Ils ne resteront pas longtemps, Mathieu le savait. Ils étaient trop peu nombreux, probablement un simple campement qui servait d’avant-poste. Ils ne resteront pas indéfiniment, trop à découverts.

— On aura qu’un seul gars là-haut, précise Philipe.

— Je sais.

— Un gars qui n’a que 15 ans.

— Je sais, répéta Mathieu plus fermement.

— Laisses-moi juste te redire que c’est une mauvaise idée, s’agaça Philipe. Depuis quand des officieux se baladent par groupe de cinq ? Les autres doivent probablement suivre derrière. Et nos gars sont crevés Mat’, putain on vient de traverser la France. Le seul gars qui pourra nous couvrir est probablement mort de trouille je-ne-sais-trop où et tu veux qu’on s’en prenne à des putains d’officieux ? Ils sont peut-être que cinq, mais ils ont des armes automatiques.

— Rappelles-moi pourquoi on est venus à l’Est, déjà ? soupira Mathieu en jouant légèrement avec la fine lame de son poignard.

Philipe secoua la tête et Mathieu insista, se retournant d’un regard lourd.

— Parce qu’il y a des chances que la Zone Rhonale ne soit pas aussi équipée ou organisée militairement parlant que la Bretagne, récita Philipe.

— Et parce qu’on a besoin d’armes, finit Mathieu. Et d’ailleurs, continua-t-il, ce gamin de 15 ans ? C’est le seul qui sait toucher sa cible avec une arbalète. Arbalète, la seule arme de distance qui ne nous coûte pas de munitions. Donc oui, sourit Mathieu, on va attaquer un groupe d’officieux armes aux poings et tu ferais mieux d’aller encourager ce gamin pour lui donner un minimum de confiance en lui parce qu’il est peut-être notre seule chance. Et si ça te plaît pas, je t’encourage à retourner vers l’Ouest sucer des politiciens.

Philipe maintînt le regard insistant de son meneur avant d’éclater de rire.

— Si c’est pour m’occuper de Lambert …

— Dégages de là, s’amusa Mathieu, le poussant légèrement de l’épaule. Et vas encourager Baptiste. Tu n’es pas croyable.

Ils étaient assez à l’extérieur du village pour avoir le champ libre. Les quelques bâtiments qui restaient n’étaient pas habités, probablement une ancienne zone industrielle. Seul le centre-ville avait survécu. Chaleureux habitants, d’ailleurs. Ils les avaient accueillis à bras ouverts, leur avaient offert de quoi se nourrir et l’accès à l’un de leur puits. Ils étaient plutôt bien organisés. Trois mille habitants, de ce qu’il avait pu voir, gouvernés par un conseil. Le tout semblait assez démocratique, rares étaient les villages aussi organisés à leur montrer du soutient. D’habitude, ce genre de système très démocratique où l’on votait encore essayait de s’organiser au niveau régional, de devenir un de ces officieux ou d’en intégrer un. Bref, aspirait à devenir une division. Mais ce village était tout autant répugné par les divisions que l’était Mathieu.
Ca changeait des autres. Ces villages sauvages où les lois et règles étaient simples et souvent injustes et ces villages hypocrites qui n’aspiraient qu’à grandir et s’expandre afin d’avoir l’incroyable chance d’être considéré comme une division française – et d’avoir ainsi le contrôle sur l’eau saine.

Son talkie-walkie grésilla et Mathieu l’attrapa, soupirant.

— Mat’, ils se sont stoppés à deux kilomètres de votre position.

Il se retourna légèrement vers Philipe et hocha la tête, donnant le signal. Le gamin, juste derrière, attrapa son carcan avant de disparaître entre les bâtiments. Ils ne pouvaient se permettre de se faire repérer, il allait falloir faire les kilomètres restants à pieds. Mathieu récupéra une bouteille en verre qu’il remplit de l’essence préalablement siphonnée. Un vieux torchon plus tard, le cocktail Molotov était prêt à servir de diversion.
Les soldats étaient bien trop à découverts pour qu’ils puissent tous se faufiler et les prendre en embuscade. Seul un bâtiment était encore assez proche d’eux, sur le toit devait déjà s’y trouver Baptiste. Les attirer à l’intérieur de l’ancienne zone industrielle était la seule possibilité que Mathieu pouvait envisager. Du moins, la seule qui ne finissait pas par un bain de sang.
Puis ils avaient l’avantage du terrain à l’intérieur.

Mathieu alluma le torchon et jeta la bouteille contre la voiture. Elle était suffisamment proche du bâtiment pour que les soldats y pénètrent afin de sécuriser les lieux. Elle mit quelques temps avant de réellement prendre feu, cependant. De quoi laisser à Mathieu l’opportunité de se flanquer contre le mur, à l’intérieur du bâtiment. Juste à côté de l’entrée.

Quelques minutes insupportables passèrent avant que Mathieu n’entende enfin :

— Ils sont où ?

— Jettes un oeil à l’intérieur. Ils essayent peut-être de nous encercler, je vais voir de l’autre côté. Greg, Mick, vérifiez les bâtiments adjacents. Et les toits.

