Alliant les gestes à la parole, il emprunta sans hésiter le chemin. Ils le suivirent, le ventre ravagé par la peur. Lily manquait à chaque pas de tomber dans le vide, tellement le sentier était jonché d’obstacles et escarpé. Malgré son immortalité, son instinct de survie restait intact.
À mi-parcours, les hurlements leur parvinrent. Ils semblaient encore lointains et ne les affectaient guère. Plus ils s’approchaient des eaux troubles, plus ces cris stridents s’accentuaient, froissant leurs tympans sensibles.
Bientôt, ces sons intolérables commençaient à s’insinuer malicieusement en eux, comme s’ils provenaient d’eux-mêmes et n’étaient que l’écho de leurs propres cris intérieurs. Perturbée, Lily s’arrêta net, bloquant Kaël et Lixi qui suivaient derrière.
— Je ne les supporte plus, dit-elle, haletante. Ces hurlements vont me rendre folle !
Déjà, elle manifestait de l’impatience et de l’irritation. Elle ne désirait qu’une seule chose à présent : faire sortir ces sons de son crâne. Marius se retourna, semblait moins affecté, un faible sourire désolé se dessina sur ses lèvres blanches. D’une voix chaude et rassurante, il déclara :
— Ne t’inquiète pas, nous sommes avec toi… Sois forte. Tu as déjà supporté des épreuves plus dures encore.
Il hocha la tête en guise d’encouragement et reprit sa route. Avant de le suivre, Aurora murmura à elle-même :
— J’en doute…

Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent enfin en bas de la falaise d’où ils devaient sauter pour pénétrer dans l’eau. Les hurlements demeuraient continuels, mais nuancés. Parfois, ils se révélaient si forts qu’ils les étourdissaient, pour devenir plus sourds aussitôt après.
Les effets restaient les mêmes : ses tympans vibraient, une pression au niveau des tempes se faisait sentir, et les maux de tête s’intensifiaient. Sans hésiter, avec une détermination impressionnante, et témoignant d’une étrange impatience, Marius plongea. Comme Lily ne se décidait pas à le rejoindre, Kaël et Lixi la dépassèrent et imitèrent l’Ombre, non sans tressaillir. Les sensations désagréables et bientôt douloureuses que provoquaient ces fréquences les crispaient.
— Saute ! encouragea Kaël.
Lily s’assit au bord du rocher et prit son crâne entre les mains. Les cris devinrent si aigus qu’on aurait dit que quelqu’un griffait un tableau noir avec ses ongles. Ce bruit insupportable s’accentuait jusqu’à la pousser à bout :
— STOP ! ARRÊTEZ ÇA ! JE VOUS EN SUPPLIE !
Des larmes glacées coulèrent le long de ses joues frissonnantes, donnant l’impression qu’elle saignait des yeux sous la douleur. L’instant d’après, les hurlements stridents s’atténuèrent, lui permettant de baisser les mains et de lever la tête vers ses amis. Eux aussi, ils s’étaient serré les tempes pendant ces secondes de souffrance.
— Dépêchons-nous, bon sang ! gronda Kaël, supportant de moins en moins cet endroit. Trouvons ce Trésor, qu’on en finisse !
Motivée par le désir de fuir au plus vite ce lieu abominable, Aurora sauta brusquement dans les marécages et emboîta le pas, ses trois acolytes à ses trousses. L’eau leur arrivait au milieu des cuisses, ralentissant leur cadence. De surcroît, l’hostilité sonore des marais les empêchait de courir, ils étaient bien trop tourmentés.
Le Crépuscule les enveloppait peu à peu, avant de les plonger dans une obscurité effrayante. La température chuta, l’eau devint de plus en plus noire et glacée, les gelant jusqu’à l’os. La végétation dévorait l’espace et les racines leur bloquaient le passage. À ce stade de la traversée, les hurlements leur provoquaient uniquement des maux de tête. Ils savaient que leur état empirerait au fil du temps.
Rongée par le froid, l’angoisse et les cris terrifiants qui ne cessaient de faire échos dans son crâne, Lily serrait les poings et se frottait les bras dans l’espoir de se réchauffer un peu. Son esprit était confondu, ses pensées se bousculaient dans sa tête. Elle murmurait sans arrêt :
— Quel cauchemar, quel cauchemar, quel cauchemar…

Les Marais Hurlants, Zénith.
Vendredi 24 août 2012
7 h 15.

Ils ne parvinrent pas à dormir. Pourtant, cela faisait quelques jours qu’ils n’avaient pas fermé l’œil. Ils ne s’étaient pas arrêtés malgré la fatigue et les maux de tête. Chaque pas, chaque seconde représentait une épreuve. Lily ne s’était jamais sentie aussi affaiblie. Ils s’efforçaient de se parler mutuellement afin de ne pas s’isoler en eux-mêmes. Sinon, leurs propres peurs risquaient de les dominer, mettant leur santé psychologique en danger. Dès que l’un d’eux restait silencieux trop longtemps, un autre engageait la conversation. Les problèmes sérieux commençaient à les assaillir au lever du jour.
