A l’évidence Nestor avait particulièrement mauvais caractère, le machin ayant fait un raffut à réveiller les morts (littéralement) toute la nuit. Entre la salle de bain d’où provenaient des bruits de fuite et autres moins identifiables, aux murs qui résonnaient comme si quelqu’un leur mettait des coups, et la sensation que quelqu’un essayait de me toucher sans réellement pouvoir s’approcher, je n’ai finalement que très peu dormis. A noter que vers 3-4 heures du matin je remarquais un très net affaiblissement des antiques de mon colocataire, qui semblait plus ou moins se résoudre à avoir perdu la partie, à moins que je n’ai réussit à le convertir aux chanteuses francophones indonésiennes. Je me levai donc deux heures plus tard que d’habitude, guère détendu, mais heureux de ne pas avoir à me lever aux aurores pour une fois.
Je m’habillais tranquillement, surpris que Nestor m’ignore complètement. A par un ou deux grincements des murs ou un cliquetis des couverts dans leur tiroir (ai-je indiqué qu’il n’y avait pas de couverts dans ce tiroir?), il ne se manifestait que peu. Je percevais une once de découragement, peut être les esprits devaient ils dormir pendant la journée. Apres tout il avait dépensé une énergie folle toute la nuit, ce n’est qu’une fois la porte fermée alors que je ressentais une sorte de vague soulagement que je réalisais qu’en sortant je faisais exactement ce qu’il voulait. Je décidais de rentrer encore une fois pour lui souhaiter une bonne journée. Je souris en percevant une nouvelle bouffée de colère, et refermais la porte. Cette dernière claqua comme si quelqu’un l’avait poussée avec force. Je pensais qu’il faudrait absolument qu’il rencontre Jennifer, et me demandait comment j’arriverais à provoquer la chose, lorsque je vis Alexia. Elle rentrait visiblement d’une soirée… agitée et me demandait comment s’était passé la première nuit? Je lui répondis qu’à part le colocataire pour le moins irascible, tout s’était plutôt bien passé. Au lendemain d’une bonne nuit, je n’en aurais peut être pas parlé, mais là je fus coincé pour les 20 minutes suivantes à faire une sorte de résumé de ma nuit à la grande satisfaction d’Alexia, qui s’empressait d’aller chercher son double des clefs (détails que j’ignorais et qu’il me faudrait garder de faire découvrir à ma douce moitié, ayant décidé par principe de ne pas lui mentir, il fallait souvent agir avec doigté et une pincée de subtilité… de mauvaise foie pour éviter les drames).
Bien moins fatigué que la veille (merveilleux d’avoir 19 ans, 3-4 heures de sommeil et tout va bien) je marchais donc vers mon premier cour. Pour une raison étrange et sans que je puisse l’expliquer, le soi me paraissait différent, mais je ne m’en inquiétais pas, mettant ça sur ma nuit agitée. Quand me vint un sifflement tonitruant, tout à mes rêveries je m’étais avancé plus que la ligne permise et mon ami au sifflet, que je trouvais pour le coup bien plus pale que d’habitude, se fit un devoir de rappeler toutes les voitures du boulevard à l’ordre. Je me retournais pour le remercier d’un geste de la main, comme d’accoutumé, lorsque je m’aperçu que son visage n’était qu’à quelques centimètres du mien, il me dévisageait d’un regard vaguement absent, respirant difficilement, comme s’il avait oublié comment.
Légèrement surpris de la soudaine démonstration d’affection, je me contentais de le regarder, priant secrètement que la dite démonstration s’arrête là. Je me voyais mal expliquer à Jennifer que l’homme au sifflet m’ait sauté dessus pour me rouler une pelle.
– Pas… re..tourner…. pas retourner.
Ses yeux reprirent alors leur focus, et il s’en fut régler la circulation, d’un pas décidé, sans un regard en arrière, me laissant légèrement perplexe. Je m’attardais un peu sur le personnage, lorsque je réalisais ce qui me paraissait étrange dans le soi. Il n’y avait pas de chiens.
A l’évidence aujourd’hui allait être intéressant.

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