Rue Mouffetard, Paris.
Jeudi 8 mars 2012
14 h 12.

Les volets étaient fermés et les rideaux tirés, il faisait noir. Cela ne l’empêchait pas de voir comme si la lumière pénétrait sa chambre. Elle se trouvait en position fœtale dans le coin le plus reculé de la pièce, le dos collé contre l’angle du mur. Elle se rongeait les ongles avec frénésie et se balançait d’avant en arrière, sous le choc, ses doigts recouverts de sang. Des frissons électriques ébranlaient sa poitrine. Son cœur inerte se contracta dans la douleur, et l’Anneau la brûlait. Lily éclata en sanglots et se vit incapable d’effectuer le moindre geste pendant de longues heures.
Soudainement affolée, elle bondit à une telle vitesse qu’elle sembla se téléporter devant le miroir, inspirant une grande bouffée d’air. Lorsque son regard se posa sur son reflet, elle sursauta : ses joues étaient inondées de larmes sanguinolentes qui se déversaient depuis le coin de ses yeux. Déconcertée, elle s’activa à la salle de bain et rinça son visage avec frénésie. Ses cernes violacés s’étaient assombris, lui donnant un véritable air de toxicomane.
Elle ne s’était jamais sentie aussi seule qu’à cet instant. C’était pire encore que la fois où elle avait subi son accident de voiture et voyagé dans son rêve étrange. C’était épouvantable, elle croyait cauchemarder. Elle ne comprenait pas ce que son corps traversait, et n’avait aucune connaissance de la maladie qui l’avait touchée.
Était-elle la seule sur cette planète à vivre cela ? Pour avoir le cœur net, elle se rua à son bureau, alluma son ordinateur, se connecta à Internet et lista ses symptômes dans la barre de recherche afin d’identifier sa mystérieuse maladie. Le temps défilait, et elle ne trouvait aucune information sérieuse. Bouleversée, elle plaqua ses mains sur son visage, cessa de respirer, blêmit davantage et pleura. Elle finit par s’approcher de son lit d’un pas traînant, et se laissa tomber, gémissant de plus belle.
Peu à peu, elle ferma les yeux, se calma avant de s’endormir.

Les Bois de l’Aurore, Zénith.
Vendredi 9 mars 2012
5 h 40.

Lily se réveilla en sursaut et respira à pleins poumons. Elle avait redouté cet instant. La jeune femme se trouvait dans l’arbre, exactement au même endroit où elle était restée pendant des heures d’agonie. L’une de ces nuits très sombres dont le ciel était dépourvu de lune régnait.
C’était véridique : dès qu’elle s’endormait dans le monde réel, Lily se réveillait dans cette forêt inconnue, et vice-versa. Lorsque Paris brûlait sous le soleil, ce monde était plongé dans les ténèbres, comme si le fuseau horaire entre sa ville natale et ici était décalé de douze heures.
Lily devait se rendre à l’évidence malgré le fait que ce fût invraisemblable : cet endroit était aussi réel et palpable que la Terre. Elle chassa ces idées saugrenues de sa tête et se concentra sur ce qui l’entourait.
Elle était de nouveau seule face à elle-même, ne pouvant profiter d’une aide quelconque. Son propre corps résidait-il toujours dans sa chambre en ce moment même ? Elle l’ignorait.
Lily ne savait pas quelle direction prendre. C’était la troisième fois qu’elle vivait cette expérience, ce qui confirmait la vraisemblance de ce monde. Elle en déduisit que si elle désirait retourner à Paris, elle devrait s’endormir. Elle n’était pas assez fatiguée pour que ses paupières se refermassent. Elle avait absolument besoin d’un guide, de quelqu’un sur qui compter, car ces lieux lui apparaissaient très hostiles. Les seuls êtres humains qu’elle avait eu le malheur de croiser gisaient dans un village en ruine, au loin, excepté la fillette qui l’avait mordue.

Aurora marchait d’un pas déterminé droit devant elle, espérant trouver un endroit sûr, ou rencontrer quelqu’un de normal. Mais voilà, la nuit avait plongé la forêt dans une obscurité opaque. Bientôt, le danger rôderait autour d’elle, Lily deviendrait une proie facile — du moins, c’était ce qu’elle croyait.