Sans prévenir et sans que Lily pût en avoir le contrôle, des souvenirs obscurs et lointains l’envahirent. Ce furent d’abord des flashs, des fragments de son passé. Progressivement, les images restaient imprimées plus longtemps dans sa mémoire. Bientôt, elle se rappela des scènes qui avaient marqué son enfance et qu’elle avait jusque-là oubliées.
Elle vit sa mère, avachie sur le divan du salon, les yeux rougis par des sanglots, une bouteille de vin à la main, vide. Elle avait cinq ans, c’était le jour de son anniversaire. Haute comme trois pommes, Lily tenait une vieille poupée contre elle, la regardait, incompréhensive et silencieuse. Ne parlant jamais à cet âge, elle s’approcha prudemment de sa maman, avec innocence, et posa sa petite main sur la sienne. Isabelle la retira aussitôt, l’air apeuré, s’écriant :
« Va-t’en ! Retourne dans ta chambre ! »
Lily était un peu plus grande désormais : sept ans, peut-être. Piscine municipale. Un groupe d’enfants attendait au bord du bassin pendant que le professeur expliquait quelques instructions. Dès qu’il tourna les talons, elle sentit une main la pousser. L’instant d’après, elle se retrouva dans l’eau, impuissante, incapable de nager. Dès lors, ses camarades la pointaient du doigt et se moquaient ouvertement d’elle, sans même prendre la peine de l’aider à sortir de l’eau.
« La-Sorcièèère-ne-sait-pas-nager ! La-Sorcièèère-ne-sait-pas-nager ! »
Lily les entendait ricaner tandis qu’elle se sentait attirée par le fond. L’Anneau se mit à chauffer et un courant électrique la parcourut. Avant de se laisser couler, elle aperçut Joanna qui s’affolait, lui tendant la main. Sur ces images presque oubliées, une vision soudaine s’empara de son esprit, plus réelle qu’un souvenir brumeux :

« Un petit garçon âgé entre sept et dix ans était assis sous un saule pleureur, et lisait un bouquin au bord d’un lac, seul. Son visage angélique, ses cheveux noirs et ébouriffés, et son teint pâle lui rappelaient quelqu’un. Il était vêtu d’un pantalon qu’il avait retroussé jusqu’aux genoux, d’une chemise blanche, de bretelles de la vieille époque qui remontaient jusqu’aux épaules, et d’une petite veste grise, sans manche.
Plus loin, des adolescents jouaient entre eux et s’esclaffaient. Ils portaient les mêmes uniformes. La séparation entre les autres et le garçon l’interpella. Il était le seul à être aussi calme, isolé et silencieux, à observer ce qui l’entourait, avec des yeux perçants et perspicaces.
Plus tard, le groupe se concertait au loin, et s’approchait de l’enfant solitaire, avec nonchalance. Tels des prédateurs, ils se mirent à l’encercler, s’esclaffaient grassement.
— Eh ! Le Psychopathe ! Tu ne viens pas t’amuser avec nous ? persiffla l’un d’eux, le plus imposant.
Le garçon mystérieux ne dit rien, ne décrochait pas le regard de son livre. Il semblait toujours aussi impassible. Comme s’il s’était attendu à la réaction de sa proie, l’adolescent malintentionné esquissa un sourire machiavélique. D’un geste brusque, il tenta de récupérer le bouquin que le garçon tenait dans les mains. Celui-ci esquiva l’attaque avec une adresse incroyable pour son jeune âge.
— Wouah ! Bien joué le Psychopathe ! se moqua un autre, bien que ses yeux trahissent de la surprise et de l’admiration face à la vivacité d’esprit de l’enfant.
Celui-ci daigna enfin lever la tête vers ses agresseurs, le visage sans expression. Il sembla les analyser, avant de demander plus posément :
— Ne vous lassez-vous pas de me harceler comme vous le faites, tous les jours, chaque heure, et cela depuis sept ans ?
Le ton qu’il avait employé, son vocabulaire, et son attitude ne correspondaient pas à ceux d’un garçon de son âge. Il semblait bien plus intelligent, cultivé et mature que ces vulgaires adolescents.
— On essaye juste de pousser les limites de ton mental ! persiffla le jeune homme à la cicatrice. T’es vraiment bizarre ! Tu ne réagis même pas ! À croire que tu n’es même pas humain !
— Y a-t-il au moins un cœur qui bat là-dedans ?
Les prédateurs rôdaient autour de leur victime, cherchant à le provoquer.
— As-tu peur de quelque chose ? Tu ne sourcilles jamais !
