Sans le savoir, nos apprentis Mages étaient mis à l’épreuve. Pour tout vous dire, le tournoi des élémentalistes n’était qu’un prétexte pour évaluer la capacité des élèves à concevoir des sorts et à les utiliser au moment opportun. Ce petit test mettait en valeur ceux qui étaient déjà prêts pour participer à un rite secret. Un rite qui existait depuis des temps immémoriaux comme le racontait l’histoire de l’école. Elle contait que le premier Mage, qu’on appelait aussi le père de tous les Enchanteurs, était un homme bon qui aimait enseigner et transmettre son savoir. Il vécu comme le premier Mage de l’histoire et n’avait pas de nom, c’est pourquoi on l’appelait aussi Le Premier Enchanteur. La légende dépeignait qu’il voulait améliorer la condition de sa communauté. Ainsi il eut l’idée un jour de choisir de jeunes apprentis à qui il transmettrait son savoir. Pour sélectionner ses apprenants, il leur fit passer un rite bien particulier. Ce culte, qui se transmit ensuite de génération en génération, était une épreuve de survie qui durait une quinzaine de jours. Grâce à cela, les premiers Enchanteurs virent le jour. Aujourd’hui, le sacrement était différent, mais il existait toujours. Cette cérémonie était organisée par toute l’académie et c’est le directeur Saurtam qui planifiait personnellement le rituel. Sur le terrain, Bralvus Bapus, le professeur de chevalerie, expliquait les modalités de la tradition. À la fin de la kermesse, le professeur Drauridus Saurtam prit la parole dans une des arènes de la kermesse.
Il enleva le voile sur le rite de passage aux apprentis :
– Ce rituel est une tradition dans notre académie, c’est un honneur pour vous d’y participer et un plaisir pour nous de l’organiser. Tous les troisièmes années sont sélectionnés, plus une poignée d’élèves de secondes.
Parmi les deuxièmes années, Zadion avait ainsi été choisi pour son excellence dans toutes les disciplines et pour son titre de vainqueur du tournoi. Emyse avait elle aussi été choisie grâce à ces bonnes notes en Chloromancie. Quant à Neil, il fut sélectionné pour son fort potentiel, son imprévisibilité et sa remarquable performance au tournoi. Finalement le fermier devrait encore attendre un peu avant de revoir ses parents pour les grandes vacances d’été. Mais cela valait le coup, il serait peut-être reconnu Mage avant l’heure. Le cancre avait fait du chemin.

*

L’événement arriva bien vite après la kermesse. Bralvus Bapus le mage barbu aux gros bras nus et musclés avait rassemblé tous les élus à l’extérieur du château. Le professeur de chevalerie avait une puissance hors du commun. À son âge il conservait un véritable corps d’athlète. Le voir était toujours aussi impressionnant. Il faisait peur à tous ses élèves, c’est pourquoi tous les apprentis avaient pour habitude de l’écouter avec attention.
– Le rite auquel vous allez participer aujourd’hui a été institué à l’aube des temps. Le premier Mage, que Dieu a fait, est notre père à tous. Il avait choisi ses premiers apôtres, qui étaient aussi jeunes que vous, voir plus encore. Il fonda ainsi la première guilde de l’histoire des Mages. À l’époque du père fondateur, les temps étaient durs à vivre, on raconte qu’après avoir enseigné la magie à ses compagnons, Le Premier Mage guida ses apprentis sur le champ de bataille. Ces derniers repoussèrent les envahisseurs venus conquérir leur terre. Nous n’allons pas vous envoyer à la guerre, rassurez-vous. Les temps ont beaucoup changé et donc nous avons dû adapter ce rite en temps de paix. De sages Enchanteurs changèrent les modalités de ce rite et mirent au point un nouveau culte avec des règles précises.
Bapus décriva ces règles.
– Vos grimoires ont été ensorcelés, lorsque chacun d’entre vous le touchera il se déplacera instantanément pour apparaître dans un lieu choisi au hasard dans une petite forêt de chênes dont l’emplacement est tenu secret. Cette forêt constitue le lieu de votre épreuve. Un dôme invisible mis en place grâce à un sortilège vous empêchera d’en sortir. L’épreuve durera deux semaines. Des observateurs constitués d’une équipe de professeurs vous surveilleront durant toute cette période. Mais ils ne pourront intervenir, vous ne pourrez vous fiez qu’à vous même pour survivre. Vous chasserez pour vous nourrir et combattrez pour vous protéger des sombres créatures qui y vivent. Certaines ont été invoquées par nos plus grands soins.
Les jeunes étudiants avalèrent leur salive.
– Le monde, mes chers étudiants, regorge de dangers et de créatures terrifiantes; ceci ne sera qu’un avant goût de ce que vous réserve la vie d’Enchanteur. L’heure est venue de mettre en pratique toutes les théories qu’on vous a enseignées à l’académie. Et voici maintenant l’utilité des cartes à sort, Bapus en montra une sur laquelle se trouvait un dessin.
– Vous les connaissez, certains d’entres vous en ont crée pour le tournoi des Mages de la kermesse. Et bien en voici conçues par de puissants Enchanteurs qui sont passés par l’académie, d’autres ont été fabriquées par des professeurs. Certaines ont été inventées par des élèves extrêmement doués à l’occasion du tournoi de la kermesse. Elles renferment toutes un sort puissant qui vous sera utile pour vous déplacer, attaquer ou vous protéger. Cette première catégorie de cartes vous servira aussi pour vos stratégies individuelles. Vous en disposerez d’un certain nombre au commencement de l’épreuve. Pour votre gouverne, ces cartes ne peuvent être utilisées que dans le cadre de cette épreuve. Dans le monde extérieur elles sont vaines; inutile donc de les sortir de l’école. Bois-maudit a été ensorcelé pour vous permettre d’utiliser la Magie seulement à travers ces cartes. Les sorts jetés autrement seront avortés.
Il existe aussi une autre catégorie de cartes que vous aurez à collecter : il s’agit d’une liste de trente cartes que vous devrez récupérer par tous les moyens possibles. Une fois ces trente cartes collectées, vous pourrez utiliser un sort qui vous libérera de la forêt. Puis vous rentrerez directement à l’académie. Tout élève qui remplira cette condition sera systématiquement diplômé. En commençant l’examen, chacun d’entre vous aura à sa disposition dix de ces cartes de seconde catégorie. Vous devrez donc obtenir le reste par vos propres moyens. Je pense avoir dit l’essentiel, il vous appartiendra d’apprendre le reste par vous même. Je vais maintenant vous donner vos grimoires en vous souhaitant bonne chance et que Dieu vous aide mes enfants. N’oubliez surtout pas ce qu’on vous a enseigné.
Puis le mage aux gros bras rendit à chacun son grimoire. Il suffisait qu’un apprenti pose sa main sur le grimoire pour qu’il soit entouré d’une aura lumineuse et propulsé dans les airs à la vitesse de la lumière pour disparaître dans la forêt de chênes.

