Au matin, les deux adolescents partirent ensemble, main dans la main, pour le lycée, Tristan resta la journée entière à ses côtés, la surveillant d’une certaine manière.

Le soir, rentrée chez elle, Ambre fit ses devoirs. Elle mangea seule, les parents dînant au restaurant et les filles rentrant plus tard.
C’était leur anniversaire de mariage, aux parents. Eh bien sûr ils allaient le fêter, leur habitude était de partir le soir, manger au restaurant puis aller à l’hôtel ou dans un endroit de leur passé. L’une des deux filles de la famille l’avait expliqué à Ambre pour ne pas qu’elle s’inquiète si un jour elle ne les voyait pas rentrer.
Pour une fois, Ambre pouvait sortir, mais bien sûr elle devait attendre le retour des filles.
Les filles dormaient probablement lorsqu’elle se décida, la nuit s’imposait déjà entièrement, alors la demeure était parfaitement silencieuse. Ambre sortit, à pas de loup.
En silence, elle marcha entre les arbres, pas un seul bruit ne l’entourait, pas même d’animaux, pas même de vent dans les arbres, une nuit de silence et d’angoisse.
Elle avançait avec prudence, regardant autour d’elle avec crainte, s’attendant à ce qu’une bête lui saute dessus à tout moment. Elle essayait de ne pas s’affoler, c’était bien difficile en cette sombre nuit. Vous me direz qu’elle n’aurait pas dû sortir, mais Ambre était une jeune fille adorant se faire peur ainsi, la nuit, seule, dans la forêt. Le silence était très effrayant, comme une pause dans la vie de la forêt, une quiétude inhabituelle, la jeune fille n’en était que plus craintive, des animaux l’auraient accompagnée qu’elle n’en aurait été que rassurée.
Avançant au hasard, elle parvient à un chemin de terre, intriguée, elle le suivit. Les arbres bordaient de leurs hautes branches le passage, grandes silhouettes sombres dessinant le parcours à suivre.
Ambre arriva face à un immense portail de fer rouillé, des motifs de roses étaient forgés pour former cette sombre grille. Certainement très belle autrefois, de la mousse verdâtre la recouvrait, pourtant, malgré les âges qui semblaient peser sur elle, cette barrière semblait encore solide. La jeune fille s’en approcha, rassemblant son courage. Mais avant même que sa main n’eut frôlée le fer, les deux immenses portes s’écartèrent dans un grincement des plus atroce.
Ambre, pétrifiée, resta sur le chemin, face à cette voie nouvellement créée, s’ouvrant certainement vers l’aventure, des événements peut-être encore plus étranges que ses rêves. Un vent glacé ce mit à la pousser dans le dos, l’incitant à avancer, en direction de la maison se dessinant à présent dans la sombre lueur de la lune, une silhouette majestueuse mais menaçante à la fois.
Ambre ferma les yeux, prit une profonde inspiration et fit un pas, un simple pas dirait-on, mais qui provoqua le déchaînement de la nature autour, un vent plus violent se mit à souffler, la grille frémit dans un froissement de métal affreusement aigu. Ambre se figea.
Elle s’avança de nouveau lorsque l’affolement cessa, tout en marchant elle scruta les ombres qui l’entouraient, la désagréable impression d’être observée trottait dans son esprit.
Ce n’était pas faux, mais les yeux qui la fixaient ne provenaient pas de derrière elle ni des arbres, non, c’était cette maison, cette demeure vieillie par le temps qui la regardait avancer vers elle.
Le chemin sombre et ombragé fait de simples galets noirs et blancs était entouré d’arbre aux frondaisons obscures, des feuilles sombres, noires et marron, tout cela formant une allée de ténèbres nous conduisant droit à l’inquiétante demeure. Ambre se figea face à l’immense bâtisse de pierres sombres. Un large balcon surplombait le devant de la maison, soutenu par des colonnes d’origine blanches recouvertes de plantes grimpantes, les mêmes plantes semblaient totalement envahir l’ensemble de la demeure, les volets bleus nuit claquèrent, cette maison n’inspirait clairement pas confiance.
