Krolt avançait d’un pas alerte dans les couloirs du palais. Il avait reçu la convocation au petit matin, une invitation à se rendre dans les quartiers des gardes pour y rencontrer le chef. Ce jour, il le savait, serait quoiqu’il arrive le plus important de sa vie. Cela faisait plusieurs mois qu’il préméditait ces événements, jusqu’à présent tout c’était passé -presque- comme il l’avait prévu. Il y avait juste cette histoire d’écriture qui était venu contrecarrer ses plans, mais si ce qu’il avait prévu pour y remédier avait marché, ce soir il serait le nouveau roi de Mirindin.
C’est à la mort de Joram IV que cette idée lui était venu à l’esprit. Pourquoi serait-ce toujours les même qui accèdent au trône ? Il avait décidé que l’heure du changement avait sonné, un changement positif… pour lui en tout cas. Pendant des semaines entières, cette idée avait germée dans son esprit jusqu’à devenir une obsession. Il avait tout élaboré, tout planifié, la seule chose qui lui manquait était un moyen de tuer le prince sans éveiller les soupçons. Quand Julian était venu le défier dans l’arène, il avait alors sauté sur cette opportunité inespérée. Étant le chef suprême des souterrains, il savait que personne ne le dénoncerait. Il lui avait fallu, le soir, avec l’aide de fidèles complices, remonter le corps dans le bureau du prince où, sur place, il avait trouvé le sceau princier et en avait profité pour rédiger la lettre qui le ferait devenir roi.
Tandis qu’il avançait dans le dédale de couloir du palais, il sentait une vague d’inquiétude monter progressivement en lui. Alors qu’il traversait une des nombreuses cour intérieure, une voix l’interpella derrière lui.
–Krolt, attendez-moi !!
Le chef des souterrains s’arrêta et se retourna pour faire face au prêtre Morgan.
–Que voulez vous mon père ? Interrogea-t-il.
Le prêtre s’arrêta a quelques pas de lui. Il mit ses mains sur ses hanches et essaya de reprendre son souffle avant d’enchaîner.
–Vous aidez, dit-il en se redressant, laissez moi venir avec vous, vous aurez besoin de mes services.
–Je ne vois pas en quoi un prêtre pourrait-il m’être utile en ce moment-ci, rétorqua Krolt.
–Détrompez vous mon brave, avoir avec soi une personne qui inspire confiance aux autres ne pourrait vous être que bénéfique.
–Je ne savais pas que vous faisiez parti des gens qui inspire confiance aux autres, répondit Krolt avec sarcasme.
Morgan sourit de cette pique puis reprit.
–Vous n’avez peut-être pas confiance en moi, mais le chef de garde si. Il me fait confiance, mais surtout il m’écoute.
–Ravi de l’entendre,répliqua Krolt, maintenant si vous êtes venus vanter vos relations sociales, je n’ai guère de temps à vous consacrer. Sur ce, bonne soirée à vous mon père.
Krolt tourna les talons et commença à s’éloigner.
–Vous ne comprenez donc rien, dit le prêtre derrière lui.
Il se retourna et fixa Morgan en attendant la suite.
–Le chef de la garde vous a convoqué car il a trouvé les lettres que vous avez si soigneusement caché dans le bureau de notre regretté prince et il a des soupçons. Seul, vous n’avez quasiment aucune chance de le convaincre. Cependant, si moi je vous appui et vous soutient, il ne se doutera plus de rien. Après tout, qui oserait prétendre qu’un vénérable prêtre mentent ? Krolt, si vous voulez ce trône, vous devez me laisser venir avec vous.
Krolt et le prêtre se défièrent du regard de longues secondes. Morgan affichait un sourire complaisant et ses yeux exprimait sa détermination.
–Je vous préviens, finit par dire Krolt, vous parlerez quand je vous le dirais, sans quoi je me ferai un plaisir de raccourcir votre existence.
–Je suis mort de peur, répliqua Morgan.
Les deux hommes se mirent en marche et se dirigèrent vers les quartiers des gardes. Marchant en silence, Krolt n’était pas d’humeur à parler. S’il l’avait accepté, la présence du prêtre Morgan à ses côtés l’angoissait un peu mais il devait admettre que celui-ci lui serait bien utile pour convaincre le chef de la garde royale.
Habitué aux souterrains, qui était un lieu vivant et chaleureux, ce palais lui paraissait bien vide. Depuis qu’il était monté, il n’avait vu guère plus de trois personnes.
