Lacuna Coil accompagnait ma lecture des Légendes Infernales. Je sentis un regard insistant posé sur moi, et le vis à l’autre bout du parc. Je rougis, et me cachai derrière mon livre, ne sachant pas quoi faire. Il me prit le bouquin des mains, et rit devant la couverture.
— Ce que tu viens de vivre ne t’as pas suffit dans le genre émotions fortes ?
Je le poussai du bout des doigts, redoutant le contact physique.
— C’est du passé tout ça, mon cher ami. C’était la semaine dernière ! Et regarde, je suis toujours en vie, Estelle va de mieux en mieux… Tout va bien –
— Dans le meilleur des mondes ? termina-t-il en secouant la tête d’un air désolé. Tu le crois vraiment ?
Je levai le menton, confiante.
— Bien entendu. Ce malade a compris à qui il avait à faire, et il s’est barré, la queue entre les jambes !
— Cela ne te choque pas que la tâche ait été aussi facile ? Que la réponse se soit trouvée sous tes yeux tout ce temps ?
Je méditai sur ses paroles un instant, indécise quant à la réponse à donner. Bien entendu, je m’étais déjà posé la même question. Si c’était si facile, pourquoi Prisca n’y avait-elle pas songé ? Mais après tout, la raison du départ de notre psychopathe attitré m’importait peu ; qu’il ait décidé de prendre des vacances sur une plage déserte, à hanter des tortues centenaires, ou qu’il ait pris peur devant ma détermination sans faille, je n’en avais que faire.
— On s’en contrecarre. Le résultat est là : on est en vies, toutes les deux.
— Tu es si naïve que ça en est pitoyable, ma petite Agatha.
Il me renversa sur le banc d’un geste nerveux, et se pencha sur moi, les yeux entièrement noirs. Je voulus hurler, mais aucun son ne quitta ma gorge.
— On ne se débarrasse pas de moi aussi facilement, petite imbécile ! Je commencerais par t’arracher la langue pour que tu ne puisses pas hurler…
J’essayai de le repousser, mais c’était impossible. Il pesait de tout son poids sur moi, et plus je me débattais, moins je pouvais bouger.
— Pourquoi tu me fais ça ? On est amis, toi et moi…
Je pleurnichais comme une môme, incapable de me contrôler. Il ricana d’une voix d’outre-tombe. Les corbeaux perchés sur les arbres alentours s’envolèrent en croassant, effrayés, et des milliers de plumes noires tombèrent sur nous, une véritable tempête.
— Tu aurais dû écouter la gitane, Agatha. Tu n’aurais pas dû me faire confiance.

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