Les deux jeunes apprentis s’étaient inscrits et se préparaient pour le tournoi. Leur niveau de Magie progressait de jour en jour grâce aux classes de la discipline obligatoire. En classe d’élémentalisme, Becelline Belis avait commencé son premier cours en expliquant l’élément ascendant d’un individu. Ce dernier était révélé par un test qui donnait une information sur la nature d’un éventuel pouvoir inné. Le test consistait à mettre une goutte de son sang sur une feuille de papier conçue par des Mages alchimistes, afin de révéler l’élément naturel auquel l’élève se rapprochait le plus.
Lorsque Zadion fit le test, sa goutte de sang monta avant de s’arrêter avant un niveau bien spécifique. Plusieurs lignes droites étaient tracées à l’encre sur le côté droit de la feuille; à chaque graduation était associé un symbole représentant un élément naturel. Il s’agissait d‘une technique de cratographie.
Le cratogramme de Zadion se terminait tout près du symbole de la foudre. Cela confirmait la nature de son pouvoir héréditaire.
En théorie, cette analyse avait pour but de séparer l’énergie spirituelle du sang comme le faisait la chromatographie pour des molécules particulières. Les Mages alchimistes avaient mis au point ce test prodigieux qui, en fonction de la distance parcourue par la goutte d’hémoglobine, révélait certaines propriétés. Tout cela afin de donner le groupe sanguin élémentaire d’un individu. Si un apprenant ne présentait pas d’affinité avec un élément, pas de panique. Il s’agissait simplement d’identifier un potentiel dans la Magie pour ensuite l’aiguiser pendant l’apprentissage.
Pendant les classes de Becelline Belis, le travail consistait à révéler son Avatar : la forme vivante de l’élément ascendant identifié.
Après les cours, Zadion lisait son grimoire afin de concevoir son image élémentaire. Il savait qu’en troisième année le niveau en Magie des élèves était plus élevé. Pendant le tournoi de la kermesse, sa créature aurait probablement à affronter des Avatars beaucoup plus puissants. Il devait donc éveiller son élément ascendant en lui conférant une forme parfaite. L’étape la plus longue pour les concepteurs d’Avatar était le travail spirituel qui consistait à renforcer les capacités mentales. Cela passait par un exercice que Zadion connaissait déjà grâce au sort de la transe. Cette dernière concentrait l’énergie spirituelle d’un corps humain en un point précis, puis le bâton du Mage permettait, comme chez les Nécromanciens, de faire transiter ce flux d’énergie et le diriger vers une cible. C’est ainsi que le Nécromancien donnait naissance à une créature à l’aide d’une incantation.
Faisant preuve d’une discipline quasi-militaire, le jeune prodige fut le premier à invoquer son Avatar. Il le conçut rigoureusement en combinant différents lemmes de la langue ancienne. Il avait créé une incantation étonnante et une créature d’une grande beauté. Cet être entièrement constitué d’éclairs avait été baptisé le chevalier blanc. Vêtu d’une armure et d’un heaume de lumière, il s’armait d’une énorme lance et d’un bouclier sur lequel figurait l’emblème de son royaume : Castel-en-brume.

*

Zadion annonça sa future participation au tournoi à ses amis. Bratal trouvait étrange celle de Neil.
– Un Nécromancien dans un tournoi d’élémentaliste ? N’est-ce pas insensé ?
– J’ai envie de tenter ma chance, on m’a injustement traité de fou tout ce temps; l’heure est venu de laver mon honneur. Je veux montrer que si la magie rend fou et marginal, c’est en contrepartie d’une grand pouvoir magique obtenu par un long chemin arpenté seul.
– C’est une très bonne idée. Je suis de tout cœur avec toi Neil, conclut Emyse. Nous viendrons pour vous soutenir tous les deux.
Neil fut touché profondément. Après tout, il faisait aussi tout cela pour impressionner la jolie Emyse. Il pensait que pour gagner son cœur, il fallait qu’il devienne un bon Mage, aussi admirable que Zadion.
