« Permettez-moi de vous présenter mon mari, André. »
Sa richesse se lit sur ses vêtements. Il porte un immense chapeau haut-de-forme gris clair, enrôlé d’un mince ruban brun. Un fin manteau assortit au chapeau souligne sa posture droite. Un pantalon à rayures et des mocassins en cuir cirés à outrance terminent l’habillage du bonhomme. Appuyé sur sa canne robuste au poignet recouvert de feuille d’or, cet homme inspire peu confiance à Dristueux.
« C’est un honneur, commence ce dernier.
-Enchanté, reprend-il. Alors comme ça vous cherchez un vaisseau sur lequel travailler ?
– C’est ça oui.
– Quel genre de travail ? »
Il réfléchit une seconde avant d’affirmer :
« N’importe, tant que je suis en mer, c’est le plus important.
– Très bien, dans ce cas je peux vous offrir une place sur notre flûte hollandaise, vous pourrez donner un coup de main aux tonnelier et charpentier.
– Parfait. Quelle est votre destination ?
– Hum. Je dois vous confier quelque chose M…
– Dristueux.
– C’est ça, Dristueux. Nous partons pour une expédition exceptionnelle. J’entends par là, que nous avons pour objectif de découvrir d’éventuels continents de l’autre coté de cet océan.
– C’est très périlleux comme aventure, confie-t-il sans être surpris à l’annonce de ce projet.
– C’est pourquoi nous emmenons avec nous les vivres et matériels nécessaires à ce voyage. Si au bout de deux mois de navigation vers l’ouest, aucune terre ne se dévoile sous nos yeux, nous ferons demi-tour sur-le-champ.
– Votre projet est incertain, et le risque de ne rien découvrir d’autant plus grand. Pensez-vous que cela en vaut la peine ?
– Ne vous méprenez pas sur mon identité cher ami. J’ai peut-être l’apparence d’un quelconque bourgeois arrogant mais durant ma tendre enfance j’ai beaucoup voyagé. Croyez-moi, je sais ce que je fais. Et comme je dis toujours, vivre sans prendre de risques, c’est risquer de na pas vivre ! Clame-t-il enjoué, alors qu’il gravit avec sa canne les marches qui mènent au pont du bateau.

Une fois à bord, tout essoufflé, il se retourne vers M Dristueux et hurle ces quelques mots :
« Et vous alors ?! Etes-vous prêt à prendre ce risque ? »
Celui-ci le regarde fixement, puis s’élance sur le pont, avant que son interlocuteur ne se mette à brailler de satisfaction :
« C’est bien mon gamin ! »
Il réfléchit en cadence avec ses pas et quand il rejoint le ponton le jeune homme élégant pense intérieurement :
« Cet homme est lucide et déterminé. Cela ne va pas être simple. »

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