– Eh bien, je n’ai droit à aucune remarque ? demanda Henri d’un ton joyeux.

Cette phrase fit sursauter Jeanne. La jeune femme affichait une mine soucieuse et semblait avoir la tête ailleurs.
Henri et elle se trouvaient dans la grande salle du quartier général de la milice, en train de faire revêtir au paladin son harnois. Une telle armure ne pouvait être mise correctement qu’avec l’aide d’une autre personne. C’était une des raisons qui rendait nécessaire la présence d’un écuyer ou d’un assistant auprès des paladins.

– Des remarques, sire ? questionna Jeanne.

– Oui, poursuivit Henri. Du genre « je vous avais dit que mon plan marcherait » ou « vous voyez que vous pouviez avoir confiance en moi » et encore « admettez-vous que j’ai un don, maintenant » ? Hier soir, je peux comprendre que tu m’as épargné. Avec la fatigue, l’excitation, tout ça, tout ça… Mais maintenant tu peux t’en donner à cœur joie, non ?

Il s’était déroulé une nuit depuis l’arrestation d’Amable. Avant même que l’aube pointe, le paladin et son écuyère avaient quitté l’église, ne prenant que le temps d’enfiler leurs vêtements.

– Vous semblez très joyeux pour quelqu’un qui a eu tort, s’étonna l’écuyère.

– Je préfère que cette affaire se finisse dans la version où j’ai eu tort que dans celle où j’aurais eu raison.

La jeune femme se contenta d’un hochement de tête distrait avant de retourner à sa tâche. L’armure était enfin en place et les deux marchèrent vers la cellule d’Amable.

– Jeanne, qu’est-ce qui te préoccupe ? demanda Henri.

– Je ne sais pas vraiment sire, répondit-elle, troublée. J’ai un mauvais pressentiment. L’impression d’avoir raté quelque chose… Je déteste ça.

– Alors, prends bien le temps d’y réfléchir pour apaiser ton esprit, dit Henri. Est-ce que tu voudrais un peu de temps pour méditer ? Nous devrions pouvoir prendre une heure de plus avant de partir.

Jeanne hésita quelques secondes.

– Non merci, sire, dit-elle finalement. Le temps presse et je ne vais pas retarder une affaire si importante à cause de mes états d’âme.

– Comme tu veux.

L’intervention d’Henri avait toutefois apaisé la jeune femme, qui affichait une mine moins inquiète. Même si elle semblait toujours perdue dans ses pensées.

Henri et Jeanne arrivèrent au point où était gardé Amable. Ce dernier était déjà sorti, entouré par une poignée de miliciens qui le regardaient d’un air mauvais. L’assistant affichait de son côté une expression terrifiée. Roland était également présent.

– Sire, Jeanne, bonjour, commença ce dernier. On vous a trouvé un harnachement et un cheval pour transporter cet…individu…

Il pointa Amable du doigt d’un air dégoûté.

– …c’est une bête destinée à tracter une charrue et non à être montée. Mais nous n’avons rien de mieux.

– Le Krak n’est pas très loin, lui dit Henri. Une telle monture suffira amplement.

Il se tourna ensuite vers Amable et lui dit d’un ton plein d’entrain :

– Allez, en route, monsieur. J’ai hâte de vous présenter au hiérarque. C’est un ami à moi, vous savez.

Accompagné de Jeanne, ils se rendirent à l’extérieur du bâtiment où les attendaient leurs chevaux. Henri aida Amable, menotté, à monter. Puis, Jeanne et lui mirent le pied à l’étrier. Ensuite, ils dirent au revoir à Roland et aux autres miliciens, juste avant d’avancer tranquillement à travers les faubourgs de la ville.

– Quelles que soient vos demandes en or, terres, titres, épices, vêtements en soie, lâcha soudainement Amable d’un ton désespéré. Ou quoi que ce soit d’autre, je pourrai vous y donner accès si…

– Ah, pitié, épargnez-nous ça, l’interrompit Henri. Nous sommes des paladins, champions de la justice et de la vertu. Nous sommes incorruptibles. Pas vrai, Jeanne ?

– Heu…oui sire, répondit l’intéressée, toujours perdue dans ses pensées.

– Vous n’allez pas me dire que votre seule motivation est vraiment…de bien faire ? demanda l’assistant d’un ton à la fois abasourdi et suppliant.

