Aujourd’hui

Au terme de dix minutes supplémentaires de repos nous décidâmes de descendre du toit sur lequel nous étions perchés afin de nous trouver un abri sûr pour passer la nuit, dont les ténèbres s’amoncelaient déjà autour de nous. Jordan insista pour être le premier à descendre, afin de contrôler la zone, et nous le regardâmes se suspendre au rebord en béton nu du bâtiment qui ne serait jamais achevé, avant qu’il ne se laisse tomber dans une chute calculée. Fort heureusement, la structure ne s’élevait pas à plus de deux mètres de hauteur et son atterrissage se fit en douceur. L’obscurité qui s’était rapidement installée ne me permit pas de suivre ses déplacements alors qu’il disparaissait à l’angle d’un autre édifice. Nous patientâmes pour son retour dans un silence de mort et l’angoisse de ce qui pourrait arriver à notre éclaireur me tordait les tripes. Je scrutai la nuit à la recherche du moindre mouvement, ultra-concentrée, à tel point que je ne sentis pas la morsure de mes ongles qui s’enfonçaient dans ma paume libre d’une arme, recroquevillée en un poing exsangue. Plus tard, en remarquant les petites plaies que cette action aurait causées, je songerai à quel point il était étrange que je m’inquiète autant du sort de gens qui étaient de parfaits inconnus pour moi, un peu plus d’une semaine auparavant. Et qui, d’une certaine manière, ne m’étaient pas plus familiers aujourd’hui. J’en viendrai à la conclusion que cette réflexion n’était pas pertinente. Ce qui l’était, en revanche, était la certitude que j’avais acquise à leur contact.

En ces temps incertains, faire partie d’un groupe augmentait considérablement mes chances de survie.

Et la survie était tout ce à quoi j’aspirais.

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