C’était l’aurore, le soleil se levait sur la forêt et la rosée du matin qui s’était déposée sur les feuilles durant la nuit perlait au sol. Le château se réveillait doucement et descendait à la Salle Principale pour le petit-déjeuner. Pendant ce temps-là, à l’ouest de la bâtisse, les quatre amis émergeaient d’une nuit bien méritée. Sharlyn, comme toujours la première debout, était perdue dans ses pensées, assise à côté du feu elle se remémorait l’histoire que son père lui contait autrefois. Elle pouvait encore les voir, tous les deux, parler assis sur le lit de la petite fille qui ne voulait pas dormir.

 »-Mais pourquoi papa ? demandait la petite en levant les bras de désolation

-Parce que c’est trop dangereux. Les humains ne doivent pas être mêlés aux affaires du paradis.

-Alors c’est interdit d’être amoureux ?

-Non mon cœur, fit-il en souriant, mais l’amour est une chose que tu ne contrôles pas. Tu peux faire des choses par amour que tu regretteras plus tard. Alors les anges devaient intervenir.

-Qu’est-ce qu’ils ont fait ? demanda Sharlyn en bondissant sur son lit

-Ils ont été obligés de lui ôter la vie. Bien que cela ne les réjouissaient pas, ils se devaient d’empêcher cette relation, qui auraient pu leur coûter la vie de Phényx si elle n’était pas sincère.

-Mais Phényx il devait pas être content !

-Non ma chérie, répondait son père en riant légèrement

-Il est allé leur casser la tête ? répliquait-elle en agitant ses poings, sautant sur le matelas

-Et bien il a essayé. Mais contre toute une armée il ne put rien faire et fut envoyé au Purgatoire où il muta en démon. Il acquit alors de plus en plus de pouvoirs, mais sombrait en même temps dans un état second. Plus maléfique. Plus dangereux. Plus assoiffé de sang. Un jour, ses capacités lui permirent de prendre possession de l’enveloppe charnelle d’un humain qui allait se faire juger.

-Et qu’est-ce qui s’est passé ? demandait la petite fille, serrant fort son oreiller en ouvrant grand les yeux

-L’humain a été jugé et envoyé au Paradis. Phényx a alors pu vaquer entre le Paradis et la Terre comme bon lui semblait, s’aidant de ses pouvoirs pour posséder les corps qu’il voulait.

-Et maintenant il est où ?

-Personne ne le sait.

-Mais alors ça peut être n’importe qui ?

-La légende dit que son tatouage ne peut le quitter. Celui-ci lui permet d’invoquer les esprits. Il s’en sert en combat pour faire venir les personnes défuntes de ses adversaires, et ainsi les affaiblir. C’est un tatouage énochien avec deux ailes rappelant son ancienne vie angélique, mais avec un symbole rouge en son milieu représentant le démon qu’il est devenu.

-Si je le vois, je lui botte les fesses ! répliquait Sharlyn, bondissant sur le lit les poings serrés, avant de bailler à se décrocher la mâchoire

-J’espère bien que tu n’auras jamais à le croiser ….. »

Il fallait qu’elle en soit certaine. Prenant son élan et déployant ses larges ailes blanches, la jeune fille se retrouva dans les airs et s’immobilisa à quelques mètres du sol. Soudain la vérité lui apparut. Le feu incontrôlable d’hier ne l’était pas tant que ça. En fait Lyme l’avait même parfaitement dirigé, afin de tracer un symbole au sol. Deux ailes avec le symbole du démon en son centre.

-Le tatouage énochien …. chuchota-t-elle. C’est impossible comment a-t-il pu …..

-Oh le piaf tu descends ?

Sharlyn baissa la tête, le mage venait de sortir de la tente. Elle fondit sur lui et s’arrêta, manquant de le renverser mais lui assénant pourtant une claque en pleine figure.

-Ça, c’est pour avoir voulu nous cramer ! Et ça c’est pour ton imbécillité à te faire contrôler …

Sharlyn voulu recommencer mais Lyme lui bloqua la main. Elle avait les larmes aux yeux.

-On se détend … J’ai jamais voulu vous faire du mal. Je ne savais pas ce que je faisais.

Sharlyn se dirigea vers les tentes.

-Ouais, en attendant il va falloir jeter ce sale démon hors de ton esprit.

-On va y arr … Attends un peu, quel démon ?

-Je crois que je vous dois certaines explications. Réveillons les autres, il faut que je vous explique le problème.

Elle entra dans la tente de Jake alors que Lyme s’occupa de réveiller Lia. Comme à son habitude, le guerrier était couché sur le dos les bras complètement écartés, frappant dans son sommeil. L’ange s’en voulait d’avoir à le réveiller mais elle avait des choses importantes à leur dire. Elle l’appela doucement, aucune réponse ne s’en suivi. Elle haussa un peu le ton mais rien n’y faisait il dormait à poings fermés.

– »Il a vraiment le sommeil profond … »

Elle s’assit en tailleur à côté de lui pour mieux l’observer. Les cheveux du guerrier étaient plus désordonnés que jamais et ses lèvres asséchées par la nuit bougeaient dans son sommeil. Capturée par son observation l’ange avait laissé une main se perdre dans la chevelure noire du jeune homme. Même si elle voulait qu’il se réveille elle savait au plus profond d’elle même qu’elle souhaitait prolonger cet instant. Jake grommela quelque chose d’inaudible. Sharlyn se pencha pour l’écouter et remarqua que la bouche du guerrier était à présent à portée de baiser. L’ange se laissa tenter à quelques pensées.

– »Il serait si simple de t’embrasser si seulement j’en avait le courage… »

Cette seule pensée la troubla et la fit rougir alors que Lyme faisait irruption dans la tente.

-Vous venez ?

Elle fut immédiatement sortie de ses pensée alors que la remarque du mage avait tiré Jake de son sommeil. Sharlyn se releva précipitamment et passa une main dans ses cheveux.

-On arrive de suite !

-Tu pourrais au moins me dire où est-ce qu’on va ?

Aerin n’en pouvait plus des questions sans réponse qui lui prenaient l’esprit.

-Tu le découvriras bien assez tôt !