La porte était ouverte, avançant d’un pas incertain, Ambre finit par s’engouffrer dans la demeure. Arrivée dans une entrée spacieuse, elle fut étonnée de ne pas voir tout s’effondrer, les murs éteints par les âges passés semblaient être encore assez fort pour supporter le poids de la vieille demeure. En face de la visiteuse se dressait un escalier décrépit menant à des mezzanines menaçant de s’écrouler. Un tapis, surement d’un rouge chaleureux autrefois, recouvrait misérablement une partie du sol. Sur les murs pendaient de grandes et très anciennes lampes, désormais brisées et inutilisables.
Ambre appliqua sa main sur l’un des murs, un étrange courant glacé parcourut alors son bras. Elle se mit à avancer furtivement en tentant d’être la plus silencieuse possible, elle arriva finalement à une embrasure de bois sombre où la porte semblait avoir été violemment arrachée.
Que c’était-il donc passé ? La maison semblait avoir été attaquée par quelques hommes violents…ou peut-être n’étaient-ce pas des hommes…mais alors quoi ?
Elle entra prudemment dans la prochaine pièce. Alors dans une grande salle, elle se mit à observer, une commode en bois vieillie par les années, dessus reposaient des vases vêtus de poussières et de grands livres tout aussi anciens. Au-dessus de ce meuble était accroché un tableau, Ambre s’en approcha, une peinture, elle représentait un homme. Assez grand, maigre, les cheveux bruns coupés très courts, il était habillé d’un costume noir semblant fait sur mesure, brillant comme des écailles au soleil. Il paraissait que cet homme observait la jeune visiteuse, ses yeux verts sales étaient pétrifiants, ses fines lèvres entrouvertes laissant imaginer une voix perfide et des paroles si froides qu’elles nous glaceraient le sang.
Ambre finit par détourner les yeux de cette effrayante vision, elle effleura de ses doigts fins un vase, sa main glissa ensuite sur un livre en couverture de cuir. Mais, alors que le silence régnait, la sensation d’un contact sur son épaule la fit se retourner, personne, elle était seule dans la pièce, pourtant elle était certaine…Elle avait ressenti quelque chose…
La surprise et la peur passées, Ambre s’éloigna de la commode, elle se dirigea vers une nouvelle porte, alors elle parvient à une vaste salle très lumineuse. Plusieurs fenêtres recouvraient tout un mur, comme une salle de danse. A la droite de la jeune fille se dressait un escalier colossal s’appuyant contre le mur.
Un courant d’air frai vient la rafraîchir, avec les années, les rafales de vent et toutes autre sorte d’attaques de la nature, les vitres des fenêtres s’étaient brisées et laissaient tout entrer, y compris les animaux.
Elle s’avança vers l’escalier et commença son ascension sur les marches grinçantes. Arrivée à l’étage, elle se trouvait dans une immense pièce, une salle de bal, le sol était pavé d’un tapis rouge, les murs dissimulés derrière des draps beiges et le plafond, très haut, semblait fait de miroirs.
La porte suivante donnait sur le balcon, Ambre n’y fit qu’une courte halte puis poursuivit sa visite. Elle parvint à un nouvel escalier, une fois gravit, elle se trouvait sur le toit de la demeure. Il était désert, excepté un kiosque orné de fleurs bleues et blanches, comparé au reste de la maison, il était le seul endroit propre et non abîmé par le temps, comme si quelqu’un ne s’occupait que de ce lieu. Au centre se trouvait un cercle en relief aux contours azurs, Ambre monta les marches qui s’illuminèrent au contact de ses pieds, puis fis le tour et observa les poutrelles soutenant le toit. Des fleurs s’enroulaient autour, tombant ainsi en un doux tourbillon coloré.
