– Attends, j’ai peut être une idée, dit Dana soudainement. Cela va faire un peu mal par contre.
– C’est…pas grave…Vas y j’en peux plus…! s’exclama Varro en pleurant.
– C’est une méthode pour les venins de serpents mais je suppose que c’est la même chose.
Elle prit son couteau et ouvrit la plaie. Il poussa un cri et faillit suffoquer.
– MAIS QU’EST CE QUE TU ME FAIS!
– Désolée, il faut retirer le venin manuellement. Je vais devoir essayer de l’aspirer. Donne moi de l’alcool , une fiole et une pipette en s’adressant à Eldor.
Il chercha dans le sac et les sortit. Elle versa l’alcool pour désinfecter la plaie, aspira tant bien que mal le venin noir et le versa dans le récipient, en espérant qu’il n’était pas trop tard et que le venin ne s’était pas répandu dans tout son corps.
– Vite, donne moi maintenant une serviette.
Il en trouva une et la lui tendit. Elle la serra contre sa jambe et lui remit son pantalon.
Pendant ce temps là Filen et Exéus étaient arrivés à bout des deux monstres et étaient épuisés. Ils s’approchèrent de Varro pour prendre de ses nouvelles.
– Voilà, il faudra attendre au moins une journée avant qu’une amélioration se fasse sentir. Nous allons avoir besoin de ton cheval papa.
Eldor chercha dans son livre et dit une nouvelle phrase. Le petit cheval marron réapparut devant eux.
– Viens m’aider à le monter dessus, dit t-elle à Exéus.
– Il est sauvé? demanda Exéus à Dana.
– Je peux difficilement me prononcer, je ne suis pas médecin mais j’ai fait du mieux que j’ai pu. Les prochaines seront cruciales et il doit se reposer.
Varro était encore tremblant et se laissa porter par sa monture avec soulagement.
Le bout du désert n’était plus très loin, ils avaient parcouru le plus dur. Des arbres au loin étaient maintenant visibles et mettaient fin à cet enfer.
Ils ne perdirent pas de temps et se mirent en route. La température n’avait pas pour autant changé, il faisait toujours aussi chaud. Une heure plus tard, le soulagement fut unanime. Voir de la végétation, des animaux, des rivières étaient pour eux un cadeau du ciel. Ils coururent tous vers le ruisseau et s’y jetèrent dedans. Même Eldor se prêta au jeu et se mit à l’eau. Seul Filen n’y entra pas. Il se désaltéra cependant.
Après leur petite baignade improvisée, la nuit commença à tomber et il fallait trouver de nouveau un endroit pour dormir. Eldor et Filen s’en occupèrent tandis que Varro, Dana et Exéus cherchaient de quoi manger.
Eldor et Filen partirent vers une étendue d’arbres au nord. Ils ne se parlèrent pas du chemin jusqu’à qu’Eldor finit par briser le silence.
– Vous savez depuis le début, je crois qu’on est parti du mauvais pieds tous les deux. Je crois que je me suis fais de fausses idées à votre sujet.
– Vous finissez par enfin l’admettre.
– Je pense qu’on devrait recommencer ensemble. Repartir sur de nouvelles bases.
– C’est d’accord pour moi.
– Voilà maintenant plus de deux mois que nous voyageons ensemble et vous vous êtes bien battu à nos côtés, vous nous avez défendus et vous avez été blessé. Cela semble démontrer que vous êtes loyal.
– Nous pouvons donc être amis?
– Je n’irais pas jusque là, je vous considère déjà comme un homme loyal mais comme un ami, vous m’en demandez trop.
– Je comprends.
Ils finirent par trouver un abri pour la nuit. Ils y installèrent les affaires du groupe et Eldor fit apparaître une torche pour éclairer l’endroit. Exéus, Dana et Varro étaient quant à eux dans une grande plaine, mais en pleine nuit, il était dur de trouver du gibier. Ils scrutèrent chaque parcelle en espérant y dénicher quelque chose de comestible. L’endroit avait l’air de n’abriter aucune forme de vie. Ils ne trouvèrent qu’un maigre oiseau que Varro abattu avec son arc. Dana alla le ramasser et le dépeça, mais ce n’était guère suffisant pour cinq adultes. Ils continuèrent donc de chercher.
