Neuf heures du matin.
Lieu : Centre Voltaire – Devanture.

J’arrive devant le centre culturel en compagnie de Marek. Là, je remarque Sylvain qui semble attendre.

«  Sylvain. »

Le garçon s’approche de moi lorsqu’il me voit. De suite, on se serre la main.

«  Salut Jason, comment vas-tu ?
– Bien à part que je suis un peu stressé.
– Vu la journée qui t’attend, je comprends. »

Sylvain échange une nouvelle poignée avec Marek.

«  Ton premier jour en tant que secrétaire ?
– Oui.
– Pas trop dur ?
– Pour l’instant, non.
– Dis-moi Sylvain, coupais-je, que fais-tu devant le centre à cette heure ?
– J’attends simplement qu’ils ouvrent les portes. »

D’un geste discret je lance un léger clin d’œil à Marek qui comprend aussitôt, il s’éloigne de nous, et je le vois téléphoner. Ainsi je reste seul avec Sylvain.

«  Jason.
– Oui Sylvain ?
– J’ai eu une altercation avec Dany il y a de cela quelques minutes.
– Dany ? Que faisait-il dans les parages ?
– Nous pensons qu’il souhaite plomber le lancement de ton premier single.
– Nous ?
– Oui, Ludovic, Nicolas et moi.
– Voilà qui est problématique.
– Ne t’inquiète pas Jason. Si Dany ou ses cousins ont l’intention de venir pour foutre le bordel, nous serons là pour les arrêter.
– C’est très gentil de votre part mais je préfère que vous rester en dehors de cela.
– Mais… »

Soudain, je vois Sylvain grelotter.

«  Ne me dis pas que tu as froid ?
– Ce n’est pas que je me les gèle mais je n’arrête pas de frissonner depuis tout à l’heure.
– Voilà qui est bizarre ! Tu n’es pas malade au moins ?
– Aux dernières nouvelles, non. »

Sylvain vient à peine de finir sa phrase, que je remarque à côté de lui, une jeune femme blonde. Ses cheveux sont mouillés et ses lèvres sont bleuies, je suis des yeux une goutte qui tombe de ses cheveux et qui vient s’écraser sur le sol. Cette présence pourrait expliquer le froid qui engloutit Sylvain, mais je n’ai pas le temps de m’attarder sur ma réflexion, qu’elle annonce d’une voix caverneuse :

«  Il doit payer pour ce qu’il m’a fait subir. »

Suite à cette information, la défunte disparaît subitement. Désormais, je vais devoir trouver la raison de sa présence dans notre monde. Je commence à faire fonctionner mes méninges lorsque Marek arrive près de nous.

«  C’est bon, nous allons pouvoir entrer pour que tu puisses te préparer.
– Génial, merci Marek.
– A ton service. »

Effectivement, nous voyons un homme habillé de noir ouvrir les portes du centre culturel. Sans le vouloir, je gonfle mon torse.

«  C’est maintenant ou jamais.
– Comme tu dis. » me lance Marek.

Marek et moi avançons lorsqu’un détail m’interpelle. Pourquoi Sylvain ne se joint pas à nous ? Je délaisse mon secrétaire pour m’approcher de mon ami d’enfance.

«  Pourquoi ne viens-tu pas avec nous ?
– C’est vrai ? Je peux me joindre à vous ? demande t-il plein d’espoir.
– Depuis refuse-t-on l’accès à mon premier fan. »

Recevant un clin d’œil, Sylvain comprend que je viens de lui donner un coup de main pour entrer dans le centre sans éveiller le moindre soupçon. Quelques secondes plus tard, nous sommes tous les trois devant le comptoir de l’accueil.

Lieu : Centre Voltaire – salle principale.

Grâce à l’efficacité de Marek en tant que secrétaire, nous avons pu sans problème récupérer nos pass pour l’accès à la scène, même Sylvain a pu nous suivre sans difficulté. Le trio dont je suis le leader commence à évoluer au cœur du bâtiment. Sur la scène qui recevra mon interprétation se trouve Joris, un jeune homme résidant dans la même ville que moi. Dès qu’il m’aperçoit, le garçon se désintéresse des derniers réglages pendant un laps de temps.

«  Bonjour Jason, comment vas-tu ?
– Très bien ! Puis-je savoir ce que tu fais sur cette scène ?
– Mon père tenait absolument à ce que ta première interprétation soit impeccable. C’est pour cette raison que je suis ici pour faire les derniers ajustements. »

Cette attention me touche beaucoup.