Ils semblaient réellement agacés par le calme du garçon. Ils ne parvenaient pas à le faire réagir. Sans prévenir, les cinq grands gaillards se jetèrent sur leur proie, l’agrippèrent, bloquèrent chacun de ses membres pendant qu’un autre arrachait le livre de ses mains et en déchirait les pages.
Impuissant, l’enfant se débattait, grognait, ne hurlait pas. Ils le lancèrent dans les eaux profondes du lac, avant de sauter sur lui. Ils le coulèrent, l’empêchèrent de respirer. Leur proie gesticulait, agrippait tout ce qu’il pouvait, en vain. Peu à peu, la pression qu’il exerçait sur les bras de ses agresseurs diminuait… jusqu’à s’interrompre.
L’enfant venait de mourir. »

— NON ! Pourquoi ont-ils fait ça ? POURQUOI ? s’écria Lily, bouleversée.
Sous le choc, elle se mit à hurler de douleur. Elle venait d’assister à une scène de crime qui lui avait semblé réelle ! Elle aurait tant voulu sauver ce pauvre garçon sans défense, si innocent, au visage si tendre ! Elle avait le sentiment d’avoir vécu cette scène, et de l’avoir laissé mourir. Lily s’agrippait à son ventre et sanglotait, confondue par les hurlements des marais. Ses trois amis se précipitèrent autour d’elle, ne comprenant pas son état de choc.
— Qu’y a-t-il ? s’affolaient-ils, désemparés. Ce ne sont que des cauchemars… Ne t’inquiète pas.
Enfiévrée, ses émotions exacerbées, elle s’écria, le cœur brisé :
— Non ! Ça s’est passé sous mes yeux ! Il est mort, il est mort, il est MORT ! Je n’ai rien pu faire ! Il était si jeune ! C’ÉTAIT RÉEL !
— Mais qui est mort ? demanda posément Marius qui lui tenait les bras avec fermeté, plantant son regard dans le sien.
— Je… je l’ignore… Je vois des choses ! Des visions envahissent mon esprit sans prévenir ! Noah ne m’a pas dit que l’Anneau pouvait provoquer ces phénomènes ! Je ne sais même pas si cela concerne l’avenir… ou le passé ! Je suis persuadée que c’est réel ! Je n’ai pas pu imaginer tout ça ! Ça ressemble à des… des souvenirs.
Elle devinait la peur que ce petit garçon avait pu ressentir et surtout, ce sentiment d’injustice. Ces vauriens étaient venus le provoquer, sans raison, avant de le noyer. Ils le harcelaient ainsi en permanence, d’après ses observations. Pourtant, l’enfant était resté silencieux et pacifique, ne montrant aucun signe d’agressivité. Il n’avait pas manifesté la moindre violence à leur égard.
Elle ressentait cette peur et cette révolte qui l’avaient obsédée après que ses camarades de classe l’eurent jetée à la piscine, l’humiliant alors qu’elle s’enfonçait dans l’eau, impuissante. Depuis cet instant, elle savait qu’un lien les unissait, elle et cet enfant dont elle ignorait l’identité. Elle aurait tant voulu le sauver. Il était mort sous ses yeux. Elle avait vraiment le sentiment d’avoir vécu cette scène dramatique.
Pendant ce temps, elle n’avait pas écouté, ni même entendu ce que ses amis lui avaient dit. Elle leur fit signe que tout allait bien, et poursuivit sa route, seule avec ses propres tourments. Elle ne parvint pas à s’en défaire. Les hurlements l’obsédaient, la possédaient, ils provenaient d’elle-même.
Un pas. Deux pas. Trois pas. Une succession de souvenirs malheureux revinrent de nouveau à la surface, contre son grès. Lily se rappela le choc lorsque la voiture l’avait percutée, son réveil à l’hôpital, ce sentiment sournois de solitude qui l’avait terrassée ce jour-là. Elle se revit parcourir ces couloirs obscurs, dévisageant d’autres patients à travers les vitres. Son regard se posa sur une dame âgée, une fillette transfusée, avant de s’attarder sur un jeune homme allongé dans un lit qui dormait paisiblement. Dans ce souvenir qu’elle avait l’impression de revivre, son cœur battait si fort à la vue de ce garçon. Elle observait ses boucles brunes qui encadraient son visage un peu pâli par son état. Ses yeux étaient clos, mais elle les devinait grands et perçants.
Elle courait dans la forêt à présent, dans ses souvenirs les plus obscurs. La nuit l’enveloppait, elle fuyait quelqu’un, quelque chose. Elle haletait, tétanisée. L’instant d’après, une bête féroce sauta sur elle et la rata de peu.
Changement de décor. L’air était brumeux. De la fumée. Lily se trouvait à l’entrée d’un village. Des corps mutilés, calcinés, étaient étalés par terre. Des giclées rougeâtres recouvraient les murs et le sol. Une fillette inquiétante la dévorait des yeux. Une Ombre. Elle la mordit. Lily courut et agonisa dans l’arbre.