– Il n’y a vraiment rien par ici, dit Varro. On va mourir de faim.
– Ce petit oiseau ne pourra pas nous être d’une grande utilité, répondit Dana.
– J’espère que ton père a encore un animal qu’il pourra faire apparaître.
Exéus n’écoutait pas leur conversation tant il était occupé à observer l’oiseau de Filen qui était de nouveau perché sur une branche en les regardant.
– …et non. Exéus? Exéus tu vas bien? lui demanda Dana.
– Vous avez vu, depuis le début cet oiseau nous suit.
– Quel oiseau?
– Celui là, en le pointant du doigt.
– Ah il est bizarre celui là, il ressemble à un homme.
– Ce n’est pas la question, il nous suit depuis Rochevreux, même dans mes rêves, il était présent.
– Ecoute ce n’est sûrement qu’une coïncidence, et puis un oiseau ça se déplace lui répliqua Dana.
– Non…
Mais il s’arrêta, il n’avait aucune envie de débattre avec elle maintenant. Ils firent donc demi tour et tuèrent un autre oiseau au passage. C’était peu mais mieux que rien. Ils retrouvèrent Eldor et Filen qui discutaient ensemble.
– C’est tout? dit Eldor en voyant le gibier qu’ils avaient ramené.
– Et bien vous n’avez cas y aller à notre place, s’exclama Varro ironiquement.
Eldor ne répondit rien et fit cuir les deux petits volatiles qu’ils mangèrent en se racontant toutes les aventures qui leur étaient arrivées tout au long de leur voyage.
Après ce maigre repas, ils allèrent se coucher pour récupérer des forces pour le lendemain. Le désert les avait fatigués au plus haut point. Pendant la nuit, le médaillon d’Exéus se mit en marche et une lueur jaune apparut. Il retira son collier qui lui brûlait le torse et le posa au sol. Il était trop fatigué pour se lever et aller voir. Et puis c’était jaune, qui pouvait écoutait un groupe dormir, c’était sûrement l’oiseau se dit-il.
Soudain il se leva d’un bond, il avait vu juste, l’oiseau était là à les observer sans bouger.
Mais pourquoi cet oiseau s’obstinait-il tant à les suivre, cela devait avoir sûrement un rapport avec Filen. Il était temps d’avoir une petite discussion avec lui.
Le lendemain, Exéus fut le premier debout pour une fois. Il profita du sommeil des autres pour faire part de ses inquiétudes à Eldor. Il le réveilla donc doucement pour ne pas réveiller les autres.
– Eldor! Eldor?
– Ahhhhhh, dit t-il en baillant. Et bien, tu es matinal toi! Qu’est-ce qui te prend de me réveiller si tôt?
– Ecoute moi, tu te souviens de l’oiseau de Filen qu’on avait vu l’autre soir?
– Heu… Oui, oui.
– Et bien tu as sûrement dû remarquer qu’il nous suit depuis Rochevreux. Là où nous allons, il y va. Il est perché sur un arbre à chaque fois. Même dans mes rêves il y était. Tu sais dans l’endroit très sombre où j’ai vu mes parents.
– Ce n’est sûrement qu’une coïncidence!
Eldor ne semblait pas comprendre. Il refusait d’entendre la vérité. Il ne lui restait plus qu’une solution: parler à Filen.
Une heure après, ils étaient partis et se dirigeaient vers Tevargues. Le chemin ressemblait plus à un désert qu’à une route traditionnelle. La chaleur était épouvantable. Varro était toujours sur son cheval, sa blessure lui faisait encore mal. Filen marchait devant avec Eldor.
Exéus s’approcha d’eux.
– Filen, pourrais-je te parler?
– Ecoutes Exéus, si c’est pour lui dire ce que tu m’as dit hier, alors c’est inutile, dit Eldor.