Aurora eut la curieuse impression que ses sens s’étaient affinés. Des fragrances parvinrent à sa conscience. Sa vue se perfectionna, son ouïe s’aiguisa davantage. Elle perçut les crépitements produits par de minuscules insectes, de la terre jusqu’à la cime des arbres. Cet étrange malaise qui s’était emparé d’elle depuis son exposition au soleil semblait avoir disparu.
Puis des flashs, des souvenirs lointains resurgirent : des moments marquants de son enfance, même des détails inutiles. Sa vie défila dans sa tête. Elle s’écroula sur le sol, abasourdie. Elle eut l’impression que son crâne exploserait. Elle se rappela tout, ainsi que les neuf mois passés dans le ventre de sa mère… c’était à la fois fascinant et terrifiant !
Mais la chose qui l’effrayait le plus se produisit : Lily était perdue au beau milieu de la forêt quand des hurlements résonnèrent à des kilomètres. Les Hybrides partaient à la chasse. Impuissante et désemparée, la jeune femme enroula ses doigts tremblotants autour de l’Anneau, espérant qu’il la ramenât chez elle.
Elle cherchait une issue dans la détresse, mais l’angoisse s’était si emparée d’elle que Lily resta pétrifiée par la peur.
Pendant ce temps, son ouïe fine lui permit de percevoir le bruit qu’effectuaient ces bêtes sauvages. Elle entendit leur souffle rauque et brûlant, leurs griffes qui s’enfonçaient dans la terre humide, le mouvement vif et rapide de leurs muscles sous leur peau épaisse et tendue, les battements accélérés de leur cœur. Ils se démarquaient de ceux de Joanna. Ils étaient bien plus précipités et irréguliers, saccadés. Lily ne comprit pas comment elle parvenait à entendre ces sons malgré la distance qui la séparait encore des prédateurs.
Ils approchaient, inéluctablement. La jeune femme n’avait plus la force de fuir. Elle était vaincue, la mort se présentait devant elle, maintenant. À quoi bon courir ? Ils la rattraperaient de toute manière. Lily devinait leur vitesse, elle ne pouvait rivaliser. Ils se jetteraient sur elle et la dévoreraient sans aucune pitié. Elle espérait seulement quitter ce monde avant qu’ils la fissent souffrir.
Résignée, Lily s’effondra sur le sol, le cœur toujours aussi calme et silencieux. Elle fut arrivée à un stade où elle était persuadée qu’elle se réveillerait coûte que coûte dans sa chambre. Elle rendit les armes, attendant avec impatience que cette maudite histoire prît fin.
Mais elle ne partait pas. Lorsque ses prédateurs se trouvèrent à une distance de cinq mètres environ, elle réalisa qu’elle ne cauchemardait pas. Il était trop tard ; sa vie s’achèverait ici.
Deux tigres qui montraient leurs dents acérées l’observaient avec méfiance et agressivité. Leurs yeux d’un jaune vif semblaient animés d’une intelligence hors du commun pour des animaux, ce qui la déstabilisa.
Soudain, l’un d’eux prit de l’élan et s’apprêta à se jeter sur sa proie. Mais contre toute attente, un bruit de sifflement fit vibrer leurs tympans. L’instant d’après, la bête s’étala sur le ventre, gémissant de douleur, une flèche scintillante plantée dans le cœur. Une fraction de seconde plus tard, la deuxième subit le même sort. Un silence total cerna Lily. Elle était sauvée, mais elle sentit la présence d’une autre créature à proximité.
Ses muscles se contractèrent. Aurora se releva avec vivacité et scruta les alentours, affolée. Sa nouvelle vue lui permit de détailler la forêt à une centaine de mètres à la ronde. Un son très familier parvint à ses tympans affûtés.
Elle perçut des battements de cœur très différents de ceux de Joanna et des prédateurs. Les pulsations lentes et régulières de ce cœur mystérieux l’apaisèrent aussitôt. Lily crut même un instant qu’elle s’endormirait. Elles lui rappelèrent le temps passé dans les entrailles de sa mère. À ce souvenir, elle ne put s’empêcher de sourire malgré l’ambiance tendue qui régnait.
