Erika sauta au coup de Maîtresse Gaïa et l’étreignit à lui en couper le souffle. Après quelques secondes, elle daigna enfin la libérer et se plaça en face d’elle.
–Gaïa… Tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureuse de te revoir !!!
–Je crois que mes côtes le savent désormais, plaisanta maîtresse Gaïa, une main posé sur ses côtes endoloris.
–J’ai eu tellement peur de ne plus jamais te revoir ! Assied toi, tu m’as l’air si fatiguée !!!
Erika prit la main de Gaïa pour l’aider à s’asseoir mais celle-ci se dégagea.
–Nous n’avons pas le temps Ma Dame, je ne suis pas seule, il faut y aller, vite.
–Comment ça ? Raconte moi tout Gaïa, je veux tout savoir, où était-tu passé ?
–Ma Dame, je vous en prie il faut faire vite, les soldats vont arriver d’une minute à l’autre.
–Les soldats ? Gaïa, dis moi se qui se passe.
Un cri d’homme se fit entendre de la chambre de Nicolàs et Peter. Maîtresse Gaïa sortit de la chambre et se retourna vers Erika.
–Quelqu’un vous a trahi Ma Dame.
Erika la suivit et débarqua à son tour dans l’autre chambre. Un homme était penché sur le corps inerte de Peter, qui avait un couteau planté dans le cœur.
–Maxyme, qu’avez-vous donc fait !? S’écria Maîtresse Gaïa.
–C’est lui le traître, c’est lui, répondit froidement Maxyme.
Nicolàs s’était levé et était retenu par une femme en uniforme vert olive, tout comme l’homme qui avait tué Peter. Sur leurs torses, un étrange symbole représentait un triangle dans un œil. Des éclairs argenté se dirigeaient du bord de l’œil vers son centre et dans le triangle, on pouvait entrevoir quatre points, un plus gros que les autres au centre et trois autre, plus petit, autour de celui-ci.
–Comment peux tu savoir Maxyme ? Demanda Maîtresse Gaïa.
–Je le sais c’est tout. Vous voulez débattre tranquillement en attendant les soldats ou partir vite d’ici ? Vous faites ce que vous voulez, mais moi j’y vais !
Il sortit de la pièce en trombe et descendit les escaliers. En bas, un bruit sourd se fit entendre puis des hommes commencèrent à crier.
–Restez ici ! Ordonna la femme qui tenait Nicolàs.
Elle lâcha le jeune homme et descendit en courant.
Le vacarme qui s’ensuivit glaça le sang d’Erika qui resta pétrifiée de peur. On entendait des cris d’hommes agonisant, des tables et des chaises venait se fracassaient contre les murs et des tintements d’épée se faisaient entendre. Cela dura quelques secondes, puis le silence revint aussi vite qu’il avait disparut. Quand ils remontèrent, Maxyme et sa partenaire se campèrent devant eux, dans l’encadrure de la porte.
–Vite, il ne faut plus tarder !! S’exclama Maxyme.
La troupe descendit les escaliers en courant. En bas, une dizaine de soldats étaient étendus, gisant dans une mare de sang. Le massacre était tel que l’on arrivait à peine à distinguer les bras et les jambes de certains de ces soldats. Dans la pièce, il n’y avait plus une seule table ni une seule chaise valide et le comptoir était entièrement recouvert de sang. Du coin de l’œil, Nicolàs vit le corps de l’aubergiste étendu, une épée planté dans sa gorge.
Dehors, quatre chevaux les attendaient patiemment. Maxyme leur fit signe de choisir une monture. Nicolàs choisit l’étalon noir, pendant qu’Erika et Maîtresse Gaïa montaient sur le cheval alezan. Une fois que tout le monde fut en selle, ils partirent à vive allure vers le nord-est, en direction du lac de Barin.
Les cinq compagnons chevauchaient depuis maintenant plus de deux heures. Au loin, le soleil commençaient à pointer le bout de son nez.
C’est Maxyme qui menait la troupe à une allure soutenu. Derrière, Erika commençait à vraiment avoir mal aux cuisses. A plusieurs reprises, la princesse implora Maxyme de s’arrêter, ou du moins ralentir, mais il ne l’entendit pas et ils continuèrent de galoper vers le lac de Barin.
Erika connaissaient bien cette région, elle faisait partie des plus de belles de Mirindin. La route serpentait entre les nombreux champs de blé qui s’étendaient à perte de vue. De temps à autres, de petites maisons de bois et de chaumes venaient donner un peu de relief à ce paysage plat et au loin, on pouvait entrevoir entre les chênes les reflets du lac de Barin et la montagne le dominant.