L’angoisse l’envahit. L’incompréhension. La rage. La peur. Celle du sang. Il avait hanté la plupart de ses nuits dès son plus jeune âge. Elle revit ce fluide chaud de cet étranger couler entre ses doigts, tenant le manche d’une dague. La lame, plus tranchante que jamais, perçait sa poitrine.
Aussitôt après, elle revit les moments où elle avait subi les coups d’une violence extrême que Victor lui avait infligés dans la forêt, alors que le temps s’était arrêté. Elle ressentit la douleur de chaque attaque, et la peur.
Soudain, le souvenir d’une vision récente qu’elle avait eue grâce à l’Anneau revint à sa mémoire : seule, elle nageait fébrilement dans un bain de sang. Des larmes aussi âcres et visqueuses que ces eaux écarlates inondaient ses joues glacées. Épouvantée, elle s’éloignait du bord, respirait péniblement, et plongeait dans les profondeurs du lac abject.
— Non… non… non… Je ne veux pas y aller, gémit-elle du bout des lèvres, éreintée.
Pas une seconde de répit. Aussitôt après, elle vit Lixi se faire transpercer le cœur par cette bête immonde.
— ARRÊTEZ ÇA !
Haletante, Aurora s’immobilisa, porta ses deux mains à sa gorge et tenta d’y voir clair. Les émotions la submergeaient, la confondaient. Elle agrippa la manche de quelqu’un. Elle l’implora du regard, sans le voir vraiment. Les larmes aux yeux, le cœur déchiré, elle le supplia d’en finir avec elle. Lily ne supportait plus ces souvenirs, s’entremêlant à ses visions les plus noires. Ses pires cauchemars, ses peurs les plus effroyables la terrassaient. De violents sanglots secouèrent sa poitrine. Torturée par ses propres démons intérieurs et sa détresse, Lixi joignit ses larmes aux siennes.
Soudain, elle sentit des doigts brûlants s’entremêler avec les siens. Un frisson agréable et imprévu parcourut ses membres et le creux de son ventre. Rassurée par cette chaleur enivrante, elle se calma et leva les yeux. Kaël, son fidèle ami, marchait devant elle, son bras droit derrière lui, tenant fermement sa main. Dès lors, Lily se focalisa sur ce seul contact qui suffit à atténuer sa douleur.
Un peu soulagée, elle était désormais en état de prendre conscience de ce qui l’entourait. Marius, imperturbable, avançait d’un pas régulier devant eux. Quelques mètres les séparaient. Il devait tenter de contrôler le flux de ses émotions, de ses peurs et de ses souvenirs. Cette épreuve devait s’avérer à la fois plus rude et plus aisée pour lui. Ses siècles d’expériences lui avaient apporté une certaine maîtrise de soi et surtout, une grande capacité à prendre du recul sur n’importe quelle situation, afin d’en maintenir le contrôle. Néanmoins, il avait dû connaître bien plus de souffrances que les trois autres qui vivaient depuis seulement vingt ans.
Coupée de la réalité, elle avait perdu la notion du temps. Malgré tout, Kaël et Lily fendaient les eaux blanchâtres avec leurs jambes chancelantes, main dans la main, ensemble.

Les Marais Hurlants, Zénith.
Samedi 25 août 2012
9 h.

La nuit avait paru interminable. Lixi avait piqué une crise de folie. Le regard de Marius s’était assombri d’heure en heure. Il avait semblé lutter contre lui-même. Kaël avait manifesté de premiers signes de faiblesse. Habitués aux hurlements stridents des marécages, ils ne souffraient plus de maux de tête, mais de ce qui hantait leur esprit. Concernant Lily, les mauvais souvenirs avaient cessé de la harceler, même si elle gardait clairement en mémoire toutes les émotions que ces images avaient provoquées, comme si elle était marquée au fer rouge.
Le soleil commençait à grimper dans le ciel. Jamais Lily n’avait ressenti une telle joie de recevoir sa chaleur et sa lumière. Elle se sentait oppressée par ces immenses falaises qui emprisonnaient les marais. Étouffante et hostile, la végétation freinait considérablement leur course. Afin de détendre l’atmosphère, Aurora s’assura que tout le monde allait bien. Elle tenta d’engager la conversation, sans succès. Kaël semblait drogué, perdu. Lixi était encore sous le choc de sa crise passée, et Marius avait toujours ce comportement étrange. Il demeurait muet comme une tombe, isolé, prenant de l’avance sur les autres. Il les attendait, parfois, mais paraissait impatient. Peut-être était-il plus torturé, seulement il ne le montrait pas. Son attitude ne lui ressemblait pas. Confuse, Lily n’osa pas lui adresser la parole.
Soudain, elle aperçut quelque chose d’inhabituel dans le paysage, derrière un arbre. Elle fronça les sourcils, à la fois curieuse et angoissée. Elle crut voir quelque chose bouger.