Soudain, quelque chose surgit des buissons. La jeune femme réagit sans réfléchir, se retourna et se sauva. L’adrénaline dans ses veines l’avait réveillée, assez pour prendre la peine de fuir. Elle courut à une vitesse qui la surprit elle-même. Aurora entendit un bref sifflement qui perça ses tympans, et reconnut une flèche scintillante se planter dans un tronc qui lui faisait face. Elle s’immobilisa, sous le choc, puis continua sa cavale. Une autre jaillit à proximité. Elle ignorait si ce chasseur désirait la tuer ou bien l’arrêter, mais ce petit jeu commençait à l’agacer. Plusieurs flèches successives finirent par l’encercler. L’instant d’après, une mystérieuse créature émergea des buissons.
— Qui est-ce ? cria-t-elle, angoissée.
Malgré l’obscurité qui les enveloppait, Lily parvint à distinguer les traits de cet étrange individu. Ils s’observèrent pendant un long moment, méfiants et sur leurs gardes, une vive lueur de curiosité dans leurs yeux. Un homme était posté devant elle, immobile. Il ne ressemblait pas à un Humain, cela se remarquait au premier coup d’œil : ses cheveux blancs nacrés malgré l’extrême jeunesse de son visage flirtaient avec ses épaules ; sa silhouette longue et gracile l’étonna. Ses prunelles d’un mauve pâle, sa peau lisse et halée, et ses deux oreilles pointues qui émergeaient l’interpelèrent.
Il la dévisageait avec insistance, une lueur narquoise dans le regard et un sourire mesquin au coin des lèvres. Son air hautain et sa beauté singulière ne firent qu’accentuer la méfiance de Lily à l’égard de cet étrange spécimen. Une grimace disgracieuse déformait le visage de la jeune femme. Elle semblait vraiment intriguée par l’inconnu, et plus particulièrement par ses oreilles pointues.
— Vous pourriez au moins avoir la gentillesse de remercier celui qui vient de vous sauver la vie, lança-t-il d’une voix sarcastique et mélodieuse à l’adresse de l’étrangère.
L’intéressée resta muette, tétanisée par cet échange.
— Vous oubliez que vous avez failli me planter plusieurs fois avec vos flèches ! riposta-t-elle.
— Il ne faut jamais sous-estimer la dextérité d’un Elfe, affirma-t-il, d’un air fier et amusé.
— Bien sûr, marmonna-t-elle, exaspérée par la situation, peinant à le prendre au sérieux. Un Elfe… n’importe quoi… j’aurais tout entendu.
Elle ferma les yeux un instant, pressa ses mains sur ses tempes et s’efforça de s’éclaircir les idées.
— Bon, visiblement, tu n’as pas l’air de vouloir me tuer comme toutes les autres créatures que j’ai croisées ces derniers jours. Mais… j’aimerais vraiment savoir où je me trouve ! explosa-t-elle, furieuse.
Lily fulminait. Elle ressentait le besoin d’évacuer ce stress, cette pression qu’elle avait accumulée depuis son retour dans ce monde épouvantable. L’inconnu fronça les sourcils et resta silencieux. Il se contentait de l’examiner, un sourire espiègle au coin des lèvres.
— Qui es-tu ? demanda-t-elle. Où sommes-nous ? C’est la troisième fois que je me réveille ici et que ces bestioles me poursuivent. J’aimerais savoir si je suis folle ou si c’est bien réel.
Silence.
Une vague de frissons galopa le long de son dos. La créature aux yeux mauves ne cillait pas, elle continuait à scruter l’étrangère avec suspicion. Son visage s’assombrit, l’individu paraissait de plus en plus méfiant à son égard.
— Es-tu bien Lily Aurora ? s’assura-t-il d’un air soucieux.
L’intéressée sursauta, choquée. Comment une créature pareille connaissait-elle son nom ?
— Oui, pourquoi ?
Il sembla à la fois soulagé et décontenancé, et persifla d’un ton acerbe :
— Cela fait plusieurs jours que nous te cherchons dans la forêt.
Lily agita la tête, ne saisissant pas ses propos.
