Assis sur le trône, le futur roi se faisait de plus en plus impatient. Voilà maintenant plusieurs heures qu’il avait envoyé des troupes à la recherche de sa sœur bon sang! Elle ne devait pourtant pas être bien loin, elle n’était parti que hier en fin d’après-midi. Normalement, ses hommes aurait déjà du l’avoir retrouvé et ramené au palais! Mais non, au lieu de cela, il était contraint d’attendre plus que de nécessaire et il détestait attendre!! Il fallait absolument que sa sœur revienne au palais et le plus vite serait le mieux. Selekrin, le fils du comte de Jalarin, allait arriver dans deux jours pour se marier avec Erika et à coup sûr, il verrait d’un très mauvais œil que sa « promise » ne soit pas là au rendez-vous. Julian ne doutait pas un instant que cet incident dégraderait considérablement les relations entre le palais et la ville de Jalarin. Pour le bien du pays, il fallait absolument qu’il évite cela!
Quand un soldat était venu l’avertir que la princesse s’était échappée, il s’était rendu sur le champ dans les appartements de sa sœur et le spectacle qui l’avait attendu devant la porte l’avait énormément frustré. Il regrettait sincèrement que les six soldats soit morts… Ainsi, il ne pourrait pas leur faire payer leur incompétence ! Les soldats étaient tous allongé sur le dos, la gorge tranchée et signe qu’ils ne s’étaient pas défendus, aucun n’avait dégainé son épée. Selon le soldat qui l’avait prévenu, un seul homme avait été vu avec la princesse lors de son évasion. Alors, comment avait-il réussit à égorger six soldats entraînés sans que ceux-ci n’est le temps de sortir leurs armes du fourreau? Il ne savait pas mais cette question l’intriguait fortement.
Il avait ensuite avancé jusqu’à la chambre de la princesse. A première vue, rien n’avait bougé. Il était ensuite allé vérifier la garde-robe de sa sœur mais là aussi tout était en ordre, preuve qu’elle n’avait rien préméditait. Mais cela importait peu. Se retournant vers les soldats qui l’avaient suivi, il leur avait ordonnés d’aller lui chercher une servante, chose qu’ils s’étaient empressés de faire. Quelques minutes plus tard, les soldats lui avaient apportés July, une des jeunes servantes de la princesse.
–Avance! Lui avait ordonné Julian.
D’abord hésitante, le regard que lui avait lancé le futur roi l’avait convaincu d’avancer le plus rapidement possible.
–Je te laisse une minute pour me dire tout ce que tu sais.
–Mon… Mon seigneur, avait-elle balbutiée.
–Ne me fais pas attendre!
July s’était pris la tête à deux mains, visiblement apeuré.
–Je ne sais rien du tout Mon seigneur, je vous jure.
–Très bien, dans ce cas tu ne m’ai d’aucune utilité.
— Je… Je peux partir alors ?
–Mais bien sûr ma petite…
Sans crier gare, Julian avait saisi la jeune servante à la gorge. Celle-ci essayait de se débattre, mais en vain. Lentement, le prince l’avait soulevé du sol et l’avait envoyé valdinguer à travers la pièce. La jeune servante avait crier de douleur quand elle était venu percuter violemment la baie vitrée de plein fouet. Puis le futur roi avait lentement traversé la pièce pour venir se camper devant elle.
–Tu ne sais toujours rien ?
–Non Monseigneur, avait-elle déglutit entre deux crachats de sang.
Le prince l’avait relevée, ouvert la baie vitrée et avait fini par la balancer par-dessus le balcon puis, quelques secondes plus tard, il avait entendu un bruit sec quand elle s’était écrasée sur le sol quelques mètres plus bas.
–Vous suivrez le même chemin si vous ne retrouvez pas ma sœur sous peu!! Avait-il hurlé à ses soldats.
Bien entendu, les soldats s’étaient précipités de partir à la recherche d’Erika.
Après être sorti des quartiers de sa sœur, Julian s’étaient rendus au portes du palais, à l’endroit où les archers avaient abattus l’homme qui avait aidé sa sœur. Arrivé à destination, il avait tout de suite reconnu le traître. Il s’agissait de Fyren McInter, un assassin qui avait tué cinq personnes au cours d’une bagarre à la sortie d’une taverne. Il avait été transpercé par deux projectiles, l’un s’était fiché entre ses omoplates et l’autre à l’arrière du crâne. Non sans cracher sur le cadavre, le futur roi avait ordonné que l’on se débarrasse du corps puis avait pris la direction de ses appartements.
