— Nous sommes vers la côte atlantique, fit remarquer Guillaume. On peut essayer d’en profiter et tenter d’occuper une usine bretonne …

Natasha releva les yeux, jetant un oeil autour d’elle. L’air était frais et le soleil timide, mais la neige s’était envolée. Et la Loire était calme, seule entité vivante dans ce gigantesque désert.

— Ce n’était qu’un petit groupe, répondit-elle. Ils n’étaient pas spécialement préparés ni nombreux mais à l’intérieur de la Bretagne, ça risque d’être légèrement différent.
— La plus grosse partie de leur arsenal est de la même provenance que le notre. Ils ont récupéré comme ils le pouvaient les armes de feu du siècle dernier dans les anciennes bases militaires, les anciens commissariats, les anciens foyers … Les divisions sont bien trop armées pour nous, on ne peut qu’essayer d’agir contre les officieux.
— Une majeure partie de leur arsenal, souligna la jeune femme. Il suffit d’un missile de choc à propagation mécanique pour se débarrasser de nous.

Guillaume soupira, les yeux rivés sur la carte maladroitement dépliée devant eux.

— Les divisions ne vont pas tarder à réagir et l’Espace Atlantique Français n’est vraiment pas loin de nous, fit-il en regardant par-dessus son épaule en direction du sud.
— C’est juste que s’attaquer à une usine aussi éloignée, je ne vois pas à quoi ça sert, enchérit Natasha. On n’aura pas les moyens de transporter l’eau.
— Il y a toujours les bâtiments officiels à l’extérieur des divisions, s’incrusta Emma.

Elle attrapa un stylo, passa une main dans ses cheveux et s’attaqua à la carte. L’encre dessina un ovale, long et fin, le long des frontières sud-est du bassin de Paris centre France ; le plus large, imposant et peuplé du pays.
Du Havre à Metz-Nancy, descendant quelques dizaines de kilomètres plus au sud de Tours, le Paris France – comme on le surnommait, contenait deux des aquifères les plus profonds du pays. La profondeur de ces eaux avait permis une protection naturelle des plus solide lors de la Liquidation et, par la suite, le bassin s’était développé autour des firmes de traitements des sols et eaux de manière bien plus importante que les autres divisions – si bien que le Paris France était actuellement dirigé par les géants de l’eau.

— Il y a beaucoup de passages par ici, beaucoup d’hommes armés, expliqua finalement Emma.
— Et ? demanda Natasha.
— Et certains disent qu’il y a une véritable usine d’armement dans cette région, certains y ajoutent un centre de formation pour les soldats.

Guillaume récupéra le stylo, le faisant glisser entre ses doigts.

— Je n’y crois pas, souffla-t-il finalement. Le Paris France tient fermement ses frontières, les murs font plus de cinq mètres de haut, ça n’a aucun sens d’en sortir pour quelque chose d’aussi dangereux qu’une usine d’armement.
— L’Espace Atlantique a bien un orphelinat en-dehors de la division, souligna Emma.

Cédric rit doucement.

— Un orphelinat ? Vraiment ?
— C’est les bretons qui l’avaient trouvé, non ? Enchaîna Natasha. À l’époque, ça avait déchaîné l’Hologramme.
— Attendez, reprit Guillaume. Vous êtes en train de dire que Bordeaux a un orphelinat à l’extérieur ? Qu’ils protègent un orphelinat à l’extérieur sans penser à ramener les gosses à l’intérieur ? Vous imaginez un peu les frais ?

Natasha acquiesça légèrement et ce fut au tour de Guillaume de rire nerveusement.

— Et personne ne s’est dit qu’il ne s’agissait probablement pas d’un orphelinat ?
— Les bretons y étaient, expliqua Natasha. Ils ont vu les gamins.
— Et alors ! S’écria Guillaume. Il y avait trois pauvres gamins, combien est-ce qu’on pari que c’est juste une couverture ?
— C’est l’Espace Atlantique pas le Paris France, souligna Emma.
— Oh arrêtes, parce qu’il y a vraiment une différence entre ces foutues divisions ? Reprit Guillaume. Entre la propagande d’état à l’est qui nourrit presque la moitié du pays, le Paris France pseudo-démocrate dirigé par des corporations et l’Espace Atlantique qui produit des technologies à en asservir la population, tu crois vraiment qu’il y a une différence ? L’Espace Atlantique est peut-être plus démocratique, mais c’est juste de la putain de politique. Dans les faits, ça utilise quand même la technologie pour asservir, je ne vois pas la différence avec le Paris France et leur contrôle sécuritaire de l’eau. Tu devrais un jour tous les voir à un Conseil Divisionnel, pas un pour rattraper l’autre.