*
L’épreuve de survie avait commencé. Accompagné de son grimoire, chaque élève s’était réfugié dans cette forêt de chênes et de hêtres, préparant la suite. Chaque apprenant portait la tenue des Mages sous une cape sur laquelle figurait l’emblème de l’académie. Pour uniques armes, les apprentis Mages avaient leurs cartes à sort. Les Cartomanciens étudièrent celles qui étaient contenues dans leur grimoire. Chaque élève interprétait ses cartes comme une voyante lirait dans un jeu de tarot. Pour certains, le but était simple, ils devaient se procurer les cartes des autres. Pour cela, il fallait les voler ou les prendre de force. C’est pourquoi beaucoup d’apprentis se mirent à en chasser d’autres pour les surprendre au moment opportun et leur arracher de force leur grimoire. Seulement, les premiers improvisés-chasseurs se rendirent vite comptent de la difficulté de cette entreprise. En effet lorsqu’un grimoire était volé, il ne contenait au plus qu’une ou deux cartes nouvelles de seconde catégorie à collecter. Les autres faisaient doublons et ne comptaient donc point. L’avantage était cependant de récupérer toutes les cartes de première catégorie. En contrepartie, le risque était trop grand pour ne gagner au final qu’une seule carte de seconde catégorie à chaque altercation.
Ailleurs dans la forêt, d’autres apprentis plus sages comme Neil prirent la sage décision de faire passer en priorité la survie. Il fallait selon lui constituer un groupe solidaire. Neil décida ainsi de retrouver ses amis dans un premier temps. Dans son grimoire, il trouva une carte qui permettait de trouver une personne perdue en disant seulement son nom. Cette dernière ne pouvait être utilisée qu’une fois. Il choisit donc de trouver Emyse en premier lieu. Cette dernière fut terrorisée lorsque Neil fit son apparition dans une aura de lumière grâce à ce sortilège.
– Neil, c’est bien toi ?
– Oui, c’est bien moi, est-ce que tout va bien ?
– Oui, ça va… je me suis cachée tout ce temps. Cette forêt ne me dit rien qui vaille. Heureusement que tu es là.
– Il faut qu’on trouve un moyen de survivre ces quatorze jours. Pour cela nous devons nous rassembler et nous entraider. Emyse, tu connais des sorts de guérison tu nous seras très utile.
Jamais aucun apprenti n’avait réagit aussi sagement que Neil. À chaque nouveau membre recruté, Neil rappelait les valeurs enseignées : l’entraide, la sécurité et la protection des plus faibles.
Ainsi, un apprenti égaré trouvait une place rassurante dans le clan de Neil. Les plus faibles s’unissaient au sein d’un groupuscule dont Neil semblait être le guide spirituel.
Tout naturellement, il instaura l’ordre et la discipline pour le bien de tous. Il forma de petites équipes de Cartomanciens chargées d’une tâche particulière : allumer et entretenir le feu par exemple, les concernés étaient, entre autres, chargés de ramasser du bois. Neil s’occupait lui-même de trouver les rations de nourriture : lapin, fruits…
Certains soirs au coin du feu, Neil pensait à son ami Zadion. Comment se débrouillait-il ? Probablement mieux que lui. Mais il ne voulait aller le rejoindre tout de suite. Zadion refuserait certainement de le rejoindre à cause de sa fierté et ses aptitudes spéciales lui permettaient, sans doute, de survivre sans problème. Mais tôt ou tard, ils devraient se rencontrer durant l’épreuve et Neil l’appréhendait.
Cette expérience nouvelle avait fait grandir Neil et les apprenants. Le fermier prit conscience, dans cette épreuve, du sens des responsabilités envers les autres en tant que Mage. Néanmoins la cohésion de son groupe semblait fragile. Lorsqu’on discutait du véritable but de l’épreuve, les apprentis discutaient des cartes en leur possession qui n’étaient toujours pas exploitées.
– Après tout, l’académie nous a aussi enseigné à utiliser les sorts. À quoi nous serviront ces cartes si on ne cherche pas à les utiliser ? Tout cela n’a pas de sens, dit l’un.
– D’autant plus que nous ne sommes pas à l’abri des chasseurs, répondit un autre. Il faudra bien qu’on se défende des pilleurs.
– C’est ce que nous ferons, mais d’abord je voulais vous montrer ceci. Neil sortit une carte de son grimoire appelée « Vol de carte à sort de première catégorie ».
– Il est fort probable qu’il existe également une carte « Vol de carte de seconde catégorie ». Vous souvenez-vous qu’il faut réunir des atouts de cette seconde catégorie pour réussir l’examen. Nous ne sommes pas censés nous battre, mais utiliser les cartes déjà en notre possession intelligemment. J’ai eu la chance de tomber sur celle-ci, c’est ce qui m’a donné la foi.
Pour garantir la sécurité du clan, je vous propose d’élire un groupe de Cartomanciens. Son but sera d’aller voler les cartes dont nous aurons besoin pour sortir de l’épreuve. Ainsi il n’y aura pas d’effusion de sang. Nous mettrons à disposition de ce groupe les cartes les plus puissantes que nous avons dans nos grimoires, pour leur faciliter la tâche.
– Tu m’impressionnes Neil, tu fais un sage meneur. A croire que tu as fait ça toute ta vie, remarqua Midan.
– La mission ne sera pas chose aisée. Nous sommes quinze. Nous devrons donc voler trois cent nouvelles cartes. Je ne suis pas certain d’avoir fait le bon choix.

