Les cernes sous les yeux de Jennifer et le fait que nous arrivâmes tous les deux à la même heures, fit un grand bien à ma réputation auprès des demoiselles, pas mal d’envieux chez les damoiseaux. Jennifer par contre semblait me tenir rigueur de quelque chose sans que je comprenne réellement, ce n’est qu’au fur et à mesure que la journée se passait que je compris à quel point elle avait eu peur, son inquiétude pour mon cas ne me vint que plus tard.
Elle avait décidé de ne pas renouveler l’expérience de la veille et été rentrée chez elle ( 🙁 ). Je marchais donc seul, je n’avais pas cour ce jour et pensait me retirer dans mes quartiers afin de revoir mon deck pour le renforcer face aux attaques quasi constantes dont il était victime. J’avais une préférence pour les deck verts et blanc, combinant les capacités de régénération de la magie blanche avec la force de frappe des créatures vertes. Mais depuis peu mon collectif d’adversaires, qui j’imaginais, se regroupait régulièrement en Pow-Wow autour d’un grand feu de camps aux petites heures de la nuit, pour analyser mes attaques et trouver des contres stratégies (seule explication au fait que près de 20 personnes puissent se retrouver simultanément avec le même jeu) devenaient plus que dangereux, j’avais été poussé dans mes derniers retranchements plus de fois que j’en avais l’habitude. Je décidais de passer à une autre stratégie, en les empêchant littéralement de jouer, je changeais donc au noir et au bleu (un jeu que j’ai toujours et qui reste tout autant efficace aujourd’hui).
J’en oubliais d’écouter mon pote au sifflet et de vérifier la présence de cadavre d’animaux venimeux, ou l’éventuelle absence de créatures proche de l’arbre génétique des canidés.
Tout entier à mes stratégies je ne vis Alexia qu’au dernier moment. Elle m’attendait à la sortie des escaliers menant à son étage et visiblement depuis un bon moment. Il fallait absolument qu’elle me présente quelqu’un. Je me retrouvais donc, quelques battements de cœur plus tard, face à Raj. Un turban blanc sur la tête, habillé d’un pagne et d’un t-shirt blanc sal, une sorte de touffe barbue sur le visage, il était assis, droit comme un i, sur une chaise dans ce qui passait pour le salon.
Alexia me présenta, je dis un vague bonsoir qu’il ne me rendit pas, se contentant de me fixer d’un regard intense, avec des yeux ouverts à la limite de la fracture de la paupière. Je décidais de m’assoir, je commençais à entretenir une relation étroite avec cette chaise (voir nuit 2), une sorte d’ancre dans l’océan tumultueux des événements de ma vie. Raj, donc, était une connaissance d’Alexia. Ce qui en soi convenait sa propre part d’information, étant avec Vanessa, la personne la plus “normale” de son cercle relationnel (plus la dessus plus tard). Il était descendant d’une famille de yogis indiens habitués aux exorcismes hindous, alerté par les histoires d’Alexia, il s’était proposé pour résoudre… le différent.
Tout cela, c’était Alexia qui me le disait, Raj n’ayant pas prononcé la moitié d’une parole depuis mon entrée. Il continuait de me fixer de son œil torve, au bout d’un moment (10-15 minutes, je jure qu’il n’a même pas cligné des yeux pendant tout ce temps) j’arrêtais de lui prêter quelque sorte d’attention et me fixait sur Alexia. Essayant tant que possible sans que mon… audience s’en fusse offensée, de savoir qu’elle était la raison de ce face à face.
Je dus échouer lamentablement, vu que Raj se mit alors à respirer de plus en plus forts, des gouttes de nature suspectes sortant progressivement de ses narines. Je commençais légèrement à paniquer, d’autant plus qu’Alexia paraissait obnubilée par le spectacle et ne me répondait plus.
Elle me jeta juste un:
– Shhh! Il va parler.
Ce qui effectivement paraissait un événement exceptionnel, vu que cela devait faire près d’une demi-heure que nous étions la.
– Les blancs…. n’ont pas de pouvoirs.
Bon ça c’était fait, j’en avais déduis que cela devait être une sorte de préambule à la conversation, un peu comme lorsqu’on dit “bonjour” chez moi, et ne m’en offusquais pas d’avantage. Raj se mit alors à relater ses expériences en tant qu’exorciste de la tante à son oncle, dont pour être entièrement honnête avec vous je ne me souviens plus trop des détails, et que j’ai surement du mélanger avec l’élaboration de mon deck pour Magic the Gathering, donc si je me souviens d’une vague histoire de cheveu qui bouge tout seul, je ne me souviens plus si c’était avant ou après le sacrifice du chien d’ombre sacrée pour avoir trois mana noires, ou qui son oncle avait offensé pour pouvoir invoquer la fée des iles.
Je ne récupérais un vague sens des événements qu’une fois que Raj me fixant droit dans les yeux, comme s’il voulait m’hypnotiser, m’annonça qu’il était prêt à « lui » faire face. Alexia me pressa donc d’aller avec lui dans l’appartement afin de l’aider dans son “travail”. Personnellement j’avais déjà passé trop de temps en compagnie de ce garçon et n’étais guère attiré par l’idée d’en passer d’avantage. Alexia dû confondre mes réticences avec de la peur, puisqu’elle se proposa pour venir avec nous.
Donc conduisant la marche, je montais les escaliers pour aller à mon étage, puis attendait que mes deux associés, arrivent avec l’ascenseur (histoire de ne pas l’offenser) et nous nous dirigeâmes d’un pas solennel vers le dit appartement. Je ne pouvais m’empêcher de voir que Raj respirait de plus en plus fortement au fur et à mesure que nous nous rapprochions, avec des ravages évidents pour ses sinus et leur contenu. Alexia décidait d’arrêter d’avancer à trois appartements de chez moi, me laissant effectivement faire le trajet avec la version hindou de Darth Vader sur les talons.
Arrivé devant la porte, Raj était déjà proche de l’hyperventilation. Lorsque que je l’ouvris et que Nestor se précipita à notre rencontre, vociférant comme lui seul pouvait le faire, Raj s’arrêta net. Sa respiration semblait s’être calmé, il fit un quart de tour et s’en fut. Je ne le revis jamais, les dernières nouvelles que j’ai eues de lui vinrent d’Alexia qui me prévint quelques mois plus tard, qu’il sortait du centre de désintoxication qu’il avait intégré le jour même.

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