L’appartement était devenu une sorte de « boite de nuit » à revenants avec des allées et venues constantes. J’avais eu quelques difficultés avec un esprit récalcitrant, et voilà qu’ils se promenaient dans l’appartement par dizaine maintenant, faisant bien attention de me suivre où que j’aille… jusque dans la salle de bain (même en essayant de leur expliquer qu’il y avait des choses que je préférais faire seul…). Bien moins agressifs que Nestor, ils essayaient de m’envoyer je ne sais qu’elle impression de réconfort, montrant toujours la même image de personnes du troisième âge souriant à pleine dents. Même et surtout la nuit, ou tout ce beau monde s’assaillait au bord du lit et passaient la nuit à me fixer avec ce sourire qui j’imagine se voulait bienveillant mais que je percevais comme un hamburger pouvait ressentir l’attention que lui portait un mort de faim.
Inutile de dire que le sommeil était devenu une sorte de connaissance distante dont on se souvient mais qu’on ne fréquente plus vraiment. Jusqu’à ce qu’un jour en essayant de me raser sans me taillader la moitié du visage, le miroir me renvoya une image pour le moins insolite. Le visage de … «Nestor ». Sauf qu’au lieu d’être enveloppé de ténèbres il était enveloppé de lumière. L’apparition ne dura que quelques instants suivis de très près par une goutte de sang venant de l’endroit où je m’étais coupé (la surprise vous comprenez…). Apres une courte pause, je résonnais qu’il ne s’agissait pas de Nestor, l’impression était différente, il était cependant bien possible que j’y attribue les traits de Nestor. Pourquoi ? Peut-être une origine similaire ? Il pouvait très bien s’agir du dit esprit protecteur dont Thérèse voulait que notre enfant présumé hérite. Mais pourquoi choisissait-il de se présenter de façon si subite ? Sur le chemin de l’université je déterminais que s’il s’agissait bien d’une sorte d’esprit protecteur, il était possible qu’il n’ait pas agit sur mes visiteurs d’outre-tombe car ceux-ci n’étaient peut-être pas hostiles… Ce pouvait-il qu’ils attendent quelque chose de moi ? Ils ne seraient pas les seuls, je n’arrivais déjà pas à répondre a toutes les attentes de mes connaissances du monde des vivants, je me voyais mal me coltiner les morts. Vanessa ne devant pas réapparaitre à l’université avant un ou deux jours (histoire de se remettre de son voyage). Je filais directement à l’université, lorsque je tombais sur Jennifer, qui visiblement ne m’avait toujours pas pardonné… quel que soit ce que j’avais à me faire pardonner. Aussi refusait-elle de me regarder et fixait quelque point à côté de moi.
Je lui racontais néanmoins la scène du rasage avant qu’elle ne me pose la question de la légère coupure au visage.
– Mais… les blancs n’ont pas de pouvoir…
Oui, effectivement je commençais à l’attendre celle-ci, mais je ne pensais pas qu’elle s’applique aussi à la protection occulte. Jennifer continuait de refuser à me regarder avant que suivant son regard par reflexe je ne tombe sur le double de Nestor…
– Enfin bon oui, je te présente Norbert…
Avant de dire que j’ai un gout assez spéciale en terme de nom de spectre posez-vous bien la question de comment vous les appelleriez à ma place…
– Vous êtes deux…
Oui, donc effectivement ça ne s’arrangeait pas mon histoire…
– Non, non, y’a Norbert et moi…
– C’est toi.
J’allais lui proposer une place d’enseignante a notre institut linguistique tant elle se rapprochait des critères requis lorsque le sens de ses paroles me percuta.
Je regardais Norbert de nouveau et tombais sur… moi.

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