Les manifestations continuent, de plus en plus organisées, de plus en plus réprimées. Ce n’est qu’une question de temps avant que le G-12 ne s’en mêle, ils vont téléguider le gouvernement afin de régler la situation dans un semblant de calme, avant la montée des violences. Ils pourraient même très bien réussir, ces gens ne sont pas vraiment violents, ils ont peur, ils subissent les coups tordus de leur gouvernement depuis trop longtemps, ils veulent que les choses changent, ce qu’ils veulent c’est un meilleur lot, une meilleure vie. Ce sont des outils, comme les autres, tu es très souvent sous Morsure en ce moment, peut-être plus souvent que tu n’es à ton état normal. Tu n’as pas besoin d’imiter les cernes sous tes yeux, la culpabilité s’en charge très bien. Cela fait un moment que tu n’as pas parlé à Dalia, tu es toujours à l’heure pour les cours cependant, les gosses ne voient guère de changement. La mère supérieure se doute de quelque chose et sans morsure tu sais que tu ne pourrais rien cacher à Dalia et elle arriverait à te dissuader. Tu vas tous les sauver mais il faut absolument qu’ils en ignorent le prix.
Tu t’es laissé pousser une barbe de 3 jours, tes yeux ont perdu de leurs couleurs, un peu plus noirs. Tu sais qu’Interpol va venir, tu as augmenté ta masse musculaire histoire de faire croire que tu fais de la musculation, tes cernes ajoutent au traitement que tu t’infliges, ta peau n’a pas l’air parfaite, jusqu’à te rajouter un grain de beauté sur la joue, afin de gâcher l’image de symétrie, une imperfection qui suffirait en elle-même à faire penser à un membre d’Interpol que tu n’as pas accès à toutes les drogues du G-12. Tu es allé jusqu’à t’inscrire à l’ambassade d’Italie comme un étudiant en “études sociales”, tu es officiellement en règle, mais peu habitué aux rigueurs de l’autre monde, ton corps en paie le prix. D’après ce que tu sais d’Interpol, ils ne devraient pas tarder à faire leur première visite sur le site. Ils te cherchent mais ne seront guère intéressés, il s’agit de vérifier une piste, la dernière fois tu avais agi autrement, donc t’inscrire dans une ambassade et faire les choses officiellement ne te ressemble pas. Ce coup-ci le frère de Dalia s’est pointé pour te dire que des étrangers ont été vus aux alentours de l’orphelinat. Développement intéressant tu ne t’attendais pas à ce qu’il fasse l’effort, il semble réellement de ton cote, ta première impression était juste… tu connais la ruse, ils doivent déjà savoir où tu vis, si tu ne te présentes pas tu as 1) des liens claires avec des groupes anti-G-12, mais cela doit déjà être établis, 2) tu as quelque chose à te reprocher. Si tu es l’homme qu’ils cherchent ils savent que tu seras au courant de leurs présences et donc devrait t’enfuir.
Tu te pointes une heure plus tard à l’orphelinat, précisément treize minutes de retard pour ton cour d’informatique, tu sais que les gosses ne t’en voudront pas, et tu pourras “mordre” sur les autres taches. Ton visage est enduit de cambouis, tu as de l’huile sur les mains. Dalia se tient défiante face à trois agents, petit morceau de femme face aux trois brutes, la scène te fait sourire. Vu le climat les agents n’osent pas se montrer agressifs surtout dans le quartier pauvre, foyer de la partie “dure” des manifestants et les dons pour la diplomatie de Dalia… qu’en dire? Si ce n’est qu’ils se définissent par leurs inexistences. Beaucoup trop agressive pour décourager les agents, qui commencent à penser qu’elle cache quelque chose. La mère supérieure lui vient en aide, ton sourire s’agrandit et manque de se transformer en fou rire lorsque tu vois les courageux agents d’Interpol reculer d’un pas solennel devant le regard de glace de la petite vieille. Tout le courage du monde, savent elles seulement ce qu’elles risquent pour un inconnu? Tu n’es pas pressé d’alourdir ta conscience d’avantage, tu accélères légèrement tes pas.
Ton accent est manifestement italien quand tu parles aux agents, les deux femmes ne t’ont jamais entendu parler anglais, aussi ne tiquent elles pas en l’entendant. La mère supérieure t’annonce que tu es en retard, tu t’en excuses, tu as du aider la voiture de ta voisine à démarrer (facilement vérifiable, ce qui l’est moins est que c’est toi qui l’avait sabotée). Tu ressembles suffisamment à la description pour que les gens puissent facilement te confondre, surtout que pour les gens de l’autre monde tous les habitants du G-12 se ressemblent. Tu sais comment ils pensent, tu sais aussi qu’ils savent que les descriptions des “locaux” sont souvent confuses. Ils demandent à voir tes papiers tu les leur montres, Dalia s’insurge, comblant tes lacunes dans le département “des insultes et injures” en espagnol. Les agents te demandent où pourraient-ils te retrouver s’ils avaient d’autres questions? Tu leur donnes ton adresse, sachant que ça ne marchera qu’un temps. Ils vont d’abord rentrer dans leur QG pour se renseigner sur ton identité, à première vu tout semblera légitime. Tu as a peu près trois heures, entre le temps qu’ils finissent leur ronde, rentrent au QG, vérifient leur information et finissent par tomber sur l’acte de décès. Les manifestations les forcent à agir sous couvert. Dalia te regarde dubitative, tu ne comprends pas réellement ce que tu lis sur son visage. La mère supérieure par contre est beaucoup plus lisible, tu caches ce que tu veux, tu fais partie de leur famille, elle a tellement l’habitude de protéger ses enfants (et ils sont bien devenu ses enfants) que cela vient naturellement pour elle, que des agents te cherchent devient finalement normal, qu’ils soient possiblement d’Interpol ne fait qu’en rajouter à ton image de “brave garçon”.
Elle te lance juste sur son ton autoritaire que les enfants t’attendent. Tu t’inquiètes quand même, elle ne semble pas douter un instant que c’est toi qui es recherché. T’es-tu livré à un moment où à un autre? Il faudra vérifier. Dalia te regarde, avec quelque chose proche de la pitié dans les yeux, il y a aussi de la douleur… tu essaies d’éviter d’y penser. Tu as un cour à donne et beaucoup d’autres choses à faire…

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