Mathieu resserra son emprise sur le poignard, le coeur excité comme jamais. Il se baissa complètement, l’officieux mettrait quelques longues secondes à élargir son champs de vision lorsqu’il contrôlerait l’entrée. On voyait d’abord ce qui était à notre hauteur. Et quelques secondes, c’était la différence entre la victoire et la défaite.
Il entendit les pas prudents, le soldat contrôla à gauche. Mathieu était sur sa droite. Le temps qu’il se retourne et son arme remontait déjà dans les airs, la lame glaciale rencontra sa gorge. Mathieu le tira à couvert, dos contre le mur.

— Tu ne veux pas mourir, n’est-ce pas ? souffla-t-il, parce que je ne veux pas de morts non plus alors on pourrait peut-être s’entendre.

— Tu crois vraime…

Le coup dans le ventre le fit se plier en deux, abandonnant définitivement la mitraillette qui tomba au sol. Mathieu la poussa d’un rapide coup de pied et revînt derrière l’officieux, la lame contre la gorge. Puis des coups de feu retentirent à l’extérieur. Le prisonnier profita de la surprise pour se libérer difficilement, tombant genoux à terre. Mathieu jeta un coup d’oeil inquiet derrière lui avant de soupirer. Son pied s’écrasa contre la tête de l’officieux qui rampait difficilement jusqu’à son arme. Assommé, il était beaucoup plus gérable finalement.
Mathieu rangea son poignard contre sa ceinture et attrapa l’automatique. Des bruits de pas se dirigèrent vers lui. Le co-équipier était venu en soutient avec trois minutes de retard. La balle de Mathieu finit tout droit dans l’épaule gauche de l’officieux et le plat de la mitraillette rencontra son visage dans un bruit étouffé. S’il était venu trois minutes plus tôt, ça aurait probablement été Mathieu inerte sur le sol.

_______________________________

Quelques bâtiments se dessinèrent enfin à l’horizon et Lucas ralentit quelque peu. Ils avaient roulé de bonnes heures et n’avaient aucune idée de l’accueil qui les attendait. Natasha soupira doucement, jeta un coup d’oeil autour d’elle et s’adressa finalement à Lucas.

— On y entre à pied ou … ?

— Je me sens un peu plus en confiance avec un minimum de tôle pour nous couvrir, répondit-il.

Elle acquiesça lentement et se retourna. Guillaume haussa les épaules.

— Espérons qu’on aura au moins le temps de leur dire bonjour, souffla-t-elle.

Lucas rit doucement et rétrograda. Peu de gens savaient encore conduire ce genres de vieilleries. Peu de vieilleries du genre existaient encore. Les motos étaient bien plus courantes en énergie fossile que l’étaient les voitures. Ils avaient de la chance, cependant. Si l’essence n’avait pas connu son dernier pic de gloire avant d’être complètement désinvesti du transport individuel, ils n’en trouveraient probablement pas autant. Ni les voitures qui allaient avec.

Guillaume jeta un oeil curieux par la fenêtre, ils se dirigeaient vers de bien trop grandes barrières de barbelés à son goût. Il n’aimait pas ça. Et visiblement les officieux non plus. À peine approchèrent-ils les barbelés d’une centaine de mètres que la voiture était déjà assiégée de lasers rougeâtres.

— Tu les vois ? s’empressa Lucas.

Les premiers bâtiments se trouvaient quelques bonnes centaines de mètres derrière les barbelés. Et entre, le désert.

— Non, soupira Natasha, mais si ils ont des armes avec autant de portée …

— De toute façon on est là, essaya Lucas avant d’ouvrir sa portière.

Deux lasers se portèrent immédiatement sur lui et il releva doucement ses paumes en l’air, sortant de la voiture pas après pas. Il contrôla sa respiration, un vieux réflexe de son père et s’écarta de la voiture d’un bon mètre. Il n’avait pas imaginé un accueil chaleureux, certes, mais ces gardes étaient bien trop distants. Ne pas pouvoir les repérer n’allait pas l’aider à garder son calme.
Natasha et Guillaume suivirent précautionneusement. L’attente fut longue avant qu’un véhicule ne les approche enfin, les lasers toujours fixés sur leurs visages. Un homme d’une trentaine d’années sortit du 4×4 et ses deux co-équipiers se positionnèrent armes sur le toit.

— Bonjour, fit-il d’un calme étonnant. Je m’excuse pour l’accueil, nous avons eu quelques problèmes dernièrement. Est-ce que vous portez des armes ?

Natasha acquiesça lentement.

— Je vais donc devoir demander à mes hommes de vous les ôter, c’est le protocole. Est-ce que ça vous convient ?

Surprise, elle vérifia du côté de Lucas. Il ne semblait pas plus à l’aise qu’elle. La politesse et le calme contrastaient bien trop avec la situation, c’était presque désagréable.

— Vous avez évidemment le droit de refuser, reprit l’homme, dans ce cas nous nous réservons le droit de vous demander de faire demi-tour.

— Dans mon dos, répondit simplement Natasha.

Les armes finirent rapidement sur le capot du 4×4 sous l’oeil curieux de l’officieux.

— Glock, Beretta … des armes des années 2000, remarqua-t-il. Vous n’êtes pas de simples villageois, pas vrai ? Sachez en tout cas, reprit-il sans attendre de réponses, que nous n’acceptons personne tant que nous ne sommes pas sûrs de pouvoir fournir de l’eau à tout le monde. Ce n’est pas le cas en ce moment. Je me dois de vous le signaler, mais j’imagine que vous n’êtes pas ici pour ça.

