur permettant d’admirer le paysage. Au bout de l’allée, Lixi accéléra la cadence, virevoltant d’un pas dansant et gracieux. Elle présenta devant elle ses deux mains qui s’illuminèrent comme lorsque Lily avait fait exploser le verre ce matin, et deux grandes portes s’ouvrirent à la volée comme par magie. Lixi se retourna, posa un doigt sur ses lèvres espiègles, et murmura :
— Chut ! surtout, ne dis à personne que j’ai usé d’Héliogie en dehors de l’Institut…
Elle gloussa joyeusement.
— Voici mon humble appartement ! s’exclama-t-elle.
— Wouah, lâcha Lily, ébahie.
Vaste et circulaire, sa chambre était orientée plein ouest. Les deux tiers des murs étaient ouverts sur l’extérieur. La décoration s’avérait élégante et sophistiquée, et les teintes vives et chaudes. Des tapis recouvraient les dalles anthracite. Son lit, encastré dans le sol, était immense et rond. Dans un coin de sa chambre était disposé un chevalet, et des toiles inachevées traînaient par terre.
— Tu peins ?
Elle acquiesça, feignant de ne pas s’en soucier.
— Tes œuvres sont très belles. Tu devrais les terminer. J’ignorais que les Elfes s’y intéressaient…
— Marius m’a dit, enfin… il a ouï dire que des Humains sur Terre pratiquaient cet art… et que leurs toiles étaient magnifiques, bafouilla-t-elle avant de se laisser tomber sur son lit pourpre.
— La vue est sublime, murmura Lily en admirant l’horizon.
Se situant au point le plus culminant de la ville, un panorama des plus fabuleux d’Aurora s’offrait à elle.
— Cela fait donc 20 ans que Marius cohabite avec les Elfes ? Kaël m’a appris qu’il t’a sauvé la vie.
Lixi fronça les sourcils et attrapa un coussin qu’elle plaqua contre sa poitrine, assise en tailleur sur le lit.
— Autrefois, il vivait auprès des siens, ceux de sa race, dans les Cavernes des Pics du Crépuscule, à l’ouest de Zénith…
— C’est à cet endroit où résident les Ombres ?
— Oui, répondit-elle. Ils se cachent au-delà des Bois de l’Aurore, là où Kaël t’a retrouvée, au-delà encore de la Plaine des Supplices et des Marais Hurlants. Ils vivent au cœur de cette immense chaîne de montagnes à l’abri du soleil, que l’on peut distinguer depuis la lisière de la forêt. Avec Jézabel, Marius était le bras droit de Sian Valtori avant qu’il les trahisse.
— Qui est Jézabel ?
— Une Ombre redoutable âgée de plus de 1400 ans, comme ma mère. On l’appelle aussi l’Aveugle, car un bandeau ceint ses yeux depuis 102 ans. Certains disent qu’elle se les est arrachés elle-même pour des raisons mystérieuses…
Silence.
— Comme tu le sais, en avril 1991, les Ombres nous ont attaqués par surprise, poursuivit la princesse. La dernière bataille avant celle-ci avait pourtant daté de l’an 1000, du temps de tes ancêtres.
— S’agit-il de la fameuse Guerre qui a éclaté un peu avant ma naissance ?
— Oui. Ils avaient réussi à pénétrer la ville et à atteindre les habitations. Ma grande sœur, qui était destinée à devenir Reine, est morte à cause de Jézabel. D’autres ont succombé comme les parents de Kaël et mon père, Anar. Je n’étais qu’un bébé à l’époque. Mais Marius, qui avait pour mission d’éliminer ma famille avec l’aide de Jézabel, s’est retourné contre les siens dès l’instant où il m’a vue dans mon berceau. J’ignore les raisons de sa trahison envers les siens…
Lixi fronçait les sourcils, fixant le plafond sculpté. Elle tentait de se rappeler chaque détail de cette fameuse nuit.
— Peux-tu t’en souvenir, malgré ton si jeune âge ? demanda Lily.
— Oui. À la différence des Humains, les Elfes gardent en mémoire toute leur enfance, et même leur vie intra-utérine.
Le visage de la princesse se plissa, elle s’efforçait de trouver les mots justes.