– Non ! réagit vivement Henri. Voir la tête que vous faites actuellement est aussi une de mes principales motivations. Jeanne fait aussi cela pour impressionner les jeunes damoiseaux, n’est-ce-pas, Jeanne ?

– Heu…oui sire, répondit-elle d’abord distraitement. Heu…mais non sire ! s’exclama-t-elle violemment, après un petit temps, en rougissant.

– Ha ha ha, je savais que tu n’écoutais pas ! la taquina Henri.

– Vous m’aviez dit de prendre le temps de réfléchir !

– Tout à fait. Mais pas au point d’ignorer ce qui se passe autours de toi, répondit le paladin, cette fois plus sérieux.

– D’accord sire, admit Jeanne.

Amable, lui, avait totalement perdu le fil et regardait le paladin et son écuyère d’un air stupéfait. Cela le fit rester silencieux, au grand plaisir d’Henri.

Le petit groupe quitta la ville pour se retrouver sur la route entourée de collines qui séparait Audelle du Grand Krak. Ils passèrent à côté d’un bâtiment en ruine, sans doute une ancienne bergerie, dont ne restait plus qu’un mur de pierres, adossée à une large et grande colline.

Jeanne semblait fascinée par ces ruines, pourtant très anodines, qu’elle observait avec beaucoup d’intensité.

Puis, soudainement, son regard prit une expression de totale frayeur.

– Jeanne, qu’est-ce qui se passe ? demanda Henri.

La jeune femme le regarda. Elle était toujours horrifiée mais semblait en plus hésitante et désorientée. Puis, elle fit tourner bride à sa monture et partit au galop vers la ville.

– Jeanne, bon sang, reviens ! hurla Henri.

Mais son écuyère poursuivait sa route.

Le paladin hésita pendant de longues secondes à partir à sa poursuite. Mais cela aurait voulu dire laisser Amable seul. Aussi resta-t-il immobile, à regarder son écuyère s’en aller.

– Qu’est-ce qui se passe ? demanda l’assistant, paniqué. Il y a un problème ?

– Je n’en sais pas plus que vous, dit Henri, soudainement de mauvaise humeur.

Deux minutes passèrent, le paladin ne sachant toujours pas quelle conduite adopter.

C’est alors qu’une dizaine de cavaliers surgirent de derrière les collines environnantes. Ils se séparèrent en deux groupes, chacun bloquant un côté de la route

– Doux Messager, il ne manquait plus que ça, dit Henri.

À la vue de ces nouveaux arrivants, quelque chose se brisa en lui. La bonne humeur et l’espérance qu’il affichait depuis son réveil l’avaient soudainement abandonné pour le faire revenir à sa lassitude habituelle.
Mais il ne perdit pas ses moyens pour autant. Henri saisit la monture d’Amable par la bride, dirigeant la sienne avec ses jambes, et les fit bouger afin d’être dos au muret de pierre des ruines.

Les cavaliers se révélaient être des arbalétriers montés. Sauf une. Cette dernière était une femme équipée d’une armure de plates et arborant la musculature d’une combattante d’élite. Elle portait courts ses cheveux noirs, qui étaient très bien assortis à ses yeux marrons sombres. Sur son visage, se trouvait une cicatrice allant du menton au front, épargnant toutefois l’œil, qui lui donnait une certaine beauté sauvage. L’expression qu’elle arborait trahissait une joie féroce, celle d’un chasseur ayant acculé sa proie. À leur vue, Amable afficha tout de suite un air beaucoup plus arrogant.

La troupe se déploya en demi-cercle autour du paladin, ce dernier étant dos au mur de la ruine. Les arbalétriers pointèrent immédiatement leurs armes sur Henri.

– Je suppose que si tu arrives sur cette route au moment où je m’y trouve, c’est dû à une coïncidence ? demanda à la femme le paladin, en guise de salutation.

Albine eut un léger rire.

– Le grand Henri, héros de Maxaberre, dit-elle. Toujours aussi comique à ce que je vois.

Elle tourna ensuite son visage vers Amable :

– Je suis surprise de vous voir ici. Lorsque vous m’aviez engagée pour tuer le paladin, vous n’aviez pas précisé que vous l’accompagneriez.

– Il y a eu des…complications, dit-il d’un ton agacé. Mais votre mission tient toujours, ajouta-t-il plus confiant. Tuez-le rapidement et libérez-moi ! finit-il par ordonner.