« Lily ! Viens m’aider ! »
Foudroyée par la peur, elle se statua immédiatement. Ses amis poursuivaient leur chemin sans se soucier d’elle. Aucun d’eux n’avait ouvert la bouche. Ils ne semblaient pas avoir remarqué quoi que ce soit. Pourtant, elle aurait juré avoir entendu la voix d’un enfant, la suppliant de l’aider. Le son avait paru provenir de l’arbre qu’elle fixait, comme un écho. Rongée par la curiosité, elle s’en approcha lentement.
« Lily ! S’il te plaît, viens me voir ! Sauve-moi ! »
Cette petite voix gémissante devenait de moins en moins lointaine, de plus en plus claire, comme si Lily émergeait d’un rêve. Des frissons firent hérisser ses poils. La gorge nouée, elle s’avança pas à pas, ruisselante de sueurs. Soudain, juste derrière elle, cette même voix l’appela :
— Lily ! Je t’ai enfin retrouvée ! Tes cheveux sont si beaux… comme le sang !
L’intéressée se retourna brusquement avant de baisser les yeux. Elle resta pétrifiée un instant, cherchant à comprendre. Un enfant haut comme trois pommes la dévisageait, les pupilles dilatées. Elle n’eut pas besoin de réfléchir davantage pour connaître son identité, aussi fou que cela parût.
— Oh ! Ma sœur, tu es si belle ! s’exclama-t-il, ébahi, le sourire aux lèvres.
L’instant d’après, le garçon de cinq ans se jeta dans ses bras, et la serra très fort comme si elle était sa mère. En dehors du fait qu’il s’exprimait quasiment comme un adulte, il était réel ! Lily pouvait le toucher, sentir ses boucles blondes caresser ses joues. Elle dévora ses yeux avec les siens. Aaron se révélait charmant à souhait. Pendant un instant, elle se laissa doucement emporter par cette délicieuse illusion. Elle se complut dans le plus beau rêve qu’elle n’avait jamais eu. Conquise, la jeune femme s’accroupit en face de l’enfant, et prit son visage de chérubin entre ses mains de porcelaine.
— Bonjour, toi… C’est si… troublant de te voir… Tu… tu me manques tellement, Aaron. Je ne t’ai jamais connu… J’aurais aimé grandir avec toi… Je me suis sentie seule toute ma vie, mon frère…
Bouleversée, Lily éclata en sanglots, les hurlements des marais exacerbaient ses émotions. Pendant ce temps, il caressait ses longs cheveux sanguinolents, il y glissait lentement ses petits doigts, l’air émerveillé.
— Pourquoi sembles-tu si mélancolique ? murmura-t-il à son oreille, d’une voix douce et innocente. Les anges ne sont jamais tristes… Je suis là, près de toi. Je suis vivant.
Lily secoua la tête, les larmes aux yeux. La réalité la rattrapa aussitôt.
— Non… Tu n’es qu’une illusion. Tu es mort, Aaron… six mois avant que je naisse. Tu avais à peine cinq ans…
Le garçon au visage innocent sembla horrifié. Bouleversée de voir son frère en chair et en os, bien qu’il fût décédé, Lily eut un haut-le-cœur. La situation était si étrange, à la fois magique et terrifiante. La douleur qu’elle ressentait devenait insupportable.
— Je t’aime ! s’écria-t-il, se jetant à son cou. Pourquoi dis-tu de telles absurdités ? Ce n’est pas vrai ! Je ne veux pas mourir ! Jamais ! Je ne suis qu’un enfant ! S’il te plaît, sauve-moi de ce monstrueux Sian ! Aide-moi ! Je t’en supplie ! L’Ange Triste, ne m’abandonne pas…
Lily le rassura, ébranlée.
— Chuuut… Jamais, jamais je ne t’oublierai, Aaron ! Aussi étrange que cela puisse paraître, alors que je ne t’ai jamais connu, tu as toujours été dans mon cœur. Toujours ! Tu entends ? Toujours…
Le garçon se mit à pleurer à son tour. De chaudes larmes glissèrent sur ses joues. Elle le dévisageait, impuissante. Elle aurait tellement aimé soigner son chagrin. Sans prévenir, l’enfant qu’elle tenait dans les bras s’endormit. Elle le secoua légèrement afin de s’assurer qu’il appartenait toujours à ce monde.
— Réveille-toi, Aaron ! Ce n’est pas le moment de partir… J’ai tant de choses à te dire. S’il te plaît, ne me laisse pas, gémit-elle, désemparée.
Lorsqu’elle baissa les yeux sur sa poitrine, elle remarqua avec effroi que son vêtement était imbibé de sang. Plus blanche que jamais, Lily se vit incapable d’émettre le moindre son. L’instant d’après, elle hurla. Son cri strident se répercuta sur les falaises, ses échos transpercèrent les marais, étouffèrent ceux qui la tourmentaient depuis deux jours.