– Mais…
– Non, tu perds ton temps dit-il sans donner d’explication supplémentaire!
Exéus était hors de lui, non seulement Eldor refusait de l’écouter mais en plus il l’empêchait d’en parler à Filen.
– De quoi s’agit-il? demanda Filen intrigué.
– C’est un malentendu coupa Eldor, n’y faites pas attention.
Ils se rapprochaient à présent de Tevargues et se réjouissaient à l’idée de dormir dans un endroit clôt à l’abri du froid de la nuit. Le portail de métal indiquant l’entrée du royaume était maintenant visible. Des elfes étaient là, devant la porte, et observaient le groupe. Ils étaient vraiment grands. Leur peau noire ébène, leurs longues oreilles pointues et leur long nez les rendaient effrayants. Leurs grands yeux blancs globuleux avec à leur centre une minuscule iris noire amplifiaient cet effet. Ils s’arrêtèrent devant eux et attendirent qu’ils leur ouvrent la porte mais les elfes ne bougeaient pas d’un poil.
– Eh bien, vous nous ouvrez? dit Eldor sur un ton impatient.
– Nous n’ouvrons qu’aux humains, dit t-il.
– Et nous sommes quoi nous? Hein? Des animaux peut-être?
Soudain une énorme explosion retentit au loin, les deux elfes se précipitèrent pour voir se qu’il se passait et laissèrent Eldor et le groupe tout seul devant le portail.
– Bon, je crois que notre problème est réglé, dit Filen.
Ils entrèrent dans Tevargues. Ce royaume était très particulier et ressemblait quelque peu à un désert. Il y avait du sable au sol, des palmiers un peu partout et la chaleur qui régnait était accablante. La seule vrai différence était que Tevargues comportait des habitations. Les Elfes étaient de nature méfiantes et il était rare de voir des humains s’y aventurer. Ils arrivèrent sur une place et virent qu’un grand marché y était installé. Ils décidèrent de s’y aventurer pour se changer les idées.
– Oh, un marché, s’exclama Varro.
– Oui, ça pourrait nous divertir un peu, dit Exéus.
Sur les premiers étalages il n’y avait rien de vraiment intéressant, que des babioles et de vieilles choses inutiles. Eldor qui aimait bien ce genre de choses s’y attarda et observa tout particulièrement les manuscrits et les anciens livres. Son regard fut attiré sur l’un d’eux en particulier, il s’intitulait «  Comment survivre sur le continent de Gauche ». Il fut rédigé par un explorateur qui s’appelait Stanos Huria.
– Combien pour ce livre? demanda Eldor.
L’elfe le regarda d’un air intrigué et finit par répondre.
– Dix dilines! dit-il.
– Vous rigolez, il n’en vaut pas plus de cinq!
– Alors sept.
– Six.
– C’est d’accord, dit Eldor. J’espère que c’est un bon livre.
Il fouilla dans son énorme poche et sortit une dizaine de petites pièces octogonales en or qu’il posa, compta et les donna à l’elfe. Il prit le livre et ils continuèrent leur ballade. Sur les étales suivants, Varro acheta quelques friandises et Dana un nouveau couteau. Filen et Exéus ne s’étaient encore rien achetés. Il n’y avait plus beaucoup de marchands maintenant. Filen finit par s’acheter une nouvelle machette avec son étui en cuir. Le dernier stand n’avait rien d’attrayant mais quelques chose retint cependant l’attention d’Exéus. Il s’en approcha et observa minutieusement l’objet. C’était une carte de Cryon identique à la sienne mais avec des endroits encore inconnus au groupe. Il voulu l’étudier un peu mieux mais l’elfe la retira immédiatement de ses mains.
– Si vous la voulez, il faut l’acheter.
– Combien? s’empressa t-il de demander.
– Vingt dilines!
– Quoi, une misérable carte! dit-il en essayant de négocier le prix.
– C’est ça où rien, elle est extrêmement rare et appartenait à mon grand père.
