Le lendemain, alors que Jehim et Naltya se préparaient à reprendre la route, Pirma les rejoignit dans une tenue de voyage aux couleurs criardes. Le vert anis de sa robe jurait affreusement avec la couleur orange clémentine de son épaisse ceinture, et le jeune gobelin préféra ne pas s’attarder sur les cuissardes jaune poussin. Lui-même ne passait pas des heures à choisir ses tenues, mais tout de même, il avait rarement vu quelqu’un faire preuve d’autant d’excentricité.

— En route ! s’exclama joyeusement la fée.

La souris jeta un regard menaçant à la créature ailée, qui feignit de ne pas le remarquer. Après en avoir parlé pendant une partie de la nuit avec sa compagne, Jehim savait qu’elle n’avait rien contre la fée. Elle craignait simplement qu’elle ne leur fit perdre un temps précieux. Pour le jeune gobelin, une aide gracieusement proposée ne pouvait pas se refuser, et il avait judicieusement fait remarquer qu’elle leur avait sauvé la vie, et qu’ils avaient donc une dette envers elle.

— Fort bien ! s’était écriée Naltya. Que ma dette soit payée en acceptant de la laisser nous accompagner !

Les trois petits êtres cheminèrent durant de longues heures à travers les arbres avant de voir les bois s’éclaircir peu à peu. Pirma ne cessait de bavasser, abordant des sujets de conversation dont le gobelin n’aurait même pas soupçonné l’existence. Il commençait à comprendre pourquoi leur compagnie n’était pas toujours appréciée.

La queue de Naltya remuait vivement dans son dos, et il l’observait d’un œil méfiant. La souris était censée être une grande guerrière, et rien ne garantissait qu’elle ne se servirait pas de son appendice comme d’une sorte de fouet ou de massue pour faire taire les bavardages incessants.

— Tout de même… J’aurais du prendre de quoi nous désaltérer un peu. Un bon petit thé citron verveine par exemple, il n’y a rien de tel pour reprendre des forces !

La souris leva les yeux au ciel d’agacement, et grand bien lui en prit ! Ce ne fut que grâce à cela qu’elle se rendit compte qu’un blanc filet s’abattait sur eux. Elle seule parvint à l’éviter, mais quand il se souleva du sol, elle s’y accrocha de toute la force de ses petites pattes griffues, rongeant frénétiquement les fins cordages.

Par chance, ce n’était là qu’une épuisette d’enfant, maladroitement manipulée par un bambin haut comme trois pommes qui avait échappé quelques secondes de trop à la surveillance parentale. Le filet fut rongé, et sitôt libérés, les trois compagnons coururent se réfugier sous une souche.

— Toujours envie de prendre le thé ?

La fée haussa les épaules d’un air dégagé et lissa les plis de sa robe.

— Tu n’en sais rien. Peut-être que le petit aurait aimé cela.

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