— Nous aimerions discuter avec ceux qui sont en charge, tenta Lucas.

— J’ai bien peur que vous perdiez votre temps, sourit l’homme, mais vous pouvez nous suivre. Vous récupérerez vos armes à votre sortie. Et restez à une bonne distance de notre véhicule, certains pourraient mal interpréter certaines situations, continua-t-il avant de s’emparer d’un ancien téléphone, ouais, dis à Serge que des insurgés veulent discuter. Et ils nous suivent, préviens les maniaques. Bien sûr que oui ils dont désarmés. Ok, je leur donne Ben.

L’Espace Pyrénéen français avait donc en sa possession des antennes relais. Fallait dire que les nouveaux networks coutaient extrêmement cher à mettre en place et qu’il était logique de voir ici et là d’ancien réseaux de télécommunication, mais vu la distance qui séparait l’entrée de la zone officieuse de sa première ville celui-ci couvrait un territoire des plus imposant. Natasha ne les avait pas imaginé aussi organisés. C’était la Bretagne qui retenait l’attention des médias, l’Espace Pyrénéen restait un mystère perdu dans le sud de la France.

Ils roulèrent une bonne heure pour atteindre Perpignan, traversant quelques villages. Et Guillaume ne pouvait détacher ses yeux des cultures, quelque chose le perturbait. Il n’y avait jamais grandes variétés, il s’agissait de larges champs de ce qui lui semblait être la même chose. Puis, brusquement, on changeait de culture. Il n’avait pas l’habitude d’en voir d’aussi larges. Les villageois du Grand Vide plantaient d’habitude de tout, au même endroit.

— On plante par zone, expliqua soudainement l’officieux assis de l’autre côté de la banquette. Le climat du côté des Pyrénées n’est pas toujours très favorable, les cultures sont distribuées en fonction des terres. Ce qui pousse mieux ici et là, ce qu’on peut se permettre de risquer un peu plus parce que plus résistant au froid …

— Ce ne sont pas les habitants qui s’occupent des cultures ? demanda Natasha.

— Si, bien sûr mais il y a une organisation qui, toutes les années, décide de qui plantera quoi en fonction de où se situent leurs terres. L’essentiel, c’est de produire le plus pour le reste de la population. On a parfois du mal à finir l’hiver et on doit importer de l’extérieur. Et quand on doit acheter de l’extérieur, c’est souvent chez les villageois du Grand Vide qui cultivent avec de l’eau contaminée …

— Donc cette organisation décide de ce que l’agriculteur va produire ?

— C’est ça, pour être sûr que nous aurons les produits de base.

Natasha acquiesça légèrement, décidément. La zone était imposante et la population atteignait les 2 millions, le terrain ne leur était certes pas des plus favorables et il fallait probablement s’organiser au mieux pour dépendre le moins possible de l’extérieur – surtout que ce n’était pas les divisions qui allaient les aider et fournir de quoi combler le manque de vivres. Mais le système était des plus étranges et cette organisation rappelait grandement le Sénat du Paris France.

Ils traversèrent Perpignan, direction l’ancien Hôtel de Ville. Une fois la voiture arrêtée et une seconde fouille dans les règles de l’art, on les emmena directement dans les étages. Un bâtiment des années 30, probablement ; l’époque où l’acier-goudron était revenu à la mode. Tout était bien morne, dur, froid. Et pas grand meubles pour habiter les pièces.
Ils arrivèrent finalement à destination, un bureau lourdement gardé à l’extérieur et deux personnes qui les attendaient à l’intérieur.

— Bonjour, enchérit rapidement le plus grand, je suis Serge Mérac, Président de l’Espace Pyrénéen et très curieux de connaître la raison de la présence d’insurgés sur mon territoire.

Natasha déglutit lentement et s’avança devant le silence.

— Asseyez-vous, coupa Mérac, je ne vais pas vous manger, rit-il.

Il y avait définitivement quelque chose qu’elle n’aimait pas dans cette attitude. La fausse légèreté, probablement.

— Il est impossible de rejoindre l’Espagne sans traverser votre territoire, indiqua-t-elle en prenant place dans un des fauteuils.

— Mhm mhm, l’Espagne, sourit Mérac. Evidemment. Vous savez que cette frontière est surveillée du côté espagnol, pas vrai ? Le nombre de clandestins qu’ils nous renvoient chaque trimestre, soupira-t-il, l’Espace Pyrénéen est votre dernier soucis. Mais je suis un homme très curieux, qu’est-ce que l’Espagne peut vous apporter ?

— Merci pour votre temps, soupira Natasha en se relevant.

— Vous devez manquer sacrément d’armes pour prendre le risque de venir jusqu’ici.

Elle se retourna, surprise. Et il rit franchement.

— C’est la première fois que vous faîtes ça, pas vrai ? Enfin, j’imagine qu’il faut être sacrément novice en la matière pour demander de l’aide à une zone « officieuse » quand on la déclare notre ennemie.

Le ton était des plus condescendants. Natasha entendait déjà Mathieu jubiler devant son échec, en profiter pour amener les autres groupes vers lui dans une absence totale d’organisation. Elle entendait Lucille, son père. Et c’était agaçant.