*

Pendant ce temps, un groupe de Mages de deuxième année avançaient dans la nuit. Ils aperçurent un feu allumé où un cochon sauvage rôtissant à la broche emplissait l’air d’une odeur appétissante. Croyant le camp abandonné, ils s’approchèrent du rôti en silence. Soudain, deux d’entre eux tombèrent dans un profond trou alors que les autres proies s’enfuirent en courant. Le sanglier était un appât efficace pour des jeunes apprentis affamés. Les deux prisonniers criaient à l’aide tandis qu’une ombre apparut au dessus d’eux. Elle recouvra ensuite le trou d’une grille faite de branches.
– Vos grimoires ou la vie, dit la voix rauque.
– Nous n’avons rien sur nous, relâche nous à présent !
– Vraiment ?
La silhouette sombre sortit un coutelas et les deux prisonniers furent terrifiés à sa vue. Mais finalement l’ombre disparut et alla découper un morceau de la grillade. Il revint manger devant eux, se délectant de la pièce de viande cuit à point. Les prisonniers en eurent mal à l’estomac et oublièrent vite leurs instructions.
– Très bien, prend tout mais donne nous un peu de ta nourriture en échange.
– Il y en avait beaucoup trop pour moi. Je vous invite volontiers, dit-il en souriant. Il montrait à présent son visage dans la lumière du feu et les apprenants reconnurent Zadion.
Le prodige enleva la grille et les deux apprentis Mages jetèrent leur grimoire en dehors du trou.
– J’ai dit que vous pourrez manger mais pour sortir je veux savoir où est votre camp.
– Nous n’en savons rien. Nous suivions des guides qui nous amenaient au campement de Jecer. Il a réussit à s’approvisionner en nourriture paraît-il.
Zadion prit leurs cartes et leur rendit les grimoires. Puis il leur jeta une corde et disparut en leur laissant le festin.
Pour ne pas être trouvé, rester toujours en mouvement, c’est ce qu’il avait apprit. Zadion réunissait des cartes mais il n’avait pas fait le même calcul que Neil. Lui collectait les cartes de sort de première catégorie, celles de seconde catégorie il s’en moquait. Le diplôme il s’en fichait car il pourrait l’obtenir haut la main l’année prochaine grâce à ses compétences. Il s’était fixé un tout autre objectif : il était à la recherche d’une carte particulière. Caché dans un arbre, il invoqua la lumière avec l’une d’elle. Puis il tria les nouvelles acquises. A son grand regret, il ne trouva toujours pas celle qu’il cherchait.