Ce matin, dans la salle du trône, il attendait la visite qu’il redoutait mais qui était – il en était sûr – inévitable.
Sur ce coup, il se devait de jouer serrer car la survie du palais et d’Haldrin, la ville dans laquelle se trouvait le palais, en dépendait. Avant, Mirindin avait plusieurs partenaires commerciaux en dehors du pays, notamment avec Calarr, son seul pays voisin. Mais depuis, Julian avait fait fermés toutes les frontières. Si le palais venait à faire faillite, de fil en aiguille, tout le pays ne tarderait pas à s’écrouler également.
Julian commençait vraiment à regretter d’avoir fait fermer les frontières. Il avait pris cette décision sur un énième coup de colère et il se retrouvait maintenant dans une impasse, mais faire marche arrière serait compliqué. Sa décision avait était perçu comme une trahison par les dirigeant de Calarr, qui n’étaient pas enclin à renégocier un partenariat commercial de sitôt. Dorénavant, le pays devrait se débrouiller en solitaire.
La porte de la salle du trône s’ouvrit avec fracas. Tyron, le comte de Jalarin, avançait d’un pas décidé et son visage exprimait une intense colère. Il ne serait pas facile de l’amadouer se dit Julian, qui commençait un peu à douter, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Le comte vint se camper devant le trône et regarda le futur roi intensément. Ses yeux n’avait plus rien d’amical, désormais ils faisaient plus penser à un brasier prêt à tout détruire sur son passage.
–Mon Seigneur, dit-il d’un ton sec, une nouvelle des plus déplaisantes est venu troubler ma journée. Il se dit, d’après des rumeurs, que la princesse Erika se serait échappée du palais et ne serait toujours pas revenu ?
–Tyron, je puis vous assurer que ma sœur ne restera pas longtemps absente. A l’heure où nous parlons, mes meilleurs soldats sont à sa recherche et à ma connaissance, ils n’ont jamais laissé échapper une de leur proie. Rassurez vous, le mariage aura bien lieu, je peux vous l’assurer.
–Est-ce nécessaire de vous rappeler que de ce mariage dépend la survie de votre palais ?
–Ne vous inquiétez point Tyron, je connais parfaitement les enjeux de ce mariage.
–Quand vous êtes venu taper à ma porte pour me demander une faveur, en l’occurrence ce mariage, j’ai tout fait pour vous venir en aide. Je vous ai donné mon fils unique, Selekrin. Maintenant, c’est à vous de remplir votre part du marché Mon Seigneur.
Julian soutint le regard de Tyron, se leva puis déclara d’une voix grave :
–Mon cher comte, bien que je vous suis reconnaissant, il serait judicieux pour vous de ne pas oublier à qui vous vous adressez. Vous devriez considérer ce mariage comme un honneur et non comme une faveur. En tant que futur roi, ma parole fait figure de loi dans ce pays. Ce mariage sera célébré non pas parce que vous l’avez bien voulu, mais car je l’ai décidé. Et si je vous dis que ma sœur sera bien là pour le mariage, c’est qu’elle sera là.
–J’aimerais bien vous croire Mon Seigneur, mais il me faut des garanties.
Le futur roi commençait vraiment à s’impatienter, cette discussion ne les mènerait à rien mis à part un conflit.
–Prenez ma parole comme garantie Tyron, je crois que cela devrait vous suffire. Dans une journée maximum, ma sœur sera de retour. En attendant, je vous prie de continuer à superviser les préparatifs pendant que je m’occupe de ce léger contretemps.
–Un léger contretemps !? C’est comme cela que vous voyait la disparition de la future mariée? S’indigna Tyron.
Julian s’apprêtait à répondre quand un soldat arriva et s’arrêta au niveau de la double porte centrale que Tyron avait laissé ouverte. Il était couvert de sang et se tenait la jambe droite. Il s’appuya quelques secondes contre la porte puis recommença à avancer mais tenir debout lui coûtait énormément d’énergie. Arrivé à mi-chemin du trône, la douleur gagna son combat et il tomba à terre. Aussitôt, les deux soldats prostrés devant les portes se précipitèrent et allèrent relever leur camarade puis le firent s’asseoir sur une des chaises près du bureau qui se trouvait dans un coin de la salle du trône. Julian se leva et le rejoignit. Il reconnut un soldat de l’unité qu’il avait envoyé à la recherche de sa sœur.