La jeune femme soupira et reprit sa marche pour ne pas perdre le jeune homme. Les deux elfes marchaient depuis un petit moment, en direction des plaines d’Orrin qu’ils voyaient au loin.

-Parles moi de toi. Tu m’as kidnappée, enchaînée et tu m’emmènes je ne sais où. Tu me dois au moins ça.

Lothiel tourna la tête vers elle un sourire aux lèvres.

-D’accord. Que veux-tu savoir ?

-D’où viens-tu ?

-Du royaume de Nerasten, ma tribu d’origine. Je suppose que ce nom te rappelle quelque chose !

-Bien sûr, c’est ma cité ! répondit-elle en accélérant le pas, afin de se retrouver à ses côtés. Mais comment se fait-il que je ne t’y ai jamais vu ?

-C’est que je ne sortais pas souvent, je suis resté cloîtré dans le château toute mon enfance. Mon père n’a jamais voulu que je sorte du palais. J’ai toujours pensé que c’était à cause de mon teint de peau. J’avais des instructeurs spéciaux, un cuisinier personnel, des gardes à la porte de ma chambre … Mais je n’étais pas du genre à écouter les ordres ! Alors tous les soirs je sortais par la fenêtre, parcourais les jardins et escaladais les remparts afin de me retrouver dans le centre de la vie active. La ville m’avait toujours impressionné, avec ses grandes maisons blanches, ses petites ruelles pavées, et tous les cerisiers en fleurs quelque soit la saison …

-Oui je m’en souviens, je les ai toujours trouvé magnifiques, leurs fleurs blanches sont vraiment superbes.

-Un jour, j’étais monté dans un de ces arbres et j’admirai les étoiles. Sauf que les gardes m’ont retrouvé et ramené au palais. Depuis lors, la garde a été renforcée. Je voyais de moins en moins mes parents. Mon père disait qu’il était trop occupé avec les affaires du royaume …

-Mais alors ton père c’est …

-Le roi Nerasten, ouais.

Aerin le cogna à la tête, l’obligeant à s’arrêter.

-Hey ça fait mal ! protesta-t-il en se frottant le crâne

-Tu m’as dit t’appeler Lothiel Fanrön !!

-Je ne voulais pas que tu me prennes pour un enfant de riche ! N’aurais-tu pas pris tes distances si tu l’avais su ? ajouta-t-il en la regardant en coin

-Oui c’est vrai, désolée.

-Ça ne fait rien.

-Pourquoi es-tu parti du royaume ?

-Approchant de mon seizième anniversaire, mon père me plaça en entraînement intensif avec les professeurs du royaume. Je m’entraînais tous les jours au maniement de l’arc, mais aussi de l’épée. J’ai appris quelques potions, comment utiliser certaines herbes, mais les arts martiaux étaient ma pratique préférée. Et puis lorsque j’ai eu dix-sept ans, j’étais devenu un des elfes les plus doués de la région. Mon père mit une de ses gardes sous mon commandement et me demanda de partir en croisade dans les plaines d’Orrin, afin de rallier un maximum de nains à notre royaume. Nous manquions de forgerons. Une sorte de test en quelque sorte. Et, sans vouloir me vanter, j’ai plutôt excellé !

Il avait ralenti un peu le pas et contait son histoire les mains dans les poches.

-Et ensuite ?

-Et ensuite une elfe nous a quitté. Plus jeune que moi, grande, rousse et d’une blancheur époustouflante. Elle voulait découvrir le monde et est parti à quinze ans pour le château d’un certain Drake. Capitaine Drake. J’ai été chargé de la retrouver.

La jeune fille stoppa leur ascension.

-Qu’est-ce que tu veux ?

Lothiel fit volte face et s’approcha.
-Les elfes noirs sont à nos portes. Nous avons besoin de tout le monde et, à ce qu’on m’a dit, tu ne te débrouille pas trop mal avec une arme.

-Les elfes noirs … Que veulent-ils ?

-Prendre leur revanche. Après la guerre sans merci livrée entre nos deux peuples il y a de cela des décennies, ces êtres maléfiques sont prêts à combattre. Il faut que tu viennes nous aider.

– Alors c’est pour ça ! Tu arrives au château, tu te pointes la bouche en cœur, me kidnappes, m’enchaînes et me traînes à travers les montagnes, tout ça pour demander de l’aide.

-Tu m’aurais suivi ?

-………. Non.

-Je n’avais pas le choix, il faut que tu me croies, je n’ai pas d’autres moyens de te convaincre. Alors fais ce que tu veux.

Il enleva le bracelet qui liait la cheville de la jeune fille à son propre poignet, et la regarda.

-Tu as le choix. Soit tu te retournes et rentres au château, laissant ton peuple dans le besoin. Soit tu viens avec moi et on va écrabouiller les elfes noirs. Que décides-tu ?

Aerin réfléchit un instant, puis reprit sa route.

-Il me faut un arc.

-Sans problème ! répliqua l’elfe en souriant. Merci, ajouta-t-il

-Tu me remercieras plus tard. Pour l’instant, contente-toi de savoir que je laisse mes amis derrière moi pour te suivre, alors si tu m’as menti, je te tues. lança-t-elle

-Je t’ai déjà menti ?

-………

-Ah oui c’est vrai.

Sur ce, les deux elfes reprirent leur chemin à travers les montagnes Seldszar, décidés à en finir …

-Alors ce … Phényx, est dans ma tête.

-C’est possible, mais rien n’est sûr pour le moment. Il doit être affaibli à cause de ses prises de pouvoir sur différentes enveloppes charnelles. Il ne se nourrit que des émotions noires, donc si tu commences à être en colère, triste, il peut refaire surface et te contrôler.

Les quatre amis étaient assis en cercle autour du feu, maintenant éteint, écoutant Sharlyn qui expliquait la situation

-Est-ce que je peux le maîtriser ? demanda Lyme

-C’est pour ça qu’il faut que tu fasses attention à ne pas te laisser submerger par tes sentiments, pour le moment en tout cas, jusqu’à ce qu’on trouve une solution pour te sortir de là. continua Sharlyn

Le mage se leva brusquement pour attirer l’attention.

-Est-ce que je peux le maîtriser ?

-Non. Je suis désolée, mais c’est impossible, il est bien trop puissant. Le seul moyen est de l’expulser de ton esprit.