*

Dans le groupe de Jecer, la plupart des apprentis se moquaient d’avoir le diplôme de l’académie. En effet, certains seraient diplômés de toute manière grâce aux notes. D’autres s’en fichaient tout simplement. Quant à Jecer, il préférait festoyer avec ses camarades. Leur groupe chassait aisément le sanglier et ils ne manquaient de rien. Tous ses membres s’amusaient à échanger leurs cartes où à les jouer, tandis qu’un petit groupe de troisièmes années voulait quand même réussir l’épreuve dignement. Ces derniers se cachaient encore dans la forêt et faisaient partie du groupe de Neil.
Le jeune guide à la peau mat était finalement parti pour une expédition accompagné de deux autres apprentis Cartomanciens, le but étant de ramener au campement trois cents cartes de seconde catégorie.
Le groupe de Neil put collecter des cartes à sort grâce à l’atout magique « Vol de carte à sort ». Et ceci sans commettre d’acte violent comme le voulait Neil. Mais lorsque le fermier rencontrait des âmes perdues, il prenait pitié et invitait quiconque à le rejoindre. Quand il rentrait de ses expéditions, il ramenait plus d’enfants perdus que de cartes de sort. Et celle qu’il espérait trouver n’était jamais dans le butin. C’est alors que la cohésion du clan se fragilisa. On doutait de Neil et on pensait qu’il ne prenait pas les bonnes décisions. Neil en était conscient mais quelque chose lui disait que le plus important était de rester uni. Les cartes n’étaient qu’une illusion, un prétexte pour une division. Le plus important était de vivre au jour le jour, dans la joie et la bonne humeur, mais surtout de pouvoir survivre ensemble en restant altruiste. Les cartes n’étaient qu’un piège pour diviser les troupes et tout ceci n’était qu’un test pour voir à quel moment nous céderions à l’appât du gain. C’est ainsi qu’il voyait les choses.
– Tout ça est très intéressant, dit Midan. Sans vouloir te vexer, je crains que tu ne puisses continuer dans cette voie. Ton entreprise part d’une bonne intention, mais tu dois t’attendre à une prochaine rébellion au sein de ta communauté. Lorsque les temps seront plus durs, les hommes se retournent les uns contre les autres. Les vivres viennent déjà à manquer et personne ne sait chasser dans ton groupe.
– Je sais, je vais retourner dans vertbois dés demain. Je dois trouver cette satanée carte. Je suis sûr qu’elle existe et que mon raisonnement est juste.
Neil fit donc d’autres expéditions, mais toujours sans succès.
Une nuit au coin du feu, pendant qu’il visualisait les cartes avec un air attristé, il tomba sur deux nouveaux atouts magiques qui retinrent son attention. Le premier était « L’appel à un ami du monde extérieur – Vous êtes dans le besoin et aimeriez l’aide d’un ami du monde extérieur, n’attendez plus, invoquez cette carte ». Il pensa alors à son ami de confiance Bratal qui lui remonterait probablement le moral. Mais il y réfléchit à deux fois car l’amener ici pourrait constituer un danger. Après tout, on ne savait pas dans quelles conditions il apparaîtrait ici.
– Tu devrais le faire. Emyse était réveillé et observait la scène derrière son dos.
– Tu ne dors pas ?
– Les cartes à sort ont été créées par des experts Mages et ont été testées. Il ne risquera rien.
– Merci, je crois effectivement que sa présence nous fera du bien. J’ai besoin de personnes de confiance dans nos rangs aujourd’hui, pour rassurer et maintenir la stabilité dans notre petit groupe.
Emyse acquiesça.
– J’invoquerai cette carte demain, après le lever du soleil. Ce sera préférable pour Bratal qui sera pris au dépourvu. Et … il y a cette autre carte Emyse. Tiens regarde, est-ce que tu vois à quoi elle pourrait bien servir ?
Emyse la prit et lut.
– La Quête Sombre ? Vous êtes brave et vous ne craignez pas les créatures qui dépassent votre entendement. Vous ne craignez pas la mort et ce que vous cherchez est différent de ce que vous offre ce rite de passage. N’attendez plus, soyez le premier à réussir cette épreuve et vous obtiendrez peut-être un grand pouvoir dans le monde extérieur.
Emyse jeta un regard terrifiée à Neil.
– Et regarde plus bas, le nombre d’invocation de cette carte.
–0 !? Elle n’a jamais été utilisée ?
– Cette carte m’a l’air dangereuse. Personne ne l’a encore jamais invoquée. Emyse, j’espère que tu resteras près de moi. Ton soutien me sera d’un grand réconfort.
– Ne t’inquiète pas.
Neil aimait croire qu’Emyse ressentait des choses pour lui. Et l’avoir pour lui seul, sans Zadion, lui faisait grandement plaisir.
Le lendemain matin comme convenu, Neil conjura « L’appel à un ami du monde extérieur ». Il n’était pas loin de midi quand Bratal apparut subitement dans une aura de lumière et en pyjama. Il tenait un verre de lait qu’il lâcha aussitôt. Il avait seulement vu une lumière aveuglante et se trouvait maintenant en pleine forêt au milieu d’une épreuve de survie. Puis il tomba au sol terrifié. L’attention de Neil fut d’abord porté sur le lait.
– Tout ce lait gâché, quel dommage…
– Bon dieu mais quel est ce sacrilège ? suis-je mort ? Neil ?
N’ait pas peur Bratal ! Ce n’est que moi, je t’ai fait entrer dans l’épreuve de l’académie grâce à un sort.
– M’enfin, pourquoi ? Comme tu le vois je n’étais pas vraiment préparé à cela Neil et j’étais bien moi en vacances ! T’es sûr que tu n’avais aucun moyen de me prévenir avant ?
– Je le sais, mais il n’y avait en pas, je le crains. Excuse-moi mais je vais avoir besoin de ton aide.
– Je pensais que seuls les Môssieurs élus pouvaient participer à l’épreuve ? ironisa Bratal.
– Tel est le cas mais les élus peuvent élire d’autres participants. L’académie le permet dans ce cas. Tu as été choisi indirectement pour participer à l’épreuve.
– C’est bien ma veine ! Comment veux-tu que je t’aide ? dit-il en se remettant debout.
Neil raconta donc tout depuis le début à Bratal. L’arrivée de ce dernier avait déjà remonté le moral des amis.
– Bon les amis, je vais voir ce que je peux faire. Mais s’il-vous-plaît pourriez-vous me trouver des vêtements que je ne finisse pas l’épreuve en pyjama. Je doute qu’on écoute mieux un gros en pyjama aussi sympathique et éloquent soit-il.
Les amis s’esclaffèrent de rire. Puis Neil mit la main sur l’épaule de son ami.
– Merci d’être venu cher ami, mais je crains que tu ne doives rester dans ces guenilles, mais nous verrons ce que nous pouvons faire. Bratal sourit et posa sa main sur celle de son ami.
Ainsi passa le temps dans la forêt enchantée où les rations de nourriture venaient à manquer de plus en plus.
– Ne me dit pas que tu m’as amené ici pour que je meure de faim Neil ? entendait-on souvent.
– Il y a un endroit où on croise souvent le cochon sauvage. Il faudrait qu’on reparte en attraper un. Les vivres viennent à manquer de surcroît. Mais il n’y a pas de bons chasseurs autre que moi dans notre groupe. Et je ne peux aller chercher des cartes de seconde catégorie et en même temps partir à la chasse. Dis-moi fidèle conseiller, que dois-je faire ?
– Je vois, je comprends maintenant pourquoi beaucoup quittent le groupe, constata Bratal.
– As-tu constaté des absents ?
– Pas qu’un seul.
– Ils ont dû rejoindre le groupe de Jecer.
– Quoi ? Encore cette ordure ? j’espère ne pas le croiser ici.
– Il se raconte qu’ils ne manquent pas de vivre car ils forment un groupe d’habiles chasseurs. On ne peut leur en vouloir après tout.
– Et Zadion ?
– Introuvable.
– Encore cette fiereté insensée entre vous ? vous vous êtes cherché au moins ?
– Je ne sais pas s’il voudra de mon aide et je veux pouvoir y arriver sans lui.
– Ensemble vous pourriez briller tellement plus.