— Je revois leurs prunelles pâles. J’aurais dû avoir peur de ces étrangers. Mais j’étais hypnotisée, fascinée par leur apparence. Je me souviens de Jézabel. Sa peau était si claire, et ses cheveux si blond qu’ils paraissaient blanc. Un bandeau en dentelle noire ceignait ses yeux. À l’instant où Marius a croisé mon regard, il s’est statué. Jézabel s’est mise en colère. Elle a hurlé en lui ordonnant de m’égorger, comme elle l’avait fait pour ma sœur, Lÿan. Mais il n’a pas bougé. Soudain, Noah est entré. Les deux Ombres se sont retournés. L’Aveugle s’est approchée de lui, une dague à la main. Au même instant, Marius l’a jetée à terre et s’est rué sur elle afin de l’immobiliser. Elle a perdu connaissance. Pendant ce temps, Marius s’est précipité vers mon lit, m’a prise dans ses bras froids et s’est approché de Noah, qui avait l’air encore choqué de la scène.
Silence.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ensuite ?
— Noah est resté immobile pendant un moment. Marius lui a confié que depuis longtemps il ne supportait plus les agissements des siens. Il a révélé ce que les Ombres et Sian Valtori manigançaient. Noah m’a alors prise dans ses bras et a remercié Marius. Sa sincérité l’a convaincu, d’autant plus que cet Ombre venait de lui apprendre des choses très importantes en faveur des Elfes.
— Quelles sont-elles ?
— Sian Valtori aurait déclenché cette Guerre pour envahir la ville et nous écraser — cela, nous le savions déjà —, mais aussi pour prendre possession de l’Ambre. De cette façon, son peuple pourrait basculer sur Terre pour la coloniser et s’abreuver de sang. Les animaux et les Humains sont en voie de disparition ici, et il n’existe pas de source d’eau ferreuse naturelle. Les Ombres connaissent une grande famine depuis des décennies. Leur état empire et leur soif devient incontrôlable. Les Elfes ignoraient cela jusqu’à la précieuse confidence de Marius. Depuis, il joue un rôle crucial à la Guilde où sont représentés les plus puissants Héliogiciens. Le fait d’avoir un Ombre à nos côtés nous permet d’en savoir davantage sur eux, et de connaître leurs faiblesses.
— Leur but est de prendre possession de l’Ambre afin de basculer dans mon monde, répéta Lily, dubitative.
— Oui, ils la convoitent pour voyager sur Terre et pratiquer l’Héliogie ! Mais quand attaqueront-ils de nouveau pour s’en emparer ? Nous l’ignorons.
Lily eut un frisson dans le dos. Elle ne pouvait pas concevoir que des Ombres sanguinaires pussent envahir sa planète, c’était de la pure folie !
— Ton arrivée sur Zénith ne fait que confirmer l’approche du danger, poursuivit-elle, angoissée. Mais elle représente aussi un soulagement pour nous tous, car nous savons que tu pourras faire face à Sian Valtori, grâce à la puissance du sang qui coule dans tes veines et aux Trésors du Temps.
Lily ferma les yeux, refusant encore de croire à cette fâcheuse destinée, celle d’aider les Elfes contre leurs ennemis bien qu’elle s’en sentît incapable.
— L’une des choses les plus importantes est de protéger l’Ambre, ajouta Lixi d’un ton grave. Et à n’importe quel prix.
Silence.
— Veux-tu la voir ? proposa-t-elle soudain, animée par une tout autre humeur. Je pense que la réunion est maintenant terminée.
— Bien sûr !
La princesse bondit de son lit et emprunta la passerelle. Aurora la suivit jusqu’au hall d’entrée. Elles se dirigèrent vers l’immense porte à l’opposé du parvis, et Lixi l’ouvrit sans effort en imposant seulement les mains devant elle grâce à l’Héliogie.
Au fur et à mesure qu’elle s’approchait du seuil, Lily sentait son corps palpiter, comme si un courant électrique l’avait parcourue. Cette étrange sensation croissait au fil des pas. Une source ardente se réveilla au plus profond de ses entrailles, l’effet se révéla vivifiant. L’Anneau qu’elle portait au cou s’agita, ravivant son cœur tel un défibrillateur. Contre toute attente, il se mit à battre précipitamment. Lily finit par entrer dans une vaste salle baignée de lumière, exaltée.
La beauté des lieux l’ébahit. Un tiers des murs était ouvert, donnant sur un balcon encerclé de colonnes antiques, surmontées d’un dôme sculpté. Le soleil s’éclipsait lentement derrière la longue chaîne de montagnes, inondant la salle d’une lumière or. La couleur paraissait bien trop vive pour que ce fût naturel. Lorsque la jeune femme leva la tête vers l’immense plafond, elle comprit l’origine cet éclat.
L’Ambre.
