»-Katelyn écartes toi de mon chemin.

Les yeux du mage vibraient d’un mélange déchaîné de colère et de haine alors qu’il avançait toujours un peu plus vers l’homme qu’il haïssait plus que tout. Ses pupilles étaient bloquées sur ce personnage que sa sœur aînée protégeait. C’était à ça qu’il l’avait réduit. Un personnage. Un être sans foi ni loi qui ne méritait que le châtiment aux yeux de Lyme. Il ne détournait pas le regard, ne cillait pas et n’abandonnerai pas tant qu’il ne serait pas réduit à néant.

La jeune femme se releva et essuya les quelques gouttes de sang qui bordaient ses lèvres d’un revers de la manche.

-Tu ne peux pas faire ça …

Cela faisait plusieurs minutes qu’elle luttait contre lui, de toutes ses forces. Ses jambes commençaient à lui faire défaut et elle avait à présent du mal à tenir debout. L’état de son frère était si intense qu’elle doutait de réussir à le raisonner.

-Il ne mérite pas de vivre. Ne m’oblige pas à te remettre à terre …

Elle jeta un vif coup d’œil derrière elle pour constater que l’homme en question respirait difficilement, jonchant le sol en cause des multiples coups qu’il avait reçu. Katelyn se tenait aussi droite qu’elle le pouvait et serrait les poings pour faire barrière entre les deux hommes. Seuls ses yeux ne lui obéissaient plus : les larmes coulaient à flot à présent et ruisselaient le long de ses joues pour suivre sa clavicule et tomber dans le creux de sa poitrine.

-Comment peux tu continuer à le défendre après ce qu’il a fait !!

La gifle qu’il lui asséna fut si violente qu’elle amena Katelyn à mordre la poussière une énième fois. Cette fois-ci la jeune femme ne put se relever. Ses poignets tremblaient sous son poids et s’effondraient à chaque effort. Ses cheveux bruns se faisaient poussiéreux et son visage s’amochait au fil des minutes, crispé par la tristesse. Les bleus qui tachaient ses bras étaient les même que ceux de ses longues jambes, écorchées à force de tomber sur les rotules. La robe si jolie qu’elle portait n’était à présent plus qu’un lambeau de tissus.
Plus le mage parlait, plus sa haine prenait le contrôle. Celle-ci devenait l’électricité qui alimentait ses muscles, faisait battre son cœur et contrôlait ses pensées.

-C’est ton père Lyme.

Sur les genoux, sa sœur luttait pour se mettre sur pieds mais ses bras ne supportaient plus aucune charge et elle s’écroula de nouveau. Lyme s’accroupit devant elle et lui releva le visage pour ancrer son regard dans le sien.

-Mon père ? Non Kate il ne l’a jamais été …. pour moi il n’est que celui qui m’a haï toute mon enfance. Je me rappellerai d’un homme qui ne m’aura jamais défendu. Un homme qui m’aura toujours laissé seul face à cette vie qui ne voulait pas de moi, qui me rejetait car j’étais trop différent … trop puissant.

Il se releva, enjamba la jeune femme et arriva finalement face à son père qu’il regarda avec horreur.

-Tu m’a laissé seul pendant toutes ces années … me faisant croire que je n’étais rien et que je ne deviendrai jamais personne … TU M’AS ABANDONNÉ !!!

Ces derniers mots Lyme les avait crachés au visage de son ascendant d’une voix rauque qui semblait se réveiller au fond de sa gorge.

-J’avais besoin de toi … J’avais besoin de savoir que tu étais là pour moi. Tu sais, fit-il en s’accroupissant, je crois que maman est partie car elle s’était rendue compte que tu n’étais qu’un moins que rien, un déchet, un rat …

Chaque mot était articulé à la perfection pour en appuyer d’avantage le sens. Son père ne disait rien, réduit par ses blessures à ne pouvoir que regarder son fils empli de haine.

-J’aurai aimé qu’elle te fasse souffrir mais elle a préféré s’échapper. Tu aurai du te putréfier pour ne plus jamais faire de mal autour de toi ! Tu n’es pas digne d’avoir un jour été aimé par une personne comme elle.

Le mage était devenu rouge de colère et on pouvait distinguer une veine en relief au niveau de son front. Son esprit souffrait à un tel point que son corps en tremblait. Il ne quittait pas l’homme à terre de ses yeux injectés de sang sans pour autant empêcher quelques larmes de lui faire défaut.