-Et c’est possible ça ? demanda Lia

-Je n’en ai pas la moindre idée malheureusement … répondit Sharlyn, dépitée. Mais on doit pouvoir l’affaiblir. Plus de jours en jours.

-Dis-moi comment faire ?

-Il faut que tu relâche tes émotions. Celles qui deviennent trop importantes. Le chagrin, la haine, même certains souvenirs doivent être descellés.

-Une sorte de thérapie … Une sorte de blague en fait ?

-Tu crois que j’ai envie de rire ?

-Mais tu veux que je parle de quoi, au juste, hein ? Je n’ai rien à dire que vous ne sauriez déjà !

-Écoutez, on va d’abord retrouver Aerin, et on parlera de tout ça l’esprit reposé d’accord ? proposa Jake

-Je suis d’accord moi ! répondit Lyme, levant la main

-Alors on replie les tentes, on ramasse nos affaires et on repart à sa recherche !

-Et on mange !!

-Jake !!

-Mais quoi …

-Mince, il commence à pleuvoir … remarqua Lia

-Désolé, lança Lyme

-…………..

-Quoi ?! Si on peut même plus rire un peu.

Sur ce, il leva les yeux vers le ciel. Son iris, qui arborait d’habitude un gris métallisé, devint entièrement blanc. Les nuages noirs se mirent à disparaître, la pluie cessa et le soleil refit apparition.

-J’te jure mon gars, tu fais peur ! lança le guerrier, adressant une tape sur l’épaule de son ami

Les quatre amis rirent un bon coup pour expulser la pression, puis firent leurs sacs et reprirent
leur route à travers les plaines d’Orrin, en direction des montagnes Seldszar.

Le voyage à travers les plaines et les montagnes avait paru durer une éternité pour Aerin. Elle n’avait qu’un seul souhait, retrouver sa famille au plus vite. Au bout de dix jours de marche, les deux elfes se retrouvèrent devant une imposante muraille,en pierres blanches. Le mur était formé en demi-cercle et était incrusté dans la montagne qui le surplombait. Lorsqu’ils approchèrent de la grande porte, ils entendirent sonner les cors. La lourde entrée s’ouvrit peu à peu, laissant paraître les premières maisons aux yeux des deux jeunes elfes. Ils s’avancèrent pour entrer. Aerin marchait lentement, timidement. Lorsqu’ils passèrent la porte, une troupe composée de dix gardes vint à leur rencontre et les escortèrent à travers les ruelles en direction du palais royal.
La jeune fille redécouvrait son terrain de jeu d’enfant. Cette ville respirait la sérénité, tous ses habitants semblaient heureux, il n’y avait jamais eu de conflits entre ses citoyens elfiques. Les maisons ne semblaient pas avoir été construites à des emplacements particuliers, mais plutôt disposées çà et là, selon le gré des architectes du royaume, resserrées, formant un gigantesque labyrinthe qui parcourait la ville entière. Étant enfant, Aerin aimait courir dans ces petits chemins de gravier, grimper sur les toits pour admirer la vue de l’extérieur, se faufiler à travers les petites entrées percées un peu partout dans les murs, donnant elle ne savait où. Elle s’imaginait un destin d’aventurière, s’attaquant au lierre qui s’incrustait sur les parois des maisons pour pouvoir dévoiler un passage secret ou quelconque mystère. Les cerisiers en fleurs trônaient dans toutes les ruelles, parfois adjacents à des puits en pierre aujourd’hui inutilisés.
A présent les elfes montaient dans la grande allée du royaume. Celle-ci était faite de pavés plats, grisonnants et menait au château.

-Nous sommes arrivés, Aerin. lança Lothiel, tirant l’elfe de ses contemplations

Celle-ci tourna son visage vers le palais et l’admira. C’était comme si elle n’était jamais partie. Elle n’avait pas oublié cette grande entrée en bois, parée d’ornements en argent. Elle n’avait pas oublié cette grande façade blanchâtre décorée de statues représentants les différents rois et reines ayant gouverné. Elle n’avait pas non plus oublié les petites fenêtres qui offraient si peu de lumière à l’intérieur de la bâtisse. Malgré tout, ces souvenirs-là semblaient lointains. Comme un rêve étranger. Néanmoins cette façade elle ne pouvait l’effacer de son esprit car elle renvoyait un sentiment de tristesse en continu, ce qui perturbait la jeune fille depuis toute petite.
Aerin n’était jamais entrée. Lorsque les gardes dégagèrent le passage, elle explora les environs de ses yeux écarquillés, pendant que Lothiel avançait d’un pas décidé vers le roi, assis sur le trône au bout de la pièce. Cette pièce semblait étrangement vide aux yeux de la jeune fille. Très large, elle n’était décorée que de quelques tapisseries anciennes aux murs et certaines statues de nymphes étaient déposées stratégiquement. L’elfe tressaillait. Ce lieu n’était pas amical. Elle qui avait tant l’habitude de la vie au château si vivant du Capitaine Drake, ne se sentait pas la bienvenue ici. L’air y était froid et humide, comme si les portes étaient restées fermées aux habitants depuis trop longtemps.

-Tu ne sembles pas ravie de ta présence en ce lieu. dit Lothiel, toujours en train de fixer son père, marchant dans sa direction

-Je n’étais jamais venue. J’avais toujours imaginé des ornements spectaculaires, des lustres en cristal, des tableaux accrochés aux murs représentant des paysages incroyables, un sol en marbre. Cette pièce est trop .. trop…

-Cet endroit est trop sombre pour toi. compléta l’elfe sans un regard, comme s’il pouvait la voir sans la regarder

-C’est ça. répondit-elle dans un souffle, reportant son regard sur ses yeux bleus azur

Comment faisait-il pour la comprendre si bien. Était-elle si transparente pour lui … La première fois qu’il l’avait vue, il avait lu en elle comme dans un livre ouvert. Elle n’oublierait jamais les paroles qu’il avait prononcé ce jour-là :

‘’Tu es troublée.
Ton cœur semble troublé, je le vois.’’

