La petite souris se révéla être une bien étrange créature en réalité, et la blancheur de sa fourrure malgré la crasse environnante n’avait rien à voir là-dedans.

Cela avait pris quelques minutes à Jehim pour parvenir à la libérer du collant résille mauve, et elle s’était aussitôt éloignée de quelques pas pour se percher sur une canette vide et commencer à se lisser les poils. Ce ne fut qu’à ce moment-là que le jeune gobelin se rendit compte de la singularité de sa rencontre.

La longue queue et les grandes oreilles rosées de la demoiselle était entièrement recouverts d’étranges tatouages tribaux, qui s’entrelaçaient dans d’interminables motifs compliqués. Ils devaient avoir une signification là d’où elle venait, mais il n’avait pas la moindre idée de ce que cela pouvait être. Et elle marchait avec autant de dextérité sur quatre pattes que sur ses deux pattes arrières.

Quand elle eut fini de réarranger sa fourrure et ses moustaches, elle daigna enfin tourner la tête d’un air fier, et elle s’inclina profondément avant de le regarder avec curiosité.

— Que fait donc un Gobelin dans un endroit aussi mal famé ?

Une fois passé le choc, Jehim ne put que remarquer la mélodie et la douceur de sa voix, pourtant mêlée d’une touche subtile de fierté ou d’orgueil.

— Je suis perdu.

— Ça je le devine, il suffit de regarder ce visage ou ces habits noirs de boue pour le comprendre, mais d’où viens-tu ?

— Ma cité se situe non loin des Prairies Fleuries.

— Tu veux rire ? Au Nord de la cité des Grandes Gens ? Tu t’es sacrément égaré !

Une première vague de désespoir vint s’échouer et Jehim l’essuya comme il le put avec ce qu’il lui restait d’optimisme. La situation ne pouvait pas être si dramatique.

— A quel point ?

— Cette décharge se trouve sur les terres qui s’étendent au sud-ouest de la ville. Si tu descends plus bas, tu entres sur le territoire des gnomes des champs.

Si loin… Cette fois-ci, la vague le submergea sans qu’il parvienne à se protéger. Comment pouvait-il espérer rentrer chez lui alors qu’il se trouvait à des kilomètres de là, sans carte, sans monture, sans provision, sans aucune aide ? Il se sentait si minuscule, perdu au milieu des détritus…

— Je me demande vraiment comment tu as fait ton compte.

La petite souris s’était approchée et elle l’observait de nouveau. Dressée de la sorte sur ses pattes arrières, elle lui arrivait presque à l’épaule. Il y eut comme un moment de flottement alors qu’ils se regardaient dans les yeux, et elle recula finalement pour s’incliner une nouvelle fois.

— Je te dois une belle faveur. Si tu ne m’avais pas sortie de là, j’aurais sans doute servi de repas à des rats ou à un chat sauvage. Et pour payer ma dette, je vais t’aider à rentrer chez toi.

Le jeune gobelin ouvrit de grands yeux sans oser vraiment y croire. Il ne savait pas quel genre de créature elle était exactement, mais il avait eu énormément de chances de tomber sur elle. Et peut-être que si la chance continuait à lui sourire, il parviendrait à rentrer chez lui pour serrer enfin dans ses bras sa tendre Bielme.

– C’est d’accord. Merci.

Les moustaches de la souris frétillèrent et il choisit d’interpréter cela comme un sourire.

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