Aujourd’hui

— Bordel, Lex ! S’exclama Jordan, oubliant presque de maîtriser sa voix, tant il était choqué par mon soudain déchaînement de violence, mais il ne fit rien pour m’arrêter. Au loin, j’entendis un croassement suraiguë s’élever vers les cieux. J’avais rapidement appris à l’interpréter comme un appel à la chasse des infectés, signe que le vacarme que je faisais n’était pas passé inaperçu. D’autres hurlements lui répondirent, mais ils venaient de directions si contradictoires que je n’aurais pas su les placer.

Je savais que par mes actions je mettais le groupe en grand danger. Toutefois, le risque que je prenais était calculé. Pour autant, Roger ne semblait pas le comprendre, à l’entendre s’agiter de plus en plus dans mon dos, à deux doigts de m’éloigner manu militari de l’abri de chantier. Mais il ne le fit pas, Jordan ne lui en laissa pas l’occasion. Je sentis plus que je ne vis ce dernier s’interposer entre le cinquantenaire et moi. Il m’appuyait, comme toujours depuis que nous nous connaissions, car il comprenait le bien-fondé de mon raisonnement. Souvent, sans même que je n’aie à l’exposer.

Nous aurions probablement pu trouver un autre abri pour passer la nuit, mais c’était prendre le risque de se faire repérer et prendre en chasse par dieu savait combien de ces créatures ; tout ça pour un résultat incertain. J’avais choisi l’option la plus sécuritaire en tentant ma chance ici – même si, à cet instant, ça ne semblait pas être le cas.

Je commençais à désespérer que le cadenas ne cède jamais, en entendant les cris des infectés se rapprocher de plus en plus de nous, lorsque celui-ci se brisa enfin. Sans perdre un instant, je déchirai violemment la chaîne qui maintenait la double porte close et ouvrait cette dernière en grand. J’avais conscience que mon comportement était irresponsable, je n’avais pas pris la peine de vérifier au préalable si la petite bâtisse utilitaire était occupée par une créature. Une erreur qui aurait pu me coûter la vie. Je rationalisai cependant, en me disant que le boucan que j’avais fait aurait sans aucun doute fait se manifester tout habitant de la structure de tôle. De toute manière, l’urgence de la situation ne me laissait pas vraiment d’autre choix que de sauter quelques étapes de la procédure standard d’entrée par effraction.

Je m’écartai pour laisser passer Kimiko, suivie de Roger et lorsque je vis Jordan se jeter sur la chaîne encore au sol pour s’en saisir, j’entrai à mon tour. Le jeune homme ne tarda pas à me rejoindre en claquant la porte derrière lui. Il se dépêcha de la sceller à nouveau, en faisant passer l’amas d’anneaux métalliques dans ses poignées intérieures -à deux reprises. Puis, il s’écroula contre elle de tout son poids pour faire barrage, tout en maintenant une traction maximale sur les bouts de la chaîne pour solidifier notre défense.

Et nous cessâmes tous autant que nous étions de respirer.

5