Soudain, il disparut. Elle fit volteface, haletait, ses cheveux collant son front à cause de la sueur qui dégoulinait, et cria de plus belle, épouvantée : l’enfant se tenait debout à quelques mètres. Du sang recouvrait son visage et ses vêtements déchirés. Un filet écarlate gouttait depuis son menton jusque dans les eaux blanchâtres. Sa tête était légèrement inclinée sur le côté. Il la dévisageait comme l’avait fait la jeune Ombre dans la forêt. Le garçon restait droit comme un piquet, immobile, le visage impassible. Cette vision se révéla absolument effrayante.
Sous le choc, Lily retint sa respiration, plaqua ses mains sur sa bouche, se courba, eut un haut-le-cœur. Elle gémit, se retourna pour fuir cette immonde apparition. Il ressurgit juste devant elle, à quelques centimètres. Il la fixait d’un regard terriblement noir, un sourire mesquin au coin des lèvres, le visage toujours sanguinolent. Apeurée, elle le repoussa et s’échappa.
— LAISSE-MOI ! VA-T’EN !
Elle tenta de s’en éloigner. Ses jambes chancelantes fendirent péniblement les eaux épaisses et visqueuses qui ralentissaient considérablement sa course. Puis, contre toute attente, ce ne fut pas son frère qui apparut en face d’elle, mais Victor Valtori. Ce dernier la gifla instantanément, d’une violence extrême, et l’attrapa par les cheveux. Il la traîna sans ménagement dans les marécages, et plongea sa tête dans l’eau afin de la noyer.
En réalité, Lily était seule avec elle-même et ses propres tourments. Elle s’agressait elle-même, et plaquait sa main sur sa nuque afin de se maintenir dans les profondeurs des marais.
Elle sentit ses poumons se contracter douloureusement comme du temps où elle avait été humaine et qu’elle s’était presque noyée dans la piscine de l’école, enfant. Elle eut la vive sensation de manquer d’oxygène. À l’instant où elle crut partir, une main attrapa son bras pour l’extraire des eaux mortelles.
— LILY ! hurla Marius. RÉVEILLE-TOI !
Aurora le repoussa, respira à pleins poumons.
— Souviens-toi que tu es une Ombre, tu n’as pas besoin d’oxygène ! indiqua-t-il afin de la rassurer.
Affolée, elle regarda autour d’elle et cligna des yeux à plusieurs reprises. Elle se retrouvait seule avec Marius.
— Qu’est-ce… ? Où est… ? Mon frère il… ? gémit-elle, confondue. Il est mort…
— Chuuut, souffla-t-il en l’attirant doucement dans ses bras. Ne t’inquiète pas… Il n’y a personne ici… juste toi et moi…
Elle entendit des pas précipités derrière elle. C’était Lixi, incompréhensive, qui s’approchait en s’écriant :
— Qu’y a-t-il ?
Encore sous le choc et trompée par cette hallucination, Aurora murmura :
— Il est mort dans mes bras.
— Qui ? demanda Lixi, dubitative.
— Mon frère…
— Ce n’est pas réel, apprit-elle d’une voix douce. Cette nuit, j’ai vu ma grande sœur Lÿan se noyer dans les marécages. Apparemment, nous allons tous y passer…
Marius et Lixi la raccompagnèrent auprès de Kaël qui les attendait, inquiet. Lixi lui relata rapidement les évènements, avant de poursuivre leur périlleux voyage.

Ce fut au milieu de l’après-midi que le comportement de Kaël devint préoccupant. Il ralentissait la cadence, traînait derrière. Bientôt, une dizaine de mètres séparaient les autres et lui. Ils n’en prirent pas conscience aussitôt. Lorsque Lily se retourna et remarqua avec grand désarroi qu’elle se retrouvait véritablement seule, elle commença à paniquer. Marius et Lixi avançaient plus rapidement. Ils semblaient converser avec énergie, loin devant. Elle hésitait entre deux options : crier afin de prévenir ses amis, ou le chercher sans leur aide. Les hurlements la dissuadèrent de les appeler, car ils ne l’entendraient probablement pas. Elle choisit la deuxième solution. Les muscles contractés, elle rebroussa chemin, la peur au ventre, et explora les lieux.
— Kaël ?
Lentement, elle réalisa son isolement, emprisonnée par l’étouffante végétation. Peu à peu, les cris des marais s’accentuèrent, comme s’ils profitaient de son état d’anxiété pour la torturer davantage, jusqu’à la rendre folle. Elle resta droite comme un piquet, incapable d’effectuer le moindre geste, tétanisée. Quelques flashs envahirent de nouveau son esprit, de manière décousue, désordonnée. Le sang l’obsédait. Elle se rappela sa nage dans un mystérieux lac ; un fluide écarlate et brûlant coula entre ses doigts ; elle enfonça la lame de sa dague dans le ventre de sa victime ; elle s’observa dans un miroir, les joues ruisselantes de larmes rouges.