– J’ai pas le choix Midan, je vais impressionner Emyse au tournoi. Et elle n’aura plus d’yeux pour ce blondinet prétentieux.
– Ta peine de cœur me touche, j’ai mois aussi perdu ma bien aimée. Mais le monde de la magie est cruel, tu risques d’avoir des surprises.
– J’ai beaucoup travaillé et Dieu m’a offert un ange-gardien. Je ne crains plus de perdre.

C’est ainsi que parallèlement aux cours, les deux rivaux se préparaient pour le tournoi de la kermesse. Avant tout, ils prirent connaissance des règles du tournoi. Avec cette rencontre, chaque apprenti Cartomancien pouvait montrer le niveau de sa magie.
Chaque apprenant devait préparer quatre invocations qui pouvaient être appelée indéfiniment. La difficulté consistait pour les jeunes sorciers à créer quatre créatures invocables grâce au sort de la carte magique. L’Avatar, ainsi que les autres monstres, avaient leur essence enfermée dans une petite carte spéciale conçue par les professeurs. Chaque atout d’un apprenti devait être opposé à celui de son adversaire. Une prière devait être faite pour conjurer le sort. La créature la mieux conçue finissait par faire disparaître l’autre. Mieux un monstre était fabriqué, plus il était robuste. En vérité, ce petit spectacle avait surtout pour but de montrer le niveau de Magie des apprenants.
Un sorcier utilisait les éléments qu’il pouvait manipuler pour concevoir ses cartes. S’il possédait un élément ascendant, il l’utilisait pour concevoir son invocation maîtresse : l’Avatar. C’est ainsi que Zadion avait créé son chevalier blanc à partir de l’élément enchanté de la foudre.
Le jour de la fête, une ambiance extraordinaire et féerique régnait. Les nains distribuaient des pintes et des grillades à tout va tandis qu’avaient commencé les éliminatoires. Dans la foule, Emyse et Bratal cherchaient les deux plus jeunes participants du tournoi. Les spectacles avaient lieu dans de petites arènes mises à disposition des apprenants.
– Je crois que Zadion est dans le groupe B et Neil dans le groupe D, dit Bratal après avoir lu un parchemin qui présentait le programme de la kermesse. Les heures des spectacles de Cartomancie y figuraient.
Dans chaque arène, un tableau tenu à jour par deux nains, montrait la progression des jeunes élèves. Le banc du jury était encore vide et sur sa table les panneaux de notes attendaient.
Le prochain match était celui de Neil dans l’arène du groupe D. Quand Emyse et Bratal arrivèrent dans la tribune, la rencontre était déjà terminée. Neil avait été déclarée vainqueur à la surprise des deux amis, déçus de n’avoir pu assister au duel. Ils allèrent donc assister à la joute de Zadion dans l’autre arène. Pour y accéder il suffisait de sortir dans les jardins du château, là ou se déroulait la kermesse, pour ensuite entrer dans l’arène en face.
A l’intérieur, Emyse et Bratal constatèrent que d’autres créatures encore plus petites que les nains faisaient partie de la fête : les lutins. Ils étaient aussi hauts que des nouveaux nés de la race des hommes. De petites oreilles décollées et en pointe entouraient de petits bonnets colorées. Emyse les trouva mignons assis tous ensemble. On aurait vraiment dit des nourrissons dotés de parole. L’un d’eux n’ayant pas trouvé de place dans la tribune, flottait dans les airs. Avachi, il s’étirait tandis que d’autres spectateurs se plaignaient.
– Eh oh le gnome ! Tu m’empêches de voir là ! lança un nain.
– Et alors ? ferme ton clapet le nain de jardin, rétorqua le lutin joufflu qui ne manquait pas de culot. Le nain qui ne s’attendait pas à une telle réponse, écarquilla les yeux.
Réputés pour être de grands magiciens, les lutins s’intéressaient surtout aux rencontres Cartomanciennes.
