Neil avait mal vécu l’avertissement des professeurs. Il était considéré comme un élément perturbateur et ses notes montraient qu’il ne serait probablement pas un bon enchanteur. Ses parents avaient pourtant exaucé son vœu en l’envoyant dans cette académie, car la Magie était sa passion. Non, il ne se donnait pas le droit d’échouer si lamentablement. Il fit donc appel à une de ses grandes qualités : l’extrême détermination.
Pour rattraper son retard, il s’enferma seul dans la chambre de son dortoir. Ainsi, il pouvait étudier au calme avec son professeur particulier, Midan. Ce dernier l’aidait à comprendre les points obscurs ou mal compris.
Et alors les notes de Neil s’améliorèrent. En vérité, cette hausse des notes révélaient l’état d’esprit de l’apprenti : Neil et Midan cohabitaient enfin en osmose.
Il arrivait pendant les examens que Neil sèche devant son parchemin. Un jour, il devait cocher les bonnes réponses d’un parchemin d’histoire des civilisations.
Sa plume ne volait pas et sa page restait vierge, c’est pourquoi il demanda l’aide du spectre.
– Midan, je n’ai pu mémoriser les dernier chapitres, peux-tu me venir en aide ?
– La première guerre des royaumes, voyons Neil, elle dura 3 ans !
– Merci. Et la dernière grande guerre fut déclenché par quel événement ?
– Je ne sais pas, je crains d’avoir loupé cette guerre. Je mourus bien avant celle-ci.
Cette fois-ci Neil eut une meilleure note que Zadion et le bidonneux professeur Adus Lumas félicita Neil.
– Très bonne progression jeune Neil. Néanmoins, tu pourrais mieux faire car tes connaissances semblent s’arrêter avant la dernière dernière période de notre histoire. Révise donc le reste pour la prochaine fois. Car qui ne connaît pas l’histoire du Roi noir ? Un sorcier qui devint Roi, un Roi qui devint tyran, tentant par tous les moyens de conquérir les royaumes voisins. Il fut le responsable de bien des guerres et massacres. Il est donc important de connaître ce personnage cruel qui nous enseigna une chose : ne jamais perdre de vue notre devoir : protéger et servir autrui grâce à la Magie. Mais avant tout, servir Dieu, car c’est lui qui nous a octroyé nos pouvoirs. Telle est la volonté de notre académie.
Neil était encouragé et cela lui donnait envie de se surpasser encore plus.
*
En échange de son aide pendant les examens, Neil continuait ses recherches sur la malédiction de Midan. Ainsi, il se rendait plus souvent à la bibliothèque. Zadion remarqua ce changement, c’est pourquoi sa curiosité fut piquée au sujet de son ami fermier : voilà que le cancre imitait le prodige.
Zadion venait d’une famille noble où il fallait pouvoir dépasser ses limites pour être reconnu. Le génie ne perdait donc habituellement pas de temps pour se cultiver. Arriver à son niveau relevait donc d’un grand défi.
Le nez fourré dans ses recherches au sujet de sa possession, Neil tomba sur une vieille page jaunie par le temps qui évoquait le pays de Castel-en-brume.
Le plus souvent les habitants de ce royaume étaient traités d’espions car cette région vivait en autarcie, comme les elfes, et avait connu nombre de coups d’état. Par ailleurs les nombreux problèmes religieux et politiques de ce royaume avaient scindé le pays en deux. Les polythéistes d’un côté et les monothéistes de l’autre.