-A partir de maintenant tu sera inoffensif.

Son père ne pouvait détourner le regard, comme emprisonné, alors qu’il sentait chaque vaisseau, chaque petite veine de son cerveau exploser les uns après les autres. Il ouvrit la bouche lentement pour laisser s’échapper ce cri de douleur qu’il retenait depuis longtemps.
Katelyn était horrifiée devant cette vision. Elle tendit le bras vers eux comme pour empêcher Lyme de continuer mais il n’eut qu’à tendre sa paume en arrière pour la paralyser. Un bras en arrière il continuait la torture qu’il avait entreprit sur son père.

-Tu sens cette douleur te ronger de l’intérieur ? Elle est si cruelle que tu ne peut plus penser et si intense que tu peut l’entendre hurler dans tes oreilles … Finalement tu aura réussi. Je suis resté seul toute ma vie mais je suis devenu plus puissant que tu ne l’aura jamais été.

Tout à coup l’homme ne cria plus et sa tête s’affaissa sur le sol dans un mouvement brusque. Ses yeux et sa bouche restèrent ouverts, un filet de sang quittant ses narines.
Katelyn reçu un choc lorsqu’elle vit son père s’écrouler devant elle, vidé de toute étincelle de vie. Elle sentit toutes ses forces la quitter alors qu’elle faisait un dernier effort pour voir Lyme, de dos, se relever sans un mot. Elle succomba à ses blessures et son dernier soupir accompagna cette phrase qu’elle lui répétait souvent lorsqu’il était petit :

-Tu ne seras jamais seul. »

-Lyme ?

Le jeune homme fut tout à coup rappelé à la réalité par Leelou qui se tenait à ses côtés. Son visage était doux mais néanmoins inquiété par son cavalier.

-Est-ce que tout va bien ?

-Oui excuse-moi je … j’étais perdu dans mes souvenirs. fit-il, l’esprit encore égaré

-Tu es sûr ? Parce que tu te regardes dans le miroir depuis un bon moment …

-Ouais j’ai eu une réminiscence ….., sa voix semblait éteinte mais il se reprit rapidement. Rien de méchant !

Le silence s’empara tout à coup de la grande salle. Le piano se tut un instant et laissa les violons s’accorder en une magnifique balade. Les portes principales de la pièce se rouvrirent et laissèrent apparaître une personne des plus majestueuse. Des murmures et chuchotements se firent entendre lorsque cette gracieuse dame fit un pas dans la Salle. Toute la brillance qui émanait de la femme semblait provenir de cette petite étincelle dans son regard, caractéristique des personnes éminentes. Ses longs cheveux d’or avaient été tressés avec soin, puis ramenés au sommet de son crâne en une couronne. De minuscules fleurs blanches disposées ça et là achevaient la romantique coiffure. Les diamants qu’elle portait aux oreilles faisaient écho à l’éclat de ses yeux verts alors qu’un étincelant collier d’émeraude paraît son buste découvert. Le bustier brillant de sa robe dégageait ses clavicules ainsi que sa peau de pêche et soulignait une taille fine que l’on devinait enfermée dans un corset. Cette robe tissée de fils d’argent la faisait ressembler à une reine sortie tout droit d’un conte de fée. De longs gants de soie ivoire couvraient ses doigts fins et ses avants-bras, tout en faisant ressortir l’alliance qu’elle arborait. Ses mains relevaient son jupon légèrement bouffant alors qu’elle entamait son ascension vers le centre de la grande salle.
Tandis qu’elle s’avançait, tous les élèves s’écartèrent pour lui créer une allée jusqu’à l’imposant lustre sous lequel se trouvait Drake. Sa grâce tenait en haleine toutes les personnes qui croisaient son regard. Le Capitaine posa un genou à terre pour accueillir la main de son épouse.

-Anna.

La femme du Capitaine lui adressa un sourire d’une beauté incomparable en s’inclinant à son tour.

-Peter.