Natasha se racla la gorge et Guillaume se calma lentement, s’excusant rapidement auprès d’une Emma rouge pivoine.

— Je voulais juste dire que l’Espace Atlantique n’avait justement pas la même politique et les mêmes principes que le Paris France, fit timidement Emma.
— De toute manière, reprit Cédric histoire de passer à autre chose, il y a une voie pas très loin de cet orphelinat.

Guillaume acquiesça, considérant la proposition.

— On peut essayer de couper quelques communications, ce sera impactant et parlant.
— Et ça peut améliorer notre image, ajouta Emma. On pourra toujours en profiter pour faire un tour autour de cet orphelinat.

_______________________________

Il était déjà presque treize heure et elle n’était toujours pas arrivé à destination. Rejoindre la zone de l’Est était un véritable calvaire ; peu de gens avaient l’autorisation de sortir des divisions et les voies aménagées au transport en subissaient les frais. Il fallait emprunter trois voies les unes à la suites des autres et changer de niveau tout autant de fois – chose que Lucille détestait plus que tout. Si dans l’Espace Atlantique le réseau était bien rôdé, certaines divisions avaient encore du mal avec la logistique.

Les voies étaient des espaces réservées aux véhicules constitué de plusieurs étages qu’on appelait niveaux ; il s’agissait en réalité de quatre fils – qu’on avait rendu lumineux depuis quelques temps histoire d’éviter les changements de niveau involontaire la nuit. Ces fils assez fins mais des plus résistants étaient disposées de part et d’autre de la voie : deux de chaque côté, espacés d’une trentaine de centimètres l’un de l’autre.
Les véhicules homologués et expertisés pouvaient ensuite, grâce à une complexe interaction, léviter à l’intérieur de la voie. Celle-ci n’était toujours qu’unique, les véhicules défilaient en ligne indienne à vitesse constante, un changement de vitesse et l’équilibre magnétique était rompu – d’où les différents niveaux. Il y avait des voies rapides, à allure normale et des voies réservées aux véhicules lourds et transports en commun. Les niveaux s’alignaient les uns sur les autres – la plus rapide tout au-dessus, et c’était là tout le problème : quand un réseau était mal conçu, il fallait parfois changer plusieurs fois de niveau pour récupérer la bonne voie menant à notre destination – ce qui était en réalité une opération assez risquée et nécessitait beaucoup de patience ; il fallait attendre de pouvoir s’insérer correctement dans un flux constant de véhicules.

Lucille soupira et jeta un oeil autour d’elle. Un signal lumineux d’un rose bonbon et d’un vert fluo – des couleurs qui revenaient à la mode ces derniers temps, tournoyait quelques mètres plus loin où l’on pouvait soigneusement y lire « Hauteur de sécurité : 1 mètre ».
L’avertissement changea rapidement pour une animation représentant les accidents provoqués par un non-respect de cette règle universelle : des véhicules de différents niveaux attirés l’un par l’autre et une catastrophe en chaîne dans le reste de la voie. Un déséquilibre en amenait toujours un autre, si un véhicule était à moins d’un mètre au-dessus des lumineuses – les fils démarquant les voies, il se retrouverait attiré par le véhicule d’en-dessous et celui-ci lâcherait alors la prise qu’il avait sur celui du niveau inférieur. Et ainsi de suite.
Avec le réseau des lumineuses tout était une question d’équilibre. Et visiblement le bassin central ne l’avait pas encore comprit ; cela faisait une dizaine de minutes que Lucille essayait de se frayer un passage à l’intérieur du deuxième niveau.

Le signal aux couleurs hideuses, seul divertissement dans le paysage de Lucille, changea à nouveau pour laisser place à une publicité.

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Finalement, Lucille échappa à une énième pub toute aussi peu recherchée et réussit à se faufiler à l’intérieur de la voie. Il s’agissait de la dernière ligne droite jusqu’à la zone de l’Est et le voyage était plutôt tranquille. La fine tablette dans son sac sembla vibrer et elle soupira, l’attrapant rapidement avant d’activer la connexion avec l’environnement. Claire apparut brusquement.