Ce silence l’oppressait. Quand il serait roi, il ferait en sorte que ce palais ne soit jamais vide, de jour comme de nuit.
Quand ils arrivèrent devant la porte, il se tourna vers le prêtre.
–Rappelez vous de ce que je vous ai dit et tout ce passera bien pour vous, le menaça t-il.
Le prêtre ne prit même pas la peine de lui répondre ni même lui adresser une regard.
Krolt ouvrit la porte et les deux hommes entrèrent dans les quartiers des gardes puis se dirigèrent vers l’escalier. Dans cette pièce il n’y avait pas âme qui vive. Krolt commençait vraiment à se lasser de ces endroits entièrement vide.
Il accéléra le pas et descendit l’escalier qui menait au bureau du chef des gardes royaux. Celui-ci était debout devant une étagère et finissait de ranger un dossier. Il portait la tenue traditionnelle des lieutenants de la garde, un long habit rouge qui descendait jusqu’au milieu des cuisses, avec sur le torse, le lion symbolique du pays. Sous cet habit, il portait en permanence une petite cotte de maille pour se protéger d’une éventuelle attaque.
–Monsieur, me voilà comme convenu, dit Krolt.
Tom, le chef de garde se retourna et regarda les deux hommes. Sous ses courts cheveux roux mal coiffé, ses yeux était d’une intensité à faire plier une cuillère avec un simple contact visuel.
–Bonsoir Krolt, répondit-il, prêtre Morgan, mes salutations.
–Bonsoir Tom, répondit Morgan.
–Asseyez vous je vous prie, dit Tom en leur désignant les deux chaises devant son bureau, Krolt, vous savez sûrement pourquoi je vous ai fait venir ?
–J’en ai ma petite idée, oui.
Tom s’assit à son tour.
–Lors de notre précédente rencontre, vous m’aviez présenté une lettre du prince ordonnant votre couronnement.
Il prit une petites piles de lettres posés sur son bureau et les agita en l’air.
–J’ai en ma possession de nouveaux éléments, dit-il.
–Puis-je savoir quels éléments avait vous ? Demanda Krolt.
Tom laissa retomber les lettres et croisa les doigts.
–Des lettres avec la même écriture que sur celle que vous m’aviez donné, portant elles aussi le sceau princier.
Krolt regarda le chef de la garde royale qui fixait désormais le prêtre Morgan. Tom tourna la tête et reprit le contact visuel avec lui.
–Il y a cependant un petit souci, continua-t-il.
–Ah bon ? S’étonna Krolt.
–Oui, bien qu’il y est le sceau princier et la même écriture que sur votre lettre, ce qui vous donnerait raison si on en restait là. Il y a cependant un petit détail qui me trouble au plus haut point. Vous voyez, dit-il en exposant les lettres face à Krolt et Morgan, la même date figure sur toutes les lettres que nous avons trouvé dans le bureau du prince, or, à cette même date le prince était en déplacement dans un village voisin toute la journée et y a également passé sa nuit. Il n’aurait donc pas pu les écrire ce jour-là.
Krolt déglutit, la situation lui échappait, son seul espoir désormais était le prêtre Morgan. Il tenta tout de même une timide explication.
–Peut-être les avait-il rédigés la veille, avança-t-il.
–Je ne pense pas non. Krolt, vous voulez savoir ce que je pense ? Vous les avez rédigés vous même ces lettres. Comment expliquez vous que nous ne les avions pas trouvé le jour de sa mort quand nous avons fouillé son bureau ?
Désormais, de la sueur dégoulinait du front de Krolt. Comment avait-il pu laisser passer des détails pareils ? Du travail de débutant ! A côté de lui, le prêtre Morgan se racla la gorge.
–Si je puis me permettre, j’aimerais apporter quelques précisions, dit celui-ci, monsieur Krolt ici présent, prétend avoir reçu de la main du prince, une lettre l’intronisant à la tête de ce pays. Mais l’écriture de cette lettre diffère en tout point à l’écriture du roi. Monsieur le chef de la garde, si je ne m’abuse, vous étiez présent lors des funérailles du prince ?
–Bien entendu, répondit-il.
–Vous avez donc dans ce cas entendu mon discours ?
–Un très beau discours prêtre Morgan, je vous en félicite.