Quand ils arrivèrent non loin du lac, ils bifurquèrent vers le nord et alors qu’ils le longeait depuis près d’une demi-heure, Erika vit sur sa droite, au bord de l’immense étendue d’eau, une petite chaumière où un cheval était attaché et proposa qu’on s’y arrête, mais sa requête tomba une nouvelle fois dans l’oreille d’un sourd. Ce n’est que quelques kilomètres plus loin que Maxyme daigna enfin ralentir la cadence. Il tourna à droite et quitta la route. Arrivé sur les berges du lac, il descendit de son cheval et l’amena boire. Erika, furieuse, sauta du sien et s’avança vers lui, ses cuisses toujours endoloris par la longue chevauchée qu’ils venaient de faire.
Elle leva la main pour le gifler mais il lui attrapa le poignet au vol.
–Holà Ma Dame, doucement vous allez vous blesser, dit Maxyme en souriant.
–Espèce d’ordure !! Je vous ai demandé de vous arrêter !
–Je sais, je ne suis pas sourd.
–Pourquoi ne pas vous être arrêté alors ? Demanda-t-elle.
–Car il fallait fuir le plus loin possible de l’auberge, tout simplement.
–A cause de vous, je ne peux presque plus marcher tellement j’ai mal aux cuisses !! Se plaignit Erika.
–Je peux vous les masser si vous voulez, répliqua Maxyme avec un sourire en coin.
–Savez vous qui je suis au moins ? Dit Erika, indignée par la goujaterie de cette homme.
–Attendez… Erika, fille de Joram IV et princesse de ce pays ?
–Exactement, vous me devez obéissance, quand je dis on s’arrête, on s’arrête !! S’exclama-t-elle.
Maxyme pointa un index vers elle.
–Vous êtes peut-être la princesse de ce pays, moi j’obéis à des gens immensément plus puissant que vous. Alors arrêtez de jouer la princesse autoritaire, je sais que cela fait très longtemps que vous ne vous embarrassez plus de toute ces simagrées.
Il lâcha le poignet d’Erika et se tourna vers les autres qui descendaient à leur tour de leur chevaux.
–On fait une petite pause, faites boire vos chevaux, hydrater vous, on repart dans cinq minutes. Zénia vient il faut qu’on parle.
Zénia suivit Maxyme et ils s’éloignèrent du groupe.
Maîtresse Gaïa s’approcha d’Erika et la prit dans ses bras pour la réconforter puis se tourna vers Nicolàs qui faisait boire les chevaux.
–Vous devez être Nicolàs ? Merci d’avoir veiller sur Erika, dit-elle.
–Tout le plaisir était pour moi Maîtresse Gaïa.
–Je vous en prie, appelez moi juste Gaïa.
–C’est entendu.
–Où nous emmènent-ils ? Demanda Erika.
–Je ne sais pas, loin d’ici en tout cas, répondit Gaïa.
Quand les chevaux eurent finit de boire, Nicolàs les laissa brouter l’herbe à leur guise. Plus loin, Maxyme et Zénia était toujours plongé dans une discussion qui avait l’air assez animé. Erika s’humidifia le visage pendant que Nicolàs et Gaïa s’étaient allongé sur l’herbe et regardait le ciel.
Maxyme et Zénia revinrent enfin et montèrent sur leur chevaux.
–Allez tous en selle, on y va !! Ordonna Maxyme.
–Dîtes nous d’abord où on va, réclama Erika.
–Vers le nord, ça vous va ?
–Princesse, je vous en prie allons y, implora Zénia.
Erika regarda fixement Maxyme dans les yeux pendant quelques secondes puis détourna la tête et monta sur son cheval puis attendit que Gaïa prennent place derrière elle. Quand il fut sûr que tout le monde était bien installé, Maxyme s’élança au galop, aussitôt suivi de ses compagnons.
Ils étaient revenus sur la piste principale. Derrière eux, le lac de Barin s’éloignait inexorablement et disparut très rapidement derrière une petite colline. Désormais, ils galopaient de nouveau entre des champs de blé à perte de vue. Au dessus d’eux, le soleil brillait désormais de mille feux et il n’y avait pas un nuage dans les horizons.
Les cuisses d’Erika la faisait toujours autant souffrir mais elle ne dit rien, préférant souffrir en silence. Ils chevauchèrent pendant toute la matinée, passant dans plusieurs petit hameaux qui avaient au moins le mérite de briser la monotonie du paysage. A une bifurcation, Maxyme tourna à droite et à l’horizon, ils aperçurent un petit bastion carré, des tours s’élevant aux quatre coins.