— Wow, rit-elle, est-ce que je t’ai déjà conseillé d’améliorer ta réception dans ce taudis ?
— J’aime te recevoir en deux couleurs, tu as tellement plus de charme !
— J’ai réussis à avoir un rendez-vous pour un contrôle rétinien et un scanner, enchérit Claire. J’ai dû jouer de mes contacts mais j’ai réussis à en avoir un assez rapidement.
— Pour quand ?
— Dans une semaine.

Le visage de de la grande brune disparut brusquement et Lucille souffla, maudissant son véhicule.

— Je pense que j’ai une double communication, enfin, rajouta Lucille, sceptique, du moins c’est probablement pour ça que tu es toute brouillée.

Elle attrapa la tablette et après quelques petites secondes de manipulation hasardeuse, elle se retrouva face au visage d’Eric.

— Lucille, il est déjà 13H30 !
— C’est sympa, tu apparais personnellement pour me donner l’heure, sourit-elle.
— Je suis sérieux, qu’il asséna d’une voix faussement ferme.
— Mais moi aussi. Je suis là dans cinq minutes, rajouta-t-elle avant qu’il ne se mette à paniquer.

Lucille s’étira, verrouillant son véhicule alors qu’elle posait enfin pied à terre. Elle passa rapidement entre les dizaines d’autres véhicules garés dans le parking et remonta les quelques escaliers menant à l’air libre. Strasbourg était réellement agencée de manière bien différente à Bordeaux. Les signaux, déjà, n’avaient pas la même consistance et un contenu tout à fait opposé. Dans l’Espace Atlantique, n’importe qui pouvait louer des signaux que ce soit pour de la publicité ou des messages personnels. Ici, tout message affiché – qu’il soit d’un citoyen ou d’une entreprise, équivalait à la présence obligatoire de deux messages de l’Etat. C’était des plus perturbant.
Elle dévia son attention des nombreuses publicités, jetant un œil autour d’elle. Il y avait plus d’espaces verts et on avait tendance à construire en-dessous contrairement au reste du pays qui construisait dans les airs – à Bordeaux, les immeubles atteignaient des hauteurs stupéfiantes.
Mais après tout, la zone de prospérité fonctionnelle de l’Est – un nom qui ne signifiait d’ailleurs pas grand chose, était la plus riche du pays – et la plus dure en politique également. La zone était petite, allant de quelques kilomètres au nord de Strasbourg et s’arrêtant aux frontières de Mulhouse pour ne faire qu’une cinquantaine de kilomètres de large, mais reposait sur un bassin entier des plus protégé et profond, de sorte qu’au final, la zone avait les ressources nécessaires à l’agriculture. En réalité, étant la division qui, au kilomètre carré, avait le plus d’eau par habitants, c’était celle qui pouvait se permettre une utilisation plus considérable de l’eau dans l’agriculture et par conséquent, celle qui produisait le plus. Elle exportait énormément dans l’Espace du Petit Nord, le Bassin Central et le Département Rhônal du Nord, de petites divisions qui ne pouvaient se permettre d’utiliser l’eau de cette manière. D’autant plus que la Zone de l’Est, avec l’Espace Atlantique, était la seule division à encore produire de l’alcool.

Lucille arriva finalement devant la salle de conférence, se retrouvant face à un gorille à l’allure troublante.

— Lucille Lambert, Espace Atlantique Français, lui signala-t-elle.

Il acquiesça lentement et avec le même entrain, vérifia la liste qui flottait à côté de lui et sur laquelle Lucille pouvait repérer son nom de sa place. Il trouva enfin, toucha son nom et vérifia son identité.

— C’est bon, fit-il enfin.

Elle hocha la tête et rejoignit la salle de conférence transformée pour la peine en salle de réunion. Le Conseil Divisionnel, qui regroupait les représentants des sept divisions officielles et reconnues, se réunissait toutes les semaines dans une division différente. Le conseil était en réalité la seule entité politique qui unissait la France, les divisions se gérant de manière tout à fait autonome.

Lucille se pressa aux côtés d’Eric qui la gratifia d’un regard réprobateur et s’assit à sa place, sortant sa tablette. Elle activa le mode édition, l’apparition du clavier et masqua l’affichage de l’écran – histoire que ses notes restent personnelles.