–Merci, mais revenons à notre situation. Krolt maintient que le prince lui a signé une lettre de passation de pouvoir. Krolt, pouvez-vous jurer sur la tombe du défunt prince que c’est bien lui en personne qui vous l’a remise ?
–Est-ce vraiment nécessaire ?
–Évidemment, je ne vous le demanderai pas le cas contraire.
–Si ça peut vous faire plaisir, dit Krolt sans conviction, je jure sur la tombe du défunt prince que c’est bien lui qui a rédigé ces lettres.
–Tom, vous souvenez-vous du message de mon discours ? Demanda Morgan.
–Oui en partie, répondit le chef de la garde royale.
–Pouvez-vous je vous prie, nous faire un petit rappel de ce message ?
–Vous parliez du devoir de mémoire que nous nous devions d’avoir envers le prince et de véhiculer l’image d’un homme bon et sage, récita Tom.
–Et ? Insista Morgan.
–Et de punir toute personne blasphémant sur la mémoire du prince.
Krolt ne voyait pas bien où le prêtre Morgan voulait en venir, pourquoi toutes ces questions ? Il tourna la tête vers Morgan qui lui fit un clin d’œil.
–Confirmez vous ces dires Krolt ? Lui demanda-t-il.
–Je confirme mon père.
–Où voulez vous en venir Morgan ? Demanda Tom.
–Ne soyez pas si pressé Tom, nous allons y arriver. Donc Krolt, mon cher ami se trouvant à ma gauche, je le cite, à dit : «  Je jure sur la tombe du défunt prince que c’est bien lui qui a rédigé ces lettres ».
–Cessez de tournez autour du pot Morgan !! Cria Tom, et dites ce que vous avez à nous dire.
–Voilà un homme bien pressé dîtes moi. Sommes-nous pas bien ici tous les trois ? Demanda Morgan avec un grand sourire qui avait le don d’irriter Tom. Mais bon, vu que monsieur est pressé. Vous vous rappelez sûrement que je suis venu vous voir hier pour vous dire que quelqu’un c’était introduit dans mes appartements ? Et que cette personne m’avait dérobé quelque chose de très important ? Tom, j’ai le plaisir de vous annoncez avec certitude que cette personne se trouve devant vous.
–Quoi ? Vous vous êtes cambriolé tout seul ? Demanda Tom, surpris.
–Vous m’étonnerez toujours mon cher Tom, je voulais bien évidemment parler de la personne se trouvant à côté de moi en ce moment même.
Krolt faillit s’étouffer en entendant ce que le prêtre Morgan venait de dire.
–Prêtre Morgan, vous êtes devenu fou ou quoi !? S’écria-t-il
–Je vous remercie de vous inquiéter pour ma santé mentale Krolt, mais ne faîtes pas l’innocent. Alors, comment trouvez vous mes appartements, confortable n’est-ce pas ?
Krolt allait répliquer quand un garde fit irruption dans la pièce, une lettre à la main.
–Ah, j’ai failli oublier ! Krolt vous ne m’en voudrez pas, mais je me suis permis d’envoyer ce brave garde fouiller votre bureau.
Le prêtre Morgan se tourna vers le garde.
–Merci Quentin, je te remercie. Maintenant passe la lettre à ton chef je te prie.
Quentin obéit et remit la lettre à Tom puis repartit aussitôt.
–Avant que vous n’ouvriez cette lettre Tom, dit Morgan, il faut que je vous dise la vérité sur Krolt. Il a ce soir commis un acte de haute trahison. Laissez moi vous dire, que ces lettres sont falsifiées. Mais ça, vous le savez déjà. C’est Krolt lui-même qui les a rédigés, lui-même qui les a placés dans le bureau de notre regretté prince et encore lui qui s’est introduit dans mes appartements me voler cette lettre que vous tenait entre vos mains. Pour finir, c’est également ce traître qui a assassiné Julian pour s’emparer du trône. En faisant cela, il a trahi la mémoire du prince mais aussi son pays.
»Ah et une dernière chose, il a également essayé de me soudoyer ce soir. S’il a tant voulu que je l’accompagne, c’était uniquement pour que je blasphème moi aussi et vous disent ce qu’il avait envie que je vous disent. Mais cela m’était impossible, je suis un homme d’église Tom, vous le savez, j’ai une éthique.
Il se tourna vers Krolt qui fulminait intérieurement.
