Aujourd’hui

Nous sortîmes prudemment de l’abri de chantier, moi en tête et je repérai rapidement le sud en me fiant à la position du soleil ascendant, comme me l’avait enseigné mon père lorsque j’étais enfant et que nous aimions partir en week-end pour camper en pleine nature. Je n’aurais jamais cru, en grandissant, que les compétences acquises alors me seraient un jour utiles. C’était une bonne chose que j’aie été attentive à l’époque. Flanquée de Kimiko et de Jordan, Roger clôturant la marche, nous avançâmes rapidement mais avec précaution, le regard furetant dans toutes les directions et l’oreille tendue, à l’affût du moindre bruit suspect. Les infectés semblaient abhorrer la lumière du jour, bien qu’elle ne paraissait pas les blesser, c’était comme si elle les rendait léthargiques. Seule l’opportunité d’une chasse -comme nous l’avions expérimenté la veille- pouvait les forcer à s’y confronter. Alors, durant la journée, il fallait se méfier des coins sombres. Nous ne rencontrâmes pas âme qui vive, créature ou non, et fûmes bientôt arrivés à la périphérie du chantier où nous redécouvrîmes l’étendue aride et rocailleuse du Vallon de l’Eyraou, où nous nous étions aventurés une journée et demie auparavant. Ce n’était pas le chemin le plus direct, ni le plus rapide et encore moins le plus aisé afin de rejoindre le Camp de Carpiagne, notre destination finale, mais nous avions jugé plus prudent de contourner Marseille et ses abords. Qui savait combien d’infectés parcouraient les rues d’une métropole aussi vaste et densément peuplée avant la pandémie. Toutefois, ça n’avait pas été une décision facile à prendre que de suivre un itinéraire moins avantageux, malgré le sensé de cette décision. A chaque journée supplémentaire passée sur la route mon impatience grandissait, de même que mon inquiétude.

J’ignorais si mon périple servirait à quelque chose. Tant d’événements dramatiques pouvaient s’être produit depuis que nous avions été séparés, lui et moi. Peut-être n’avait-il jamais atteint Carpiagne. Peut-être avait-il été transféré ailleurs depuis. Peut-être était-il déjà mort.

Non.

Je refusais d’y croire. Ça ne se pouvait pas. Il devait être en vie. Il le devait.

Parce que s’il ne l’était plus, alors il ne me restait aucune raison de me battre.

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