Bratal emerveillé, venait de voir un centaure en accédant à la tribune. Il avait toujours voulu en voir un et cela était encore mieux que dans ses rêves. Son attention fut maintenant détourné par ce qui se passait au milieu de l’arène.
Zadion s’y trouvait et invoquait, à partir d’une de ses cartes, une créature de feu. Un phœnix naquit de ses cendres et s’éteignit aussitôt dans le déluge d’un cheval géant d’eau à trois têtes. La tribune poussait des cris d’émerveillement et applaudissait.
Puis Zadion, concentré tel un véritable Mage, choisit une autre carte, celle de l’air. Une tornade prenant la forme d’un aigle apparut et battit des ailes tellement fort qu’elle gela sur place l’équidé aquatique dont la statue de glace se brisa en mille morceaux. Zadion venait de remportait son tour. L’adversaire de troisième année sortit alors sa dernière carte, son Avatar : un énorme taureau de terre, insensible aux attaques à distance de l’aigle. Mais au corps à corps, l’aigle fut aspiré par les énormes narines du bovin enchanté. Zadion sortit alors son va-tout : le chevalier blanc. Ce dernier bougeait comme un homme, ce qui impressionna toute l’école. L’Avatar se protégeait avec son bouclier contre les chargements du taureau et fit tomber la foudre sur la bête d’un seul coup d’épée. Parcourut par mille éclairs, il se désagrégeait sous les applaudissements du public. Pendant sa dernière charge, le taureau explosa en milliers de morceaux tout près du chevalier blanc impassible.
Le troisième année écarquilla des yeux devant une telle puissance. Le chevalier blanc fut déclaré vainqueur et le public fut conquis. Chaque membre du jury, composé de nains, de lutins et de professeurs, attribua la note maximale.
Tandis que dans l’autre arène, un mystérieux Nécromancien hâlé faisait parler de lui. Si le succès de Zadion était prévisible, celui de Neil l’était beaucoup moins.
Les deux réussirent ainsi à passer les éliminatoires et arrivèrent en quart de final sous les encouragements de leurs amis. De plus en plus d’admirateurs acclamaient ces derniers et Neil n’avait jamais ressenti autant d’émotions. Tant d’acclamation pour un fermier dont les tâches n’étaient visibles que par des bêtes était inhabituel. Il était donc intimidé à juste titre car il n’avait pas l’habitude de briller en public.
À partir des quarts de final, les duels devinrent un vrai spectacle. L’arbitre n’était autre que le professeur de chevalerie, Bralvus Bapus. Le concierge supervisait dorénavant chaque duel.
Le match de Neil commençait quand bon nombre de spectateurs furent surpris de le voir entrer dans l’enclos. Ils s’attendaient à voir un personnage dur et descendant d’une noble lignée mais ils virent à la place un jeune garçon manquant de confiance en soi et effrayé par la tribune. L’entrée de Neil était malhabile, il n’était toujours pas habitué à voir autant de monde focalisé uniquement sur lui.
Son adversaire entra dans l’arène beaucoup plus sûr de lui et détourna, à son grand soulagement, l’attention du public. Bratal, Emyse et d’autres élèves commentaient la piètre entrée de Neil par rapport à celle de son rival tandis que Bralvus annonçait le jeune Cartomancien à la peau mat :
– À ma droite : Neil Riscod, le premier et seul Nécromancien de deuxième année à avoir passé les éliminatoires. Applaudissons cette belle surprise ! Le concierge semblait apprécier l’événement et redonnait du courage au magicien malhabile. En fin de compte, il n’était pas si méchant que ça, pensa Neil.
Sous les applaudissements, le concierge glissa un mot dans l’oreille du plus jeune Mage :
– Bravo à toi mon garçon, n’aies crainte tu as déjà accompli un exploit. Maintenant il reste à découvrir si tu peux vaincre ton prochain adversaire. Reste concentré sur tes cartes et surtout ne te trompes pas dans tes incantations. Ne fais pas non plus attention aux tribunes.
Puis il continua l’annonce :
– Neil sera opposé à un autre jeune prodige : Rekil Runceth de dernière année. Que le combat commence !