— Notre « ennemi », si nous devons en avoir un, s’entendit-elle répondre, est le Conseil Divisionnel.

— Auquel nous aspirons un jour à entrer. Vous voyez l’ironie ?

— On sait tous très bien que ça n’arrivera jamais. Vous n’aurez jamais le contrôle de l’eau saine. Et vous le savez. Au mieux, ils arrivent à un point où la décontamination se fait massive. Ils vous vendront les usines, les experts, ils vous vendront l’eau. Et là, là vous ne reculerez plus. Vous serez dépendant. Vous ne serez jamais entièrement une division française même dans le meilleur des scénarios. Et en ce moment, avec la Bretagne ? insista-t-elle, ce n’est même plus un rêve à avoir.

Il se laissa tombé dans le fond de son fauteuil et le deuxième homme se détacha finalement de la fine fenêtre – il s’agissait définitivement d’un bâtiment des années 30. Des motifs rectangulaires, plus longs que larges, le tout accompagné de matériaux bruts.

— Parlons de votre rêve, les divisions ? Sérieusement ?

— Je vous écoute, souffla Mérac en s’avançant légèrement sur le bureau.

Natasha ouvrit la bouche, surprise. Elle n’avait pas imaginé devoir proposer quelque marché que ce soit.

— Eh bien, mhm … nous avons besoin d’armes et comme votre … collègue, hasarda-t-elle, vient de le souligner, ce serait des plus stupide de les utiliser contre la puissance de feu des divisions officielles. Et la Bretagne mets définitivement des freins à toutes les autres zones officieuses. Son ambition reflète malheureusement sur vous et vous empêche d’avancer diplomatiquement vers les divisions officielles.

Mérac fouilla quelques secondes dans un de ses tiroirs et une feuille ne tarda pas à glisser sur le bureau, suivie par un stylo bille.

— Qu’est-ce vous auriez demandé aux espagnols ?

Natasha jeta un oeil derrière elle, les deux étaient toujours aussi silencieux. Elle attrapa finalement le stylo et y inscrivit les types de munitions et armes qu’ils avaient convenus d’acheter. Les vieilles armes à feu qui circulaient toujours sur le marché étaient les moins chers, surtout les modèles populaires de l’époque vendus à grande échelle – et pour lesquelles il était toujours possible d’obtenir des munitions. Les armes de la course aux armements de la fin du siècle éclair avaient presque toutes été récupérées par les différents gouvernements et il était extrêmement difficile de mettre la main dessus. Et les nouvelles armes au marché noir étaient d\’une technologie bien trop chère.
Ils n\’avaient pas beaucoup de choix.

— Des 5,56 OTAN ? s’amusa Mérac, AR-15 je présume ?

Natasha acquiesça légèrement.

— De vieilles armes, constata-t-il avant de se retourner vers le second, demande le double à Pedro. Et rajoutes une dizaine de … tu sais quoi.

— Nous n’avons pas les moyens…, commença Natasha.

— Vous devriez enlever cet air surpris et naïf, coupa Mérac alors qu’il s’emparait d’une large tablette, c’est vraiment désagréable quand on fait des affaires.

Natasha rattrapa la tablette de justesse alors qu’il la lui lança.

— Faîtes la transaction avec le montant que vous auriez originellement donné et nous sommes bons. Pierre va vous donner les coordonnées du compte auquel faire le versement, il s’arrêta soudainement, est-ce que je dois préciser que cette transaction doit être anonyme et cryptée, en bit-dit ?

— Non, souffla Natasha définitivement agacée.

— Eh bien, bonne chance contre les bretons.

Il faisait frais dehors, le soleil était présent mais le vent violent. Et autour d’eux, les hommes lourdement armés de Mérac.
Lucas soupira doucement alors que l’un d’eux tournait autour de la voiture, l’air curieux.

— 2067 ? demanda-t-il enfin.

— Le dernier modèle en énergie fossile commercialisé avec une boîte manuelle, acquiesça Lucas.

— Impressionnant. Elle a dû être difficile à récupérer celle-ci.

— Elle appartenait à la famille, je l’ai juste retapé.

Guillaume soupira, c’était un stupide tas de ferrailles, un symbole de l’ironie du siècle éclair. Alors que le transport s’était fait majoritairement électrique, les besoins et les dépendances s’étaient déplacées d’une région à une autre. Au lieu d’être soumis au pétrole, ils s’étaient devenus les esclaves de l’électricité. Une utilisation massive, de nouveaux moyens de production à mettre en place, de nouveaux marchés à ouvrir. De nouveaux gouvernements à supplier. Un prix qui augmente et une valeur qui sur-dépasse pourtant le coût. Le pétrole avait finit par revenir pendant quelques années, moins difficile à avoir, souvent moins cher même, avant de se désinvestir totalement du transport individuel au profit des grosses organisations et usines qui s’amusaient avec le plastique.

— Est-ce que je suis le seul à avoir l’impression de m’être prostitué ? souffla Guillaume alors qu’ils purent enfin reprendre la route. Ils ont du mal à finir l’hiver mais ils n’ont aucun problème à financer leur armement, rit-il. Ce sont tous les mêmes.