Celui-ci se mit debout puis releva sa reine pour ouvrir le bal. Tous s’étaient a présent écartés afin de laisser une piste de danse des plus vaste au couple. Anna tint sa robe d’une main et posa l’autre dans le creux de celle de son amant, tandis que lui plaça sa main libre dans le creux de ses fines. Le piano reprit ses droits. Leurs regards se croisèrent et ne se quittèrent plus, chacun envoûté par la passion de l’autre. Une bulle de féerie les entoura et tous deux se mirent à virevolter au gré des notes qui les accompagnaient. Le temps d’une danse les élèves furent évincés de leurs pensées, plus rien n’importait aux yeux du couple à part l’instant présent. Le costume du Capitaine était d’une élégance sans pareille et soulignait la lumière qui s’échappait de sa partenaire. Happés par leur danse Drake et son épouse tournoyaient au centre de la piste. Pendant de longues minutes ils donnèrent une véritable leçon de magie au Château, qui avait le cœur hypnotisé. Lorsque les notes commencèrent à s’évanouir, les deux danseurs revinrent doucement à la réalité et leurs pas se firent plus lents avant de s’arrêter. Il fallu quelques secondes pour que l’assemblée réalise le moment d’intimité auquel elle venait d’assister. Les premiers applaudissements se firent entendre et Drake invita l’ensemble des élèves à venir danser, alors que tout le monde les ovationnait à présent.
Lyme n’attendit pas une seconde de plus et demanda à Leelou de lui accorder cette danse.
La musique reprit de plus belle, alliant piano et violons à la perfection, tandis que les danseurs accordaient leurs battements de cœurs.

Lia ferma les yeux un instant. L’atmosphère était paisible dehors. Le vent se frayait un chemin à travers les arbres et sifflait dans le creux de leurs troncs, apeurant un instant les quelques écureuils qui y dormaient. Il continua sa course et souleva quelques feuilles tombées au sol, pour les déposer quelques mètres plus loin sur le museau d’un faon qui courut s’abriter sous sa mère. Il n’était qu’une simple brise mais accélérait parfois sans raison. Il alla déranger un hibou qui, perché à un vieux chêne, attendait que son repas ne veuille quitter sa cachette. Apercevant une fenêtre entrouverte la brise s’y faufila et vint caresser légèrement les nuques dénudées des danseuses, faisant frémir leur peau.
Guidée par son partenaire, la jeune femme s’abandonna aux pas de danse et fit le vide dans son esprit. Les rires des élèves résonnèrent dans sa tête un instant. Les bruits des pas sur le parquet lui parvinrent, accompagnés des robes qui caressaient la peau des danseuses à chaque mouvement. Le crépitement des flammes du grand âtre était plus plus discret et s’effaçait presque face aux hululements des hiboux résonnant dans la nuit noire.

-Maman ?

La jeune ange fut accueillie avec un sourire radieux.

-Sharlyn ma chérie. Tu es vraiment magnifique ce soir, cette robe te sied si bien !
L’ange se réfugia un instant dans les bras de sa mère qu’elle voyait si peu. Depuis quelques temps elle ne sortait plus de leurs appartements, au dernier étage de la bâtisse, et elle s’était beaucoup affaiblie. Anna s’écarta de son partenaire de dans et laissa échapper quelques toussotements.

-Tout va bien ?

Elle rassura son époux d’un visage serein et posa sa main le coude du Capitaine.

-Ne t’inquiète donc pas pour moi. Regarde notre fille n’est-elle pas éblouissante ?

Drake se laissa prendre par la douceur de sa fille qui épiait sa réaction. Le sourire qu’il lui adressa se voulut doux et étincelant.

-De toute évidence.

Sharlyn accueilli la remarque avec un léger rosissement des pommettes.

-Mère vous ne devriez pas vous reposer ?

-Je n’allais tout de même pas manquer ton premier bal !

La jeune femme fut étonnée.

-J’assiste aux bals depuis de longues années maintenant.

Sa mère vint lui chuchoter quelques mots à l’oreille, désignant Jake qui venait vers elles.

-Disons que celui-ci est spécial.

Cette fois-ci les joues de l’ange rougir franchement.

-Ce n’est pas ce que vous croyez Jake est juste …

L’intéressé arriva à leur hauteur et ne laissa pas le temps à la blonde de terminer sa phrase. Le jeune guerrier s’inclina devant Anna.

-Bonsoir Madame.

-Bonsoir Jake. Passez-vous une bonne soirée ?

Celui-ci épia Sharlyn d’un regard en coin, ce qui n’échappa pas à sa mère.