–Que s’est-il passé soldat ? Demanda-t-il.
–Nous… Nous avons été…attaqué, réussit à articuler le soldat.
Il laissa reposer sa tête sur le bureau puis enchaîna.
–Comme vous nous l’aviez ordonné, nous étions partis à la recherche de la princesse… Trouver sa piste avait été facile, mais la suivre s’est avérée plus compliquée que prévu et tandis que nous avions perdu la piste, nous sommes tombés sur un petit camp de fortune…
Il ferma les yeux et grimaça de douleur, de plus en plus de sang s’échappant de sa jambe. Le futur roi y jeta un coup d’œil. Le pantalon du soldat était déchiré du genou jusqu’au milieu de la cuisse environ. Dessous, l’entaille avait l’air assez profonde. Son rétablissement serait très long et la carrière militaire de ce soldat était à coup sûr fini. Même s’il se rétablissait, cette blessure lui laissera des séquelles et il ne récupérerait sûrement jamais sa condition physique. Or le futur roi avait besoin de soldats en pleine possession de leurs moyens.
Le malheureux rouvrit les yeux et regarda le futur roi.
–Ce camp se trouvait en lisière de la forêt de Barin. On y trouva la servante de votre sœur, maîtresse Gaïa et nous avons pensé que ce serait une bonne idée de la conduire jusqu’à vous pour qu’elle vous disent où se trouvait la princesse. Nous l’avons donc embarqué avec nous. Mais nous n’avons même pas eu le temps de sortir de la forêt que deux personnes ont sauté des arbres et nous ont attaqués. Mon Seigneur… je n’avais jamais vu des guerriers aussi agiles de ma vie ! En quelques secondes ils ont tué toutes notre unité. Je n’ai été touché qu’à la jambe. Pour m’en sortir, j’ai dû faire le mort et attendre qu’ils partent. Quand ils s’en sont enfin en allé, ils ont pris maîtresse Gaïa avec eux et se sont enfoncé dans la forêt. J’ai rassemblé mes dernières forces pour venir vous avertir.
–Donc vous n’avez pas retrouvé ma sœur ? Demanda Julian d’un ton sec.
–Non Mon Seigneur, balbutia le soldat, qui commençait à comprendre ce qui allait se passer.
–Et tu es quand même revenu alors que je vous avais ordonné, à toi et au reste du groupe, de ne pas revenir tant que vous ne l’auriez pas trouvé n’est-ce pas ?
–Mais…Mais…Mon Seigneur…Toute mon unité était morte, je n’allais pas la chercher tout seul, je n’avais aucune chance ! Surtout avec ma blessure.
–Soldat, connais tu la devise de notre armée ?
–Dans la lumière ou dans les ténèbres, tous unis contre l’ennemi.
–Alors dis moi, quel mot tu n’as pas compris dans cette phrase ?
–Aucune Mon Seigneur, je connais cette phrase depuis petit et je l’ai toujours respectée.
–Tu es sûr de toi ? Demanda le futur roi.
–Absolument, j’ai consacré ma vie à cette armée et à ce pays.
–D’accord, si tu le dis…
Julian tourna les talons et s’arrêta quelques secondes.
Soudain, il sortit la dague suspendu à sa ceinture, se retourna brusquement et la planta dans le ventre de l’incompétent. Il pris même plaisir à la tourner dans tous les sens pendant que le soldat hurlait de douleur. Autour d’eux, les deux gardes et Tyron regardait la scène mais n’osait pas intervenir, de peur de subir le même châtiment. Quand le futur roi retira enfin la dague, le soldat tomba de la chaise et s’écroula au sol, une flaque de sang se répandant par terre.
–Que l’on me débarrasse du corps  !! Hurla Julian, et vous Tyron, nous reprendrons notre discussion plus tard, j’ai des choses plus importantes à régler.
Le comte acquiesça. Contrarier le futur roi en cet instant ne lui sentait pas être une bonne idée, il avait encore des affaires à régler dans ce monde.