Tandis que Neil s’intéressait de plus en plus aux origines de Zadion, Midan tournait les pages d’un autre grimoire avec la main de son hôte. Ainsi, ils apprenaient l’un de l’autre. L’enquête avançait à bonne allure.
– Quelle est donc cette langue ? demanda Neil en voyant des glyphes sur un vieux livre.
– L’ancienne langue des mages. Tu apprendras à la lire quand tu seras prêt.
– De quoi ça parle ? reprit Neil.
– Du dernier des Oracles, le Mage Ibus. Je suis mort avant de le connaître.
– C’est passionnant, raconte moi son histoire. J’apprendrai ainsi à lire ces glyphes et toi tu rattraperas l’histoire.
– Pas faux, ainsi elle commence…
Détachés des hommes depuis l’explosion du nombre de magiciens dans le monde, le peuple elfique comptait les plus belles créatures.
Il y a des années de cela, après une terrible confrontation qui opposait les élémentalistes de terre à ceux du feu, un groupe d’elfes qui passait non loin du champ de bataille, recueilli Ibus sur le point de mourir. Ce sauvetage souleva de nombreuses questions au sein de la communauté elfique. Certains pensaient qu’ils ne devaient en aucun cas intervenir dans les querelles humaines, alors que d’autres estimaient que n’importe quelle vie valait la peine d’être sauvée. La balance pencha en faveur du blessé et Ibus fut soigné dans la maison familiale d’Elril-Gariand. Sa fille Glewiel prit soin de lui durant sa longue convalescence.
Héritière de la maison d’Elril-Gariand, elle s’éprit de son patient qui semblait si faible. Enchanteur de l’élement Terre, Ibus était un magicien humble et altruiste.
Lorsqu’il reprit complètement conscience, le magicien séjourna dans la forêt des elfes. Il apprit ainsi à aimer une vie paisible, sans violence et s’intégra dans la communauté malgré le rejet de certains. L’Enchanteur s’émerveilla en voyant ce peuple et oublia son penchant pour la boisson et son ancienne vie de rôdeur jalonnée de mauvaises rencontres.
Modeste, gentilhomme et reconnaissant, il devint l’esclave de son amour infini pour la plus belle femme qu’il avait jamais connue et qui plus est, lui avait sauvé la vie.
– Ma vie est vôtre très chère car dans cette nouvelle vie, vous m’avez appris à marcher comme le fit ma mère dans la première. Je serai votre humble serviteur pour toujours.
Ibus n’avait jamais su parler à une femme, mais le grand amour lui avait fait oublier ses peurs : celle de parler en public et celle de séduire une femme. Il découvrit alors que l’amour pouvait nous rendre brave.
Glewiel avait tant attendu ce jour, elle avait toujours su que celui qui lui ferait battre son cœur serait un voyageur. Sauf que l’heureux élu était un homme et non un elfe. Ibus appréciait les meilleurs moments de sa vie avec son aimée dans le sublime et lumineux jardin des elfes. Il voulait gagner la confiance de la femme de sa vie et révéla tout de sa personne.
– Le destin nous a réunis, je crois en un seul Dieu et je lui suis reconnaissant aujourd’hui car il a guidé mes pas jusqu’ici. Après tant d’épreuves je retrouve le droit chemin. A force de demander son aide, il m’a entendu et exaucé mon vœu. J’ai trouvé le bonheur.
Commença ainsi l’idylle entre Ibus et Glewiel, ce qui n’était pas commun et bien vu par ceux qui voulaient voir Ibus reprendre le chemin du retour. Les plus stricts pensaient que si un enfant naissait de leur union, il apporterait le malheur car la guerre des hommes pouvait entraîner les elfes. D’autres ne supportaient simplement pas de mêler le sang elfique à celui des hommes.
De nombreuses contestations naquirent et Ibus éprouva le besoin de rentrer chez lui. Il ne voulait plus que son aimée soit la cible des messe-basses.
Apprenant l’heureuse nouvelle sur sa future paternité par la bouche de Glewiel, Ibus décida de quitter l’endroit où il n’était plus le bienvenue.
– Je ne peux priver mon enfant de son père, comme je ne peux priver mon être de mon cœur.
Ainsi Glewiel quitta son peuple pour suivre celui qu’elle aimait.

Neil rêvait de l’histoire. Il se passionna pour la sagesse qui émanait du personnage et le mystère qui tournait autour de l’Oracle appelé Ibus.

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