Il accéléra encore un peu le rythme et ils atteignirent rapidement le bastion. Maxyme descendit de son cheval, immédiatement imité par ses compagnons. Ils attachèrent leurs montures devant la porte d’entrée et Maxyme sortit une clé de la sacoche qu’il avait accroché au flanc droit de son cheval. Il s’approcha de la porte et l’ouvrit pour les laisser rentrer.
Ils se trouvaient dans une petite salle vide, mis à part un petit bureau sur le côté droit. Sur les murs, de grandes draperies représentaient les emblèmes des pays de Tamaril, le lion de Mirindin, Le loup enflammé de Calarr, l’encre de bateau de Noon…
Ils avancèrent et passèrent la porte en face d’eux. Ils débouchèrent sur une cour intérieur où une fontaine trônait au milieu. Un chemin de gravier l’entourait et reliait les quatre portes, chacune sur un mur.
La petite troupe avança tout droit et tourna à droite juste avant la fontaine. En passant devant celle-ci, Nicolàs remarqua qu’un symbole était gravé au fond de celle-ci, un œil avec un triangle à la place des pupilles, le même que sur les uniformes de Zénia et Maxyme. Sauf que là, il n’y avait pas de point dans le triangle… Il détourna les yeux et suivit le reste de ses compagnons.
Maxyme ouvrit la porte et les invita à entrer. Ils étaient à présent dans une petite salle à manger particulièrement bien éclairé par les quatre grandes fenêtres du mur d’en face qui venait éclaircir la table en bois ancien et ses chaises assortit.
Maxyme les invita à s’asseoir pendant que Zénia restait en retrait, debout près de la porte.
–Zénia, va nous préparer à manger s’il te plaît, ordonna-t-il à sa compère.
–Vous ne pouvez pas le faire vous-même !? S’indigna Erika.
–Quand on aura besoin de vos commentaires princesse, on vous le fera savoir, dit-il en se tournant vers Erika, mais maintenant taisez vous je vous prie. (Il se tourna de nouveau vers sa camarade) S’il te plaît.
Zénia sortit en silence de la salle et Erika foudroya Maxyme du regard.
–Ne me regardez pas ainsi princesse.
–Je vous regarde comme il me plaît, déclara-t-elle.
–Venez ce soir dans ma chambre que je vous montre à quel point ça me plaît aussi, répliqua Maxyme, un sourire enfantin s’étant dessiné sur ses lèvres.
Erika se leva brusquement et avança vers Maxyme.
–Calmez vos ardeurs princesse, pas devant tout le monde, je vous prie.
Elle leva la main mais Maxyme l’intercepta à nouveau.
–Encore ? N’avez vous donc pas retenu la leçon de ce matin ?
–Détrompez vous.
Sans crier gare, Erika flanqua un grand coup de genoux dans les parties sensibles de Maxyme qui s’effondra au sol de douleur.
–La prochaine fois, je ne me contenterai pas d’un coup de genoux, je vous les couperais !! Déclara-t-elle tout en retournant s’asseoir.
Maxyme se releva douloureusement en se tenant toujours les parties.
–Bon, maintenant que nous avons fait connaissance, passons au choses sérieuses, dit-il en se plaçant devant la table, face à ses compagnons.
–Où sommes-nous donc ? Demanda Nicolàs.
–Très bonne question. Nous sommes dans un avant garde Tala’ar, ils viennent ici quand ils en ressentent le besoin ou l’envie.
–Un avant garde Tala’ar ? Mais qui sont ces Tala’ar, je n’en ai jamais entendu parler.
–Je crois que notre princesse pourra répondre à cette question.
–Les Tala’ar sont les êtres les plus anciens de ce monde, répondit-elle
–Exactement, approuva Maxyme, comment vous expliquer ? Les Tala’ar sont le monde, le monde fait partie de leur être, et ils font partie de la terre. Pour faire simple, ils ne pourraient pas vivre sans la terre et la terre ne pourrait pas survivre sans eux.
–Nous savons tous que c’est Le Maître qui à crée la terre, est-ce lui qui a crée les Tala’ar également ? Demanda Nicolàs.
–Oui absolument, mais bien après la terre. Après avoir crée le monde, il constata qu’il ne se passait rien et que rien ne poussait. Il en vint donc à la conclusion que toute l’énergie qu’il avait donné à la terre n’était pas suffisant, mais lui en rajouter davantage serait dangereux et la conduirait sûrement à sa destruction. Il prit alors la décision de créer des êtres vivants, de les imprégner de sa force vitale et de les connecter à la terre. Son entreprise fut un succès et la végétation commença à s’épanouir partout sur la terre. Mais ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que la puissance des Tala’ar étaient telle que des êtres vivant ont commencé à sortir de terre.
–Des êtres-vivants ?! Comment cela est-ce possible !? S’écria Gaïa.