Le futur roi sortit de la salle du trône. Cette mascarade avait assez duré et tout cela aller prendre fin dès aujourd’hui. Il aurait souhaité ne pas en arriver là, mais la teneur des derniers événements ne lui laissait plus le choix, il fallait absolument qu’il remette la main sur sa sœur, et ce à n’importe quel prix ! Leur demander de l’aide était très risqué, ils pouvaient très bien vous offrir la lune… Ou alors vous y envoyer mourir!! Julian continua à avancer à travers le palais, palais qu’il haïssait depuis sa plus tendre enfance. A peine avait-il eu l’âge de pouvoir l’arpenter tout seul qu’il était parti sans plus tarder l’explorer dans tous ses recoins, des plus lumineux comme la salle du trône où il n’y avait quasiment pas de murs mais que des fenêtres et où il se disait même dans tout le pays que le soleil s’y levait, au plus sombres comme les souterrains, spectateur de transactions en tout genres, généralement de marchandises volés. Ce trafic se faisant bien entendu au nez et à la barbe des rois qui n’auraient sûrement pas tolérer de tels agissements. Dans ces souterrains s’organisaient aussi les combats de rue les plus violent du pays, certains allant même jusqu’à la mort. Quand il était encore adolescent, Julian avait plusieurs fois participé à des combats et les avaient tous gagnés, sûrement parce qu’il était l’héritier du trône et qu’aucune personne sensée n’oserait frapper le fils du roi.
Dès qu’il aura été couronné, le futur roi s’était fait la promesse de raser ce palais et de s’en construire un autre, plus grand et plus sombre.
Julian arriva enfin devant la suite royale et sans plus attendre, entra dans cette chambre où des dizaines de rois avaient séjourné et qui était d’une beauté époustouflante. Même lui eut quelques secondes d’émerveillement quand il y rentra. Incrusté dans le sol en marbre, des filaments d’or courraient pour venir former la tête d’un lion rugissant. D’autres filaments jaillissait de sa bouche pour venir entourer le majestueux animal d’une aura dorée. Sur les murs, une fresque retraçait l’histoire des rois du pays, de Kilar I le tout premier roi de Mirindin jusqu’à Joram IV, père de Julian et Erika. Les meubles en chêne eux, était d’une finesse et d’un savoir-faire inégalable. Le lit était couvert d’une couverture en soie dorée avec des coussins arborant chacun la tête du lion emblématique du pays. Pour couronner le tout, la fenêtre laissait échapper un halo de lumière qui illuminait le lit.
Le futur roi s’approcha du lit et commença à le déplacer sur le côté opposé de la fenêtre jusqu’à que le lit ne soit plus en contact avec le halo de lumière. Au bout de quelques secondes, ce à quoi s’attendait Julian arriva enfin. Le sol commençait doucement à s’ouvrir, formant petit à petit un escalier en colimaçon. Il eut une petite hésitation mais se décida finalement à descendre.
Une fois en bas, il regarda autour de lui. Il était dans une salle entièrement vide hormis l’escalier entouré de quatre murs tellement blanc qu’ils ressemblaient plus à des murs de lumière que de pierre. Il fit le tour de la pièce d’un pas calme et serein, il s’approcha d’un des murs et se campa devant pour l’observer.
–Qui ose donc nous déranger dans notre sommeil ? Demanda une voix derrière lui.
Julian se retourna. A présent l’escalier avait disparu pour laisser place à ceux qu’il était venu voir.
Ils avaient une apparence à peine humaine. Leurs jambes étaient recouvert de plumes verdâtre et se finissaient par des pieds complètement disproportionnés par rapport au reste du corps, reste du corps qui était ce qui se rapprochait le plus de l’apparence d’un être humain. Le torse était tout ce qu’il y avait de plus normal, tout comme leurs bras –quoiqu’un peu long—qui eux se finissaient par de longues mains griffues. Leurs tête quant à elle, était de loin la chose la plus effrayante chez eux. Ils avaient un seul et unique œil que l’on arrivait à peine à distinguer entre les boursouflures qui parsemaient leur visage, leur nez était scindé en deux et leurs narines pendaient misérablement au bout de deux membranes de peau, à se demander comment ils faisaient pour respirer. Pour finir, même leur bouche était déformée et ne présentait aucune dent, seulement un vide abyssal.
Ils étaient aux nombres de trois et on les prénommait les Sourhataï. Ils étaient aux services des rois de Mirindin depuis des centaines d’années. Chaque rois n’avait le droit qu’à trois droits de visite tout au long de son règne, ce qui évitait qu’ils ne les utilisent à tort et à travers. Cela venait aussi du fait de leur innommable puissance qui faisait que leur pouvoir n’avait quasiment aucune limite. Ils pouvaient ainsi bien déchaîner une malédiction sur une personne, vous retrouver n’importe quel objet sur terre… Ou alors vous aidez à retrouver quelqu‘un. A ce jour, ils n’avaient connu qu’un seul échec, le jour où le roi Kilar III leur avait demandé une orbe qui lui aurait permis de gouverner le monde entier…
–Je viens quémander votre aide pour retrouver quelqu’un, répondit Julian.