-Excellente Madame.

L’ange devint de plus en plus rouge, ne sachant où se cacher. La femme du Capitaine lança un regard amusé à sa fille avant de se reporter sur le guerrier.

-Alors tant mieux. Allez retrouver vos amis, je ne voudrai pas vous accaparer plus longtemps.

Jake s’inclina de nouveau avant d’offrir son bras à Sharlyn, puis de prendre congé du couple.

-Merci Madame. Monsieur.

Lorsqu’ils furent partis Anna se tourna vers son époux.
-Je l’aime bien.

-Jake ? Disons que ce n’est pas mon premier choix mais cela n’est pas de mon ressort n’est-ce pas ?

Il vint poser ses mains sur les hanches de sa partenaire alors que celle-ci les laissa sur ses épaules.

-Il va falloir que tu la laisses partir tu le sais. Alors un guerrier à ses côtés c’est toujours bon à prendre n’est-ce pas ?

Elle tira un sourire amusé au Capitaine et leurs hanches se mirent à balancer au rythme de la musique.

-Vu sous cet angle.

Sharlyn et Jake se dirigèrent vers Lyme qui dansait toujours avec la sœur du guerrier. Celui-ci s’éclaircit la gorge arrivé à leur hauteur, puis se tourna vers le mage.

-Je peux ?

Le jeune homme acquiesça d’un signe de tête et lui tendit la main de Leelou qui laissa son cavalier avec l’ange. Lyme tendit alors le bras à Sharlyn.

-Me ferais-tu l’honneur ?

Ce ton si conventionnel fit rire la jeune femme qui accepta avec plaisir. Tous deux se mirent à danser pendant que Jake faisait virevolter sa sœur qui riait de bon cœur, contemplée par le mage. Sharlyn vint poser son menton dans le creux de l’épaule de Lyme.

-Essaie de ne pas trop t’attacher.

Lyme reporta son attention sur la jeune femme et lui accorda un petit sourire triste.

-Oui je sais. Jake ne supportera pas longtemps de la voir avec moi il est bien trop protecteur.

L’ange fut surprise de sa réponse.

-Je voulais surtout dire que tu pars demain et qu’elle n’en sait rien. Ne lui donne pas de faux espoirs.

Lyme parut comme descendre soudainement de son nuage qui s’était formé tout au long de sa soirée.

-Ah oui ça … Je commence à me dire que ce n’est pas une bonne idée.

La jeune femme lançait des regards lourds de sous-entendus à son père qui l’épiait depuis qu’elle avait commencé à danser avec le sorcier.

-Tu sais que je ne suis pas d’accord avec la décision de mon père. Malgré tout je n’ai aucun argument qui pourrait le faire changer d’avis.

-Je ne suis pas de ton avis.

Sharlyn s’écarta d’un air interrogateur. Le mage tourna le regard vers les parents de l’ange qui dansaient toujours.

-Je pense que ta mère serait d’accord pour que je reste. Elle a l’air d’une bonté sans égal et je suis persuadé qu’elle ne voudrait pas mettre le pauvre petit Lyme en danger. Il suffirait de lui demander gentiment.
-Le pauvre pe …

L’ange fut coupée dans son élan lorsqu’elle sentit une lame posée sur sa gorge. Le jeune homme s’approcha de son oreille, ce qui appuya sur la lame et fit couler un léger filet de sang le long de son cou.

-Un mot et je te tranche la gorge devant tous tes petits copains. Quant à ton père je sais qu’il peut t’entendre alors tu vas lui faire comprendre avec un grand sourire qu’il n’a pas intérêt de s’approcher, d’accord ma douce ?

Au loin la jeune femme vit son père hocher la tête d’un air grave, prit de court et désemparé. Sharlyn devait ramener Phényx mais il avait fait surface bien trop tôt dans la soirée, rien n’était prêt pour le piéger.

-Peter, est-ce que tout va bien mon ami ?