–Mon cher ami, je suis sûr que vous comprenez, continua-t-il, je ne pouvais pas faire ce que vous me demandiez, cela irait contre mes principes. Je suis sincèrement désolé.
Krolt n’en croyait pas ses yeux, Morgan l’avait doublé !! Il comprenait maintenant pourquoi il avait tant voulu l’accompagner. Non pas pour l’aider, mais pour le discréditer et prendre sa place! Il savait déjà ce que disait la lettre que tenait Tom dans sa main. Mais il n’allait pas laisser passer ça, il allait tuer ce traître !!
–Inutile de vouloir m’attaquer Krolt, lui dit Morgan, vous ne feriez qu’aggraver votre cas.
Comment avait-il su ?! Krolt regarda le prêtre et s’aperçut qu’il s’était levé instinctivement.
–Monsieur, rasseyez-vous je vous prie, lui ordonna Tom.
Quand il se fut rassit, le chef de la garde royale ouvrit la lettre que lui avait remise Quentin, la fameuse lettre qu’il était sensé avoir volé dans les appartements de Morgan. Bien entendu, toute cette histoire était fausse, il ne s’était jamais rendu dans les quartiers du prêtre.
Pendant que Tom lisait la lettre, un silence pesant s’était installé dans la pièce. Krolt tourna la tête vers Morgan qui le regarda à son tour avec un sourire narquois. Krolt avait une furieuse envie de sauter et de tabasser ce traître à coup de poing, exactement comme il l’avait fait avec Julian.
–Tout cela est très intéressant. Morgan, avait vous déjà lu cette lettre ? Demanda Tom.
–Non monsieur.
–Elle dit que vous devenez l’unique héritier du trône et que Mirindin vous reviens de droit, dit le chef de la garde, mais contrairement à celle de Krolt, je reconnais ici formellement l’écriture de Julian. Prêtre Morgan, avez vous une idée pourquoi le prince vous auriez confié le trône ?
–Sans trop m’avancer, je vous dirais que c’est en raison de sa totale confiance en moi. Vous savez, je l’ai tenu dans mes bras le jour de sa naissance et c’est encore moi qui l’ai baptisé. J’entretenais un lien privilégié avec le prince. Un lien de confiance et de respect mutuel. Peut-être a-t-il pensé que je serais le plus apte à lui succéder.
–Comment pouvait-il savoir qu’il mourrait si tôt ?
–Il m’avait fait une confidence qu’il n’avait jamais dit à personne. Il y a de cela deux mois, Julian m’a révélé avoir fait un rêve, rêve dans lequel il avait appris quand il allait mourir et comment. Mais plus important encore, par qui. Je lui ai bien entendu conseillé de faire quelque chose, de partir ou de faire tuer son futur assassin, mais il a refusé, préférant subir le sort que le destin lui avait réservé.
–Et vous n’avez rien fait ?! Vous auriez pu nous prévenir et nous aurions pris les mesures nécessaires ! S’exclama Tom.
__Selon moi, ce message était un message du Maître. Ni moi, ni Julian, ni personne d’autres ne pouvait s’y opposer. Tom, c’était écrit dans les astres et on ne pouvait rien y changer.
–Ne l’écoutez pas, vous ne voyait pas qu’il divaguent !! S’écria Krolt.
–La dernière requête désespéré d’un blasphémateur au pied du mur, comme c’est touchant, ironisa Morgan.
–Au vu des derniers événements, je ne peux que vous donner raison prêtre Morgan. (Tom se leva) Gardes !! Cria-t-il.
Aussitôt, trois hommes lourdement armés débarquèrent dans la pièce.
–Emparez vous de lui, leur ordonna le chef de la garde royale en le désignant.
Quand les trois gardes l’attrapèrent, Krolt se débattit mais ils le tenaient fermement. Dans un dernier baroud d’honneur, il leva son pied et l’élança de toutes ses forces vers le visage du prêtre Morgan. Mais comme pour se moquer de lui jusqu’au bout, son pied effleura à peine le visage du prêtre qui rigola de sa déconvenue. Les trois gardes resserrèrent leur emprise et le traînèrent hors de la pièce. Ils l’amenèrent ainsi jusqu’au cachots en le traînant par terre, tel une ultime humiliation. C’est ainsi qu’il allait rejoindre ce qui serait sûrement sa dernière demeure… les cachots du palais de Haldrin.