–La terre et les Tala’ar sont constamment connectés. De ce fait, la terre s’est imprégner d’une force que le Maître n’avait pas prévu, la force de la vie, tout simplement. Cela s’est fait petit à petit, d’abord il n’y a eu que des êtres informes et qui ne vivaient que quelques minutes seulement puis, avec le temps, les êtres qui sortaient vivaient de plus en plus longtemps et avait une forme de plus en plus précise et distinctes. Il aura fallu un millénaire pour que la faune et la flore tel qu’on les connaît aujourd’hui apparaissent totalement. Quand les Tala’ar pensaient que ce cycle de création était terminé, une nouvelle espèce sortit de terre. De drôles de créatures, sur deux pattes, plus intelligentes que les autres. Cette nouvelle espèce émergeait de partout et a vite envahit la terre. L’espèce humaine était née.
»Très vite cette nouvelle espèce s’avéra beaucoup plus intelligente mais aussi beaucoup plus cruelle que les autres et tuait énormément d’animaux et détruisait les forêts. Plus le temps passait et plus leur nombre croissait. Face à la cruauté de cette nouvelle espèce et à son explosion démographique, les Tala’ar décidèrent de contenir leur force vitale dans des orbes magiques pour éviter qu’elle ne se propagent encore plus. Puis les Tala’ar se sont retirés dans un coin isolé du monde et plus personne n’en a plus jamais entendu parler mis à part les rois des trois continents et de rares personnes que les Tala’ar jugeaient dignes de connaître leur existence.
–Vous avez dit que le créateur avait crée les Tala’ar pour en quelque sorte faire pousser la végétation sur terre, mais pourquoi n’a t-il pas créé directement la végétation? Cela aurait été plus simple,dit Nicolàs.
–Car l’on ne peut pas créée sans rien. Je vous ai dit qu’il avait crée les Tala’ar ? Ce n’est pas exactement comme cela que ça s’est passé. Pour faire en sorte que les Tala’ar puissent vivre, il n’aurait pas pu juste les créer et y transférer son énergie vitale non, cela est impossible. Le Maître à créer les Tala’ar à partir de lui, il a pris des parties de lui même pour les créer. Il y a trois Tala’ar, un fait avec le cœur du Maître, un avec le cerveau du Maître et le troisième, le chef, avec les poumons du Maître. Je pense que vous comprenez un peu mieux la puissance des Tala’ar à présent, ils sont à la fois le monde et son créateur.
–Et vous ? Vous n’êtes pas un roi et pourtant vous semblez les connaître mieux que personne, en êtes vous un ?
–Bien sûr que non, Zénia et moi faisons partie de la garde personnel des Tala’ar.
–Et combien êtes vous dans cette garde ? Demanda Nicolàs.
–Juste moi et Zénia, c’est amplement suffisant. Nous ne sommes là que lorsque les Tala’ar ont besoin d’intervenir dans les affaires des « mortels » comme ils aiment vous appeler.
La porte s’ouvrit et Zénia entra dans la pièce suivit de cinq plateaux garnie de nourriture fumante qui lévitait en l’air. Nicolàs la regarda avec admiration et étonnement puis se tourna vers Maxyme.
–Comment fait-elle cela ?! S’exclama-t-il.
–Cela fait partie des privilèges de servir les Tala’ar, répondit simplement Maxyme.
Les cinq compagnons se mirent à table et les plateaux vinrent se poser délicatement devant eux. Zénia avait préparée du riz avec quelques feuilles de menthe et des baies en tout genre.
–Quelle est votre mission ? Demanda Nicolàs entre deux bouchées.
–Vous tuez, répondit froidement Maxyme.
Nicolàs déglutit et regarda Maxyme. Celui-ci avait le visage grave et ne laissait transparaître aucune émotion. Un silence de plomb s’était abattu sur la pièce et personne n’osait parler ni manger.
Ce fut Zénia qui rompit le silence.
–Il plaisante, nous sommes venu pour vous amener, vous et la princesse jusqu’au lieu de résidence des Tala’ar.
–En quel honneur ? Je ne suis pas un roi, s’étonna Nicolàs.
–Non mais vous êtes « l’élu », ou un truc dans le genre, dit Maxyme.
— « L’élu » ? Demanda Nicolàs interloqué.
–Oui, mais nous en savons pas davantage, juste que l’on doit vous ramener en vie, dit Zénia.
–Ce qui n’est pas chose aisée, rajouta Maxyme, vous avez déjà failli mourir deux fois depuis que nous vous suivons. Dans la forêt, quand vous vouliez échappez aux soldats, vous ne les aviez pas « semés », c’est moi et Zénia qui les avons tué sans quoi ils vous serez tombés dessus. Puis la deuxième fois à l’auberge et là aussi nous sommes arrivés juste à temps pour vous sauver.