–Je répète ma question : qui êtes-vous ?
Leur voix était telle les sifflements d’un serpent qui vous envahissait le cerveau. Quand ils vous parlaient, vous aviez l’impression qu’ils se trouvaient tout autour de vous, à chaque endroit en même temps.
–Je suis Julian, fils du roi Joram IV et héritier du trône.
–Vous êtes héritier du trône, répliqua le Sourhataï du milieu.
–C’est ce que je viens de vous dire.
–Ce n’était pas une question, vous êtes héritier du trône.
–Je ne pense pas avoir besoin de rappel concernant mon titre, rétorqua t-il, commençant vraiment à s’agacer, en revanche vous avez juré allégeance à ce pays et à ses rois, c’est le moment d’honorer un de mes trois souhaits.
–Vous n’êtes pas le roi ! Crachèrent les trois Sourhataï.
–Dans six mois je le serai!! Je viens juste prendre un peu d’avance sur le programme.
–Dans six mois vous serez roi, dans six mois vous pourrez revenir ici, mais maintenant vous devez partir et cessez de nous importuner !
— C’est maintenant que j’ai besoin de vous, pas dans six mois ! Cria le futur roi.
–Nous sommes au service des rois, pas des héritiers. Cet entretien est terminé, dirent en chœur les trois Sourhataï.
Après cette dernière phrase, ils disparurent dans un écran de fumée blanche pour laisser place à l’escalier. Tout en remontant, Julian continuait à ruminer sa frustration et sa déception. A présent, il devrait retrouver sa sœur tout seul et il n’avait que deux jours pour le faire ou sa situation et celle du palais risquait de rapidement se compliquer.
Une fois arrivé en haut, il s’empressa de remettre le lit à sa place et sortit de la pièce d’un pas énergique.
Il avait décidé de se rendre dans les sous-sols déchaîner sa frustration dans un combat clandestin, cela l’aiderait à se calmer. Il n’avait pas beaucoup de chemin à parcourir jusqu’au souterrain. On y pénétrait par une trappe se situant dans les cuisines du palais. Depuis tout petit, il s’était souvent demandé pourquoi on avait installé ce passage à cet endroit.
Quand il entra dans les cuisines, toutes les discussions s’interrompirent et les têtes se tournèrent vers le futur roi qui n’y prêtait pas la moindre attention. De cette situation il en avait fait son pain quotidien, cela était ainsi dans toutes les pièces dans lesquelles il entrait. Il souleva la trappe et commença à descendre l’échelle qui le mènerait jusqu’en bas. Les souterrains étaient éclairés par des torches accrochés au mur et il était facile de s’y perdre quand on les connaissait pas. Il s’agissait d’un véritable labyrinthe et il était plus facile d’y entrer que d’en ressortir. Heureusement pour Julian, il les connaissait sur le bout des doigts. C’était de loin son endroit préféré de tout le palais. Étant petit, il pouvait y passer des journées entières, voire même des nuits quand l’envie lui en prenait. Dans ces souterrains se trouvait un homme nommé Krolt, celui qui lui avait tout appris. Julian le considérait comme son mentor. Dès la première fois qu’il était descendu à l’âge de dix ans, Krolt l’avait pris sous son aile et l’avait aidé à s’endurcir et à se comporter en homme digne de ce nom. A ses côtés, il s’était sentit en sécurité mais surtout et c’était cela qui importait le plus, il avait toujours su que sa véritable place était ici et non dans tous les protocoles pompeux que lui avait appris son père.
Quand il arriva enfin dans la salle des combats, il chercha immédiatement Krolt des yeux mais ne le vit pas. Il alla donc au comptoir des inscriptions.
–Je veux combattre, tout de suite ! Inscris-moi au prochain combat, ordonna Julian.
–Euh… Monseigneur, balbutia l’homme qui s’occupait des inscriptions.
–Qu’y a-t-il encore ?