Le jour de ses quinze ans, les frères de nuit lui avait préparé une gigantesque fête qui signifierait son passage à l’âge adulte. Ce jour là aurait dû être le plus beau jour de sa vie. L’aboutissement de cinq ans d’apprentissage. Ce jour-là, il se serait vu attribuer un nouveau prénom qu’il aurait gardé tout au long de sa nouvelle vie. Il aurait du faire beaucoup de chose pendant cette journée. Mais tous ses rêves s’étaient brisés net quand des personnes fortement indésirables était venus tout gâcher. Gâcher le jour de sa naissance…
Quand ses compagnons rentrèrent dans la cabane, il se leva de son lit en vitesse et alla les accueillir mais n’eût en retour que des grognements. Ses compagnons passèrent devant lui et allèrent directement se coucher sans même lui accorder un seul regard. L’adolescent les regarda dormir pendant de longues heures, plongé dans ses sombres pensées. Il commençait à somnoler quand quelqu’un frappa à la porte…

Quand les soldats le jetèrent dans sa cellule, Krolt trébucha et tomba face la première contre le sol de pierre. Derrière lui, les soldats fermèrent la lourde porte à double tour en rigolant de sa chute. Krolt se releva et regarda autour de lui.
Les murs en pierre lisse avait pour seule ornement un chandelier qui faisait office de lumière en l’absence de fenêtre. Il fit le tour de la geôle en quête d’une faille qui lui permettrait de s’évader mais sa recherche fut vaine, tout était parfaitement imperméable. Pris d’un excès de colère, il martela le mur de coup de poing jusqu’à que la douleur le força à arrêter. Comment avait-il pu se faire avoir ainsi par un foutu prêtre ?! Il avait tout organisé, tout pensé, tout fait ! Et voilà qu’il se faisait doubler dans la dernière ligne droite ! Il s’assit contre le mur pour se calmer tout en frottant ses mains endoloris et couvertes de sang. Le prêtre Morgan avait bien joué son jeu, tellement bien qu’il ne l’avait pas vu venir. En même temps, qui aurait pu prédire qu’un simple prêtre puissent prétendre au trône ?
Au final, il était plus énervé contre lui même que contre le prêtre Morgan. Ces dernières semaines, il avait commis des erreurs impardonnables, les lettres en était le parfait exemple. Qui mis à part un débutant, aurait pu commettre de telles erreurs ? Mais la plus grave, il en prit conscience aujourd’hui, avait été de faire confiance à Morgan. Cela lui apprendrait à faire confiance à n’importe qui et maintenant, il en payait le prix fort. Depuis tout jeune, il n’avait cessé de prendre les mauvaises décisions et faire confiance aux mauvaises personnes. Ce sont ces erreurs là qui l’avait conduit dans les souterrains quand il avait à peine treize ans. Dans les souterrains, il avait été trahi, torturé, insulté et tabassé à maintes reprises jusqu’à qu’il soit assez fort pour prendre le pouvoir , mais malgré cela, les gens avait continué à lui mentir. Alors quand le roi Joram IV s’en alla rejoindre le Royaume-Sans-Nom, il s’était dit qu’il ne pouvait pas laisser passer cette chance, une façon pour lui de prendre sa revanche sur tous ces gens qui n’avait cessé, tout au long de sa vie, de lui mettre des bâtons dans les roues. Une façon de faire table rase du passé pour débuter une nouvelle vie.
Mais voilà qu’il avait laissé passer cette chance à cause d’une nouvelle confiance donné à la mauvaise personne. Il savait ce qui l’attendrait dès le lendemain, la potence sur la place publique.
Après de longues heures passé à réfléchir, sa colère ayant disparut, il attendait désormais cette sentence avec sérénité. Cela viendrait mettre fin à une vie de calvaire.
Pour la première fois de sa vie, il avait dormi sereinement. Cette nuit lui avait été des plus bénéfique. Il n’attendait plus qu’une seule chose, qu’on viennent le chercher pour le délivrer de sa peine. Les heures défilaient sans que les soldats ne se montrent. Krolt commençait à sentir l’impatience le gagner doucement, mais que faisaient-ils donc? Faisant les cents pas dans la cellule, il attendit enfin des bruits de pas dans le couloir, puis le bruit d’une clef qu’on enfonçait dans la serrure . Quatre soldats débarquèrent et se placèrent deux de chaque côté de la porte. Krolt s’avança sans attendre l’ordre des soldats. Il allait franchir le seuil de la porte quand un des soldats sur sa droite lui barra la route.