Elle pressa ses mains contre son crâne meurtri. Ce furent les hurlements de Kaël qui l’arrachèrent de ses cauchemars éveillés. Paniquée, Lily fonça en direction du cri et distingua l’Elfe caché derrière un arbre, plié en deux, pleurant à chaudes larmes. Désarçonnée, elle hésita à s’approcher de lui. L’instant d’après, il frappa le tronc, le déchirant dans toute sa longueur. Un craquement sinistre la fit sursauter. Lily se figea une seconde et l’observa. La peur, la haine et le chagrin déformèrent son visage. C’était la première fois qu’elle le voyait si bouleversé. Elle s’approcha prudemment de lui, mais il ne la remarqua pas. Afin de le calmer, elle attrapa ses épaules tremblantes, les serra, et attira l’Elfe contre elle. Son regard demeurait toujours aussi vague, Kaël semblait perdu dans sa propre tête. Elle posa fermement ses mains sur ses deux joues, et tenta en vain de capter son attention pour le ramener à la réalité.
— Mes parents sont morts, gémit-il. À cause d’eux !
— Chuuut Kaël. Calme-toi. Je suis là…
Les doigts de la jeune femme se contractèrent sur ses pommettes anguleuses. Il semblait nerveux, elle craignit qu’il enrageât de nouveau. Soudain, l’Elfe planta ses yeux de fauve dans les siens. Elle pensa un bref instant qu’il allait lui sourire, la prendre dans ses bras afin d’y trouver du réconfort, mais ce qui advint ensuite fut la dernière chose à laquelle elle s’était attendue.
— Va-t’en, sale Ombre ! vociféra-t-il d’un air menaçant, le visage déformé par le dégoût. Ne m’approchez plus, Marius et toi !
Sous le choc, Aurora se laissa repousser dans les marais, impuissante. Abasourdie par les hurlements exacerbés sous les eaux blanchâtres, elle émergea aussitôt, se releva avec des gestes chancelants.
— Kaël ! Qu’est-ce qui te prend ? Contrôle-toi ! Résiste à tes troubles intérieurs ! Ressaisis-toi ! s’écria-t-elle, affolée.
— LA FERME ! MES PARENTS SONT MORTS À CAUSE D’EUX ! JE VOUS HAIS TOUS !
L’Elfe enragé serra les poings si fort que ses doigts devinrent bientôt violacés. À l’instant où son ami piqua une nouvelle crise de folie, Marius et Lixi accoururent, ayant probablement entendu ses cris.
— Qu’est-ce qu’il se passe ici ? On vous cherchait ! s’égosilla Lixi, paniquée.
Kaël fulminait. Inquiète, Lily leur raconta rapidement son état de choc et la raison de son trouble. Mais dès que ses yeux perçants se posèrent sur Marius, l’Elfe devint complètement fou. Ce dernier fonça sur l’Ombre et le jeta contre un tronc d’arbre. Marius agrippa les bras de son agresseur et les tint fermement, tentant de le calmer et de le maintenir à distance.
Malheureusement, le soleil s’était couché et une lueur crépusculaire les enveloppait peu à peu. Selon le Pacte du Temps, ils pouvaient combattre et s’entretuer en toute légalité jusqu’à la tombée de la nuit. Épris d’une rage incontrôlée, l’Elfe semblait déterminé à exécuter Marius.
Lixi et elle se précipitèrent vers leur ami afin de l’empêcher d’user d’Héliogie, mais celui-ci leva les mains, déplaça une gigantesque masse d’air, les propulsant aussitôt quelques mètres plus loin. Lixi et elle rebondirent contre un arbre, retombèrent lourdement sur les sinueuses racines qui ressortaient des eaux poisseuses. L’Elfe effectua des mouvements complexes avec ses doigts, toujours dans leur direction.
L’instant d’après, Lily sentit quelque chose pousser à toute vitesse, s’entortillant rapidement autour de ses jambes et l’immobilisant. Elle ne pouvait bouger. Impuissantes, elles assistèrent au duel entre l’Elfe et l’Ombre, lors du Crépuscule le plus sombre qu’elles n’eussent jamais connu.
Le regard de Kaël, plus noir que jamais, était désormais fixé sur sa seule et unique proie. Lily ne le reconnaissait plus. Il semblait perdre le contrôle de lui-même, comme si ses peurs et ses souffrances l’emportaient.
— KAËL ! ARRÊTE ! vociféra la princesse.
Celui-ci ne voulait rien entendre. Il était bien décidé à s’en prendre à Marius, son éternel rival. Un combat déchaîné entre l’Elfe et l’Ombre s’ensuivit. L’être bronzé frappait sauvagement, avec agilité ; celui à la peau plus blanche que le lait contrait chaque coup d’une dextérité inhumaine. Les deux s’agitaient, avec grâce et rapidité. L’un créa une lame scintillante au creux de sa main en usant d’Héliogie ; l’autre montra les dents et cracha du venin comme un serpent. Soudain, un jet corrosif s’abattit sur le torse de l’Elfe qui hurla aussitôt, brûlé sur le coup.