Quelques temps après, Neil se rendit compte que sa stratégie avait failli. Il avait pourtant privilégié la survie; l’ironie du sort fit que son groupe manquât de vivres. Le meneur maladroit n’eût pas d’autre choix que de se rapprocher de Jecer afin d’envisager un troc : échanger des cartes contre de la nourriture. Le soir venu, ils décidèrent de partir tous en expédition rejoindre le camp du malicieux. Ils avançaient dans la nuit fraîche enveloppés dans leur cape, quand soudain ils furent prit en chasse par d’effrayants sauvageons qui les encerclèrent.
– Où allez-vous comme ça les cailles ? Les attaquants avaient abandonné leurs habits de Mages. Armés de lances faites de pierres taillées et de bois ils encerclèrent Neil et son groupe.
Neil enleva sa capuche.
– Je viens m’entretenir avec Jecer. Nous sommes en manque de nourriture et venons demander votre aide.
Les sauvageons leur ordonnèrent de les suivre. Ils arrivèrent ainsi au camp, en faisant plusieurs détours les yeux bandés. Ceci les empêcha de connaître l’endroit exact de leur cachette. Une fois arrivés, on leur enleva le bandage des yeux. Neil découvrit alors leur camp. Les sauvageons vivaient au moins dans un camp qui avait l’air ordonné. Un feu gigantesque était allumé et des carcasses de sangliers étaient éparpillées. Le groupe vivait dans l’excès et Neil se rendit soudain compte qu’ils avaient fait des réserves de cochons sauvages. Ils chassaient beaucoup plus que la quantité nécessaire et le jeune fermier à la peau mat comprit pourquoi il n’arrivait plus à débusquer facilement le sanglier dans vertbois. Jecer était assis sur son trône en bois. Autour de lui, deux têtes de porcs étaient piquées sur des bâtons. Jecer avait même braconné pour s’offrir des trophées, alors que le groupe de Neil vivait dans la famine. Neil détesta encore plus Jecer ce jour-là, mais il maîtrisa sa colère.
– Je viens seulement pour faire un troc, nous mourrons de faim.
– Et qu’est-ce que tu pourrais m’offrir que je n’ai déjà ?
– J’ai des cartes ensorcelées et quelques cartes de seconde catégorie.
– On s’en moque pas mal de tes cartes. Cela dit, il semblerait que certains en fassent la collection ici.
– Je demande juste de la nourriture pour mes amis ici présents. Nous n’avons rien mangé depuis plusieurs jours.
Jecer prit un instant pour prendre sa décision tel un véritable monarque.
– Bon, je vous invite au dîner de ce soir à une condition. Toi le gros, tu vas danser toute la soirée et tout nu autour du feu. On va donner une grosse fête. Vous pourrez manger tant que le gros dansera. Et bien sûr, je veux toutes vos cartes.
Neil fut choqué par une telle proposition. Bratal qui mourrait de faim, ne su quoi faire au début, puis il pensa au groupe. Il comprit qu’il devait le faire. Il était venu pour aider son ami après tout et il n’avait pas peur des moqueries, il en avait l’habitude maintenant.
– Très bien, coupa Bratal. Neil jeta un regard interloqué à son ami.
– Voilà une sage décision, dit Jecer. Les deuxièmes années ne sont vraiment pas faits pour cette épreuve. Tu es bien trop faible toi et ta pitoyable bande de crève-la-dalle. Et tous ceux qui t’avaient rejoint n’étaient que des lâches, conclut le cruel élève.
Ce dernier arrivait au sommet de sa suprématie sur son groupe. Et tous ceux qui étaient dans le groupe de Neil baissèrent les yeux de honte. Même s’ils voulaient agir, il ne pouvait rien faire au risque de subir le châtiment de Jecer et de repartir le ventre vide.
Et alors commença une affreuse fête ou Bratal dansa nu autour du feu malgré sa faim. Jecer apprécia le spectacle, fou de joie, ainsi que ses compagnons.
– Tous ceux qui veulent manger, mettez-vous en ligne et à quatre pattes comme des chiens, si vous touchez à la nourriture avec les mains, on ne vous en donnera plus !
La cruauté des hôtes montait en crescendo.
– Le groupe de Neil obéit à chaque ordre et on leur jeta des morceaux de viande au sol qu’ils rongèrent difficilement. L’appétit de Neil s’envola d’un coup et il regarda ce spectacle, fou de colère.
– Tes cartes maintenant ! Quand ta bande de chiens aura fini, déguerpissez.