Lorsqu’Anne demanda à son époux ce qu’il se passait elle n’eut qu’à suivre son regard pour tomber sur la raison de son désarroi. A la seconde où elle croisa le regard du sorcier elle fut soudainement prise de maux de tête violents et incontrôlables, comme si le mage provoquait en elle un trouble si fort qu’elle en souffrait. L’habituel sourire maléfique de Phényx se montra resplendissant alors qu’il saisissait la jeune blonde par la main pour l’entraîner hors de la Salle. Sous la force des maux Anna du se tenir la tête avant de s’écrouler au sol en retenant ses cris tant bien que mal, ne voulant provoquer une panique générale. Drake la porta sans plus attendre jusqu’à leur chambre et se hâta ensuite vers son bureau. Il se saisit de son épée et en ressorti aussi vite qu’il était arrivé. Fulminant de colère il manqua de buter contre Jake qui se tenait dans l’encadrure de la porte et faisait barrage. Le jeune homme était en tenue de combat et portait ses deux épées dans son dos.

-Je viens avec vous.

-C’est hors de question.

Le Capitaine força le passage mais fut de nouveau bloqué par le guerrier qui plaça son bras devant la tête du gradé.

-Ce n’était pas une question.

Le regard de Drake se fit noir et menaçant. Il prit soin de séparer chaque mot de sa phrase afin d’en appuyer le sens.

-Hors de mon chemin.

Sans attendre une quelconque réaction il repoussa son élève sans mal et se dirigea vers les escaliers. Le jeune homme ne put en rester là et le suivit précipitamment.

-Je sais que vous ne m’appréciez pas beaucoup.

Drake fit volte face et revint sur Jake en une seconde.

-Tu crois ?

-Il faut dire que vous ne vous en cachez pas beaucoup. Je pense même que vous devez rêver de ma tête brandie sur un piquet la nuit. Mais j’aime votre fille et elle est en danger alors que ça vous plaise ou non je ne vais pas rester les bras croisés.

Drake sentit son sang faire un bond lorsqu’il entendit ces mots.

-Tu vas te faire tuer.

-Alors vous serez débarrassé de moi ce n’est pas ce que vous voulez ?

Les yeux de Jake provoquaient son aîné sans aucun respect. Après plusieurs secondes d’un duel de regard interminable le Capitaine abdiqua et reprit sa course en soupirant.

-Tâche de ne pas traîner dans mes pattes.

Jake avait joué sa dernière carte mais de justesse, il courut pour rattraper le Capitaine. Celui-ci se concentrait pour écouter sa fille mais rien ne lui parvenait. Il du s’arrêter pour se reprendre.

-Je ne l’entends pas ce n’est pas normal.

-Et Phényx ?

-Il est bien trop puissant, il me repousse sans le moindre effort.

Sa fille était trop loin pour que ses pensées lui parviennent. Trop loin ou alors quelque chose d’assez épais arrivait à bloquer la transmission. Ils devaient être sous terre mais où ? Les deux hommes qui avaient suivi le même raisonnement s’écrièrent dans une même voix.

-Les cachots !

Sans dire un mot de plus ils dévalèrent les marches jusqu’au rez-de-chaussée avant de se précipiter vers l’escalier menant au sous-sol.

-Terminus.

Phényx jeta Sharlyn dans un cachot et referma les lourdes grilles. La jeune femme, les mains liées, se redressa sur ses genoux tant bien que mal.

-Qu’est-ce que vous voulez à la fin ?

-Vous êtes si naïfs vous les anges. Il vint s’adosser à un mur devant elle et croisa les bras d’un air désolé et méprisant. Vous êtes si occupés à voir le bon dans le monde que vous ne vous rendez pas compte de la dure réalité qui vous entoure. Vous pensiez qu’après ce que vous m’avez fait il n’y aurai pas de représailles ?

-Expliquez-vous.

-Ce n’est pourtant pas bien compliqué je suis venu reprendre ce qui m’appartient.

Phényx se redressa puis vint s’accroupir devant l’ange toujours à genoux. Il passa une main à travers les barreaux pour passer ses doigts sous le menton de la jeune femme.

-Sais-tu qui je suis ma douce ?

L’ange lui cracha à la figure.

-Je sais tout ce que j’ai à savoir.
Il s’essuya du revers de la manche et ancra un regard furieux dans celui de sa prisonnière.

-Alors fais tourner tes méninges petite garce !

Hystérique il éclata d’un rire aussi éclatant que ténébreux puis se dirigea vers les marches pour remonter.
La jeune femme se retrouva seule avec ses questions. De longues secondes plus tard elle entendit deux voix familières l’appeler. En se tenant aux barreaux elle réussit à se lettre sur pieds.

-Je suis là !