Un très léger tintement se fit entendre, intriguée, Ambre se retourna : des branches d’un blanc éclatant descendirent du toit vers le centre du kiosque, de petites clochettes bleutées ressemblant à des Nivéole poussèrent rapidement sur ces tiges.
Ambre s’approcha, lorsqu’elle fut entièrement à l’intérieur du cercle tracé à terre, un cerceau de lumière azur s’éleva autour d’elle, alors un gaz bleu l’enveloppa.
La peur ne fit qu’un court passage pour laisser place à la fascination : ses vêtements disparurent et la fumée se changea en une magnifique robe azurée, longue, sans bretelles, elle tombait gracieusement sur la jeune fille, serrée à la taille puis partant en un millier de voiles accrochés entre eux, dos nu, le haut était un bustier attaché d’une longue ficelle sur le devant.
Le reste du nuage bleu reprit de l’épaisseur et s’enroula encore autour d’Ambre mais plus particulièrement sur sa tête. Ses cheveux, déjà longs, gagnèrent quelques centimètre, ils s’ondulèrent, atteignant alors sa taille et ayant pris des reflets roux. Un collier apparu autour de son cou, de longues chaînes d’argent grillant entourant ses épaules ou autour de son cou, elles soutenaient un pendentif fait d’une pierre bleu.
La fumée passa alors dans son dos, en regardant par-dessus son épaule, les yeux d’Ambre devinrent ronds : deux amas de plumes blanches avaient poussées sur ses omoplates, telles les ailes des aigles mais avec beaucoup plus de puissance.
Quand la lumière disparue, Ambre sortis du cercle, les branches ornées de fleurs grandirent alors pour former un ovale devant elle : un miroir.
Ambre était en plein rêve, oui, elle rêvait, c’était obligatoire, ce qu’il venait de se passer, la robe, les ailes, le reste, c’était un rêve. Du moins, c’était comme cela qu’elle le voyait, ça ne pouvait être vrai pour elle.
Puisque c’était un rêve, elle se dit qu’elle pouvait bien profiter, que tout était possible, comme dans tous rêves.
Elle descendit donc tu toit. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle découvrit un escalier en parfait état, comme restauré. Tout semblait avoir rajeunit, les murs étaient bien droits comme s’ils avaient été construits depuis peu, leurs peintures étaient lisses et claires, le sol ne présentant plus aucune imperfections, la balustrade du balcon débarrassée des plantes envahissantes. Le jardin semblait lui aussi rafraîchit, les arbres avaient retrouvés leurs splendeurs et semblait même avoir grandi, l’herbe parfaitement verte et le chemin de galets clair. Ambre retraversa toutes les pièces qu’elle avait visitées quelques minutes plus tôt, toutes en parfait état.
Elle arriva devant la commode, plus un seul brin de poussière ne l’ornait, ni sur les livres, si sur les vases, Ambre leva les yeux et fut étonnée en regardant le tableau, à la place de l’homme effrayant se trouvait à présent le portrait d’une jeune fille, le parfait contraire.
Elle sortit de la demeure et s’avança sur le chemin de galets transparents, de chaque côté se dressaient des arbres aux feuilles roses pâles, en face se distinguait le portail en fer forgé.
La grille s’ouvrit sans un grincement et Ambre put s’engager dans la forêt.
Mais que c’était-il donc passé ? Même si elle se croyait dans un rêve, c’était étrange d’avoir ainsi remonté le temps. Qu’allait-il se passer maintenant ?

Après un moment de marche, elle parvient à une rivière, s’asseyant au bord de l’eau pour réfléchir elle ne vit pas le temps passer. C’était un rêve, mais pourquoi un rêve commencerait-il par un retour dans le temps ?
C’était le milieu de la nuit et Ambre sentait la fatigue arrivée. Pourtant…dans un rêve, est-on censé ressentir la fatigue ?
La jeune fille s’allongea, regardant les étoiles, elle ne sentit pas les bras du sommeil qui l’entourèrent alors.

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