Dans les tribunes, beaucoup pensaient que la chance avaient permit à Neil d’arriver aussi loin. Mais le lucide Bratal n’était pas de cet avis.
– Ils n’ont rien compris. Je ne crois pas que Neil soit arrivé là avec de la chance. Ce bougre a une botte secrète qui lui permet d’assurer sa victoire à chaque duel. Ces mêmes sorts secrets ont fait de lui le « vengeur masqué » de l’académie.
Emyse fut intriguée par la parole avisée du garçon enveloppé. Ainsi donc derrière Neil le fou se cachait la sentinelle secrète de l’académie qui agissait contre Jecer.
Le combat commença et Rekil bougea son bâton d’Enchanteur pour attirer l’attention de la foule. Une carte apparut dans sa main comme par enchantement. Puis il la jeta en direction de Neil en jetant un sort. Naquit dans un nuage de fumée un rhinocéros de terre. Autant dire que ce spectacle impressionna tout le monde. Neil se sentit impuissant face à un niveau aussi élevé. Son opposant utilisait-il déjà son Avatar ?
Neil sortit sa propre carte et lança une conjuration qui donna naissance à une licorne fait de l’élément bois. Mais cette dernière se brisa en mille morceaux avant même qu’elle ne fasse un premier pas. Tout le public éclata de rire. Le concierge surpris, fut gêné pour l’apprenti qui n’offrait pas un bon spectacle.
Neil avait raté son invocation et le rhinocéros n’avait même pas eu besoin d’attaquer. Puis l’apprenti invoqua une petite créature de feu. D’une forme incomplète et indescriptible, elle fut éteinte par le souffle terrible des narines du rhinocéros. En dernier recours, sa créature d’eau ne fut pas non plus capable d’atteindre la solide bête à corne. Rekil ricanait de plaisir et se voyait déjà en demi-final.
– Mes créatures ne sont pas assez puissantes. Je fais un piètre magicien Midan.
Neil avait conçu ses créatures avec l’aide de son ange gardien. Mais elles étaient encore très faibles.
– Il est donc temps que je te redonne un petit coup de pouce ?! Répondit Midan.
– Comme d’habitude, sans toi je ne peux avancer dans aucun duel.
Le fermier récita alors une incantation complexe sous l’étonnement de tout le monde. Elle ressemblait beaucoup à celle que l’apprenant avait utilisé pour faire apparaître Midan dans le cimetière de l’école. Le jeune Mage avait au moins pour mérite de l’avoir retravaillée pour en faire une dérivée.
Une aura de lumière traversa le jeune apprenti à la fin de sa prière et alors on vit un miracle se produire. Sous les visages ébahis, l’aspect physique de Neil avait changé.
Les permutations magiques entre Mages étaient interdites dans l’arène. Chaque Cartomancien devait lutter seul contre son adversaire. Mais Neil avait accomplit un prodige différent. Il avait laissé Midan prendre le contrôle de son esprit et cela avait eu pour effet de changer son apparence physique en le vieillissant de quelques années. Le jeune garçon laissait place à un Mage plus vieux et sûr de lui. Le fermier semblait maintenant descendre d’une haute lignée de Magiciens.
– Bon sang, ce petit ira loin ! Lança le lutin culotté flottant toujours devant le même nain de la tribune. Ce dernier lui jeta un regard noir.
Bralvus laissa le combat continuer à juste titre. Cette technique était assez proche de la transe de Zadion. Elle consistait à fusionner ses différents « moi » intérieurs grâce à un sort. À l’origine elle servait à décupler l’énergie spirituelle et physique d’un Mage. Mais dans le cas de Neil, cela eût pour effet d’invoquer Midan dans le corps de Neil. Le spectre contrôlait à présent totalement le corps du jeune apprenti.
Le retournement de situation était sans précédent.
La première créature appelée par ce nouveau Cartomancien, qui n’était ni Neil ni Midan, fut à l’image de son créateur. L’Enchanteur invoqua une créature ancienne mi-homme mi-arbre qui peuplait le monde en des temps anciens.