La mercenaire eu une petite moue amusée. Elle tourna son visage vers Henri :

– Honnêtement, je m’attendais à ce que tu sois plus en colère à ma vue.

– Du genre à jurer froidement de te tuer pour venger l’assassinat de mon ami ? Ce n’est pas mon style. Franchement, je trouve même ça plutôt ridicule.

La mercenaire eut un nouveau rire.

– Où est donc ton écuyère ? demanda-t-elle ensuite, plus sérieuse.

– En vacances.

– Je croyais que les paladins n’avaient pas le droit de mentir ?

– Cela est autorisé si nous voulons plaisanter et que nous précisons tout de suite après que c’était un mensonge. Tiens d’ailleurs : je plaisantais et j’ai menti.

Nouveau rire. Albine était décidément bon public.

– Cela n’a pas d’importance, reprit-elle. Ta mort seule suffira à remplir mon contrat.

A ces mots, elle afficha une mine encore plus féroce.

– Tu as conscience de n’avoir aucun moyen de t’en sortir ? ajouta-t-elle. Il suffirait que je dise à mes soldats de tirer et qu’en même temps, je t’attaque moi-même. Si tu utilises tes pouvoirs contre les projectiles, tu ne pourras te protéger de ma lame. Si tu dégaines ton épée pour parer mon attaque, ce sont les carreaux d’arbalète qui te tueront.

Henri soupira profondément. Son regard se fit plus morne et plus dur à la fois.

– Alors qu’attends-tu donc pour achever ta mission ? dit-il d’un ton résigné.

– Il n’y a aucune gloire à tuer un seul paladin à dix contre un, répondit Albine d’un ton plus léger. En revanche, si je bats en duel le héros de Maxaberre, ma stature s’en trouvera considérablement augmentée. Et je pourrais de nouveau me vanter d’être la meilleure épéiste du pays.

Amable afficha une mine troublée après cette tirade.

– « Et je pourrai de nouveau me vanter d’être la meilleure épéiste du pays ». Cela fait vraiment immature, répondit Henri, de nouveau ironique.

– Tout comme ton humour. Nous avons tous nos petites lubies.

– Donc tu me défies en duel ?

– C’est cela. Rien que toi et moi, nos armes, nos armures et notre talent. Pas d’autre combattant, pas de magie.

– Et pourquoi j’accepterais ? Je doute que, dans le cas où je commencerais à gagner, tu te laisserais battre sans ordonner à tes soldats de m’éliminer. Et même si tu respectes ta parole, ils me tueront après juste pour recevoir leur paye. À côté de ça, refuser pour le simple plaisir de te frustrer est très tentant.

– Pour deux raisons. Tout d’abord : l’espoir. Celui de me vaincre rapidement et sans trop de blessures, afin de te débarrasser de mes arbalétriers et de pouvoir ainsi achever ta mission. Je sais qu’en tant que paladin tu es obligé de saisir cette chance car faire autrement serait…comment dites-vous déjà ? « Laisser la voie du mal l’emporter » ?

– Tu t’es bien renseignée. À croire que tu as une dent contre les paladins après que l’un d’entre eux t’ai mis une raclée.

– Quel sens de la déduction ! dit Albine en riant.

– Et quelle est donc la seconde raison qui me ferait accepter ce duel ? demanda pour sa part Henri.

La mercenaire reprit un ton sérieux :

– Parce que même si ce n’est pas ton style, au fond de toi-même, tu veux avoir l’occasion de venger la mort de ton ami.

Henri perdit son air ironique pour en afficher un beaucoup plus calme.

– Ce ne sera pas de la vengeance, dit-il. Mais de la justice.

Il saisit son heaume et le revêtit. Puis il mit pied à terre et dégaina son épée à deux mains.

Albine afficha un sourire féroce. Puis elle mit également son heaume avant de descendre de sa monture et de dégainer sa lame bâtarde. En plus de cette arme, elle disposait à la ceinture d’une épée courte et d’une dague dite « de miséricorde ».

– Mais qu’est-ce que vous faites ?! s’exclama Amable. Tuez-le maintenant et libérez-moi de suite !

– Ce n’est pas à vous de me dire comment exécuter mon contrat, répondit nonchalamment la mercenaire.

Puis Albine se mit en garde, face à Henri. Ce dernier se mit également en position de combat. Autour, les arbalétriers firent reculer leurs montures pour laisser de la place aux deux adversaires.