— Nous ? Qui donc ? Comment me connais-tu ? Qui es-tu ? asséna-t-elle. Ça fait trois jours que j’ignore ce qu’il se passe. J’ai déjà failli mourir plusieurs fois ici. Je veux simplement que ces voyages ou… ou… ces hallucinations… cessent !
— Avant toutes choses, on attend.
Silence.
— On attend quoi ?
— L’Aurore, pour que je puisse faire un feu.
— Pourquoi ?
Face au mutisme de l’étrange créature, Lily l’imita et s’assit sans dire un mot.
Quelques minutes plus tard, les premiers rayons de soleil de la journée transpercèrent la canopée, arrachant un sourire satisfait au prétendu Elfe. Celui-ci s’agenouilla, plaça les mains devant un tas de feuilles et ferma les yeux. Il inspira et se concentra. Puis, lentement, ses doigts se gorgèrent de lumière et une flamme s’en échappa, embrasant les débris, sous le regard ébahi de Lily.
— Co… comment as-tu fait ça ?
— L’Héliogie, répondit-il. De l’Aurore au Crépuscule, grâce à notre étoile du jour, les Elfes peuvent pratiquer cette science. Nous pouvons contrôler la matière.
— C’est… c’est extraordinaire !
— Bon, maintenant que nous sommes installés près du feu, je peux t’expliquer en quelques mots ce qu’il t’arrive depuis quelques jours.
Lily passa ses bras autour de ses genoux et ne lâchait plus l’Elfe des yeux, attendant avec impatience qu’il en révèle davantage.
— Je t’écoute.
— J’imagine que tu possèdes l’Anneau, n’est-ce pas ?
Surprise, Lily tint son bijou qui brillait à la lueur des flammes, et baissa la tête pour le regarder, avant de répondre :
— Oui, comment sais-tu que je porte un tel bijou ?
— C’est l’un des trois Trésors du Temps transmis de génération en génération dans la célèbre famille Aurora, confia-t-il. Ils contiennent un pouvoir inestimable, et permettent aux membres de ta lignée de voyager entre Zénith et la Terre, depuis le jour où ils subissent un violent choc physique ou psychologique.
— Zénith ? Est-ce votre planète ? demanda-t-elle, abasourdie par ces incroyables informations.
— Oui, nous nous trouvons dans les Bois de l’Aurore, à l’est de l’île, à quelques kilomètres de la capitale des Elfes.
— Et pourquoi me cherchais-tu ? Comment savais-tu que je voyageais sur Zénith depuis quelque temps ?
— Nous t’espionnons depuis ta naissance, Lily.
Elle resta interdite et parut choquée par ce que cet inconnu confiait. L’avait-on vraiment surveillée ?
— C’est impossible ! Qui a fait ça ? asséna-t-elle.
— Les Elfes. Tu représentes la dernière descendante Aurora, et nous savons que tu portes l’Anneau. Ainsi, tu étais un candidat potentiel pour voyager sur Zénith. Et lorsque l’un de nous a assisté à ton accident l’autre jour, dans la rue, nous avons supposé que tu te réveillerais ici. La Reine m’a chargé de te retrouver dans la forêt, car en général, les candidats arrivent dans ces bois la première fois.
Malgré l’absurdité de ce qu’il confiait, s’il disait vrai, ces révélations expliqueraient beaucoup de choses. Déjà, cela la confortait dans l’idée qu’elle ne perdait pas la raison : Lily était bien espionnée depuis toujours. Cette sensation constante d’être suivie, observée, c’était eux !
Effectivement, depuis son accident, elle voyageait dans ce qu’elle avait cru être un rêve au départ, mais qui était en fait un monde bien réel, qu’ils appelaient Zénith.
Et puis la chaleur de l’Anneau, les courants électriques, les flashs blancs. Dès qu’elle avait eu le malheur de subir de petits chocs au cours de son enfance, il s’était « réveillé », sans l’emmener sur Zénith puisque ces perturbations avaient manqué d’intensité.
— Pourquoi teniez-vous tant à me retrouver, vous, les Elfes ?
— C’est pour te protéger des Ombres dont le chef convoite les Trésors du Temps.
— Les Ombres ? Qui sont-ils ?