Il avait raison. Elle était troublée en ce temps. Aerin n’avait pas su l’expliquer, mais elle avait sentit que la journée allait apporter quel qu’incident dans le château.
Ils étaient arrivés devant le roi Nerasten. Le trône était surélevé, sur une estrade. Lothiel posa un genou à terre et baissa la tête après avoir lancé un regard à la jeune fille pour lui indiquer de l’imiter, ce qu’elle fit sans attendre.

Le jeune homme entama la discussion.

-Nin ada, gar maba in sell man gar thel.

Aerin se questionnait. C’était donc bien le roi qui avait demandé à ce qu’elle soit escortée jusqu’ici …

-Garn. Car in dol.

Lothiel se releva et pivota vers la jeune fille.

-Il veut que tu le rejoignes.

-J’avais compris.

Elle se leva lentement et se dirigea vers le roi sans le regarder. Il l’impressionnait et inspirait même une certaine crainte dans le cœur de l’elfe qui le sentait se serrer. Aerin tenta un regard. Le roi Nerasten était un elfe d’une taille normale, la peau et les cheveux plutôt longs.

-‘’De la même couleur que son fils’’, observa-t-elle.

Il arborait un large sourire amical, contrairement à ses yeux. Son iris était d’un bleu foncé, presque trop sombre pour en distinguer sa couleur. On pouvait voir comme des étincelles traverser ses pupilles lorsqu’il esquissait un sourire. La fille s’approcha et se planta devant le trône, priant ses jambes de ne pas flancher. En cet instant, elle ressentait vraiment le vide que laissaient ses amis. Elle tenta une question d’une voix timide.

-Vous m’avez faite demandée, mon roi ?

-Oui … Je ne sais pas si mon fils t’as expliqué la situation mais, il semblerait, que les elfes noirs soient à nos portes, en l’attente d’une certaine vengeance.

Il parlait d’une voix grave et très monotone, d’un rythme assez lent.

-Je suis au courant de ce qui se passe et je me joindrai à vous le temps venu. répondit-elle d’une voix claire et décidée

-Bien. Je n’en attendais pas moins de celle qui a remporté le combat contre mes meilleurs archers. indiqua le roi en regardant son fils. Peut-être pourrais-tu entraîner le gamin.

Lothiel se sentit insulté.

-Je n’ai pas besoin de ..

-Cela suffit. Allez-vous en.

Aerin, étonnée de la réaction de l’homme resta plantée là, fixant les yeux de son interlocuteur. Elle sentit une main qui lui attrapa le bras et la tira en arrière. Elle se retourna et suivit Lothiel en dehors du château.

-‘’Quel être bizarre. Cela fait des jours qu’il n’a pas vu son fils, et il ne semble pas s’en soucier.’’

Elle qui arrivait si bien à cerner les gens elle ne parvenait pas à déchiffrer le souverain de sa cité et cela l’agaçait. Une petite voix la sortit de ses pensées.

-Tu reviens à la maison ?

Aerin chercha le corps qui correspondait à cette remarque. Une jeune elfe d’une petite dizaine d’année se tenait accrochée derrière une des statues extérieures, faisant dépasser sa tête de quelques centimètres. Elle observait les deux adolescents de ses yeux malicieux. L’adolescente laissa échapper un soupir.

-Eiliniel …

-Aerin ! Aerin ! lança la petite fille en courant se réfugier dans ses bras

Aerin attrapa sa jeune soeur et la souleva dans les airs.

-Petite canaille, tu nous observe depuis longtemps ?

-Tu me présente ce petit ange ?

La jeune femme reposa la petite fille au sol.

-Lothiel, je te présente le diablotin de cette ville, ma petite sœur ! répondit Aerin en souriant, pendant que la petite se cachait derrière son dos

Lothiel s’agenouilla.

-Et bien c’est le diablotin le plus angélique que j’aie jamais vu ! lança-t-il, taquinant la petite elfe du regard, ce qui lui esquissa un léger sourire et la fit faire un pas de côté.

Elle regarda sa sœur, comme cherchant son approbation. Aerin lui sourit simplement. Ce code avait été établi entre les deux sœurs, pour qu’Eiliniel évite de faire de mauvaises rencontres. Alors qu’il ne s’y attendait pas, la petite courut vers Lothiel et lui toucha l’épaule avant de continuer sa route en descendant la grande allée, qui la ramena bien vite dans le bourg et son labyrinthe de maisons.

-Que suis-je sensé faire ? demanda l’elfe, un peu perdu.

Il n’avait pas l’habitude des jeux d’enfants.

-Il faut la rattraper ! Viens, suis-moi je sais où elle se cache !

Aerin se mit à rire puis prit Lothiel par la main pour le tirer vers elle. Les deux elfes dévalèrent l’allée en courant, parfumée des cerisiers de chaque côté, puis se retrouvèrent dans le centre. Aerin, qui était maintenant en tête et avait lâché son compère, se faufila dans le trou d’un mur. Ils se retrouvèrent dans un petit jardin. De là, ils grimpèrent aisément à un arbre et la jeune femme bondit dans le vide et se rattrapa sur le toit d’une maison adjacente, avant de lancer un regard à son kidnappeur. Celui-ci hésita un instant.

– »Cette fille va finir par me tuer … »

Il finit par se lancer et se retrouva aux côtés d’Aerin, toujours souriante. Elle adorait parcourir les toits des maisons et se faufiler dans tous les recoins des petites ruelles pavées. Ils sautèrent de toit en toit vers les remparts de la ville. Arrivés devant une maisonnée ils sautèrent pour descendre et s’arrêtèrent un instant. Lothiel reprit son souffle, peu habitué à de telles courses.

-Et maintenant ? demanda-t-il les mains sur les genoux

Aerin lui lança un regard malicieux, puis se dirigea vers le mur.

-Maintenant je te fais découvrir ton royaume, mon prince ! se moqua l’elfe avant de disparaître à travers le mur

Les yeux s’écarquillant de plus en plus, le jeune homme s’avança lentement vers la maison. Il avança la main vers le mur, puis en tâta sa matière. Il le toucha d’un doigt, et y laissa des rides se former, avant qu’une main ne sorte et lui attrape le poignet, le tirant de l’autre côté. Redoutant le pire il ferma les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, le monde autour de lui avait changé, les maisons n’existaient plus, et à la place on pouvait voir un pré s’étendre à perte de vue. Le sol était entièrement recouvert de fleurs et de pétales tombés des cerisiers éparpillés. Lothiel fit un tour sur lui-même. La clairière n’en finissait pas, tout ce qui était distinguable c’étaient les pétales déposés au sol. Il remarqua une petite cabane en bois, sur pilotis, avec une petite tête rousse qui en dépassait et regardait les deux elfes avec sa paire de grands yeux verts malicieux.