Albine attaqua la première. La pointe de son épée s’élança vers la visière du casque d’Henri. La lame de ce dernier s’interposa pour la parade. Mais l’attaque était une feinte. La mercenaire profita de la diversion ainsi créée pour lâcher une de ses mains de son épée et l’utilisa pour frapper le paladin en plein ventre. Le coup fut largement amorti par l’armure mais il déséquilibra tout de même Henri.

Ce dernier tenta malgré tout de contre-attaquer. Il inversa la prise de son arme pour envoyer un coup de pommeau. Mais Albine l’esquiva facilement.

– Où est donc la force de tes idéaux ? demanda-t-elle, moqueuse.

D’un vif mouvement, elle donna un coup d’épée sur le genou d’Henri. La lame rebondit contre le harnois mais le coup déséquilibra encore plus le paladin. Déstabilisé, celui-ci ramena son arme plus près du corps, adoptant une garde défensive.

– Ton désir de bien faire n’est-il pas sensé te donner une force cent fois supérieure ? poursuivit la mercenaire.

Tout en parlant, elle enchaîna sur une nouvelle série d’attaques que le paladin para de justesse. Henri tenta de contre-attaquer mais sans grand succès. Ses enchaînements étaient presque à chaque fois anticipés par Albine. Et même lorsqu’il touchait, Henri n’arrivait pas à exploiter les ouvertures ainsi créées et il devait très vite abandonner l’initiative à la mercenaire.

– Tes croyances ne valent rien ! lâcha Albine d’une voix beaucoup plus féroce. Ta justice ne vaut rien ! Seul l’ambition déterminent notre capacité à vaincre !

Elle s’élança de nouveau, frappant avec toujours plus de force. Une autre de ses attaques atteignit Henri au genou, faisant trébucher le paladin. Ce dernier dut reculer pour éviter de tomber et se retrouva bientôt acculé contre le mur de la petite ruine.

– Si tu m’as battu à Maxaberre, c’est parce que tu étais en quête de gloire ! Tu voulais que les gens te voient comme un héros !

La lame d’Henri bloqua l’épée d’Albine.

– Je n’ai jamais voulu être considéré comme un héros, dit le paladin.

Il ramena ses mains gantées d’acier sur le centre de sa lame. Profitant de cette nouvelle prise, il donna un violent coup de pommeau sur le ventre de la mercenaire. Cette dernière subit l’attaque de plein fouet.

– Ma seule ambition a toujours été de rendre ce monde meilleur ! poursuivit Henri avec plus de force.

Il commença à exécuter une fente d’estoc. Cela força Albine à se décaler pour éviter d’être transpercée. Henri enchaîna alors rapidement avec un violent coup d’épaule en plein sur la tête de la mercenaire.

– Ou au moins de réduire le mal que lui font subir les gens comme toi ! hurla Henri.

Il envoya sa lame vers la jambe d’Albine. L’épée de cette dernière para le coup mais Henri l’avait prévu. Il repositionna ses mains et tourna son arme pour donner un coup de pommeau vers la tête de son adversaire. L’épée s’élança, s’approcha de la tête et…fut bloquée par la lame d’Albine.

– Alors c’est pour ça que tu es aussi faible, déclara la mercenaire.

Son poing ganté s’abattit sur le casque d’Henri avec une telle force que le paladin en fut sonné. Albine en profita alors pour charger, épaule en avant. Elle percuta Henri de plein fouet et l’envoya s’écraser contre le mur derrière lui, reconquérant en une seconde tout le terrain perdu. Puis, tenant son épée d’une seule main, elle dégaina sa dague de miséricorde et la plongea dans le torse du paladin. La lame, créée spécialement dans ce but, transperça aisément l’armure.

Henri poussa un cri de douleur et de rage. Il voulut frapper du pommeau, mais Albine avait déjà reculé en prévision d’un tel coup. Ce faisant, elle rengaina sa dague d’un geste maîtrisé.

Poussé par la douleur et l’adrénaline, le paladin attaqua avec fureur. Ses deux premiers coups furent parés mais sa troisième attaque, un coup de taille vers le ventre, toucha Albine de plein fouet. Cependant, la lame ne transperça pas l’armure et la mercenaire se remit en garde bien vite. Quatre autres coups du paladin arrivèrent pareillement à toucher Albine mais, comme pour le premier, aucun ne fut décisif, la mercenaire parvenant à se remettre en garde à chaque fois.