Après avoir récupéré sa fille en un seul morceau et l’avoir brièvement serrée dans ses bras, Drake lui posa une unique question.

-Qu’est-ce qu’il veut ?

Jake s’affairait à couper ses liens pendant que la jeune femme se remémorait sa discussion avec Phényx.

-Je ne sais pas je ne comprenais rien à ce qu’il me disait. Il a parlé de se venger et de récupérer ce qui lui appartenait…

Alors que l’ange prononçait ces derniers mots son père était déjà reparti en courant dans les escaliers. Elle tenta de le rattraper mais fut retenue par le guerrier.

-Je pense qu’on devrait le laisser seul sur ce coup.

Sharlyn tenta à nouveau de faire un pas.

-Mais je …

Jake lui saisit les épaules.

-Écoute ton père a accepté que je le suive quand je lui ai fait remarquer que je pouvais y rester alors ce n’est pas après ça qu’il va te laisser le suivre tu ne crois pas ?

-Et s’il se mettait en danger ?

Le jeune homme vint la serrer dans ses bras, voulant la rassurer.

-C’est un dur à cuire, on ne se débarrasse pas de lui comme ça.

Sharlyn tourna des yeux insistants vers le guerrier qui soupira face à sa détermination. Il déposa un baiser protecteur sur son front.

-Si vraiment tu souhaites y aller alors d’accord, mais je viens avec toi.

L’ange lui prit la main et courut vers les escaliers sans plus attendre.

-PHENYX !

Drake interpella le sorcier alors qu’il s’approchait des appartements du couple. Il lança une lame qui vint se planter dans le bois de la porte. Le sorcier la retira avant de se retourner sur son interlocuteur et de le saluer en courbant l’échine. Il lui lança un sourire éclatant.
-Monsieur Drake que me vaut l’honneur ?

-Je te jure que si tu touches à un seul de ses cheveux…

Le mage alluma un début de feu dans le creux de ses mains.

-Oui je t’écoute. Tu vas faire quoi ?

-Il va falloir me passer sur le corps.

Le Capitaine avait sorti son épée de son fourreau pour appuyer ses mots. Phényx parut déçu de sa réponse.

-Drake, mon cher Drake, tu n’apprend donc jamais ? Je te terrasse quand je veux mon ami.

Le gradé eut un mouvement pour s’élancer mais fut interrompu par le mage qui exposait ses arguments.

-Néanmoins. Il ne sert à rien que nous nous mettions dans cet état-là voyons. Je ne compte pas lui faire de mal.

Bien qu’étant supérieur au guerrier il le savait redoutable. Lors de leur dernier affrontement il avait bénéficié d’un surplus de force venant de son hôte mais ce n’était pas le cas à présent. Enfermé dans le corps de Lyme celui-ci ne lui apportait rien de plus que ce qu’il n’avait déjà.

-Qu’est-ce que tu veux ?

Le sorcier haussa les yeux au ciel.

-Je commence à fatiguer de toutes ces explications. Je veux simplement récupérer ce qui est à moi.

Les yeux de Drake s’illuminèrent lorsqu’il comprit finalement les intentions de Phényx.

-Elle n’est pas Anne.

-Oh tu sais Anne, Anna quelle différence cela peut-il bien faire ? Ces deux personnes sont bien plus liées que tu ne le pense.

Le gradé plaça son épée devant lui.

-Je réitère mes propos. Si tu touche à cette porte il va falloir que tu me passe sur le corps.

-Il va falloir me passer dessus aussi !

Drake vit du coin de l’œil Jake qui venait d’arriver, suivie de Sharlyn et de leurs amis.

-Ne nous oubliez pas.

Phényx dut avouer que leur supériorité numérique leur accordait un avantage considérable.

-Tout le monde est là que c’est émouvant. Combattra … Combattra pas … Le suspense est à son comble !

-Tu as 3 secondes.

Dans un dernier rire glacial Phényx s’évapora, laissant sur place le corps de Lyme qui s’écroula à terre. Le Capitaine était déjà partit vers ses appartements et enjamba le mage pour arriver à ses appartements. Lorsqu’il ouvrit la porte Anna se trouva en face de lui, une épée brandie devant elle. Il fit un pas en lui tendant la main.

-Tout va bien, c’est finit.

Sa femme réalisa qu’elle était hors de danger et lâcha son arme qui vint s’écrouler au sol.