_______________________________

Mathieu jeta un coup d’oeil sur les toits, aucun signe de Baptiste. Le gamin était censé être de l’autre côté de la rue, Mathieu serait bien trop à découvert en s’y lançant maintenant. Et il n’avait pas eu le temps de distinguer la location des coups de feu, impossible de savoir où les officieux se trouvaient.
Au moins, deux d’entre eux étaient maîtrisés. Plus que trois. Mathieu soupira et rentra à l’intérieur du bâtiment. Les deux corps immobiles furent bientôt déchargés de leurs talkies-walkies. Les attirer à découvert était la seule chose à laquelle Mathieu pouvait penser. C’était toujours la même chose, d’ailleurs. Attirer à découvert et charger. Se cacher. Attirer à découvert. Charger.

Il sortit du bâtiment, cassant une fenêtre à l’arrière et progressa lentement le long de l’immeuble. Aucun coup de feu n’aurait dû être tiré. Aucune chose de ce genre n’était censé arriver. Ce n’était pas bon. Il trouva finalement de quoi faire l’affaire. Derrière le bâtiment, il avait vue ouverte autour de lui. Et l’avantage d’avoir une ouverture à gauche. Ils arriveraient forcément par la gauche, il n’y avait rien à droite. Un désert vert.

— J’ai deux de vos gars, essaya Mathieu par le talkie-walkie. Si l’un des miens meurt, les deux y passent.

Il dû attendre quelques longues secondes avant qu’on ne lui réponde enfin. De longues secondes pendant lesquelles ils s’étaient probablement concertés. Ils étaient donc au moins deux.

— Qu’est-ce que tu proposes ?

Ils avaient probablement déjà compris où étaient leurs co-équipiers. Ce n’était qu’une question de temps. Après tout leur chef avait donné ordre de sécuriser ce premier bâtiment, ils ne pouvaient pas être autre part. Mathieu cala son coude contre le mur et y stabilisa le fusil d’assaut du mieux qu’il le put. À l’arrière du bâtiment, il avait une petite fenêtre. La distance était longue et la précision n’allait pas être géniale. C’était risqué mais avancer sur le flanc gauche lui paraissait d’autant plus dangereux, surtout s’ils contrôlaient par les toits. Avec un peu de chance Baptiste était à couvert.

— Laissez-nous vos armes.

— Vous n’êtes pas beaucoup. N’êtes pas armés. La demande ne convient pas réellement à la situation, tu ne trouves pas ?

Ils essayaient de gagner du temps. Il arrivaient, donc. Mathieu inspira. Il gagnait quelques secondes à attaquer à hauteur d’homme, ils vérifieront d’abord les toits pour contrer une possible embuscade. Surtout sur ce genre de terrain.

— Deux de vos gars contre vos armes ? Je trouve ça plutôt correct.

Le premier officieux qu’il vit essaya de longer les bâtiments pour atteindre le premier, il avait d’abord contrôlé les toits de l’autre côté de la rue. Le temps qu’il se retourne pour contrôler l’allée, Mathieu avait déjà tiré. Et courut. Il était repéré maintenant.
Il vérifia que l’officieux tombait bien à terre et le désarma d’un rapide coup de pied. Il était complètement à découvert à présent, contre le deuxième bâtiment face à la rue. Et un coup de feu ne tarda pas à le lui rappeler. Il attrapa la gouttière, poussa sur ses bras pour atteindre le premier étage du deuxième bâtiment, cassa la vitre du revers du poignard et s’y glissa aussi vite qu’il le put. Pas assez rapidement, cela dit. On l’avait touché à l’épaule et sa chute dans les débris de verre n’aidait en rien. Il mit quelques secondes à se relever, les mains en piteux état et récupéra l’automatique qui avait glissé une dizaine de mètres plus loin.
Il avait déjà perdu trop de temps. Les officieux s’attendraient probablement à ce qu’il s’enfonce dans les étages pour pouvoir s’échapper, ils l’imaginaient déjà coincé à l’intérieur du bâtiment. Mathieu descendit au rez-de-chaussée, le fusil sur son épaule. Et encore une fois, il se ficha simplement contre le mur à l’entrée. Il s’accroupit, prêt à recommencer. Une silhouette ne tarda pas à entrer à son tour, vérifiant d’abord à sa hauteur. Et Mathieu retînt de justesse son doigt sur la gâchette.

— Putain Phil ! grinça-t-il.

— Le coup de la porte, encore une fois ? rit Philipe. T’as de la chance que ce soient pas des bâtiments en verre, sérieux.

Mathieu se releva difficilement, après l’adrénaline la douleur.

— Les deux autres ?

— Baptiste en a eu un, je lui en dois une d’ailleurs. J’ai eu le deuxième lorsqu’il se dirigeait ici. Et viens ici, montre moi ça.

_______________________________

Ce discours était plutôt mauvais. Tout était assez mauvais la veille de toute manière. Lucille soupira et corrigea rapidement la phrase, les mots étaient bien trop durs. Elle sentit Claire bouger sous elle et suspendre la retransmission holovisuelle du colloque chinois.

— Pourquoi est-ce qu’un voyeur est à la fenêtre ? s’étonna la scientifique.

Lucille releva les yeux des lumières, surprise.

— Mhm, le 144 est enfin arrivé, constata-t-elle.