«  Merci beaucoup Joris.
– Ce n’est pas moi que tu dois remercier mais mon père.
– Désolé mais tu mérites également ta part de remerciement.
– Si tu le dis. »

Je promène mon regard sur la totalité de la salle et constate le nombre impressionnant de chaises qui ont été sorties pour l’événement. Les objets appartenant à l’ancien navire de guerre sont alignés sur des tables recouverts de nappes rouges, tout au fond de la salle. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression que mon interprétation sera plus importante que l’exposition.

«  Salut Jason. »

Je me retourne à l’entente de mon prénom et là, mon visage se fige. Celui qui vient de m’appeler n’est autre qu’Anthony, mon ancien petit ami.

«  Anthony, que viens-tu faire ici ?
– J’ai su que Jason allait enfin se lancer dans la chanson donc, je suis venu l’encourager et voir ce que donne son premier single.
– Personnellement, je me serais bien passé de ta présence. » lui dis-je.

Cette phrase fait disparaître toute la joie qui semblait l’habiter par l’expression qu’affichait son visage.

«  Je constate que tu m’en veux toujours ?
– Bien sûr, comment veux-tu que j’oublie ce que tu m’as fait ? Tu ne croyais tout de même pas que j’allais t’accueillir les bras ouverts ? »

Mon ex sait à quel point je peux me montrer radical lorsque je prends des décisions. Surtout sur le plan relationnel. Je lui tourne le dos pour m’adresser à Marek.

«  Peux-tu vérifier les installations pour que je commence les répétitions ?
– A tes ordres patron. »

Marek monte sur la scène en compagnie de Joris. De son côté, Sylvain s’est approché des tables du fond pour contempler les objets de l’épave. Là, je remarque la présence d’un esprit. Je m’approche des tables à mon tour et constate que l’objet auquel est relié l’esprit est une poignée de porte complètement rouillée.

«  Vous êtes également une victime ?
– Oui.
– Dans ce cas, sachez que je peux vous aider mais pour cela, j’ai besoin de connaître vos histoires. »

Le fantôme que j’ai vu plus tôt dans la matinée se montre aux côtés de celui qui me fait face.

«  Cette poignée est la dernière chose qui reste de la porte qui nous a condamnés.
– D’accord mais qui doit payer pour votre mort ?
– Lui. »

Le fantôme pointe un homme du doigt. Ce dernier est vêtu d’un costume noir et semble très âgé.

«  Puis-je avoir vos prénoms, mesdames ?
– Excusez notre impolitesse, je me nomme Océane et mon amie, Déliah. »

Je quitte les deux esprits pour aller m’intéresser de plus près à cet homme. Cependant, je n’ai pas fait attention à un certain détail. Tandis que je conversais avec les défuntes, je ne me suis pas rendu compte de quelle manière Sylvain m’observait. Il est vrai qu’il ne sait strictement rien à propos de mon don et cela ne me pose aucun problème.

Lieu : Centre Voltaire – Salle principale.

Quelques minutes plus tard, je discute en ce moment avec l’homme qui semble responsable de la mort des deux femmes.

«  Donc, vous êtes l’organisateur de cette exposition ?
– C’est exact et je suis très honoré de participer au lancement de votre carrière.
– C’est très gentil de votre part. »

Mon regard se promène sur les différentes tables sur lesquelles reposent des objets ayant un lien avec les navires. Je tombe d’admiration devant trois proues.

«  Ces proues viennent de votre bateau?
– Seulement celle du milieu. Vous vous y connaissez un peu dans les navires ?
– Légèrement mais je préfère écouter un homme tel que vous m‘en parler. »

L’homme me sourit, avant de commencer à me narrer son histoire.

« J’étais capitaine sur le bateau qui s’appelait la Marie. C’était une embarcation dont j’étais fier d’être aux commandes. Tous les jours, je parcourais les mers en prenant soin de mon équipage et des nombreux passagers qui voyageaient. Je me suis retrouvé sur l’océan Atlantique, celui du Pacifique, celui de l’Antarctique et là où j’étais le plus heureux, c’est lorsque ma femme se trouvait à mes côtés.
– Pour vivre votre amour de la mer ?
– C’est exact. Il est difficile pour un marin de laisser sa famille sur la terre ferme.
– Je peux comprendre. Par contre, puis-je vous poser une question un peu délicate ?
– Je vous écoute.
– Voilà, j’aimerais savoir si Océane travaillait pour vous, ainsi que Déliah ? »

Cette interrogation gêne l’homme qui use toutefois de son honnêteté pour me répondre.

«  Effectivement, vous les connaissez ? »

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