Ainsi Jecer se vengea de Neil qui donna toutes ses cartes, impuissant. Tout cela était une aubaine pour lui d’humilier à son tout le mystérieux justicier.
Lorsqu’ils eurent finis, les camarades de Neil étaient dans un piteux état. Ils furent ensuite déposés par les sauvageons là où ils avaient été trouvés. Bratal qui avait été sacrifié, arrivait à peine à marcher. La famine et la fatigue lui faisaient voir des étoiles. Humiliés comme jamais, ils n’osaient se regarder dans les yeux. Les sauvageons disparurent en riant comme des hyènes et Bratal s’effondra après le départ des fous. Neil vint à son secours, le visage en pleurs.
Pendant ce temps, Jecer fêtait sa victoire affreuse. Il riait et distribuait les cartes des vaincus.
– Voyez ce qui se passe lorsqu’on se dresse contre moi. Vous avez tout intérêt à rester à mes côtés. Ainsi vous ne manquerez de rien, dit-il fier de lui.
– Je ne retrouve pas mes cartes ! cria l’un des sauvageons. C’est toi qui me les as volé !
Fou de colère ils se rua sur son voisin en pointant sa lance tel un barbare.
– Moi aussi, il me manque des cartes !? Lança un autre.
Ils constatèrent tous qu’ils avaient été cambriolés. Le visage de Jecer se crispa et devint blême. Son sourire s’effaça d’une seule traite.
– Tout ceci n’était qu’une mascarade, on s’est fait avoir.
Quand il reprit ses esprits, il fut prit d’une colère noire et se lança à la poursuite de Neil en criant comme un animal. Les sauvageons quittèrent tous leur tanière.

*

Lorsque Neil ouvrit son grimoire, Bratal oublia aussitôt son état en voyant son contenu.
– Tu… tu as utilisé le “Vol de carte” ?
– Alors là, je te tire mon chapeau Neil, c’est le plus beau tour de magie auquel j’ai jamais assisté, remarqua Midan.
Neil sourit et les enfants perdus acclamèrent celui qui devint une fois de plus le héros. Ainsi le maladroit magicien finissait par surprendre une fois de plus.
– Ce n’était pas prévu mais disons que par précaution j’avais gardé un atout dans ma manche. Juste avant qu’ils nous rebandent les yeux, j’ai lancé ce sort discrètement. J’ai enterré toutes les cartes de seconde catégorie au camp. Ils n’ont pu nous prendre que les cartes à sorts.
– Neil, tu sais que tu es un véritable génie quand tu veux, dit l’un des enfants.
– Merci les amis, mais le tour de magie n’est pas encore terminé. J’ai pu récupérer cette carte comme je l’espérais.
Neil sortit du grimoire la carte « Vol de carte de seconde catégorie » et la montra aux autres. Elle se trouvait donc bien dans le groupe de Jecer.
– Ces monstres sans cervelle n’ont même pas cherché à utiliser leurs cartes. Avec cette dernière, je vais leur leur prendre toutes celle de seconde catégorie. Il n’y a plus qu’à attendre qu’ils reviennent.
– Mais tu te feras massacrer si tu te fais attraper, contredit Bratal.
– C’est là que tu interviendras et c’est pour cette occasion que je t’ai appelé. Retrouve Emyse au campement et guide nos frères. Elle t’indiquera où sont cachées nos cartes. Parmi celles-ci, tu trouveras un atout ensorcelé de première catégorie intitulé « Appel à un ami du monde intérieur ». Je l’avais gardé pour appeler Zadion, mais vous lancerez ce sort à point nommé et à la bonne heure pour me sauver de ces fou furieux.
– Tu oublies une chose le génie, comment savoir quand sonnera la bonne heure ? demanda Bratal dans tous ses états tandis que les enfants perdus paraissaient encore plus perdus.
– Vous ne le saurez pas. C’est un risque que je dois prendre. Disons que dans une heure vous lancerez ce sort, cela me laissera le temps d’arriver à mes fins. Allez-y maintenant, car pour cela vous devez être auprès d’Emyse au plus vite.
Bratal, qui était au bord de l’épuisement, repartit en boitant pour le camp avec les enfants perdus.