Lyme fut porté à l’infirmerie et le reste de la bande rejoignit les autres élèves dans la Salle pour finir le bal, même si le cœur n’était plus vraiment à la fête. Drake ne put rester auprès de sa femme car il devait remplir ses obligations de gradé et ne pouvait rester cloîtré dans ses appartements. Aerin fut ravie de retrouver Lothiel, resté auprès de Calel et Leelou en renfort en cas de changement de plan.
Tous finirent la soirée dans la bonne humeur et lorsque celle-ci s’acheva tout le monde se quitta pour retrouver ses quartiers et passer la nuit dans un calme des plus reposant.

Le lendemain matin Sharlyn se réveilla de bonne heure. Le froid régnait dehors par cette saison glaciale mais la jeune femme courut retrouver sa mère pour une balade dans les jardins. La femme du Capitaine se sentait d’ailleurs beaucoup mieux. L’influence de Phényx avait cessé de la rendre de plus en plus mal.

-Est-ce que vous pensez que Phényx est parti pour de bon ?

-Cela m’étonnerai chérie.

Toutes deux erraient dans les jardins, couvertes de magnifiques fourrures pour se mettre à l’abri des températures cinglantes. Malgré la finesse de sa robe Sharlyn ne ressentait pas le vent glacial qui les entourait. Elle accueillait la saison hivernale avec bonheur, s’émerveillant à chaque pas de l’épaisse couche de glace qui recouvrait la nature.

-Comment expliquez-vous l’influence de Phényx sur vous ?

-Nous avons eu beau chercher avec ton père, aucune théorie qui ne tienne debout ne nous est apparue.

-Et quelle est celle qui ne tient pas debout ?

Sharlyn s’était arrêtée, devinant que ses parents avaient un semblant d’idée sur la situation. Anna marqua une pause quelques pas plus loin avant de se retourner.

-La moins irréelle de toutes consiste au fait que je serai une descendante d’Anne, son défunt amour et qu’en conséquence nos esprits sont liés. Le sien étant très tourmenté cela engendre des maux violents. S’il est persuadé que j’ai un lien avec elle alors il cherche à me récupérer pour se venger des anges qui ont sacrifié cette innocente humaine.

-Et s’il avait raison.

-Mon enfant…

La jeune femme sentit ses yeux s’illuminer à l’idée qu’elle venait d’avoir.

-Non écoutez-moi. Peut-être que vous n’êtes pas sa descendante directe mais qu’il y a bel et bien un lien entre vous deux. Étant une victime innocente elle fut transformée en ange n’est-ce pas ?

-Oui mais je ne voix pas le rapport qu’il y a avec moi.

Sharlyn leva les bras au ciel.

-Vous êtes un ange !

-Mais je n’ai pas été créée après un sacrifice il y a de cela des milliers d’années !

-Vous ne comprenez pas. Admettons que, souhaitant retrouver l’amour qu’elle avait perdu lorsqu’elle fut sacrifiée, elle se soit arrangée pour vaquer d’âme en âme jusqu’à vous. Vous êtes sa réincarnation parfaite elle savait que vous seriez la première personne en qui s’intéresserait Phényx. Si grâce à ses pouvoirs il peut la faire occuper votre corps de façon permanente, il faut qu’elle le retrouve elle n’a pas le choix.

La mère de la jeune femme ne sut que rétorquer.

-Allons retrouver Père il nous dira ce qu’il en pense.

-Oui cela tient debout.

-Voyons Peter tu n’y penses pas.

Drake était assis à son bureau. Les pieds sur la table et les bras croisés il semblait intrigué par la théorie de sa fille.

-Il faut avouer que ça a du sens. Et cela explique beaucoup de chose. Par exemple pourquoi Phényx s’intéresse tant à toi.

-Et pourquoi il ne renoncera pas tant qu’il n’aura pas récupéré ce pourquoi il est venu.

Anna tomba sur un siège, sous le choc.

-Ce n’est pas possible.

-Si elle est arrivée alors que tu n’étais qu’une enfant c’est probable. Elle peut être endormie depuis tout ce temps.

La jeune femme haussa un sourcil en direction de son père qui approuva, mais il resta évasif.

-Oui c’est possible…mais quelque chose m’échappe.