-C’est incroyable … s’époustoufla Lothiel

-C’est le monde de ma sœur. Et c’est aussi un peu chez moi. Tu sais, quand mes parents se disputaient certains soirs j’emmenais Eiliniel ici avec moi, pour la protéger de tout ça. Son cœur d’enfant devait rester intact pour qu’elle continue de rêver. Ici tout reste tel quel, rien ne bouge. C’est son havre de paix. Et je veux que ça le reste, alors s’il te plat n’en parle pas.

-Ne t’inquiètes pas je ne dirai rien ! répondit-il en lui souriant. Comment vous avez trouvé cet endroit …

-A vrai dire, totalement par hasard ! Ma petite sœur voulait me donner un panier de pommes mais, comme à son habitude, elle courait. Elle a trébuché et les pommes ont roulé vers la maison et sont passées une par une à travers le mur.

Elle contait son histoire pendant qu’ils avançaient vers la cabane.

-Un vrai coup de chance ! fit-il en lui lançant un grand sourire

Aerin lui rendit son sourire et reporta son attention sur le petit elfe.

-Voudriez-vous descendre jeune fille ? lança Lothiel à la petite

Aerin étouffa un gloussement, ce qui le fit rosir.

-Désolée, c’est ta façon de parler qui me fait sourire.

-On m’a toujours parlé de cette manière…

-Ce n’est qu’une enfant, elle n’a pas besoin qu’on enrobe tout dans du papier de soie tu sais !

Elle dit cela en allant réceptionner sa sœur qui s’élançait de la petite maisonnette de bois. Elle revint avec la petite dans les bras.

-Allez on rentre. dit Lothiel en souriant doucement à Eiliniel

Le soir était arrivé sur la vallée. Lothiel avait raccompagné les deux sœurs et était reparti vers le château retrouver son père. Au coin du feu, les filles se réchauffaient pendant que leur mère préparait le dîner et que leur père s’entraînait au combat au sous-sol depuis des heures. La jeune fille sentait une peur s’installer dans son cœur. Les elfes noirs ne tarderaient pas à déclarer une guerre de vengeance à sa tribu et elle se demandait où étaient ses amis. Est-ce qu’ils la cherchaient ?

– »S’ils se trouvent sur le chemin des elfes noirs … »

Elle tressaillit et chassa cette pensée de son esprit. Elle ne devait pas y penser. Un poids s’affaissa sur ses genoux. Sa sœur tombait de sommeil. Elle la porta et alla la coucher au premier. Leur chambre était plutôt petite, mais cela n’avait jamais dérangé la jeune fille. Le lit de la petite se trouvait près de la fenêtre et le sien contre le mur adjacent. Une grande armoire en bois trônait contre un mur et un petit meuble avec un miroir était posé contre celui d’en face. Aerin redescendit pour manger puis alla se poser sur un des arbres de son jardin, en sautant du balcon, gardant un œil sur la petite endormie. L’esprit paisiblement emporté dans ses songes, celle-ci souriait légèrement alors que ses bras se resserraient autour de son oreiller. Aerin semblait se revoir en elle. Les mêmes cheveux. Les mêmes yeux pleins d’étoiles, bien que ceux d’Eiliniel respirait la malice et la jovialité. Elle avait encore les pommettes discrètement relevées et un ventre un peu bombé. Elle avait toujours cet aspect d’enfant qu’Aerin avait toujours connu. Le lendemain matin, la jeune femme fut réveillée par son père qui la secouait.

-Aerin … Aerin ! Descends dépêche-toi !! fit-il avant de sortir sans fermer la porte.

A peine éveillée, le jeune fille se changea et retrouva ses parents à l’étage du dessous après avoir jeté un coup d’œil à la petite rousse qui dormait encore. Des gardes se tenaient devant la maisonnée et formaient une allée composée de trois gardes en file de chaque côté. Le septième garde, certainement le plus haut gradé pensa Aerin, s’approcha.

-Veuillez nous suivre.

Elle marcha alors et sortit de la pièce pour partir vers le palais, un garde ouvrant la marche et l’autre la fermant. Ils s’avancèrent dans le grand hall carrelé du château. L’elfe continua sa marche puis mit un genou au sol en baissant la tête.

-Vous m’avez faite demandée ?

-En effet. J’irai droit au but, le seigneur des elfes noirs m’a ordonné de vous livrer ce soir. Vous allez mourir j’en suis … navré.

Aerin pouvait sentir le rictus se former au coin des lèvres de l’homme sans même devoir le regarder. Elle tenta de s’exprimer.

-En quoi cette histoire me concerne-t-elle mon roi ?

-JE N’AI QUE FAIRE DE VOS QUESTIONNEMENTS !!

Ses mains s’étaient posées sur les accoudoirs du trône et son buste s’était avancé vers la jeune fille. Il parlait d’un chuchotement enragé à présent.

-Il se trouve que je suis tout à fait disposé à faire couler votre sang … Par ailleurs, je compte bien éliminer tous vos chers amis également …

Aerin se releva pour le regarder dans les yeux et pouvoir enfin voir son interlocuteur, dont elle avait évité le regard depuis son entrée dans la pièce. Elle mit un pied en arrière. La totalité du globe de son œil était empli d’une fumée opaque et noire, alors que son sourire était cruel et perverti d’horreur. Il appuya sur ses mains pour se lever avec difficulté et se mettre à hauteur de la jeune femme. Il s’avança vers elle dans un effort, elle ne bougeait plus d’un cil tandis qu’il plaçait son visage à quelques centimètres de celui de la jeune fille et continua à susurrer.