Henri s’épuisa ainsi dans de vaines attaques tandis qu’Albine restait en position défensive. Finalement, le paladin dut cesser son assaut, trop fatigué pour le poursuivre. La mercenaire s’élança alors de nouveau.

– Tu as du talent, ça je ne peux pas le nier. Mais si tu n’as aucune ambition, il ne te sert à rien !

Encore une fois ses attaques forcèrent Henri à reculer, jusqu’à ce qu’il se cogne contre le mur derrière lui. Profitant alors du déséquilibre de son adversaire, Albine s’élança de nouveau sur lui, le plaqua contre la pierre, dégaina sa dague et la planta dans le ventre du paladin. Puis, elle recula vivement pour éviter le coup de pommeau qu’Henri donna en contre-attaque, juste avant de rengainer sa dague.

Henri était sérieusement atteint. Sa respiration, marquée par la douleur et la fatigue, devint haletante. Mais malgré cela, il se remit néanmoins en garde, faisant de nouveau face à son adversaire.

– C’est dommage, dit Albine.

Avec la victoire qui s’approchait, la fureur du combat commençait à la quitter. Cela la fit revenir à un ton plus léger, toujours arrogant, et un peu joyeux.

– Tu es un adversaire intéressant à affronter, poursuivit-elle. Et, vraiment, j’aimais bien ton humour. Mais j’ai trop à gagner à te tuer.

Elle repassa à l’attaque. La passe d’arme qui suivit fut une triste répétition du reste du combat. Henri avait le plus grand mal à repousser ses assauts et il prenait de nombreux coups qui le déstabilisaient de plus en plus. Ses contre-attaques touchaient rarement et quand elles le faisaient, cela n’était jamais décisif. Une fois de plus, le paladin fut coincé contre le mur de pierre et la dague de la mercenaire s’abattit sur son torse, juste avant qu’Albine ne se dégage prestement.

Mais, faisant fi de la douleur, Henri se remit en garde.

– Tu souffres pour rien, commenta Albine. Il est clair que j’ai gagné. Abandonne maintenant et je te tuerai rapidement.

Outre l’arrogance, et une certaine lassitude, on pouvait presque entendre une pointe de pitié dans sa voix.

– Non, dit Henri d’une voix faible. Je suis…paladin…prêté…serment…jamais…abandonner…face…au mal.

– Comme tu veux, répondit la mercenaire en haussant les épaules.

Elle s’élança de nouveau. Henri en était réduit à une stratégie de pure défense, n’ayant même plus l’énergie pour contre-attaquer. La victoire de son adversaire semblait inéducable et ce n’était qu’une question de temps avant que le coup fatal ne soit porté.

– Alerte ! cria soudainement une des arbalétriers d’Albine.

– Qu’est-ce qui se passe ?! demanda vivement cette dernière.

Tout en parlant, elle se retourna et fit quelques pas en arrière pour s’écarter d’Henri.

– Premier groupe, tirez ! cria la voix de Jeanne.

Un bruit assourdissant se fit alors entendre, comme si des dizaines d’éclairs étaient soudainement tombés en même temps. Une épaisse fumée monta au loin tandis que humains et animaux criaient de douleur. Henri tourna la tête. Il vit une vingtaine de silhouettes qui avaient surgi de derrière un flanc de colline, utilisant cette dernière pour masquer leur approche. Leurs traits étaient brouillés par la fumée mais ils étaient clairement armés d’arquebuse. La troupe de mercenaires avait perdu plusieurs membres, blessés ou morts.

– Deuxième groupe, tirez ! cria de nouveau Jeanne.

Encore une fois le bruit assourdissant des éclairs, venant du côté opposé cette fois. Certains mercenaires avaient tiré avec leurs arbalètes mais ils étaient à un contre quatre. Ajouté à la surprise, leurs efforts furent totalement vains.

Mais Albine avait gardé son sang-froid. Elle s’était précipitée vers Amable, avait brisé ses attaches, avant de le faire monter sur le cheval d’Henri. Puis elle était remontée sur son destrier, tout en criant aux membres de sa troupe de s’enfuir. Ce qu’ils n’avaient pas manqué de faire.

Libéré de la pression du combat, Henri cessa de résister à la douleur. Celle-ci le submergea complètement et le paladin ne tarda pas à sombrer dans l’inconscience. La dernière chose qu’il vit fut le reflet de cheveux roux.

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