Quand Zeian arriva dans la plus grande salle de conférences, la numéro deux, tous les colons d’Hauméa étaient déjà installés sur des bancs arrondis et bruts. Un fort bruit de conversation remplissait la pièce et Zeian entra avec un air grave non dissimulé. Sur les premières places, en bas de l’arène, Haïp discutait en aparté avec Eve, et l’ambiance semblait encore tendue entre elles. À leurs côtés, trois Amazones, Han, Mia et Roze, étaient assises sur la même ligne, et attiraient beaucoup de regards. Zeian s’empressa de les rejoindre et interrompit une conversation entre Haïp et Eve, ressentant un malaise persistant.
— Je suis heureux de te revoir ! Nous étions vraiment inquiets.
— Vous avez vu Tiago ? Répondit Haïp.
— Oui, Tao a pu guérir ses blessures. Tout va bien.
— Il t’a raconté ce qui s’est passé ?
— Oui, il m’a tout expliqué et c’est pour cela que j’ai demandé à tout le monde de venir.
Zeian vit Tiago arriver tout en haut de la salle et s’installer à côté d’Aman pour écouter le discours. Il était toujours furieux contre lui, désemparé à l’idée qu’il déserte son poste. Quand le chef Smith se mit au centre de la scène, le silence se fit de lui-même dans l’espace de conférence. Il prit une grande inspiration et adopta un ton grave et solennel.
— Lorsque je me suis installé sur Hauméa, j’avais un projet auquel personne ne voulait croire, dit-il, d’une voix forte. Aujourd’hui, la planète, sur laquelle nous vivons avec l’espoir d’un avenir heureux, fait l’objet de beaucoup de convoitises. Pour nous aider à protéger notre mine, le Conseil de Sécurité nous a consenti l’envoi d’une armée qui ne devrait plus tarder à arriver.
Seule la voix de Zeian résonnait devant cette foule dense et compacte, un silence de plomb se faisait sentir à chacun des légers blancs de son discours. Ils avaient tous le visage grave, et les yeux braqués sur lui.
— Après la première attaque, j’ai demandé à Tiago et à une des Amazones, de tenter de découvrir qui était l’instigateur de cette agression. Et, malheureusement, ils reviennent d’Eris avec de bien mauvaises nouvelles. Ils ont découvert qu’un certain Viktor Pajarès projette la création d’une armée pour envahir Hauméa. Les soldats sont en cours de recrutement, les armes sont déjà présentes. Nous devons nous attendre à d’autres agressions.
L’inquiétude se fit ressentir dans toute l’assistance. Personne ne s’attendait à de telles proportions. Zeian poursuivit son discours avec le plus de calme possible.
— Si des colons souhaitent quitter la planète, ils sont libres de le faire, dit-il, en regardant Tiago dans les yeux. Même avec l’arrivée de l’armée, une guerre est peut-être en train de se préparer. Mais soyez sûrs de mon engagement pour la protection d’Hauméa. Cette planète est la nôtre, et je ferais tout pour qu’elle le reste, mais je n’y arriverai pas sans vous. Désunis, nous serons vulnérables, ensemble, nous serons forts. Toutes les énergies, toutes les volontés devront être rassemblées si nous voulons gagner. Merci de votre attention.
Des agents restèrent sonnés par ces révélations quand d’autres se levèrent et commencèrent à discuter entre eux de la crise qui se préparait. L’inquiétude, la stupéfaction et le bouleversement étaient dans toutes les conversations. Le discours finit, Zeian rejoignit Haïp et Eve au bord de l’arène.
— Il faut retrouver Viktor, fit-il. Tiago m’a dit que les armes entreposées sur Eris étaient en cours de chargement. Il faut découvrir pour où…
— Lys est dans une des salles de conférences de l’amphithéâtre, répondit Haïp. Elle tente de retrouver sa trace, mais il faut reconnaître qu’il a déployé de gros moyens pour éviter qu’on ne le retrouve.
— Il faut le trouver, Tiago m’a parlé de rompre son contrat, car si sa tête a été mise à prix, il ne peut plus rester ici !
— Lys fait ce qu’elle peut ! Fit Eve. Et ce n’est pas Tiago Wilson qui dicte les règles.
— J’ai encore besoin de lui ici ! Il faut qu’il reste ! Son contrat s’arrête dans deux mois, il a déjà refusé de le prolonger !
Haïp se tourna et le chercha dans la salle de conférences. La foule commençait à sortir en continuant de débattre de ce qu’ils venaient d’apprendre quand elle le trouva à côté d’Aman, sortant au milieu d’un groupe.
— Je vais lui parler, fit Haïp. Peut-être qu’il m’écoutera.
— Je compte sur toi !
Eve la regarda monter deux par deux les marches de la salle en slalomant énergiquement entre les colons. Lorsqu’elle arriva à la sortie, Haïp eut du mal à le trouver, discutant avec un groupe et continuant à s’éloigner.
— Tiago ! Dit-elle, fortement dans le couloir.
Il se retourna ainsi que le groupe avec lequel il était tandis qu’elle s’approchait en esquivant la foule encore dense dans le couloir.
— Zeian vient de me dire que tu parlais de partir ? Dit-elle, en arrivant à sa hauteur.
— Exact, tu auras sans doute remarqué que notre escapade sur Eris m’a attiré quelques d’ennuis !
— Mais ils ont besoin de toi ici ! Tu ne peux pas partir comme ça !
— Ils ont besoin de moi ?
— Évidemment, tu n’as plus que deux mois à faire, tu peux encore leur apporter tant. Reste !
— Tu ne serais pas en train de t’accrocher ?
— M’accrocher… à toi ?
Tiago se retourna vers le groupe de quatre hommes dont Aman qui attendait à côté.
— Elle est accro ! Fit-il, sur le ton de l’insolence.
— Mais qu’est-ce que tu racontes ? S’insurgea Haïp.
Ses comparses se mirent à sourire et Tiago saisit délicatement Haïp par le bras pour s’éloigner des oreilles indiscrètes. Seul Aman ne fut pas dupe de son petit jeu.
— Je te rappelle qu’il est impossible que je sois amoureuse ! S’exclama-t-elle.
— Oh, la belle histoire ! Dit moi, depuis quand elles ont été révisées tes puces ? Tu es certaine qu’elles fonctionnent bien ?
— Mais qu’est-ce que tu racontes ? Je te dis que ce n’est pas le moment de les abandonner ! Je suis sérieuse !
— Mais c’est que tu es folle de moi ! !
— Tiago arrête ! Dit-elle, en s’énervant.
Il s’approcha d’elle et lui glissa dans l’oreille,
— Tu es très excitante quand tu es énervé !
Il la laissa sans voix, et repartit rejoindre Aman. Elle resta quelques secondes clouées sur place, en n’ayant qu’une envie, lui planter une flèche entre les deux yeux ! L’arrogance, cette facette de sa personnalité qu’elle venait de négliger. Elle s’en voulut amèrement. Lorsque Tiago lui tourna le dos pour rejoindre Aman, Haïp ne vit pas son visage exprimant de l’inquiétude et de la nervosité. La communauté russe s’était toujours montrée très prévenante vis-à-vis de lui. Tous les contrats passés avec eux avaient tous été honorés. Leur protection était plus qu’indispensable, surtout à cause des multiples ennemis qu’ils s’étaient faits en exécutant leurs contrats. La présence d’un Espagnol à la tête de ce gang lui laissait encore l’espoir de rattraper cet affront. Il était en conflit contre un homme, pas une communauté. Ce problème devait se régler rapidement, il en était persuadé.

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