-Enfermez-là. ordonna-t-il d’un geste de la main

Aerin, toujours sous le choc, se fit jeter dans les cachots. Elle gardait les yeux grands ouverts pour ne pas revivre la découverte de l’expression cruelle de l’homme et soufflait pour faire retomber la pression qui l’avait subitement assaillie. Elle avait parlé au roi la veille et avait été agacée par sa façon de parler. Trop calme et trop posée, sa voix semblait toujours vouloir dévoiler quelconque secret et énervait la jeune femme. Elle se rappelait d’un elfe serein néanmoins, pas d’une personne lunatique et pervertie par le sang. Il semblait comme … possédé, et entièrement vidé de ses forces. Lothiel arriva quelques secondes plus tard et ouvrit la grille. Il l’aida à se relever.

-Est-ce que ça va ?

-Oui je … ton père !

-Je sais, quand je suis arrivée dans le palais il était évanoui face contre terre. Il a été porté dans sa chambre et alité.

Ils coururent pour sortir du château et Aerin pila net en apercevant sa sœur sur la terrasse.

-Qu’est-ce qu’elle fait ici ?!

-Très têtue la petite, j’ai pas eu le choix. tenta-t-il de se justifier en passant la main dans ses cheveux

La jeune femme la souleva tandis que Lothiel haussait les épaules. Aerin se rendit compte que le jeune prince avait changé de tenue. Son tee-shirt avait fait place à une veste longue et royale, brodée d’or, alors qu’un pantalon en tissu plus léger avait remplacé son jean.
Ils s’immobilisèrent un instant en entendant le clocher sonner l’alarme de la cité.
Les elfes noirs étaient arrivés.
Ils s’élancèrent vers la ville et montèrent sur les remparts imposants. Devant eux les plaines d’Orrin semblaient invisibles. Les elfes se tenaient là en criant, hurlant à la guerre et à la vengeance, réclamant la mort du royaume de Nerasten. Eiliniel, redescendue de son perchoir, ne voyait pas les êtres maléfiques, elle était trop petite pour que ses yeux innocents voient le monde extérieur et ne soient terrifiés par la vision de tant d’horreur et de cruauté. Une fois l’état de choc dépassé, Aerin reprit la petite dans ses bras et la porta ventre contre ventre. Même si elle n’apercevait pas les guerriers noirs, son ouïe elle restait parfaitement intacte et la peur commençait à serrer son cœur d’enfant lorsqu’elle agrippa sa sœur et l’enserra de ses jambes et de ses bras, enfouissant son visage dans le creux de son épaule. La jeune femme jeta un œil à Lothiel.

-Vas-y, dit-il, met là à l’abri.

Elle n’en attendit pas plus et s’élança dans les ruelles étroites, pour atteindre le portail magique et passer à travers. Les deux jeunes filles retrouvèrent le sol couvert de pétales roses pâles, ainsi que la petite cabane en bois. Aerin grimpa à l’échelle et s’agenouilla pour déposer sa sœur, qui elle ne voulait pas la lâcher et resserra son étreinte en agrippant le tee-shirt de la jeune femme avec ses doigts. Elle sentait la respiration rapide et saccadée de la petite qui enfonça encore plus son front dans le cou protecteur qui lui offrait un peu de sécurité. Elle était terrifiée. La rousse passa ses longs doigts fins dans la chevelure renard de la petite tête et déposa un baiser sur le haut de son crâne. Eiliniel passa ses mains devant et les referma en serrant les poings sur le buste de sa sœur. Aerin lui serra les épaules et l’écarta de son corps pour la regarder. Le visage de l’enfant perlait de larmes. Elle ne sanglotait plus et son visage se fermait à tout sentiment, alors que ses pupilles s’agrandissaient et ses lèvres restaient impassibles. Les gouttes glissaient toujours sur ses pommettes. Le bois grinça derrière la jeune femme. Aerin fit volte face à une extrême rapidité et plaqua l’intrus au sol en lui plaçant une lame sur le cou, faisant perler quelques gouttes de sang. L’inconnu avait la tête qui dépassait de la cabane et il ne bougeait plus, comme s’il ne voulait pas la brusquer. Elle allait lui trancher la gorge sans pitié quand elle reconnut la voix qui la calma soudainement.

-Aerin je … c’est moi …

Au fur et à mesure qu’il parlait sa gorge appuyait sur l’épée et un filet de sang glissait à présent. La lame se retira avec douceur pendant que la jeune femme évacuait la pression qui avait surgit lorsqu’elle avait cru sa sœur en danger.

-Désolée … , elle se releva et tendit une main à Lothiel qui la prit pour se redresser

-Plutôt agressif comme accueil ! répondit-il en passant ses doigts sur la plaie

-C’est juste que j’ai peur pour elle. Elle est si jeune. fit-elle en regardant sa soeur

Eiliniel s’avança timidement vers Lothiel et lui tendit un mouchoir de soie blanche qu’il prit en souriant pour arrêter le saignement sur son cou, avant de tourner ses yeux vers Aerin. Ils restèrent un moment comme cela, se comprenant par de simples regards. La jeune femme brisa le silence et s’adressa à sa sœur en s’agenouillant.

-On va faire un jeu d’accord ? On va jouer aux fugitifs. Je suis une marchande à qui tu as dérobé un sac de fruits et tu dois te cacher pour ne pas que je te trouve. Tu restes bloquée ici jusqu’à ce que je te trouve, tu veux bien ?

Pour simple réponse Eiliniel hocha la tête en la fixant de ses yeux ronds. Sans rien ajouter les deux elfes sortirent de la cabane après avoir fermé la porte, et s’approchèrent du portail en silence.

-Elle ne craint rien ici, Aerin. Elle ira bien. lâcha Lothiel

-Allons tuer les méchants tu veux ? répliqua-t-elle sans le regarder

Lothiel esquissa un sourire et ils passèrent à travers le mur. Ils se lancèrent en courant vers les remparts, se rapprochant des cris de tous elfes confondus. Les guerriers noirs avaient brisé une partie du grand mur grâce à un bélier et se faufilaient dans la cité, mais la plupart d’entre eux recevaient une flèche en pleine trachée dès leur intrusion. Presque tous les manieurs d’arcs de Nerasten se trouvaient sur les remparts et envoyaient des vagues de pointes dans le cœur, la gorge ou les poumons de leurs ennemis. Le reste d’entre eux étaient sur les toits et tuaient les elfes noirs qui réussissaient à passer cette pluie de flèches. Les soldats eux, réceptionnaient les êtres maléfiques qui échappaient aux archers et tranchaient les têtes noires sans retenue ou plantaient leurs lames dans leurs cœurs ténébreux. Bien qu’ayant un esprit de réflexion plutôt restreint, la puissance et la force des elfes cruels n’étaient pas négligeables et le trou dans le mur s’agrandit soudainement de plusieurs mètres. L’armée sombre déferla dans la cité, montant sur les remparts pour tuer les archers et permettre ainsi au reste de leurs guerriers noirs d’envahir la ville.