–Les Tala’ar ont-ils un lien avec les Sourhataï ? Demanda soudainement Erika.
Quand elle prononça le nom des Sourhataï, une vague d’inquiétude passa dans les yeux de Maxyme.
–Les Sourhataï était les disciples des Tala’ar il y a de cela un millénaire et demi, répondit Zénia.
–Qui sont donc ces Sourhataï ? Questionna Nicolàs.
–Des êtres magiques au service des rois de Tamaril. Au cours de son règne, un roi a le droit à trois souhait, ce qu’il veut. Les Sourhataï n’ont aucune limite, ils peuvent aussi bien réduire un pays en cendre que faire augmenter son économie, répondit Zénia, la seule condition est d’avoir des raisons valables. Un roi qui voudrait détruire le pays voisin devra prouver qu’il ne le fait pas juste pour le « plaisir ». Mais cette unique règle est perverse, un roi qui veut du mal à un autre se trouvera toujours un prétexte. Heureusement, ce cas de figure ne c’est présenté qu’une seule fois.
»Il y a un millénaire, Valkir n’était pas encore le puissant pays qu’il est aujourd’hui et avait comme contrée voisine le pays de Bralme, qui se trouvait au nord. Tout bascula quand le roi de Valkir de l’époque, Valarst, surprit le prince de Bralme dans le lit de sa fille. Il entra dans une colère noire. S’ensuivit alors des années de guerre et un nombre incalculable de morts. Cette guerre dura une dizaine d’année jusqu’à que le roi de Valkir décida d’en finir et fit appel aux Sourhataï qui l’aidèrent à annexer Bralme.
–Et votre père ? A-t-il eu recours à leur service ? Demanda Nicolàs à la princesse.
–Non, comme moi il ne faisait pas confiance aux Sourhataï.
–Votre père était une personne sensée princesse, déclara Maxyme.
–Votre frère a lui tenté d’obtenir leur aide pour vous retrouver, mais ils ont refusé, dit Zénia.
–Mon frère est allé les voir ? Demanda Erika, surprise.
–Oui, mais votre frère n’était pas encore roi.
–Ces Sourhataï ont l’air d’être de puissantes créatures, dit Nicolàs.
–Plus puissante que tout ce que vous pouvez imaginer, seul les Tala’ar leur sont supérieur, expliqua Maxyme.
–Sont-ils un danger pour Tamaril ?
–Difficile de répondre à cela. Ils sont imprévisibles, mais ce qui est sûr, c’est que les trois réunis, ils pourraient très bien détruire tout Tamaril sans difficulté.
–Prions pour que cette envie ne leur viennent jamais, pria Zénia.
La fin du repas se passa en silence. Gaïa, qui n’avait guère parlé pendant le repas, commençait à piquer du nez. Erika se leva et s’approcha d’elle.
–Viens Gaïa, on va faire une petite sieste….
–Je vais vous montrer votre chambre, dit Maxyme en se levant.
Les chambres se trouvait à l’étage supérieur. Maxyme les fit franchir la porte se trouvant derrière lui et qui menait à une des tours. Ils montèrent les escaliers en colimaçon. En haut, ils passèrent une porte et se retrouvèrent dans un long corridor tapissé de toiles de peinture. Au milieu du couloir, arrivé devant une porte de bois, il s’arrêta et ouvrit la porte.
–Voilà votre chambre mesdames, dit-il.
Les deux femmes rentrèrent et Maxyme refermât la porte derrière elle, les laissant seules.
La chambre était beaucoup plus accueillante et chaleureuse que celle de l’auberge. Elle était composé de deux lits accompagné de tables de chevet. A première vue, ces lits avaient l’air bien plus confortables que celui qu’Erika avait eu dans l’auberge. En face des lits, une cheminée de pierre flambait et venait considérablement réchauffer l’atmosphère. Erika ouvrit la porte qui se trouvait à droite de la cheminée et tomba sur une jolie salle de bain avec des toilettes et un lavabo en porcelaine blanc. Là aussi, c’était bien plus qu’à l’auberge. A l’opposé de la porte d’entrée, une baie vitrée donnait sur un petit balcon avec vue sur la cour intérieur.
Erika s’assit sur un des lits, rapidement imité par Gaïa qui s’assit en face d’elle.
–Je suis tellement heureuse de te revoir Gaïa, dit Erika.
–Moi de même princesse.
Les deux femmes se regardèrent un long moment dans les yeux avant qu’Erika ne reprennent la parole.
