L’odeur avait disparu. La foule aussi. Il était dans la machine à l’endroit où il était parti. Pendant un instant, il crut qu’il n’était jamais parti, qu’il avait simplement perdu connaissance quelques instants, mais il n’avait plus les feuilles sur lui. Il n’avait plus de vêtements non plus. La montre de Larry Two avait disparu elle aussi. Il était nu comme un ver dans ce maigre espace de métal. Ses souvenirs étaient flous, seulement des sensations. Il avait l’impression qu’il ne fallait surtout pas se rappeler certains détails.

Ça lui revint d’un coup comme une claque dans la figure. Le double meurtre, l’énorme pistolet et son porteur. Son visage était… le sien. Le tueur était âgé, mais c’était Unn, il en était sur. Unn tuant Unn pendant que lui-même observait la scène. Il crut sentir une migraine similaire à celle d’après le coup de feu dans ses oreilles. Il y avait un lui-même de trop dans l’affaire. D’où pouvait bien venir cet autre Unn, alors que l’on ne pouvait voyager que dans un sens ? Il ne pouvait donc normalement n’y avoir que deux Unn dans un même temps. Il réfléchit un instant avant de se dire que la question était peut-être d’abord de savoir où il se trouvait présentement.

Il ouvrit tant bien que mal la porte de la machine et glissa sa tête au dehors. Il fut frappé par le calme de la pièce. Il n’y avait personne au dehors, rien que lui, sa machine et un silence pesant. Il examina les alentours et reconnut le temps qu’il avait quitté, son temps. Tout ce qu’il avait laissé avant son départ était là, sauf son ami Larry. Regagnant sa chambre, il s’habilla en vitesse avant d’aviser une feuille où l’on avait griffoné quelque chose :

« Nonn. J’espère que tu as réussi à sauver tes futurs toi. Je ne sais pas si tu liras ça ; si tu le fais, c’est que tu as réussi à revenir ce qui est encore plus dingue. Dans tous les cas, ne me cherche pas. Je n’ai pas envie que tu ais à ramasser ce qu’il reste de moi. Et par pitié, je n’osais pas t’en parler vu que ça semblait impossible, mais ne rencontre pas Larry Three, le Larry de ce temps. Epargne-le de toute cette histoire ! Bonne chance pour la suite ! Larry Two »

Il était donc parti. Parti mourir loin de la vue des autres, à un endroit où son corps ne dérangerait personne. Nonn, bien qu’il s’y attendait en le voyant si faible avant son départ, se rendit compte d’à quel point il s’était attaché à lui. Il serait parti à sa recherche s’il ne se sentait pas dans l’urgence de sauver la boucle suivante. Et de comprendre. Comment était-il revenu ici ? Qui étaient tous ces gens dans sa chambre ? Et pourquoi le Unn du quatrième temps avait été assassiné ? Nonn détestait se poser des questions et préférait aller chercher des réponses, ainsi se précipita-t-il vers sa machine sans rien emporter et appuya-t-il sur le bouton sans plus de cérémonies.

**

A nouveau, l’odeur fut la première chose qui le frappa ainsi que la chaleur qui la décuplait. Il n’était pas arrivé au même endroit de la chambre. Autour de lui, ça s’agitait tellement qu’il ne pouvait y distinguer quoique ce soit. La seule chose qu’il put remarquer fut qu’une grande partie de la foule était nue, sans que cela semble déranger quiconque, pour le peu qu’il pouvait en voir. Il tenta un pas en avant, mais fut immédiatement mis à terre par quelqu’un qui se jetait sur le lit de Unn. Il entendit l’homme lui lancer un « pardon » malgré le tumulte et, relevant la tête, observa les alentours du mieux qu’il pouvait. Tous ne bougeaient pas. Dans les coins et contre les murs se trouvaient de nombreuses personnes immobiles, habillées ou non, qui regardaient simplement. Il vit quelqu’un encagoulé qui se déplaçait avec une facilité déconcertante dans la foule, évitant tout le monde et se précipitant hors de la pièce. Il voulut le suivre, mais une détonation retentit à sa droite, si forte qu’il fut sonné quelques instants. En observant mieux la scène, il vit l’homme au pistolet arborant son visage tordu par un sourire qu’il ne connaissait pas, et en dessous, il se vit encore une fois, les mains sur les oreilles.

Et tout à coup, celui qui avait les mains sur les oreilles disparut, ses vêtements chûtant avec legerté au sol. Nonn fut choqué par cette disparition soudaine et le coup de poing qu’il reçu d’une personne inconnue le fit sombrer dans un océan de ténèbres.

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Il se réveilla à nouveau dans la machine, dans la troisième temporalité. Il était désemparé par ce qu’il avait vu. Il était trop tôt pour en être sur, mais s’il s’était vu, lui-même, disparaître comme il avait du le faire à son premier voyage. Cela voulait peut-être dire que toute la foule… était constitué de lui-même.

Nonn se servit un bol de céréales et se posa pour y réfléchir. C’était fou, mais possible. S’il était le seul à réussir à revenir dans son temps, alors ça ne pouvait être que lui. L’idée lui plaisait curieusement. Un sourire émergeait sur son visage alors qu’il se représentait en costume à sauver la Quatrième. Il était sur qu’il était un super-héros et que ceci était son moment. Sa première quête était de se sauver lui-même, mais bien d’autres suivraient.

Il alla dans sa chambre pour s’habiller en se demandant quelles couleurs utiliser pour son costume. Et quel titre ? Fourth Saver ? Time Lord ? Mad Scientist ? Ou juste Nonn ? Il finit par se dire que personne ne serait impréssionné s’il arrivait avec son rôle tout préparé dans la Quatrième pour être roulé sur le sol et piétiné comme ça c’était déroulé jusqu’à présent. Il lui fallait de l’entraînement. Voilà pourquoi il y avait tant de monde là-bas. Sans réfléchir à un quelconque style, il s’habilla en vitesse et se rendit de nouveau à la machine. Il faillit lancer le voyage avant de se raviser. Il fallait un plan. Il devait s’entraîner à beaucoup de choses, mais tout en même temps c’était sans doute stupide. Il choisit d’esquiver tout le monde tant qu’il le pouvait et d’observer la scène sur le premier promontoire qu’il trouverait. Il retint son souffle avant d’enfonçer le bouton.

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