Claire soupira alors que la ministre alla ouvrir la fenêtre, récupérant la commande attachée au ridicule drone après s’être identifiée de son index.

— Tu sais qu’ils ont des caméras sur ces trucs, pas vrai ? enchérit la scientifique. Il y a même des sites pornos qui s’emparent des vidéos des drones qui tombent « par hasard » sur des gens à moitié à poil. Et du 144, encore ? s’exaspéra-t-elle. Ca fait trois fois cette semaine …

— Je subis beaucoup de pression en ce moment, on ne juge pas. Et je t’ai commandé du Rouge Bordeaux.

La scientifique rit doucement et jeta un oeil au sachet de plastique que Lucille vidait sur la table du salon.

— Tu sais comment m’acheter, sourit Claire alors qu’elle attrapait le plastique bordeaux.

Si le jeu de mot n’était pas franchement original, la carte du Rouge Bordeaux était à tomber par terre. À l’opposé des fastfoods qu’adorait Lucille et qui se contentaient d’une nourriture aussi vieille que glucidique, ce restaurant bordelais mettait à profit toute l’ingéniosité que permettait la cuisine française. La texture, le goût et l’apparence étaient mit à profit pour faire des plats des plus originaux. Ils ne se contentaient aucunement de recréer une alimentation « naturelle », d’essayer d’arriver à un produit réel et disponible dans la nature. Ils inventaient et jouaient. Des pétales de céréales croustillantes qui avaient le goût d’un fruit, un gâteau fondant qu’on avait cuit dans des dizaines d’arômes différents pour faire ressortir la viande en crumble. C’était quelque chose.
Rien à voir avec la mince tentative de reproduire des burgers américains de l’Etage 144 – même s’ils utilisaient une composition aromatique assez innovante pour la viande.

— Mais ne crois pas que j’ai perdu le compte, continua Claire. Trois fois cette semaine, répéta-t-elle ahurie.

— Je croyais que tu aimais les femmes qui ont des hanches bien marquées ? s’amusa Lucille devant le regard désabusé de la scientifique. Et qu’est-ce que tu as contre les drones, en premier lieu ? enchérit-elle avant de croquer dans son burger carré. Tu en as trois chez toi.

— Ce n’est pas la même chose. Les drones à la maison sont un dérivé de la 3ème génération des robots japonais et ont été adaptés à Lulu. Ils n’ont pas de caméras et ne contrôlent rien. Ils sont juste là pour le ménage, la lessive et la vaisselle. Mais les drones utilisés par les compagnies de livraison ? appuya Claire. Ils sont adaptés de la technologie américaine et ont des caméras, y compris infrarouge.

— Je pensais que c’était la même technologie.

— Du tout. Ceux à la maison font partie de la génération IA et peuvent plus ou moins s’adapter à l’environnement. Ce sont plus des robots miniatures que des drones. Les drones utilisés pour livrer en revanche sont juste des engins automatisés.

— Pas le même brevet, donc.

— Non, les miens sont développés par une entreprise atlantique qui a réussit à totalement les intégrer dans l’environnement grâce à Lulu. Les même flux que pour les DIDs sont utilisés de sorte à ce que l’engin connaisse complètement la pièce. C’est assez impressionnant. Ca évite de perdre de la place dans la penderie et en plus, ça range le linge. Les autres utilisés pour la livraison sont importés par une entreprise américaine. Et, continua la scientifique, j’aime également les femmes en bonne santé, celles qui n’ont pas de problèmes cardiovasculaires et qui ne meurent pas à cin.quante.ans, accusa-t-elle avant de s’emparer d’un bout de croustillant qui dépassait de l’emballage du burger.

— Est-ce que tu viens de me piquer mon bacon ? reprit Lucille.

— Mhm ? En tout cas, c’est super adorable le concept de ce fastfood, feint Claire sous le regard amusé de la ministre, l’« Etage 144 », référence à l’avancée architecturale de 2123 quand ils ont réussit à construire un immeuble de 144 étages en utilisant une technique semie-fluide. Technique qui a servit par la suite à construire des bâtiments deux fois plus haut et qui est le symbole de la ruée vers le ciel, quand la division commença à construire massivement dans les airs. Et puis de hauts burgers et boissons, complètement carrés, pour rappeler la forme d’un bâtiment, c’est vraiment adorable de rester dans le thème jusqu\’au bout de cette manière.

Les mains de Claire s’arrêtèrent de gesticuler sous celles de la ministre. Et Lucille ouvrit la bouche, des plus attendrie.

— Je ne sais pas pourquoi j’ai fais ça, coupa Claire, j’étais en train d’en parler et il fallait que je le mette dans la bouche. Je suis désolée, tu veux un peu de ma viande en contre-partie ? D’ailleurs, j’ai trouvé une carte mémoire l’autre jour, elle est à toi ?

— Oh oui, souffla Lucille sous la surprise, j’ai complètement oublié avec toute cette histoire de Grand Vide. Est-ce que tu as de quoi la lire ? Parce que je n’ai pas de lecteur adapté sur ma tablette.

— Je dois avoir ça au boulot mais pourquoi exactement est-ce que tu as une carte mémoire qui date de la pré-histoire et qui est probablement utilisée pour éviter la centralisation des données dans le système ?

La ministre se retourna tranquillement, sirotant son gobelet de boisson énergétique.