-Alors c’est sûr ? Cette Anne est dans le corps de ta mère ?

Jake était, comme le reste de la bande, choqué par ce que leur avait raconté Sharlyn. La jeune femme avait rejoint ses amis pour le petit-déjeuner et discutait avec eux de la théorie élaborée par ses parents et elle-même. Elle acquiesça d’un hochement de tête.

-La seule question qui reste en suspend c’est pourquoi est-ce qu’elle n’a jamais refait surface alors que Phényx traîne dans les parages depuis un bout de temps.

-Qu’est-ce qui vous dit qu’elle a le pouvoir de faire ça ?

-Qu’est-ce que tu veux dire ?
-Que si ça se trouve elle veux juste lui parler sans faire de mal à personne.

Lyme avait parlé sans réfléchir pourtant l’ange sembla intriguée.

-C’est intéressant…

-Ah bon ?

L’ange repartit dans le bureau de son père sans crier gare, laissant ses amis dans l’ombre.

-Tu pense vraiment qu’elle n’est pas là pour mettre le chaos ?

-Ce que je pense surtout c’est qu’elle est bloquée dans notre monde et qu’elle y restera tant qu’elle n’aura pas pu parler à Phényx.

-Pour lui dire quoi ?

Drake regardait sa fille, intrigué par ses propos.

-Qu’elle lui pardonne. Qu’elle ne lui en veux pas, que son cœur est en paix et qu’elle souhaiterai qu’il le soit aussi.

-Auquel cas elle n’aurait pas refait surface car elle n’en a pas le pouvoir et que Phényx n’a pas encore réussi à arriver jusqu’à elle pour la faire revenir. Tout cela ne nous avance pas à grand chose. Que peut-on faire pour régler le problème.

Sharlyn n’eut pas le temps de prononcer un mot que son père la contestait déjà, ayant lu en elle comme dans un livre ouvert.

-N’y pense même pas.

-Je n’ai jamais parlé d’une solution facile.

-Tu veux jeter ta mère dans la gueule du loup ?

-Bien sûr que non. Mais ça ne serait peut-être pas une mauvaise idée qu’ils puissent se parler.

-On sait de quoi il est capable ! Il est imprévisible comme un lion en cage devant qui on agiterai du gibier. C’est beaucoup trop dangereux.

-Il ne lui fera aucun mal.

-Comment peux-tu en être aussi sûre ?

-Il l’aime. C’est aussi simple que ça. Il l’a perdue une fois tu pense qu’il prendrai le risque de la voir partir à nouveau ?

Leur conversation fut interrompue par Anna qui avait toussoté pour leur indiquer sa présence.

-Chérie tu es là … cela fait longtemps ?

Elle lui répondit d’un sourire doux.
-Disons que j’ai eu le temps d’entendre le plus important.

-Je vous laisse, vous avez des choses à vous dire.

Sur ces mots Sharlyn prit congé de ses parents et quitta l’étage.

-Peter.

-Je t’interdis de prononcer un seul mot.

L’angoisse et la peur se lisaient sur le visage du Capitaine. Elles résonnaient même dans sa voix nouée.

– »Alors je ne dirai rien. »

-Je t’en supplie ne fais pas ça.

Drake s’était levé de sa chaise et faisait à présent face à la fenêtre de son bureau, sans pour autant apprécier la vue qui s’offrait à lui.

– »Il est de mon devoir, tout autant que toi, de veiller sur ce château. »

-Mais c’est du suicide.

La voix du Capitaine s’étouffait de plus en plus. Ses bras restaient le long de son corps tandis que ses yeux cherchaient au loin une échappatoire à la discussion. Anna s’avança dans la pièce et vint passer une main sur l’épaule de son époux.

– »Lorsque je le rencontrerais je souhaiterai que tu sois à mes côtés, si tu le veux bien. »

Une larme s’échappa des yeux clairs de l’homme qui s’était pourtant dévoué corps et âme pour ne pas céder. Les doigts du gradé, abîmés par la vie, tressaillirent.

-Je serai là.

La fine goutte se trouva balayée par le pouce de l’ange et le couple scella son amour par un baiser qui se voulu passionné, sans qu’aucun ne veuille rompre cet instant. Dehors le soleil, à son apogée, envoya un rayon des plus lumineux réchauffer les cœurs des deux amants qui ne se quittèrent plus des lèvres.

0