— Marius ! Immobilise-le ! vociféra Lixi à l’adresse de son bien-aimé.
L’intéressé évita de justesse une salve de flammes envoyée par Kaël, et se rua sur lui, empoignant ses mains. L’Albinos se débattit, enragea, se mordit les lèvres jusqu’au sang. Afin de l’effrayer, Marius montra à nouveau les dents, ses canines aiguisées émergèrent de sa bouche.
— Un geste de plus et je t’empoisonne, menaça Marius, le regard noir.
— C’est donc de ça dont tu es amoureuse ? s’indigna Kaël, fixant l’Ombre d’un air farouche et écœuré. Une Elfe n’aurait jamais dû s’unir à l’ennemi… à un TRAÎTRE !
Lixi fulminait tandis que Marius intensifiait la pression qu’il exerçait sur les mains de Kaël, la tension monta d’un cran.
— Tu l’as toujours accusé, simplement parce qu’il est un Ombre ! scanda Lixi, hors d’elle.
Le jeune Elfe réussit à s’extraire des griffes de Marius et à le maintenir à distance.
— Il a passé des décennies à servir Sian Valtori ! Il a combattu auprès d’Alexandre mille ans plus tôt ! riposta-t-il. Comment peux-tu être aussi naïve en croyant qu’il ne nous trahira pas lorsque Sian attaquera Aurora, accompagné de sa horde d’Ombres et d’Hybrides ? Il est allié aux Elfes depuis seulement vingt ans !
— Il a neutralisé Jézabel pour me sauver, Kaël ! objecta-t-elle. Il s’est mis en danger pour nous ! Il appartient à la Guilde des Héliogiciens et les a aidés durant toutes ces années, jusqu’à même nous donner des informations cruciales sur nos ennemis ! Il a toujours été contre Sian. Son cœur est pur…
— Son CŒUR est MORT ! Sa poitrine est aussi dure que la pierre ! Tu aimes un CADAVRE !
L’Elfe aborda lentement Lixi qui semblait profondément indignée. Marius et Lily les fixaient du regard, déconcertés. Emprisonnée, Aurora ne pouvait pas s’échapper. À l’approche de la princesse, les traits de Kaël s’adoucirent brièvement. Il les libéra de leurs lianes, tressaillit et caressa chastement la joue creuse de Lixi.
— Tu m’as brisé le cœur, intima-t-il avec amertume.
Le visage de la jeune Elfe se déforma. Ses yeux rougirent et quelques larmes glissèrent furtivement. Un combat intérieur semblait la tirailler. Les hurlements ambiants des marais accentuaient leurs émotions.
— Nous étions destinés à nous unir, toi et moi, insista Kaël dans un souffle, les traits durcis, mais le regard plus doux que le miel. Ta mère a toujours désiré que nous nous mariions. Elle aurait voulu que je t’épouse. J’étais tellement heureux d’être l’élu… Non pas pour le trône, mais pour partager ma vie avec toi. Tu ne peux pas t’empêcher de t’opposer à ce que la Reine souhaite pour toi ! As-tu choisi Marius par amour ou rébellion ?
— Arrête, s’étrangla-t-elle.
L’instant d’après, les hurlements des marais s’intensifièrent à mesure que les secondes défilaient. Bientôt, ils devinrent si soutenus que les quatre acolytes se courbèrent, plaquèrent leurs mains sur leurs tempes. D’habitude, ces instants de crise ne duraient pas plus d’une minute. Accablée, Lixi se mit à crier, crier, crier, si bien que Lily en devint folle à lier :
— QUAND EST-CE QU’ELLE VA SE TAIRE, CELLE-LÀ ! vociféra Aurora, furibonde.
Ne supportant plus ses hurlements qui s’additionnaient à ceux des marais, Lily fonça sur Lixi et lui agrippa les cheveux.
— LA FERME ! s’écria-t-elle, montrant les dents et crachant férocement.
Ayant totalement perdu les pédales, Lily s’apprêtait à frapper la vulnérable princesse quand celle-ci supplia :
— Non, non, non, arrête ! S’il te plaît, ne me fais pas de mal, ne nous fais pas de mal, pleurnicha-t-elle, en protégeant son ventre de ses bras.
La dangereuse Aurora s’interrompit, confuse. Elle cligna plusieurs fois des yeux comme si elle venait de se réveiller d’un mauvais rêve.
— J’attends un bébé ! Je porte l’enfant de Marius ! révéla-t-elle, affolée à l’idée que Lily la blesse.
L’instant d’après, les hurlements des marais ne devinrent plus qu’un murmure.

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