— Je ne sais même pas pourquoi j’ai demandé, souffla Claire.

— Ca n’a pas directement de rapport avec ce que fait Natasha.

— Tu sais que je suis de toute manière impliquée, pas vrai ? Je veux dire, tu t’en rends compte ?

— Claire …

La scientifique soupira, elle ne savait même pas pourquoi elle essayait encore. Il y avait simplement des conversations qui ne se feraient jamais.

_______________________________

Il faisait bon aujourd’hui, du moins quand Chloé restait au soleil. Le village était plutôt petit, finalement, à l’opposé de l’image qu’elle en avait eu la première fois. Les maisons semblaient abandonnées aux abords du village, de petites maisons de verre ou de goudron envahie par la nature. Mais plus Chloé s’enfonçait, plus les maisons reprenaient vie. Et dans la rue centrale, elle retrouvait des signes de vies. D’après Joëlle, c’était là que vivaient les familles qui étaient restées.

— Mais les hommes traînent de l’autre côté, enchérit Joëlle, ici c’est toujours très calme. De l’autre côté, c’est toujours bruyant. Pas pour les jeunes femmes.

— Je sais, trancha Chloé.

— Donc voilà, c’est le village, continua la villageoise en jetant un œil autour d\’elle. Il n’y a pas grand chose d’autre à voir. La maison de Mme Beryl sert d’école pour les gamins. Et derrière, il y a les champs et les puits d’eau.

— Et c’est qui qui s\’occupe de faire la nourriture ?

— Un peu près tout le monde. Chacun a son bout de terre à cultiver mais parfois ça ne se passe pas comme prévu, soupira Joëlle. Il y a des vols ou des sabotages pour que certains gagnent plus au troc. À ton tour, pourquoi est-ce que tu es avec eux ?

Chloé haussa les épaules et s’assit à son tour sur le petit mur de pierres.

— Ils sont armés et contrôlent les villages, reprit Joëlle.

— Ils ne sont pas méchants, ils veulent juste aider pour que tout le monde ait de l’eau saine.

— Tout ce qu’ils font, c’est effrayer les hommes et rajouter de la tension. Ils n’aident pas vraiment. Et personne ne leur a demandé d’aider qui que ce soit, rajouta-t-elle.

— Tu ne les aimes pas ? reprit Chloé, surprise.

— Ils ne sont pas très différents des autres, tu sais. Les armes, ça impose, ça donne du pouvoir. On a pas beaucoup d’armes ici, soupira Joëlle. Ils profitent des petits villages comme le notre pour leur petite guerre.

— Ils veulent juste aider.

— Tu sais, Chloé, c’est ça ? s’assura Joëlle avant de continuer devant le hochement de tête, les choses ne sont pas parfaites ici, mais elles sont ce qu’elles sont. Nous, on s’est adaptés. On est pas beaucoup. Mais certains donneraient tout pour intégrer une zone officieuse ou faire partie des divisions. Tu vois, le village, là-bas ? demanda-t-elle en pointant l’horizon. Ils s’enfoutent que les divisions privatisent l’eau saine. Tout ce qu’ils veulent, c’est protéger leur population. Mais les insurgés, eux ? Ils veulent détruire les divisions, sans aucune considération pour ce que les Français veulent réellement, elle rit doucement avant d’enchérir, je peux t’assurer que si ces idiots en train de se défoncer de l’autre côté du village avaient des armes et seraient capables de tenir debout, ils auraient chasser les insurgés depuis bien longtemps.

Le ton était sans équivoque et Chloé déglutit. Elle avait froid. Dans le dos.

— Toi aussi tu le ferai, pas vrai ?

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— Arrêtes de bouger, tu veux ? s’agaça Philipe.

— Tu sais que ça arrache, ton truc ? grinça Mathieu.

— Je fais personnellement plus confiance aux produits qui font mal lorsqu’ils traitent une plaie que le contraire.

Mathieu roula des yeux et Philipe termina enfin le bandage.

— Comment va le gamin ? Merci, souffla Mathieu alors qu’il attrapait le verre qu’on lui tendait.

— La balle l’a juste éraflé mais je crois que ce serait une bonne idée qu’il fasse une petite pause. Il a l’air assez secoué, l’officieux est mort. En plus dans l’oeil mec, t’aurais dû voir ça.

— Tu devrais lui parler.

— Pourquoi c’est toujours à moi de lui parler ?

— Parce qu’il t’a sauvé la vie ? souligna Mathieu.

Philipe se laissa tombé contre son siège, las. Et le maire ne tarda pas à entrer dans la petite pièce que les habitants leur avaient permis d’utiliser.

— Vous avez besoin de quelque chose ? demanda-t-il. Nous avons quelques médicinaux.

— Merci, sourit Mathieu, ce sont vos médicinaux, gardez-les si jamais un de vos gamins est blessé. D’ailleurs, je voulais vous parler, enchérit-il en l’amenant à l’extérieur. Vous avez un système pour la justice, pas vrai ? Qu’est-ce que vous feriez des prisonniers ?

— Nous n’avons jamais connu ce genre de cas. J’imagine qu’ils auraient un procès mais que les quartiers seraient plutôt d’accord sur la question, nous n’avons pas les moyens de garder ce genre d’hommes en prison. Ils ne font pas partie de notre société.