Il se tut un petit moment, entretenant le feu qui commençait à s’éteindre, avant de poursuivre :
— Ce monde est en Guerre Froide depuis un millénaire entre les deux espèces qui dominent tous les êtres vivants ici : les Elfes et les Ombres.
Si le cœur de Lily avait pu battre, il se serait détaché de sa poitrine. Elle ignorait si elle devait le croire. Cependant, une partie d’elle avait besoin de comprendre les choses inexplicables qui l’assaillaient depuis plusieurs jours. Certes, elle devait remettre en question ce monde, mais elle dut se rendre à l’évidence à présent. Lily l’écoutait alors, curieuse et attentive.
— Les Ombres sont des Humains infectés par un type de virus qui vit en symbiose au sein de chaque cellule de leur corps, les transformant en ce qu’ils sont, et de manière irréversible. Il n’existe aucun remède à cette maladie, car ce virus est extrêmement robuste. Les Ombres sont froids, puissants, et se nourrissent d’eau ferreuse ou de sang — excepté celui des Elfes dont ils sont allergiques, déclara-t-il d’un air révulsé. Le venin qui provient de leurs canines aiguisées, regorgeant de ces microorganismes, nous est fatal à nous les Elfes. Et c’est en mordant leurs proies humaines qu’ils les infectent. Ils sont nos ennemis, et, par ordre de la Reine, nous avons le devoir d’éliminer tout Ombre qui croiserait notre chemin, sur notre territoire. Sinon, nous sommes bannis de la capitale et des Bois de l’Aurore.
Lily retint ses larmes de sang. Sinon, elle serait aussitôt démasquée. Elle ne voyait pas d’autres explications, tout concordait : Lily Aurora était devenue une Ombre à l’instant où l’orpheline, elle-même infectée, l’avait mordue. Elle mit enfin le doigt sur ses mystérieux symptômes : elle s’était transformée en l’une de ces créatures Zénithiennes. La maladie l’avait atteinte, tout simplement, et pour toujours.
La jeune femme ne sut ce qui était pire entre le fait qu’elle fut devenue ainsi, et qu’elle dut cacher aux Elfes sa nouvelle nature, au risque d’être exécutée.
— Tu as bien dit que les Ombres se nourrissent d’eau ferreuse ou… de sang ? répéta-t-elle d’un air écœuré.
— Pour vivre, ils ont besoin uniquement de fer en solution. De ce fait, ils sont contraints de s’abreuver de sang animal ou humain. Ils pourraient se contenter de cette eau, mais il n’en existe pas sur cette planète. Par conséquent, le nombre d’Humains et d’animaux chute au fil des siècles…
La jeune femme sembla terrorisée en comprenant qu’elle devrait s’alimenter autrement à présent. Le sang ne représentait pas une option ! Elle devrait se débrouiller avec de l’eau riche en fer, mais comment s’en procurer ? Elle ne pouvait pas demander de l’aide à cet individu, au risque qu’il l’éliminât sur-le-champ.
— En revanche, les Elfes sont vulnérables la nuit, tandis que les Ombres le sont le jour. Si nos deux races veulent se confronter pendant un combat, nous ne le pouvons qu’à l’Aurore ou au Crépuscule : lorsque nos forces s’égalent. Aucun de nous ne peut tuer un ennemi au milieu du jour ou de la nuit.
La jeune femme resta muette, pantoise. De sombres pensées se bousculèrent dans sa tête.
— Je crois que nous devrions nous reposer quelques heures, décréta-t-il. Je dois te préciser que lorsque tu t’endormiras, tu te réveilleras sur la Terre tant que tu porteras l’Anneau sur toi. Il y a exactement douze heures de décalage entre Paris et ici. Zénith est en avance par rapport à ta planète. Si tu pars maintenant à 6 h 15 ce vendredi 9 mars, tu te réveilleras à 18 h 15 chez toi le jeudi 8. Demain sera une longue journée pour toi, sur ces terres.
Lily sursauta, surprise. Elle ne s’était pas attendue à une éventuelle suite. En réalité, leur conversation l’avait tellement absorbée qu’elle n’avait pas pris le temps de se projeter dans l’avenir.
— Ah oui ? Et où irons-nous ?
— À la capitale des Elfes, déclara-t-il. Cette ville porte ton nom depuis un millénaire.

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