*
S’ensuit alors une longue course-poursuite entre Neil et les sauvageons. La traque fut impitoyable. Tout comme la carte « Vol d’une carte à sort », « Vol d’une carte de seconde catégorie » ne marchait qu’à une certaine distance. Neil dût donc se cacher assez près de ses chasseurs pour commettre le vol sans être débusqué. Ils étaient à présent dans une forêt de pins et grimper à un arbre s’avérerait difficile. C’est pourquoi Neil profita du terrain en pente pour acquérir de la vélocité et se cacher dans des orifices, des buissons, des renfoncements de terrain ou derrière des arbres. Les chasseurs crièrent dans la nuit; ils avaient l’air de petits diables. Les torches allumées, ils lançaient des pierres pour faire sortir leur proie. Neil changea, de peur, plusieurs fois de cachettes et mais reçut malgré tout plusieurs coups de pierres. L’une d’elles lui avait fait voir des étoiles. Mais il ne se donnait pas le droit d’abandonner pour ses frères, il réussirait son coup et ce serait le plus beau tour de magie qu’il n’ait jamais montré. Dans un des abris, prostré, il se souvint des parties de cache-cache dans son village et de ses tours de magie qui faisaient disparaître une pièce, un caillou, devant les plus jeunes qui finissaient émerveillés…
Il sentit sur son front le sang qui coulait. Une pierre lui avait ouvert le crâne sans qu’il ne s’en rende compte. Mais en contrepartie du sang donné, sa bourse se remplissait de cartes de seconde catégorie. C’était donc ça le sacrifice ? ça faisait très mal pensa-t-til.
L’épreuve tournait mal pour lui et finalement les professeurs n’en avaient pas vraiment le contrôle. Il n’en sortirait peut-être pas vivant vu le niveau de violence. Le clan de Jecer était devenu si cruel et primitif et tout cela était de sa faute.
Il savait emplir de haine le cœur des autres. Cette épreuve n’était-elle pas plutôt destinée à dénicher les potentiels Mages sombres ? Dans ce cas c’est Jecer qui gagnait haut-la-main. En tout cas, lui, le petit fermier, avait agit avec le cœur. Il avait fait passer en priorité les valeurs de l’académie et la survie du groupe. Jecer était fou de rage car le terrain était trop difficile à couvrir en entier. Mais il n’était pas dupe et avait finit par comprendre la manœuvre de Neil. Il sortit alors de sa poche toutes les cartes à sort de Neil. Il s’arrêta sur l’une d’elles et sourit en voyant celle appelée « Trouver une personne disparue ». C’était la carte que Neil avait utilisée pour trouver Emyse. Le plan du fermier contenait donc une faille.
– Sale petit paysan qui se croit plus malin que moi !
Le chasseur jeta le sort et apparut dans une lumière éblouissante en face du fermier terrorisé qui se cachait derrière un pin.
– Petit, petit viens donc par ici, ce soir au menu ce sera civet de lapin ou alors un bon ragoût.
Neil voyait à peine, le sang lui recouvrait à présent tout le front et les yeux, ce qui le rendait aveugle. Sa tête tournait. Mais l’adrénaline vint à la rescousse du jeune magicien qui reprit sa course avec Jecer à sa poursuite.
– Arrête-toi ! criait le chasseur en brandissant sa lance.
La pente se faisait de plus en plus raide et Neil la dévalait de plus en plus vite, mais il ne comprit que trop tard qu’il descendait un escarpement rocheux qui s’arrêtait dans le vide. Les deux tombèrent et glissèrent longtemps avant d’être projeté dans l’air. Heureusement un lac put amortir leur chute et Neil nagea jusqu’au rivage. Ses forces le lâchèrent d’un coup et il arrêta la course à cet endroit. Le féroce poursuivant n’en avait pas fait autant. Il se dressait maintenant au dessus de lui et il pointait sa lance.
– Tu vas commencer par me rendre toutes les cartes.
Neil n’eut pas le choix, il savait que Jecer était capable du pire car son cœur était suffisamment emplit de haine et Neil avait le don de le sonder. Il était le mal incarné, pourtant il était encore jeune. Il lui remit sans attendre sa bourse, après quoi Jecer la rangea sans déplacer sa lance de la direction de Neil.
– Je me demande si on nous surveille aussi bien que ce qu’on veut nous faire croire. Tu m’as fait passer pour un imbécile devant mon groupe, puis il rit, finalement tu n’es pas suffisamment malin pour échapper à ma lance.
Neil pensa que son heure était arrivée. Existait-il un dernier subterfuge pour s’en sortir ? Il n’en voyait aucun, seuls ses amis pouvaient le sauver. Il devait donc gagner du temps jusqu’à l’arrivée de Bratal au camp.
– Si tu me tues, tu seras disqualifié et tu seras sévèrement jugé par les Mages de l’académie. Et Dieu lui-même te jugeras !
Neil s’interrogea sur sa propre parole. Il venait d’avoir une pensée pour ce Dieu unique et il lui demandait d’avoir pitié car il ne voulait pas rejoindre le royaume des morts tout de suite.
Jecer hésita quelques secondes, mais son regard était toujours inquiétant. Il n’était plus le même depuis qu’il avait chassé et dépecé des sangliers et il fut comme enivré à l’idée d’enfoncer sa lance dans le ventre de sa proie qu’il ne considérait pas plus qu’un porc sauvage.