Exéus savait que l’elfe ne baisserait pas le prix et préféra capituler. Il n’avait pas d’argent et demanda à contrecoeur à Filen de lui en prêter. Il tendit le compte exact au vendeur et prit la carte. Il la rangea dans sa poche et se dit qu’il faudrait mieux l’étudier au calme.
Plus loin, ils furent interpellés par un groupe d’elfes. L’un d’eux, plus grand et qui semblait être craint des autres se mit vociférer.
– Que faites-vous ici?
– Nous cherchons un refuge pour la nuit et votre royaume était le plus proche de notre position.
– Il me semble que Germinan vous ait averti que vous n’étiez pas les bienvenus.
– Oui mais il disait que nous n’étions pas humains, c’est insensé.
– Nous avons nos raisons de ne pas vous accueillir ici.
– Mais nous sommes….
– Gardes! cria t-il. Menez-les aux noctis.
– Aux quoi? répéta Eldor.
– Aux cachots, dit l’elfe en souriant d’un air méfiant.
Une dizaine d’elfes les attachèrent et les conduisirent dans une sorte de cave souterraine. Ils descendirent un grand escalier de pierre à peine éclairé par quelques torches. La descente avait l’air interminable, les marches ne semblaient pas se terminer.
– Ici, ce sera difficile de s’échapper constata Eldor.
Après quelques minutes de descente sous terre, ils virent devant eux, une vingtaines de cellules. Elles était toutes vides ou remplies d’ossements. Les gardes ouvrirent l’une d’elle et les y jetèrent à l’intérieur comme des animaux.
La pièce était sombre et sale, aucune torche ne l’éclairait à part celle accrochée au mur d’en face qui produisait une faible lumière.
– Ne prenons pas les choses du mauvais côté, nous sommes à l’abri du froid et ensemble, essaya de rassurer Eldor.
– Mais pourquoi nous ont-ils jetés, dit Filen. Depuis quand ne sommes-nous pas humain.
– Peut-être parce qu’Eldor est un mage, tenta Varro.
Personne ne prit en compte son commentaire. Exéus en profita pour examiner la carte qu’il avait acheté quelques minutes auparavant. Il se plaça au milieu du groupe et la déplia. C’était un tout nouveau monde qui s’ouvrait à eux, tant d’endroits nouveaux et insolites. Il y avait même des indications directement inscrites à la plume. Exéus remarqua tout d’abord la forêt où il avait parlé pour la première fois avec l’arbre Tempios. Elle s’appelait selon la carte, « La forêt Aliquam ».
– C’est incroyable, jamais je n’aurais imaginé qu’il existait autant d’endroits sur Cryon s’exclama Eldor.
Ils virent plus loin, la prison de Lashcoll qu’ils avaient visitée dernièrement. Elle était représentée sur une sorte d’ile avec les lacs de laves autours d’elle. Eldor montra du doigt le fameux marais qu’ils avaient traversé.
– C’est dommage que nous n’ayons pas eu cette carte avant, dit Varro. Cela nous aurait évité bien des ennuis.
– C’est sûr, répondit Filen en regardant la cicatrice sur son pied.
Le désert de Chalimort y était aussi représenté avec une tête de mort. Sûrement pour représenter le danger de la chaleur. Dana pointa son doigt sur un endroit en plein Tevargues.
– C’est là! cria t-elle. Nous sommes ici.
Ils regardèrent attentivement l’endroit qu’elle pointait et en effet, il y avait un petit point avec une inscription « Noctis ».
– C’est impressionnant, cet endroit est répertorié sur la carte, ça veut dire que le grand père du vendeur est passé par ici, dit Exéus.
– Regardez! cria t-elle de nouveau. Il y a selon la carte une trappe qui mènerait à un tunnel pour rejoindre la surface.
Ils regardèrent de nouveau là où elle l’indiquait. Il y avait apparemment une ancienne galerie qui conduisait en effet à la sortie.
– Super, cria Exéus. On dormira ici cette nuit et demain on essayera de partir.

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