–En voilà un pressé d’aller sur le billot, ricana ce même soldat.
–Vous ne pouvez pas savoir à quel point, répliqua-t-il en le défiant du regard.
Ce duel dura quelques secondes avant que deux soldats ne lui prennent chacun un bras et le firent avancer dans le couloir. Ils se placèrent tout autour de lui, deux qui lui tenait chacun un bras, un qui ouvrait la marche et un qui la fermait. Tout au long du trajet, Krolt ne cessa de sourire, la ville de Haldrin était si belle ! La place publique se trouvait à environ cinq cent mètres du palais et une grande allée les reliait, grande allée bordées d’olivier centenaire. C’est sur cette allée que les soldats l’escortèrent. Autour d’eux, les passants déambulaient en leur jetant des regards curieux et cela dura tout le long de l’allée. Quand ils arrivèrent sur la place, quelques badauds étaient déjà massés devant l’estrade où se trouvait la potence et attendaient sagement l’arrivé du condamné à mort. Sur l’estrade, le bourreau était déjà en place avec à côté de lui le prêtre Morgan, habillé de sa traditionnelle soutane blanche et Tom, le chef de la garde royale. Quand ils l’aperçurent, le petite foule se mit à crier : « Pendez le ! Pendez le ! » tout en levant les poings en l’air.
Arrivé au pied de l’estrade, les soldats le firent monter et restèrent en bas, se plaçant entre la foule et l’estrade. Le bourreau s’avança vers lui, lui agrippa un bras et le tira sans ménagement vers un petit tabouret. Autour de lui, l’excitation montait petit à petit, de plus en plus de personnes venaient se masser sur la place publique, venant célébrer la mort d’un « traître ». Krolt se mit debout sur le tabouret et le bourreau lui attacha la corde autour du coup sous les huées de la foule.
–Attendez bourreau, intervint le prêtre Morgan en s’avançant vers lui, il serait dommage que notre ami rate le si beau discours que j’ai eu l’obligeance de préparer.
Le bourreau se poussa sur le côté de la scène et Morgan faisait désormais face à la foule.
–Bonjour chers habitants de Haldrin, merci d’être avec nous pour ce jour si important pour notre sublime royaume. Royaume qui sera d’ici peu débarrassé d’un individu peu recommandable, un individu très dangereux !! Mesdames, messieurs, si aujourd’hui notre pays se trouve sans héritier, c’est uniquement la faute de cette homme !!
La foule hurla et insulta Krolt tout en lui jetant toutes sortes de choses dessus, des aliments, des cailloux et même quelques chaussures.
–Car oui, cet homme a commis le meurtre le plus horrible que l’on ai jamais vu à Mirindin ! Il a privé le peuple d’espoir et d’amour, il nous a privé d’un guide, il nous a privé de tout ce qui représentait ce royaume, ce qui faisait sa fierté et celui qui représentait son avenir ! En faisant cela, il n’a pas simplement tué une personne, il a attenté à la vie d’un pays entier !! Et comme si son crime ne lui avait pas suffit, il a aussi essayé de s’emparer du trône. Un tel acte se doit d’être puni par la peine de mort !!
A ces mots, la foule cria de plus en plus fort pendant que Morgan continuait son discours.
–Habitants de Haldrin, non, habitants de Mirindin, devons nous laissez passer cette ignominie alors que cet homme a tenté de nous asservir ?
La foule répondit par un « non » unanime.
–En tuant notre bien-aimé Julian, continua Morgan, il a déclaré la guerre à Mirindin et à ses habitants. En tuant l’héritier, il a affaiblit une nation entière en la touchant en plein cœur !!
Le prêtre fit un signe au bourreau qui vint se placer sur la droite de Krolt.
–Ce soir, cet homme va payer pour son crime !! Bourreau, faites votre devoir !
Sous les acclamations de la foule, le bourreau mit un coup de pied dans le tabouret, laissant Krolt suspendu dans le vide. Très vite, le manque d’air se fit ressentir, désormais la foule lui paraissait lointaine et leurs cris étaient étouffés. Krolt regarda droit devant lui. Au loin, il vit l’ombre de la mort se précipiter sur lui et c’est avec un ultime sourire qu’il s’abandonna à l’étreinte de cette mort libératrice…

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