— Très bien, commença Meyer alors que le dernier – plus tardif que Lucille, s’installa à son tour. Bonjour à tous, nous sommes le 15 janvier 2157 et nous pouvons ouvrir la 1145ème réunion du Conseil Divisionnel.

D’un geste de la main sur sa propre tablette, il envoya un tableau sur l’écran des sénateurs, députés ou autre nom que les divisions attribuaient à leur assemblée politique et qui les représentaient au sein du conseil.

— À l’ordre du jour, la gestion des insurgés et de la crise qui s’en suit.

Des morceaux d’articles de journaux de tout horizons, de l’Hologramme bordelais au Strasbourgeois en passant par le Paris France matin, apparurent sur leurs écrans et Eric soupira lentement.

— Ca fait des mois que l’ordre du jour est le même, fit-il en direction de sa collègue.
— Et nous verrons également la gestion –
— Des zones officieuses montantes, termina Eric dans son coin alors que Lucille étira un léger sourire.
— Est-ce que quelqu’un a quoique ce soit à rajouter à l’ordre du jour ? Demanda Meyer.

Une main s’éleva rapidement et un sénateur de Paris France glissa rapidement :

— Un nouvel ordre du jour ?

Les rires s’élevèrent et Meyer essaya tant bien que mal de reprendre.

— Les bretons ont récupéré des armes à dissonance magnétique, fit Dupré du bassin central.
— Et d’après qui ? Sérieusement ? J’y crois pas une seule seconde ! enchaîna le sénateur de Paris France.
— Mais voyons Henry, c’est simple, tout le monde fait l’inventaire de ses équipements militaires et le premier à qui il manque une arme à dissonance magnétique cri et lève haut la main, rit Perrack.

Ces réunions ne servaient strictement à rien. Le Conseil Divisionnel n’était bon qu’à deux choses ; empêcher les divisions de s’entre-tuer et ennuyer 14 personnes pendant une petite heure ou deux. Les crises étaient rarement gérables, les divisions étant bien trop variées et les buts, enjeux et volontés bien trop différents pour arriver à une solution qui satisfasse tout le monde.
Mais même si faire partie du conseil est devenu avec le temps un rang honorifique plus qu’autre chose, il était plus que nécessaire de préserver l’illusion et d’en perpétuer l’image.

— Les insurgés ont attaqué la lumineuse A, fit brusquement une députée de l’espace de l’ouest méditerranéen.

Tout le monde se jeta sur sa tablette pour lire la même dépêche.

« Des perturbances magnétiques sont signalées sur la lumineuse A qui relie l’Espace Atlantique Français et le bassin de Paris centre France, l’incident a été rapidement équilibré. Le niveau était vide et aucun blessé n’est à compter. Du côté de l’Espace Atlantique l’accès à la lumineuse a été fermée par précaution et sécurité. Il s’agirait vraisemblablement d’un sabotage »

Lucille n’eut pas le temps de finir la dernière phrase qu’une nouvelle brève clignota devant elle.

« D’autres perturbances magnétiques sont signalées sur les lumineuses E, C et C1. Les niveaux touchés étaient vides, aucun blessé »

Elle soupira, une chance qu’elle n’empruntait aucune de ces lumineuses pour rentrer.

_______________________________

— Les autres groupes ont bien repris le relais, pressa Guillaume en revenant vers Natasha.

Elle acquiesça lentement, étirant un faible sourire avant de s’assurer :

— Ils ont prit des niveaux vides ?
— Oui, aucun blessé.
— Bien. Au moins, ça envoie un message. Du moins, espérons-le.

Natasha jeta un oeil aux vieilles bâtisses recouvertes de mauvaises herbes qui les entouraient. Le village semblait complètement inhabité et pourtant, le nord était des plus vivant. Il y avait bien une cincentaine de personnes qui vivaient abandonnés ainsi, n’appartenant à aucune division. Le Grand Vide français.
Encore qu’ici l’eau stagnait déjà plus profondément qu’au centre du pays. Les français s’organisaient parfois extrêmement bien, parfois extrêmement mal. Il y avait même des espèces de regroupement de villes ici et là, ce qui pouvait aller à la création d’officieux : ces zones qui émergent de nul part, s’organisent politiquement, socialement, militairement et économiquement mais qui n’ont toujours pas la technique de dépollution de masse des sols et eaux des grandes divisions.
Consommer de l’eau – à part la récupération de l’eau de pluie, était extrêmement dangereux dans le Grand Vide où l’espérance de vie était d’ailleurs bien plus faible et où les malades importants représentaient une part 4 fois plus importante de la population. Si certains avaient réussi à récupérer certains instruments utilisés au siècle éclair, parfois des espèces de pailles qui traitaient l’eau en surface – mais c’était déjà mieux que rien, d’autres la buvaient telle quelle.