– Tu veux savoir, j’ai appris beaucoup avec cette épreuve. C’est comme si j’avais appris à mieux me connaître. Chasser, voilà une activité au combien noble. Te débusquer aura été le plus grand plaisir que j’ai éprouvé durant cette épreuve. Plonger sa lance dans les entrailles de sa proie est … indescriptible. Nous les hommes, avons tant essayé de fuir notre vraie nature, mais en vain. Avant d’être Mage, nous sommes des chasseurs, les meilleurs braconniers de ce monde. Nous avons vaincu tout ce qui marche, rampe ou vole. Il fut un temps où le Mage Noir chassa les dragons de leur propre montagne. Les géants aussi furent chassés de leur terre par un Enchanteur. Nous devenons des Mages en évoluant mais nous restons avant tout des chasseurs, des conquérants. Nous ne pouvons aller dans le sens contraire du courant de la nature. Te tuer devient dans ce cas facile et légitime. L’épreuve a pour but de déceler le vrai potentiel des Enchanteurs. Seuls de bons chasseurs peuvent devenir de bons Mages. Les proies comme toi sont vaines. Les maître-mages seront compréhensifs : les tués dans cette épreuve seront les laissés pour compte prévus depuis le début. Sinon organiser cette épreuve ?
Neil écarquilla les yeux, la folie de Jecer était sans bornes. Mais le plus effrayant était son aliénation qui lui faisait croire tout cela.
– Tu n’es qu’un pauvre fou ! dit une voix lointaine qui résonna.
Jecer comprit alors qu’il perdrait toute occasion d’achever Neil s’il ne le faisait prestement, il porta alors le coup de grâce mais avant qu’il n’abatte sa lance, une flèche lui transperça l’épaule dans une giclée de sang.
Jecer s’écroula en poussant un hurlement de douleur terrible. Apparut derrière lui un archer qui rangea son arc avant de sortir un couteau qu’il posa sur la gorge de l’apprenti aliéné. Ce dernier donna aussitôt sa bourse remplie de cartes en échange de sa vie.
– Je t’épargne à contre cœur.
Neil reconnut cette voix, derrière ce visage dure il reconnut son ami Zadion.
– Zadion, c’est toi ?
Zadion redressa son ami.
– Ne t’en fais pas, tu ne crains plus rien mauviette. J’arrive à point nommé à ce que je vois.
– Comment nous as-tu trouvé ?
– Trouvé n’est pas le bon mot. J’ai aussi de solides notions dans l’art de la chasse mon ami. J’ai tout simplement appliqué une des règles de base : la patience. Je poursuivais les sbires de Jecer quand j’ai compris qu’ils débusquaient à leur tour une autre proie. J’ai ensuite entendu ton nom de la bouche d’un des membres de son clan. Quand cet imbécile de Jecer a utilisé une carte pour te trouver, l’aura de lumière m’a mené à l’endroit où il avait réapparut dans la forêt. C’était un coup de chance car j’étais dans les hauteurs et je pus apercevoir cette lumière. J’ai dû donc me hâter pour vous rattraper. Lorsque tu poursuis un chasseur, le moment le plus favorable est lorsque ce dernier baisse sa garde. Occupé à te suivre il n’a pas remarqué ma présence. Une chance que tu aies été l’appât. Je t’ai trouvé excellent dans ce rôle.
Neil sourit.
– Une chance pour toi ou bien pour moi ? Tu sais quelque fois tu me fais peur, tu n’es pas très différent de ce fou qui a bien failli me tuer. Ce que tu cherches est probablement dans cette bourse, prends-là.
Jecer vida la bourse et découvrit avec satisfaction « La quêre sombre ».
– Je ne vais garder que cette carte. Je te laisse le reste. Finalement tu auras réussit ton épreuve grâce à moi. Alors on est quitte.
Zadion rendit la bourse à son ami inquiet.
– Cette carte, elle est dangereuse.
– Ne t’en fais pas pour moi, dit-il en souriant. Tu sais bien que je n’ai pas besoin que tu t’inquiètes pour moi.
Soudain, Neil émit une lumière éblouissante et disparut. Il avait été rappelé au campement par le sort lancé par ses amis. Une fois rentré au campement, il donna sa bourse à ses compagnons et tous l’acclamèrent mais Neil ne montra aucune joie. Il pensait toujours à son ami Zadion qu’il venait de croiser. Quel était son but ? A quoi servait cette mystérieuse carte ?
Il se questionna aussi sur le changement qui venait d’avoir lieu en lui. Il avait l’impression qu’une entité supérieure avait empêché sa mort. Encore quelques secondes et Jecer l’aurait assassiné. Les déroulement des événements lui semblaient moins hasardeux, l’avait épargné. Zadion était la main de Dieu, pensa-t-il. Le but du rite était-il de convertir pour de bon les apprenants ?
Toujours est-il que Neil devint un vrai croyant ce jour-là.

*

Invisible, le professeur Bralvus Bapus observait la scène de loin. Il était sur le point d’intervenir lorsqu’il eut comprit que finalement Zadion éviterait le pis.
– Jecer a bien raté son épreuve, c’est le cas typique du Mage dominateur. Quant à Neil, il se comporte comme les plus sages de nos magiciens. La question reste entière pour Zadion. Ce mystérieux jeune garçon n’a pas finit de nous surprendre.

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