Les lycéens vous entraînent jusqu’au deuxième étage du bâtiment C, consacré aux sciences. La plupart grommellent et traînent des pieds à l’idée d’aller à ce cours. Bien que vous demandiez à plusieurs d’entre eux des précisions sur ce qu’il vous attend, aucun ne daigne vous répondre.

Vous avez choisi de suivre le mouvement pour aller au prochain cours, mais vous commencez à vous agacer de suivre le rythme de cette étrange journée de cours. Des souvenirs de vos propres années de lycée commencent à resurgir.

Des flashs sans queue ni tête se succèdent dans votre esprit. Des cours de science où vous deviez disséquer une grenouille qui vous dégoûtait, des exercices de gym où vous étiez le centre de l’attention, pour votre plus grand déplaisir… l’un dans l’autre, il semblerait que ce ne soit pas la période la plus heureuse de votre vie. Pas étonnant que ce rêve ne soit pas une sinécure.

Vous émergez de vos rêveries et constatez que vous êtes arrivés dans la salle de classe. Un tableau noir est recouvert par des équations invitant à la réflexion :
a = b
a² = ab
a² + a² = a² + ab
2a² = a + ab
2a² – 2ab = a + ab – 2ab
2a² – 2ab = a² – ab
2 (a² – ab) = 1 (a² – ab)
2 = 1
Trouvez l’erreur.

Alex s’arrête devant le tableau d’un air rêveur, pendant que Matt et Jen scrutent l’énigme avec l’air d’une poule qui aurait trouvé un couteau. Vous vous trouvez une place et regardez le professeur s’installer, vous demandant sur quel phénomène vous allez tomber.

C’est un homme dans sa soixantaine, au regard bleu brillant d’intelligence. Vêtu d’une chemise à carreaux et d’un informe gilet gris, il n’accorde de toute évidence que peu d’importance à son apparence. Il pointe le tableau du doigt et prend la parole.
— Vous allez tous prendre une feuille et réfléchir à la solution de ce problème. Il est interdit de copier sur son voisin, interdit de discuter, interdit de bailler aux corneilles. Il est autorisé de réfléchir et de raisonner comme un être doué de raison, si toutefois vous en êtes capable.

Vous alliez chercher une feuille et un stylo quand le professeur vous interpelle.
— Pas vous, Joël. Vous avez droit à un traitement de faveur, ordre du Proviseur.

Il sort un jeu d’échecs de son cartable et l’installe sur le bureau, devant lui. Déjà que vous n’y connaissez rien, vous constatez avec inquiétude qu’il installe les pièces selon une situation de milieu de partie. Vous appelez silencieusement à l’aide Alex, mais il ne vous regarde même pas, absorbé par ce que l’enseignant prépare.
— Connaissez-vous les règles de ce jeu plusieurs fois millénaire, M. Joël ?
— Hum… non…
— Il faut protéger le Roi, c’est le devoir de toutes les pièces de ce plateau. Quelle que soit sa force, elle n’est rien devant sa grandeur et doit être prête à se sacrifier pour lui si cela est nécessaire. Cinq rôles différents ont été attribués aux protecteurs du Roi.
La Dame vaut dix points. Elle peut se déplacer à volonté horizontalement, verticalement et en diagonale. C’est la pièce la plus puissante.
La Tour vaut six points. Elle ne peut se déplacer qu’en ligne droite. C’est une pièce inflexible, puissante, capable de permuter avec son Roi pour le protéger.
Le Fou vaut quatre points. Il bouge selon la diagonale de sa couleur. Il est retors, se tient en embuscade loin des conflits, mais surgit au moment où on s’y attend le moins.
Le Cavalier vaut deux points également. Il est léger, aérien, saute par-dessus les obstacles. C’est une pièce élégante qui requiert une grande habileté stratégique.
Le Pion vaut un point. Il ne peut progresser que d’une case vers l’avant, de deux quand il part de sa position de départ. Aussi insignifiant qu’il paraisse, il peut être dévastateur s’il traverse le plateau.

Vous restez interdit devant les explications du professeur. Vous connaissez vaguement ces notions, mais vous éprouvez de grandes difficultés à imaginer où cet homme veut en venir.
— M. Joël, reprend-il, vous êtes un Roi privé de nombreuses pièces. Vous avez été dépouillé d’une partie de votre statut, mais la bataille n’est pas perdue. Les atouts qu’il vous reste sont forts et vous seront fidèles jusqu’à la mort. Ce qui ne saurait tarder…
Regardez le plateau et choisissez quelle pièce noire il vous faut bouger, M. Joël.

Vous obtempérez et tentez de comprendre ce qu’il se passe. Les noirs semblent être dans une situation difficile, entourés par de nombreux adversaires. Seules trois pièces peuvent encore bouger, une tour, un cavalier et le fou noir.

Alex connaît mieux les échecs que vous et il vous murmure à l’oreille.
— Les explications du prof sont en partie fausses.
— Comment ça ? vous étonnez-vous.
— Une tour vaut cinq points, un fou et un cavalier trois. C’est bizarre qu’il ait donné d’autres valeurs.
— Ça veut dire quoi à ton avis ?
— Aucune idée…
— M. Joël, interrompt l’enseignant. Choisissez !

Quelle pièce allez-vous bouger ? La tour (rendez-vous au 173) ? Le fou (rendez-vous au 172) ? Ou le cavalier (rendez-vous au 171) ?

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