-‘’Si seulement j’avais mon arc !’’ se lamentait Aerin en essayant tant bien que mal de manier l’épée que lui avait prêtée Lothiel, qui lui faisait virevolter la sienne sans difficulté et tuait facilement.

Ils se retrouvèrent dos à dos, un peu éloignés des remparts, chacun son épée brandie devant soi. Entourés par une dizaine d’elfes noirs qui les regardaient en souriant cruellement, les deux adolescents cherchaient une faille alors que leurs ennemis se rapprochaient peu à peu. Les guerriers retenaient la plupart de l’armée maléfique mais certains êtres à la peau noircie les
esquivaient et se dirigeaient vers le palais du roi Nerasten, emportant leur désir de vengeance avec eux. Une troupe composée des elfes les plus doués et les plus agiles de la cité les attendait et bloqua le passage aux déferlantes de noirceur et de haine.
Les deux elfes se défendaient avec ardeur quand Jake bondit dans un vacarme au milieu du cercle et les aida.

-Vous vous êtes arrêtés en route ou bien ? lança Aerin à l’intention du guerrier qui sourit avant de massacrer les derniers elfes noirs qui les entouraient

Il la prit brièvement dans ses bras.

-Content de te voir aussi !

Lothiel s’éclaircit la voix.

-Ah. Jake, Lothiel. Lothiel, Jake.

Le guerrier le plaqua au mur, la pointe de son imposante épée sur la carotide du kidnappeur de son amie, qui posa une main sur son épaule.

-Il est avec nous, je t’expliquerai !

Jake retira sa lame et lui tendit la main

-Enchanté, moi c’est le garde du corps de l’équipe

-Euh … Enchan …

Lothiel fut interrompu par un petit groupe d’elfes noirs qui courraient sur eux. Le guerrier fondit vers eux en courant pour se défouler un peu et prêter main forte. Aerin et Lothiel se défendirent mais furent obligés de reculer à nouveau avant d’être bloqués contre le mur. Les lames ténébreuses se rapprochaient quand un rugissement profond se fit entendre et une énorme bête chargea les elfes noirs pour les lacérer de ses griffes et de ses crocs. Une voix résonna dans leur dos.

-Un peu d’aide ? cria Lyme du haut d’un toit avant de calciner le corps des êtres maléfiques qui arrivaient alors

Aerin lui sourit avant d’entendre Lia qui revenait sur ses pas. Elle s’approchait de Lothiel en grognant, tous crocs dehors, quand celui-ci ramena son épée devant lui. Elle le plaqua au sol et posa ses deux imposantes pattes avant pour appuyer sur ses poumons et son cœur en approchant ses longues canines du visage de l’elfe.

-C’est bon Lia, il ne nous veut aucun mal !

Toujours un peu méfiante, elle recula doucement et le laissa se relever en le regardant.

-Il faut que tu dises à tes amis qu’ils arrêtent d’essayer de me tuer … fit-il en se massant le cou, déglutissant avec difficulté

-Ça fallait y penser avant, prince de malheur. Au fait, quelqu’un a mon arc ?? ajouta-t-elle en regardant Lyme

-Oui Sharlyn l’a il me semble !

-Super ! Maintenant il faut la trouver … fit-elle avant de jeter un œil vers la masse grossissante des elfes noirs et blancs qui se battaient près des remparts

-Comment on perd un piaf de cette taille ? lança Lyme dans un souffle alors qu’ils la cherchaient du regard

-Bon. Et bien on y va ? interrompit Lothiel

Aerin, Lyme et Lothiel s’élancèrent vers les guerriers noirs, suivis par Lia qui chargea dans le tas, faisant voler quelques têtes sombres. L’armée de Nerasten éliminait courageusement les elfes noirs au fur et à mesure, mais ceux-ci se défendaient avec force et les morts se contaient aussi chez les archers et guerriers au cœur pur.
La jeune elfe s’occupait de les attirer par petits groupes un peu en dehors des remparts, où Lothiel les attendait avec son épée, alors que Lyme du se concentrer pour enflammer toutes les pointes des flèches des archers de Nerasten, ce qui lui demandait une quantité d’énergie non négligeable. Jake lui, en plein milieu de tous elfes confondus, se battait avec force et éliminait une bonne partie de l’armée noire.

-Aerin attrape !

La jeune femme leva les yeux au ciel pour voir Sharlyn lui lancer son arc. Elle se lança vers un mur, y prit appui et bondit pour prendre son arme en vol. Quand elle redescendit son assurance lui revint soudainement et elle put aider sa cité avec honneur. La bataille se déroulait depuis un bon moment déjà, le soleil prenait une couleur orangée au loin.

-Bon je commence à en avoir assez. Sharlyn enlève Jake de là ! cria le mage à l’intention de l’ange aux ailes noires qui fondit sur le guerrier pour lui prendre le poignet et l’ôter de la masse en guerre

Lyme joignit les mains devant lui et baissa légèrement la tête, les jambes écartés. Aerin connaissait la suite et se mit sur un toit avec Lothiel et Lia, redevenue humaine pour un moment et retrouvant son agilité féline.

-Dol in am-adab !! lança-t-elle

Les archers et guerriers de Nerasten lui obéirent sans poser de question et grimpèrent sur les maisons, alors que Lyme toujours sur son perchoir psalmodiait depuis un moment. Sharlyn rejoignit ses amis avec Jake puis se posa à leurs côtés.

-Je fais appel à la puissance de l’eau
Viens à nous, aide nous par ta force et resserre ton étau
Fais rage et emporte ses êtres maléfiques loin des cœurs purs de cette cité
Afin que la vie, sans peur, puisse prospérer.