–Raconte moi tout Gaïa, dit-elle, comment as-tu appris pour mon mariage, comment t-es tu enfuie, je veux tout savoir.
–Ma Dame, je ne sais pas, c’était tellement bizarre. Cela c’est passé il y a un mois environ. Une nuit où j’avais du mal à trouver le sommeil, j’ai fait un rêve, ou un cauchemar je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, quand je me suis réveillé je savais ce qui allait se passer mais surtout, je savais exactement ce que devais faire. Je savais que je ne devais rien vous dire, je savais que je devrais faire libérer Fyren, c’était vraiment très bizarre. Sur ma table de chevet, j’ai également trouvé la clef du donjon sans que je ne sache comment elle était arrivée là. Quand le moment fut venu, je suis allé faire mon devoir en délivrant Fyren. Princesse vous ne me croirez jamais, j’étais invisible !! Je marchais entre les gardes et ils ne me voyaient pas ! J’ai donc libérer Fyren puis je me suis enfuie du palais pour vous attendre.
–Pourquoi ne m’as tu rien dit pour mon mariage ? Ainsi on aurait pu partir ensemble et Fyren n’aurait pas eu à m’aider et serait toujours en vie.
–Car il fallait que ces événements se produisent ! Tout était limpide dans ma tête, il fallait que je laisse les choses se produire, c’était mon devoir princesse !!
–Que c’est-il passé ensuite ?
–Après m’être enfuie, continua Gaïa, je me suis rendu dans la forêt de Barin, je ne sais pas non plus pourquoi mais c’est là que je devais être ! Je vous ai attendu tranquillement mais vous n’arriviez jamais. Je me suis assoupi et ce sont les soldats qui m’ont réveillée. J’ai eu tellement peur princesse ! Ils ont voulu m’amener avec eux aux palais. C’est là que j’ai vu Maxyme et Zénia pour la première fois. Ils ont sauté des arbres et ont massacrés tous les soldats. Ma Dame, je n’avais jamais vu pareil spectacle auparavant, je ne les voyaient quasiment pas ! Ils virevoltaient entre les soldats et croyez moi ou non, mais tout était fini avant même que les soldats n’ait eu le temps de dégainer leurs armes ! Et ils étaient une dizaine de soldats contre deux !! Ensuite, ils m’ont amené dans une sorte de grotte et nous y sommes resté pendant un jour entier, puis Zénia est partie pendant seulement quelques minutes et quand elle est revenue, elle savait où vous vous trouviez. Elle a aussi dit qu’il y avait un traître parmi vous et que des soldats était à vos trousses.
Erika se leva et alla vers le balcon. Elle regarda fixement la fontaine, perdue dans ses pensées.
–Tu es au courant pour mon frère ? Demanda t-elle.
–Oui, je suis désolée Ma Dame.
–Oh arrête, tu sais très bien que j’en avais plus rien à fiche de lui.
–On sait toutes les deux que c’est faux Ma Dame. Au fond de vous, vous l’aimiez toujours malgré tout le mal qu’il avait fait, il restait votre frère et je suis sûr que vous regrettez sa mort.
–Je ne regrette qu’une seule chose, c’est le Julian d’avant le départ de mère. Il était si merveilleux avant !
–Princesse, souvenez vous de lui comme tel, un enfant sage et affectueux.
–J’aimerais bien, mais comment occulter toutes ces choses affreuses qu’il a faites ? Chaque fois que je pense à lui, immédiatement j’entends les cris des gens qu’il torturait, je vois tous les visages des gens qu’il a tué de sang froid devant moi. Comment passer au travers de ça ? Ce serait une offense pour les familles des victimes. Non, mon frère était ce qu’il était et non celui que j’aurais aimé qu’il soit.
En disant ces mots, Erika sentit des larmes couler sur ses joues et les essuya avec ses manches.
–Et toi Gaïa, je ne t’ai jamais demandé, as-tu de la famille quelque part ? Demanda t-elle.
–C’est vous ma famille Ma Dame, répondit Gaïa.
–Tu dois bien avoir des frères ou des sœurs ? Et tes parents ? Demanda Erika en se tournant vers son amie.
Gaïa détourna les yeux et regarda le sol fixement.
–Ma Dame, je suis arrivé à l’âge de quinze ans au palais où votre mère m’a recueillie et traitée comme sa propre fille. Avant cela, j’habitais un village à l’ouest de Telmar, mais je n’ai pas vraiment de souvenirs d’eux. Ils n’étaient quasiment jamais là et je devais me débrouiller seule la plupart du temps, je ne sais même pas si ils vivent encore là-bas.
–Tu n’as jamais ressentie l’envie de les revoir ?
–La dernière fois que je les ai vu, c’est quand ma mère m’a poussé hors de la maison familiale en me criant que j’étais une bonne à rien et de ne jamais revenir.