– J’appelle Grondetronc, seigneur de la forêt ! lança-t-il en utilisant l’atout restant.
L’homme-arbre était impressionnant. Les articulations de son corps n’étaient que vide et pourtant il bougeait et flottait dans les airs comme par miracle. Ses épaules et son crâne était recouverts de branches et de vieux feuillages denses. Le monstre était beaucoup plus gros que les invocations déjà vues. Deux énormes poings à l’extrémité de ses longs bras attendaient le rhinocéros de pied ferme. Ce dernier fonçait sur lui sur demande de son marionnettiste paniqué. Mais la créature de la forêt arrêta la course de l’animal en frappant violemment sa gueule. Elle fut brisée. C’est comme cela que commença le règne de Grondetronc qui vainquît tour à tour toutes les cartes opposées.
Une invocation de feu fut vaincue en aspirant tout l’oxygène de l’arène; il n’en resta qu’une flamme inoffensive qui s’enfuit à toute jambe. Une abomination aquatique fut ensuite aspirée par l’arbre qui s’en nourrit; et enfin une venteuse qui fit tomber quelques feuilles du conifère avant d’être dispersée dans les airs par les énormes poings végétaux. Le rival ayant utilisé sa dernière carte, Grondetronc fut vite déclaré vainqueur. Les spectateurs applaudirent et acclamèrent le mystérieux magicien qui avait soulevé les foules. Midan fit signe d’allégeance et salua son public comme il le faisait si bien à la fin de ses spectacles. Une véritable légende était née.
La carte maîtresse du fermier était donc une incantation qui opérait un changement physique sur sa propre personne. En sortant de l’arène, reprit sa forme normale. Puis son regard se posa par hasard sur son ami Zadion qui avait assisté à la joute. Ce dernier répondit avec un regard plein de colère avant de quitter l’arène.

*
Zadion regagnait son arène en colère après Neil. Ce dernier lui avait caché des sorts développés en secret et il osait rivaliser avec l’élite. Son orgueil n’améliorait pas leur relation. Zadion pensait que la Magie devait se se gagner de haute lutte et Neil semblait avoir sauté des étapes de quelque manière.
Une fois arrivé dans l’autre arène, le jeune prodige à la chevelure blonde se hissa jusqu’ en demi-final et à son grand plaisir, il fut confronté à Jecer le terrible. Son chevalier blanc ne fit qu’une bouchée des créatures du malicieux. Il glissa quelques mots à l’oreille de son adversaire.
– Vu tes aptitudes, tu auras ton diplôme de Mage cette année et nous ne nous reverrons plus jamais dans cette école. Mais entends bien ma parole : à l’extérieur de l’académie les règles ne seront pas les mêmes. Si nos chemins se croisaient à nouveau, je serai beaucoup moins indulgent.Tes vices ne te seront pas toujours pardonnées. Adieu !
Mais Jecer rétorqua avant que Zadion ne gagne la sortie.
– Tu n’as pas compris, c’est moi qui ai gagné. Je n’ai pas vraiment digéré le pot de peinture. Je suis resté coincé dedans plusieurs heures. J’en avais même avalé. Plusieurs jours de suite, je suis allé en classe avec des problèmes gastriques. L’humiliation a été donc totale. J’ai perdu la face à jamais ! L’auteur de cette humiliation a des pouvoirs et il est en première année, cela je puis le certifier. Alors il fallait que ce tournoi le révèle absolument cette année. Comme tu l’as dis, je ne serai plus là l’année prochaine. Mais toi, tu n’es pas du genre à faire des cachotteries, ce n’est pas ton genre. En revanche, ce qu’il se passe dans l’autre arène est très intéressant. Ce jeune Neil capable de lancer des sorts aussi compliqués, admet-le c’est très suspect. Ma main à couper que c’est ce sale fils de fermier !