Soudain le mage écarta les bras paumes vers le ciel et le silence se fit sur les remparts. Les elfes de toutes provenances se questionnaient sur la suite. Un grondement sourd se fit alors entendre au loin derrière Lyme, accompagné d’un léger ébranlement des maisons environnantes. Le bruit se rapprocha jusqu’à laisser apparaître une vague haute de plusieurs dizaines de mètres qui surplombait le palais. La puissante vague s’affaissa sur toute la ville dans un vrombissement assourdissant. Lyme se retourna de justesse et tendit les deux mains en avant. L’eau se heurta à la barrière que Lyme avait créée et fut contrainte de passer par le sol. Le courant accéléra en emportant sur son passage l’armée noire dans un grondement sourd. Les cris des guerriers se firent entendre encore plusieurs secondes avant de disparaître dans les plaines, noyés par l’océan qui était passé. Le silence se reposa sur la ville alors que l’eau finissait de s’évaporer par magie. Tous se mirent soudainement à crier à la victoire en même temps, sautant des toits et parcourant les ruelles pour prévenir la population.

-La prochaine fois commence par ça ! lança Jake en souriant au mage

Lyme lui tira la langue, trop essoufflé pour répliquer. Lothiel arborait un grand sourire puis l’effaça soudainement.

-Mon père ! lança-t-il en laissant son armée savourer l’instant
Aerin, Lia, Sharlyn, Jake et Lyme se dirigèrent vers le château en courant derrière lui.

Le roi Nerasten se leva de son lit, comme sortant d’un long sommeil qui lui avait paru durer une éternité. Il se dirigea vers le balcon et aperçut son fils et ses amis arriver, par sa fenêtre il avait une vue éclatée de la cité en joie. Il cherchait en vain une explication à ce manque de souvenirs et à ce trou dans sa mémoire qui lui empêchaient de trouver une explication raisonnable aux événements. Lothiel passa la porte dans un vacarme et courut vers son père.

-Comment allez-vous ?

-Je vais bien, ça va.

Il s’affaissa brusquement à terre en plaquant ses mains sur son crâne lorsque Lyme passa le pas de la porte. A genou et la tête relevée, l’elfe ne pouvait plus hurler tant la douleur lui était insupportable lorsque la fumée sombre de ses yeux sortit de sa pupille. Le nuage noir se dirigeait vers le mage qui lui ne pouvait plus bouger. Il entrouvrit la bouche et inhala la vapeur maléfique qui reprit possession de son corps et de son esprit. Un sourire amusé se formait au coin de ses lèvres alors le roi s’évanouissait. Avant que le mage ne puisse effectuer un seul geste ou prononcer une syllabe, Jake le frappa violemment à la tête et le fit tomber dans les vapes.

-Mais pourquoi tu … ? demanda Lia les yeux écarquillés

Le guerrier leva les mains comme pour se défendre.

-Désolé j’ai flippé !

-Bon, venez on va le porter chez moi. Lothiel, on se voit plus tard.

S’exécutant, Jake porta Lyme et ils se dirigèrent vers la maison d’Aerin où ils alitèrent le mage puis descendirent dans la pièce principale, s’asseyant avec ses parents. L’elfe sortit et partit chercher Eiliniel qui, heureusement, n’avait pas bougé de sa cachette et l’attendait toujours dans la petite cabane. Elle attrapa sa sœur au vol et elles revinrent retrouver leurs parents. La nuit portant conseil tout le monde partit se coucher.
Le lendemain les guerriers et archers du royaume s’affairaient en silence à porter une aide aux villageois pour enterrer les leurs avec dignité. Les pertes étaient lourdes mais l’armée des elfes noirs avait été vaincue, ce qui apportait un peu de réconfort à leurs cœurs. L’équipe avait été convoquée par le roi Nerasten et ils s’avançaient en ce moment vers le palais. Aerin fut surprise par la quantité de lumière qui illuminait la pièce. A sa première venue dans le château, elle avait été choquée par le manque de fenêtres, mais celles-ci étaient en fait masquées par d’énormes rideaux constamment fermés. Apparemment le roi avait changé d’avis et ils étaient grands ouverts pour laisser passer le soleil qui régnait dehors. Les statues avaient été enlevées et de grandes tables en bois les remplaçaient, avec des bouquets trônant dessus, invitant les villageois à entrer à leur guise. Le château respirait la joie et l’amusement.

-Mais c’est magnifique ici ! s’exclama Lia

-Effectivement ….. le roi a dû changer d’opinion …

Le roi n’avait pas changé seulement d’opinion. Il avait changé tout court. Lorsqu’ils arrivèrent au trône ils furent tous étonnés d’y voir Lothiel assis.

-Ah vous voilà ! il se leva et vint les saluer et les empêcher de se prosterner

-Mon roi, comment se porte votre père ? demanda Aerin, un peu soufflée

-Il va bien je te remercie. Il s’est décidé à me laisser prendre la relève et m’a raconté l’histoire d’un certain … Phényx ? Connaissez-vous ce nom ?

-Comme si je pouvais l’oublier. Cette pourriture vit dans ma tête maintenant. J’suis pratiquement sûr qu’il prend mon cerveau pour une caravane. Sors de là !!!! continua-t-il en se frappant le front

Lia l’arrêta et Sharlyn prit la parole.

-En effet nous le connaissons. En tant qu’ange, cette légende fait partie de mon héritage. Nous trouverons un moyen de l’arrêter. A commencer par savoir ce qu’il veut réellement.

Aerin posa une requête.

-Si vous me le permettez je voudrai partir avec eux. Ils auront besoin de moi.

-Très bien, je suppose que nos chemins se séparent donc ici ! Je tenais à vous remercier pour l’aide que vous nous avez apportée, ce royaume vous doit beaucoup.

Il se prosterna légèrement et revint s’asseoir, tous se dirent adieu avant de quitter le palais et d’observer la ville ensoleillé, sur la terrasse. Aerin fit un arrêt pour parler à ses parents et à sa sœur, avant de ressortir et de rejoindre ses amis. Emportant des vivres, des tentes et leurs armes sur eux, ils quittèrent la cité de Nerasten pour revenir au château du Capitaine Drake.

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