Fabuleuse, la pierre était ronde, d’un diamètre de dix mètres environ. Elle flottait dans les airs. Traversée par les derniers rayons de la journée, elle brillait comme le miel. Toutes les cellules de Lily étaient baignées d’hélioctrons que l’Ambre projetait comme un prisme. L’Anneau réchauffait sa poitrine d’une chaleur caressante. Ce n’était pas douloureux, bien au contraire. Son cœur continuait de battre, de résonner en elle, paisiblement. Lily avait la sensation de renaître. L’irritation perpétuelle qu’elle ressentait à cause des rayons du soleil avait disparu. Elle se sentait si humaine, et bien plus que cela encore !
L’Ambre ne captait pas seulement la lumière et les hélioctrons : la vie paraissait émaner d’elle. Elle lui sembla à cet instant aussi indispensable que l’air qu’elle avait autrefois respiré ; que le sang qui avait coulé dans ses veines ; que les battements qui avaient rythmé son cœur. Lily avait conscience de la fugacité du phénomène, dû à la proximité de l’Ambre.
À l’instant où Lily se sentit partir, étourdie, Lixi agita la main devant son visage.
— Es-tu hypnotisée ? s’exclama-t-elle, amusée. Ce n’est pas une drogue pourtant.
Aurora cligna des paupières et haussa les épaules, un sourire triste au coin des lèvres.
— Elle me réconforte, murmura-t-elle, songeuse.
— Je ne sais pas si tu as remarqué, mais tous les membres de la Guilde te dévisagent, lui souffla-t-elle à l’oreille, l’air dégoûté. Partons au plus vite…
En effet, l’Ambre l’avait si absorbée qu’elle n’avait pas constaté la présente d’un groupe d’individus installés à une table ronde au centre de la salle, juste en dessous de l’énorme sphère d’or.
— Non, restez ! ordonna la Reine, un sourire de bienvenue aux lèvres. Vous tombez bien, toutes les deux.
Elle se sentit très seule et terriblement gênée. Une dizaine de personnes se levèrent, ne la lâchant pas des yeux. Parmi eux se trouvaient Noah et Marius. Des Héliogiciens faisaient partie de l’assistance, aussi jeunes les uns que les autres — en apparence.
— Ces personnes n’ont pas encore eu la chance de te rencontrer, Lily, remarqua Éléna avec douceur.
Aurora s’efforça de sourire, en vain. Tous, un à un, se postèrent devant elle et s’inclinèrent, les visages rayonnants. Ils avaient l’air très émus de la voir enfin.
Pas elle.
Certains avaient même les yeux humides. Aucun ne lui présenta sa main pour la saluer, comme s’ils prenaient la précaution de ne pas la toucher. Ils se jetèrent de discrets regards entendus à son sujet. Ce petit manège ne lui échappa pas. Avaient-ils deviné sa maladie caractéristique de leurs ennemis ?
Marius, en revanche, restait en retrait, immobile. Il gardait ses distances et demeurait impassible. Il se contentait de la dévisager, les lèvres pincées et le regard noir. Noah s’approcha d’elle en dernier. Ses yeux électriques agrippèrent les siens.
— J’espère que l’après-midi s’est bien passé pour toi, dit-il. J’ai fait part aux membres de la Guilde de ton exploit ce matin, concernant le verre que tu as vaporisé. Ils sont très impressionnés.
Ils hochèrent vivement la tête, soutenant ses propos. L’intéressée ne put s’empêcher de ressentir une pointe de fierté, mais l’embarras reprit bien vite le dessus. Elle ignorait quelle attitude adopter face à ces personnes extraordinaires. Se trouver au centre de l’attention d’une Reine, d’Elfes âgés de plusieurs siècles, d’Héliogiciens et d’un Ombre, l’effrayait.
La clandestine dévisagea Lixi qui paraissait très impatiente de déguerpir au plus vite. Lily était à peu près certaine que l’idée d’assurer les mêmes responsabilités que sa mère un jour ne l’enchantait guère, d’autant plus qu’elle n’avait pas le choix à la suite de la mort de sa sœur aînée, légitime au trône.
— Je pense que nous devrions rentrer, suggéra Noah. Tu dois te coucher tôt ce soir afin de te réveiller à temps dans ton monde pour que personne ne soupçonne quoi que ce soit à ton sujet.
La Terre, Lily l’avait presque oubliée. Elle devrait retourner à l’université tous les jours de la semaine et cela ne l’enthousiasmait pas du tout.
— Même si tu es désormais très impliquée ici, tu ne dois pas négliger la vie que tu mènes à Paris, confia-t-il avec sagesse. Tu ne dois pas attirer d’attention particulière. Après tout, la Terre est aussi réelle que Zénith. Allez, rentrons maintenant.

La jeune Aurora se laissa docilement guider vers la sortie. Avant de passer le seuil, elle s’arrêta net, se retourna, et regarda l’Ambre une dernière fois, le cœur encore palpitant.

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