–Vous ne devriez peut-être pas…
–C’est moi et moi seul qui décide ce que je dois faire ou pas faire, est-ce bien clair ? Toi, tu es là pour faire ce que je te dis, alors maintenant inscris moi pendant que je vais me préparer, rétorqua Julian d’un ton glacial.
–Oui Monseigneur. Et à quel genre de combat désirez-vous participer?
–Un combat à mort bien sûr !
–Un combat à mort, d’accord, déglutit son interlocuteur qui paraissait carrément paniquer à présent.
–Vous voyez quand vous voulez, dit Julian avant de se rendre dans les vestiaires attribués aux combattants.
Julian ne mit pas longtemps à se préparer. Il avait juste retiré sa veste pour rester en chemise pour avoir une plus grande liberté de mouvement pendant le combat. Quand il arriva dans l’arène, enfin la salle qui servait d’arène, la vingtaine de spectateur le fixèrent des yeux puis se levèrent pour l’applaudir. Voilà encore une raison pour laquelle il préférait les souterrains, ici il était respecté à sa juste valeur. Son adversaire n’étant pas encore arrivé, il décida donc de l’attendre en s’accroupissant dans un coin de l’arène.
L’arène se séparait en deux parties. Les tribunes étaient de vulgaires chaises posés un peu partout pour que les spectateurs puissent s’asseoir. Généralement, elle ne servaient pas à grand-chose. En effet, dans l’excitation et la passion, les spectateurs ne restaient pas assis bien longtemps, pire, elles finissaient souvent par servir d’armes à un des combattants. Une simple ficelle séparait les tribunes de l’endroit où se déroulait le combat. Trois portes permettaient d’accéder à cette arène, une pour les spectateurs, et deux pour les combattants.
Au bout de quelque minutes, Julian commença à ressentir des courbatures dans les jambes. Il décida donc de se lever et se mit face au mur puis posa ses deux mains dessus et commença à s’étirer.
–Toi !? Dit une voix derrière lui.
Au début, il ne voulut pas croire que c’était lui, cette voix il la connaissait par cœur. Il n’avait jamais entendu de voix si particulière, il aurait pu la reconnaître entre mille!
–Julian, que fais-tu ? Le relança t-il.
— Krolt, je te jure que je ne savais pas que c’était toi, l’homme des inscriptions ne m’a rien dit ! Abandonne alors je t’en prie, supplia le futur roi.
–Tu sais bien que c’est impossible, personne ne peut abandonner un match à mort sous peine de se faire exécuter pour lâcheté. D’ailleurs, je n’en ai pas envie.
Julian connaissait très bien cette loi, c’était lui qui l’avait imposé ! Il était désormais impossible de faire marche arrière, il devrait se battre contre son mentor c’était inévitable ! Il aurait très bien pu annuler le combat, après tout il était l’héritier du trône, mais en agissant ainsi il aurait perdu toute crédibilité et se serait déshonoré aux yeux du peuple des souterrains.
Devant lui, Krolt le regardait d’un air déterminé… Presque insolent. Les deux adversaires se firent le salut traditionnel d’avant combat puis reprirent leur position originelle. Une petite cloche retentit pour annoncer le début du combat à mort. Il régnait un silence de cathédrale dans l’arène. Tous les spectateurs retenait leur souffle et observait les deux combattants avec attention, conscient que ce combat ne serait pas comme les autres. Julian et Krolt était en phase d’observation, les deux ne se lâchaient pas du regard et tournait tout autour de l’arène.
Krolt rompit ce contact visuel et leva une main vers le ciel.
–Julian, je veux que tu sache que quoi qu’il arrive, je ne t’en voudrais pas, fais ce que tu as à faire et tue moi.
–La ferme Krolt et viens te battre ! Répliqua le futur roi.
–Mais avant, permet moi de te serrer la main une dernière fois, quémanda le chef des souterrains tout en tendant sa main gauche.
Julian tendit à son tour sa main et serra celle de son mentor, les deux combattants gardèrent ce contact quelques secondes.
–Ça a été un honneur de te connaître Julian. Je suis vraiment désolé que cela ce finisse ainsi.