Erika s’assit à côté de Gaïa et la prit dans ses bras.
–Je suis désolée, dit-elle.
–Ne le soyez pas, c’est sûrement la meilleure chose qui me soit arrivé dans la vie, ainsi j’ai pu rencontrer vos parents et avoir l’honneur de vous connaître, au final c’est un mal pour un bien.
Erika ne put s’empêcher de sourire. Elle colla sa joue contre les cheveux de Gaïa et resta un long moment ainsi, savourant la chaleureuse compagnie de son amie.

Dès son arrivé parmi eux, les frères de nuit l’avait accueillit comme un des leurs, en particulier Jarn, le chef qui l’avait pris sous son aile protectrice dès le premier jour. En cinq ans, il avait plus appris à leur côté qu’en dix ans avec ses parents. Ils lui avait tout appris, comment survivre seul, comment se battre, mais surtout comment vénérer la nuit. Ces cinq dernières années avaient été les plus belles de sa courte vie.
L’adolescent se réveilla en sursaut, il était seul, absolument seul. Le soleil ne tarderait pas à se coucher afin de le laisser revenir à la vie. Dehors, il entendit des bruits de pas. Ses compagnons étaient enfin de retour…

–Asseyez vous en face de moi, lui ordonna Zénia.
Nicolàs obéit et s’assit en tailleur en face de la jeune femme. Ils se trouvaient dans une salle d’entraînement. Des mannequins de paille étaient disposés le long des murs ainsi que des cibles pour les archers, des râteliers d’armes et de boucliers étaient eux aussi présent à chaque coin de la salle. Ils étaient assis au centre de la pièce sur un tapis en peau d’ours.
Zénia lui prit les deux mains entre les siennes.
–Maintenant fermez les yeux et laissez vous faire, dit-elle.
Nicolàs attendit mais rien ne se passa. Il entrouvrit les yeux, Zénia avait les yeux fermés et le visage crispé par la concentration. Après quelques minutes, elle rouvrit les yeux et regarda Nicolàs.
–Vous avez senti quelques chose ? Lui demanda-t-elle.
–Non, absolument rien, répondit-il.
–D’accord, on recommence.
Nicolàs referma les yeux et attendit, toujours rien. Mais où Zénia voulait-elle en venir ? Il sentit qu’elle lui lâchait les mains et rouvrit les yeux, elle le regardait fixement d’un air surpris.
–Et maintenant ?
–Toujours rien.
Elle lui reprit les mains et ferma les yeux. Il l’imita et attendit à nouveau, toujours rien. Il sentit que les mains de Zénia tremblait. Avait-elle peur d’échouer à nouveau ?
–Vous avez senti ? Lui demanda-t-elle en rouvrant les yeux.
–Senti quoi ?
–Cette petite vibration au niveau de nos mains.
–Oui, mais je pensais que c’était vous qui trembliez.
–Non ce n’était pas ça, répondit-elle, on peut recommencer ?
–Oui, bien sûr.
Cette fois-ci, le tremblement était plus fort. Nicolàs sentit une sensation étrange lui remonter le long des bras, comme si on lui frottait de la glace dessus. Cette sensation se répandit dans son torse, ce qui était très agréable. Puis soudain, tout s’arrêta brusquement et Zénia lui lâcha les mains. Il la regarda, elle était essoufflé et semblait avoir du mal à reprendre sa respiration, ses cheveux châtains était trempés et de la sueur dégoulinait sur son front. Elle reprit peu à peu ses esprits, le regardant toujours dans les yeux.
–C’était…
Elle ne réussit pas à finir sa phrase. Elle s’éventa le visage avec ses mains puis reprit.
–Je ne sais pas si vous avez sentit la même chose que moi, cette sensation remontant le long des bras, je n’avais jamais ressentit quelque chose pareil.
–Moi non plus, répondit Nicolàs, que m’avez vous fait ?
–Rien du tout, lui dit-elle, comme Maxyme vous la dit, vous êtes l’élu et ce statut vous confère des propriétés magiques, ce que nous avons fait devait me permettre de les identifier.
–Des propriétés magiques ? Qu’est-ce donc ? Questionna Nicolàs.
–J’avais oubliée que votre monde ne connaît pas la magie. Il serait trop long de vous expliquer en détail ce qu’elle est, mais je vais vous expliquer l’essentiel. Il existe trois sortes de magie : la magie temporel, qui permet de jouer avec le temps et l’espace, il y a la magie spirituel, qui permet de jouer avec l’esprit et les émotions des gens, tel leur peur ou leur colère et enfin la magie élémentaire, qui vous permet de contrôler tous les éléments, l’eau, le feu et la terre.