_______________________________

Chloé se rassit sur son lit, jetant un oeil quelques mètres plus loin. L’infirmière avait été interpellée par Sonia, encore une fois. Et comme tous les jours, elle lui demanda d’un air paniqué :

— Qui êtes-vous ?

Chloé soupira, regarda autour d’elle et se releva. Elle avait finit depuis longtemps de lire la maigre bibliothèque qu’elle avait à disposition et chaque jour était plus ennuyant que le précédent. Elle décida d’aller faire un tour à l’étage, au moins Ivan saura la divertir.

— Mais non ! fit brusquement Ivan. Ce sont des lapins géants, roses. Roses pour nous divertir, comme ça de cette manière personne ne sait qu’ils sont dangereux !
— Mais s’ils sont géants, on le verrait quand même qu’ils sont dangereux, fit remarquer Chloé.

Il ouvrit grand les yeux et mit la main devant la bouche de la jeune femme.

— Shhhht, shhht, ils vont t’entendre !
— Ils sont probablement en train de manger à l’heure qu’il est, sourit-elle, ils ne m’entendent pas !
— Sht sht shhhhhht, qu’il paniqua, finissant par se coucher par terre et se rouler sous le lit.
— Chloé ! intervînt l’infirmière, combien de fois est-ce que je t’ai dis de ne pas effrayer Ivan ?
— Mais ce n’est juste pas logique ! s’offusqua Chloé.
— Est-ce qu’il t’embête quand tu réponds aux voix ?

Chloé baissa les yeux et soupira :

— Non.
— Alors files !

Elle se hâta en-dehors de la chambre et descendit l’escalier principal. Elle faillit continuer mais aperçut une porte ouverte.
La porte qui était toujours fermée était ouverte !

Chloé s’y glissa, atterrissant en-dehors du bâtiment et continua son expédition. Il n’y avait pas grand chose autour. Des hommes déchargeaient des bidons d’eau d’une chose des plus étranges pour les ramener à l’intérieur du bâtiment et autour, c’était le vide. De l’herbe ici et là et un paysage qui s’étalait à perte de vue. Elle n’avait jamais vu quelque chose d’aussi grand.

Chloé continua sa promenade quelques minutes et finit par remarquer les étrangers maisons, tout devant. Elles étaient recouvertes d’herbes. Elle n’hésita pas une seule seconde à s’aventurer dans le petit village, passant entre les maisons abandonnées, empruntant les petits chemins de terres et de pierres. Pour une fois, elle découvrait quelque chose de nouveau et c’était excitant. Elle prit à droite, s’enfonçant dans un énième petit chemin.
Puis un rire et plus rien.
Son dos heurta violemment la pierre d’une maison. C’était froid, dur. Un rire et de la fumée. Beaucoup de fumée. Une odeur forte, désagréable et une pression sur son épaule. Des bruits, pleins de bruits qu’elle n’arriva pas à distinguer.
L’homme trop proche d’elle semblait chercher quelque chose. Et le métal froid rencontra sa tempe.

— Ranges ta bite ou je te fais sauter la cervelle, fit brusquement une voix, proche et différente.

Chloé regarda face à elle, perdue. C’était trop de sensations, trop de stimulations pour un temps aussi court. Elle vit l’homme s’effondrer par terre avant d’entendre le bruit. Il saignait et ne bougeait plus.

Natasha jeta un oeil au corps inerte et releva les yeux :

— Est-ce que ça va ?

_______________________________

Lucille s’étira et sautilla légèrement sur place histoire de se réveiller un peu. Il fallait qu’elle finisse de lire ces budgets avant la réunion de demain tout en essayant de dormir le plus possible. Ca n’allait pas être facile.
Un bruit la fit relever les yeux de l’écran et un second, suivi d’un troisième, la fit sortir de la cuisine, avançant prudemment vers le salon. Une ombre bougea et une silhouette se dessina enfin près de la baie vitrée.

– Natasha ! s’offusqua Lucille. Non mais ça va pas de débarquer comme ça !?

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