Puis d’un coup vif, il asséna un puissant coup de poing qui vint percuter le menton du futur roi qui tomba à la renverse sous la puissance du choc. En se relevant, Julian se massa la mâchoire, du sang s’échappait de sa bouche et coulait le long de son menton. Une dent avait aussi volé hors de celle-ci. Krolt l’avait pris en traître! La phase d’observation avait assez duré, maintenant place au combat! Son adversaire avançait vers lui et se prépara à lui asséner un second coup de poing qu’il évita de justesse en penchant sa tête vers la droite mais malheureusement pour lui, il n’avait pas vu venir le coup de pied qui vint lui caresser le flanc droit. Le souffle coupé, il mit quelques secondes à reprendre son souffle puis se campa de nouveau devant son adversaire. Désormais, celui-ci affichait un rictus de suffisance qui ne manqua pas de faire enrager le futur roi qui se rua sur lui et enchaîna coup droit et coup gauche à une vitesse ahurissante. Malgré cela, son ennemi parvenait toujours à bloquer ses coups avec ses avant-bras mais celui-ci reculait inlassablement. A présent, Krolt était acculé contre le mur et avait de plus en plus de mal à éviter les coups, un vint même lui effleurer le visage. Toujours sous la pression des coups de son adversaire, Krolt commis une erreur quand il libéra un bras pour amortir son contact avec le mur. Il offrit ainsi une ouverture de choix pour Julian qui ne se fit pas prier pour s’y engouffrer avec un crochet du gauche. Puis le futur roi enchaîna avec un deuxième tout aussi puissant que le premier. Sonné, son adversaire secoua la tête et repris position pour se relancer dans la bataille. Désormais, chacun savait de quoi l’autre était capable, ce qui rendait le combat plus stratégique. Chacun analysait les mouvements de l’autre et aucun ne voulait se livrer et ainsi s’offrir en pâture à l’autre.
Subitement, Krolt s’écroula et hurla de douleur en se tortillant sur le sol et en se tenant le ventre. Tout d’abord interloqué, Julian s’approcha prudemment, il ne voulait pas se faire avoir une seconde fois. Krolt s’était replié sur lui-même en position fœtale. Était-ce encore une de ses ruses ? Le futur roi n’en savait rien mais ne voulait pas prendre de risque. Sans crier gare, il asséna un violent coup de pied derrière la cuisse de son mentor qui hurla de douleur. Julian fit le tour de son adversaire et vint se figer au niveau de la tête de Krolt.
Puis tout vint très vite…
Krolt lui saisit les chevilles et tira vers lui de toutes ses forces, lui faisant perdre l’équilibre, puis se releva à la vitesse de l’éclair et se campa au-dessus de lui. Il s’accroupit et s’assit sur le torse de Julian qui était maintenant à sa merci.
–Ta route s’arrête ici mon cher ami.
–Krolt que fais-tu ? Demanda Julian en suffoquant sous le poids de son ami — ou ennemi il n’en était plus très sûr — ce n’est pas ainsi que l’on combat dans l’arène !
–Je mets fin à ta tyrannie et à ton autocratie ! Dit Krolt tout en ricanant.
–Pourquoi ?
–Pourquoi !? Mais pour instaurer la mienne bien sûr! Tu ne croyais quand même pas que j’allais rester toute ma vie dans ces souterrains miteux non ?
–C’est pourquoi tu te bas en traître? Dit Julian tout en essayant de s’extirper de l’emprise de son adversaire.
Krolt lui bloquait les bras avec ses genoux. Dans cette position, il était impossible de se débattre, Julian était incapable de bouger.
–Tu te crois assez costaud pour gouverner un pays Krolt ?
–Tu serais bien étonné de voir tout ce dont je suis capable.
–Comme te battre comme un lâche ?
–La fin justifie les moyens mon ami. Regarde où cela m’a mené, je suis sur le point de tuer l’unique héritier du trône et de devenir roi à mon tour.
–Tu paieras pour tes actes!! Je jure sur ma future tombe que tu le paieras!
–Peut-être, mais tu vois actuellement j’ai d’autres projet en tête, comme un mariage par exemple. D’ailleurs, je me demande comment je vais annoncer au comte de Jalarin que son fils n’épousera pas Erika. Cela fait tellement de temps que j’attends de mettre la main sur ta chère sœur!
–Si tu penses m’atteindre avec cette menace, tu sais très bien que je n’en ai rien à faire de cette garce.
–Tu es prêt Julian ? Dit bonjour à ton père de ma part…
Krolt commença à lui asséner coup de poing sur coup de poing jusqu’à que le visage de Julian soit couvert de sang puis, pour être bien sûr qu’il soit mort, il sortit de sa botte le couteau qu’il avait préparé spécialement pour cette occasion et égorgea le désormais ancien futur roi…

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