–Comment cela est-ce possible ? Demanda Nicolàs.
–Pour bien comprendre la magie, il est primordial de savoir qu’elle intervient seulement sur des choses existante, elle ne peut créer. Vous ne pourrez par exemple pas lancez de boule de feu de vous même, il vous faudra d’abord trouvez une source de flamme avec laquelle vous pourrez interagir. Mais prenons un autre exemple avec la magie spirituelle. Il est tout simplement impossible de rendre fou de colère un enfant en bas âge, tout simplement par le fait que chez lui la colère n’existe pas et qu’on ne peut pas créer la colère, seulement l’amplifier.
–Mais, comment peut-on interagir avec quelque chose sans contact physique, cela est impossible, dit Nicolàs.
–Pas pour des êtres magiques. Nous avons une conscience des choses plus aigu que les autres. Regardez ce mannequin, dit-elle en lui désignant le mannequin de paille posé derrière elle, quand des êtres normaux n’y voit que de la paille, nous voyons plus loin que ça, nous en visualisons les fibres, les composants de cette paille et nous en exploitons les caractéristiques.
Soudain, le mannequin de paille lévita en l’air et vint se placer au dessus de sa tête puis revint lentement à sa place initiale.
–Comment avez vous fait ça ? S’étonna Nicolàs.
–Comme je vous l’ai dit, j’ai exploité les caractéristiques de cet objet, la paille étant un élément extrêmement léger et très sensibles au vent, je me suis servi de l’air entre ses fibres et non autour de ce mannequin, cela n’aurait pas marché. J’ai déplacé cet air qui a lui même déplacé le mannequin. Je n’ai donc pas agit directement sur le mannequin.
»Je vous ai montré là le côté le plus simple de la magie,en réalité elle est immensément plus complexe mais nous aurons le temps d’en reparler plus tard.
–Et vous, quel genre de magie maîtrisez vous ? Demanda Nicolàs.
–Comme vous l’avez vu, j’ai agit sur l’espace qui nous entourait, ce qui fait partie des talents d’un magicien temporel.
–Est-il possible de maîtriser les trois formes de magie ?
–Non cela est impossible, les Tala’ar eux mêmes n’en maîtrisent qu’une chacun, répondit Zénia.
–Vous êtes donc aussi puissante que les Tala’ar , dit-il avec un sourire.
–Leur connaissance de leur forme de magie respective est largement supérieur à la notre, mais merci du compliment, répondit-elle en souriant à son tour.
–Existe-t-il beaucoup d’être magiques sur terre ?
–Il n’y a que les Tala’ar, les Sourhataï, Maxyme, moi et vous, répondit-elle.
–Et savez vous quelle forme de magie puis-je contrôler ?
–Non, je n’ai pas réussie à identifier vos propriétés magiques, dit la garde Tala’ar, mais ne vous inquiétez pas nous réessayerons demain, il se fait tard.
–Tard !? Nous sommes seulement en milieu d’après-midi, répliqua Nicolàs.
–La nuit est déjà tombé depuis longtemps, annonça-t-elle.
–C’est impossible, nous sommes là depuis même pas une heure ! S’exclama le jeune homme.
–Cela fait plusieurs heures que nous sommes ici, dit-elle, identifier les propriétés magiques de quelqu’un peut prendre une journée entière, voire deux. Pour ne pas que vous vous lassiez, je vous ai accéléré le temps. En réalité, chaque fois que vous fermiez les yeux pendant que je vous identifiez, il se passait environ trois heures mais qui pour vous équivalait à trois minutes.
Sous le choc de ce qu’elle venait de lui révéler, Nicolàs se leva et sortit de la pièce. Dehors, la pleine lune venait se reflétait dans la fontaine, derrière lui Zénia s’approcha et sortit à son tour.
–Vous feriez mieux d’aller vous coucher, demain nous reprendrons notre travail.
Après lui avoir souhaité bonsoir, elle regagna la salle et fermât la porte derrière elle, le laissant seul dans le bastion silencieux. Arrivé dans sa chambre, il s’écroula sur le lit, repensant à tout ce que Zénia venait de lui révéler. Savoir l’existence de ce qu’elle appelait la magie l’avait bouleversé. Jamais il n’avait imaginé que des gens puissent faire de telles choses, mais le pire avait était d’apprendre qu’il faisait lui aussi partie de ces êtres magiques ! Son cerveau était en ébullition, l’empêchant de dormir, il se leva et fit les cents pas dans sa chambre .
Soudain, il s’arrêta brusquement et resta immobile au centre de la pièce pendant de longues minutes. Il savait quelle forme de magie il contrôlait !…

0