— Je suis assez d’accord. Mais du coup, vos … quartiers ?

— Mhm, ce sont des groupes de cinq personnes désignées dans des quartiers spécifiques de la ville. Et élus par les gens du quartier. Ils sont présents aux procès, étudient et évaluent les preuves. Le verdict final se fait quand une position rallie au moins quatre des cinq quartiers.

Mathieu acquiesça lentement. Ce n’était pas très mauvais, au fond. Même si la corruption ne devait probablement pas être très loin, du moment que les quartiers n’étaient pas fondamentalement différents en richesse et opportunité, ça devait tenir.

— Mes hommes aimeraient les lâcher dans un village à l’Ouest. Ils estiment trop dangereux de les laisser rejoindre Nice. Quoiqu’il en soit, reprit Mathieu, vous avez souvent des problèmes avec des voisins par ici ? Vous êtes au beau milieu d’une belle zone, le Bassin Central derrière vous, le Département Rhonal devant vous, l’Espace de l’Ouest juste en-dessous et le Zone Rhonale juste à côté. J’imagine que tous les villageois du coin ne défende pas votre point de vue sur la question … territoriale française, hasarda Mathieu.

— Des pillages arrivent de temps en temps, on essaye de sécuriser les champs, le bétail et les réserves mais, soupira le maire, disons que les villages adjacents ne réussissent pas toujours à s’organiser de la bonne manière. Nous tenons mieux que les autres et ça fait du bruit.

— Nous avons récupérer quelques armes et munitions, pas beaucoup, précisa Mathieu, et de vieilles armes mais Philipe va vous donner deux-trois choses.

— C’était votre combat, vous n’avez pas besoin, commença le maire.

— Vous nous avez hébergé et nourris, c’est le moins qu’on puisse faire. Et, ajouta-t-il d’un sourire, ce serait dommage qu’il arrive quelque chose à cette ville. Vous faites tous un excellent travail.

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— Putain, souffla Emma, où est la gamine ?

Cédric haussa les épaules, Emma semblait réagir un peu excessivement quand on considérait la situation.

— Elle est probablement allée se promener, proposa-t-il, elle doit s’emmerder à rien faire de la journée.

— Se promener ? Mais qu’est-ce qui va pas avec toi ? La dernière fois qu’elle s’est promenée dans ce village de décérébrés, elle s’est fait agressée idiot. Putain, Natasha va me tuer. Et toi au passage, reprit-elle. T’étais censé garder un oeil sur elle.

— Elle a 22 ans, souligna-t-il ahuri.

Emma lui ôta son vieux fusil, vérifia les munitions et le glissa dans son dos. Cédric soupira.

— C’est mon fusil, qu’est-ce- ramènes le juste en état s’il te plaît, ajouta-t-il devant le regard intimidant de la jeune femme.

Il lui fallut dix minutes pour rejoindre les abords du village. Guillaume avait plus que raison quand il proposait de déplacer le campement au moins de quelques kilomètres au nord. Ce lieu était des plus insécurisant, un véritable retour à la pré-histoire. Elle détestait y mettre les pieds.

— Vous n’avez déjà plus d’eau ? s’étonna une femme derrière elle. Un de vos hommes en a récupéré hier soir.

— Non, je cherche une jeune femme. Blonde, assez grande, l’air un peu perdue.

— Je crois l’avoir vu traîner avec Joëlle, plus au nord.

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Natasha récupéra une bassine d’eau et s’en versa quelque peu sur le visage. Elle était épuisée par le voyage et les questions fusaient dans tous les coins.

— Non, soupira Natasha. On les aura dans trois jours. Avec des bonus visiblement.

— Ouais, enchérit Guillaume alors qu’il se débarrassait de ses équipements, ils ne nous prennent pas au sérieux. Nous ne sommes d’aucun danger pour les divisions, alors autant nous financer pour faire le sale boulot à leur place et s’occuper de la Bretagne.

— C’est pour ça qu’on y était, souligna Natasha, récupérer des armes.

— Je sais, souffla Guillaume en se laissant tomber sur le lit de coussins. C’est juste … cette chose dans sa voix. C’était insupportable.

— Nat’, fit brusquement Emma en déboulant dans la pièce centrale, il faut qu’on parle. Immédiatement.

Elle se retourna vers Guillaume de son regard imposant et il soupira, se releva et quitta la pièce d’un pas las, rapidement suivis par les autres. Natasha se redressa et Emma s’installa à ses côtés.

— Qu’est-ce qu’il se passe ?

— Chloé est allée se faire des amis dans le village, plus bas. Et il y a cette nana qui lui a dit fait comprendre que, Emma soupira, la lèvre coincée entre ses dents. Disons que Luc aurait profité d’une certaine image et d’une position de pouvoir pour, mhm …

— C’est une blague ?

— Non. Les mots de Chloé étaient très exactement, « Joëlle a dit que Luc venait parfois ici et qu’elle ne pouvait rien dire parce qu’elle avait peur que vous preniez le village et le reste de nourriture qu’ils ont ». Je ne suis pas sûre qu’elle sache elle-même ce que ça veut dire.

— Crois-moi, soupira Natasha, elle le sait.

— Qu’est-ce qu’on va faire à propos de ça ?

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