Sur ces paroles Zadion quitta l’arène et la haine gagna pour toujours le cœur de Jecer qui quitta l’amphithéâtre, humilié derechef.

*

L’affiche de la finale était inédite : deux élèves de deuxième année s’y étaient hissés.
Bratal et Emyse encourageaient leurs deux amis sortis du lot; leur joie était si grande. Lorsque le duel commença, les premiers atouts de Neil furent battus comme prévu et Zadion n’attendait qu’une chose : l’éveil de Neil en tant que Mage surpuissant. Il voulait le battre à son plus haut niveau.
– Montre-moi ton sort secret ! N’en suis-je pas digne ?
Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsque Neil envoya sa dernière créature. Le regard de Neil changea. Il n’avait plus la volonté de gagner. Le fermier eût pitié pour son ami qui avait fait de gros sacrifices pour obtenir un tel niveau de Magie.
Il n’invoqua donc pas Midan et la finale sans suspense laissa les spectateurs sur leur faim.
– Et bien le vainqueur est … commença Bralvus Bapus.
– Non ! Attendez ! Coupa Zadion. Que signifie cette mascarade ?
– C’est toi le vainqueur Zadion, répondit le fermier, j’ai épuisé toutes mes cartes – Neil ne voulait pas utiliser les pouvoirs de Midan pour battre son ami. Il voulait en venir à bout tout seul.
– Ne me regarde pas comme ça. Je n’ai pas besoin de ta pitié ! Regarde le spectacle que nous venons donner imbécile !
Neil fut surpris par la réaction de son ami, mais il ne regrettait pas son choix.
Fou de colère, Zadion poussa le fermier qui se retrouva dans le sable.
– Me prendrais-tu de haut le plouc ?
Neil répondit en criant et tout le public entendit.
– Je t’admire c’est pour ça ! Zadion écarquilla les yeux.
– En ce qui me concerne le duel n’est pas terminé.
Zadion quitta l’arène aussitôt, acclamé par le public sous le choc. Cette victoire avait un arrière goût de défaite pour lui qui voulait mesurer son pouvoir à celui de Neil. Le tournoi avait cependant été plein de surprises.
Ce dernier était maintenant terminé mais la kermesse continuait à battre son plein.
Lorsque Zadion rencontra plus tard Neil à un stand de jeu de Mages, prit de remords, il s’excusa. Mais Neil qui savait regarder dans le cœur des gens, ne lui en voulait point. Le but initial n’était-il pas d’éliminer Jecer ?
– C’est ma faute. Je ne vous ai rien dit au sujet de mon sort, je vais tout vous révéler pour me faire pardonner…
Zadion écarquilla les yeux. Son ami était près à partager les secrets de son pouvoir. Mais le génie n’en voulait pas. Révéler ce secret voulait dire révéler ses faiblesses, or Zadion, ne voulait être avantagé par quelque amitié… il prit alors son mal en patience.
– Peu importe ! coupa Zadion. Oublions ça et amusons-nous ! Bratal et Emyse acquiescèrent.
Les nains animaient les stands de jeux et chantaient. On buvait, mangeait comme à un jour de fête et les lutins montraient leurs propres tours de magie. Neil était émerveillé de voir ces petits êtres doués d’autant de pouvoir. Tout le monde était heureux ce jour-là et ce souvenir resterait à jamais gravé dans les mémoires. À la tombola généreuse de l’académie, Neil gagna beaucoup de prix, lui qui n’avait jamais été autant gâté. C’était le bonheur à l’infini. Cette fameuse tombola faisait d’ailleurs la joie de chaque apprenant.
Au milieu de cette fête, le jour fatidique approchait de plus en plus dans l’esprit du jeune blond. A cette date, il devrait prendre une décision importante. S’il jugeait l’école inadéquat pour sa formation, il devrait la quitter sur le champ sur l’ordre de sa famille. En effet, bon nombre d’académies lui étaient accessibles et donc il n’avait pas de temps à perdre.
Mais ce jour, il préféra oublier son ambition personnelle et s’adonna aux amusements avec ses amis.

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