Matt était à bout de souffle, grièvement brulé à son bras gauche. Le dragon attaquait comme une furie utilisant flamme, griffes et queue pour se battre. Sa défense semblait imprenable. Ses écailles le protégeaient comme une armure. La créature allait rapidement avoir raison de lui si cela continuait. De coup en coup, la santé de l’épéiste se dégradait rapidement. Alors que le monstre allait balayer de son immense patte Matt et sans doute l’achever, Kenna s’interposa et reçut le coup à sa place. Après avoir été projetée à une dizaine de mètres, elle se releva et prit place comme bouclier humain face à Matt. La scène eut beau se répéter quatre fois, le dragon restait insensible au courage de l’enchanteresse et la repoussait avec la même force à chaque fois. La grosse bête, lasse de jouer avec les adolescents, décida de mettre un terme au combat en se gonflant jusqu’à quasiment imploser. Alors qu’il allait cracher une flamme sans doute plus grande et dangereuse que toutes les autres, le dragon fut stoppé au début de son expiration par le sort d’Eden.
– Ouah ! s’exclama Kenna. On a eu chaud !
– C’est vrai que cette fois, je suis un véritable héros, s’auto-complimenta Eden. Je m’impressionne moi-même, je dois être l’un des enchanteurs les plus puissants de ce siècle.
– Pas sûr, mais c’est vrai que sans toi on aurait était mal barré, affirma Matt avec un semblant de reconnaissance. Et c’est aussi grâce à toi, Kenna si je ne suis pas trop amoché, je te le revaudrais.
– Ne va pas te tromper ! J’avais juste envie de flanquer une raclée à ce dragon.
La mauvaise foi de la jeune fille était flagrante et amusait Matt. En fait, elle lui rappelait le comportement enfantin et puéril de sa plus proche amie.
– Maintenant qu’on a tous repris notre calme, déclara Eden, je pense qu’il serait temps de converser un peu avec ce dragon. Je te laisse l’honneur de commencer Kenna et, fait vite, le sort ne durera qu’une quinzaine de minutes.
Kenna s’approcha doucement de la créature et posa sa main sur le front de la bête. À cet instant le joyau qui y était posé prit une couleur verte et une lumière de la même couleur enveloppa la pièce. Une connexion entre les esprits des mages et du dragon se fit et Kenna put entamer la conversation. Avec une humanité et une sincérité lui ressemblant peu, elle tenta de rassurer le reptile :
– Je m’appelle Kenna, je suis une enchanteresse dragon. À vrai dire, tu es le premier que je rencontre et je ne sais pas vraiment comment je dois faire. Enfin bref, moi et les deux autres gars derrière moi sommes venus te libérer parce que nous avons besoin de ton aide. Je ne connais pas toute l’histoire, mais je comprends pourquoi tu nous as attaqués et je suis désolé qu’on ait eu à te paralyser. Mais nous ne sommes pas comme ceux qui t’ont enfermé ici !
Le dragon s’était endurci avec le temps et avait perdu toute foi en l’humanité. La bonté qui l’habitait était devenue rancune, puis rage, et enfin, une haine sans limites. À la fondation de Pyravis, il leurs avait donné une confiance aveugle, la trahison n’en avait était que plus douloureuse. Néanmoins, il gardait une fascination envers ces créatures capables du meilleur et du pire. Le reptile, de sa voix roque et extrêmement grave, répondit :
– Mémôris ne croit pas les humains
– Mémôris ! C’est qui ?! s’exclamèrent Matt et Kenna en chœur.
– Je pense que c’est lui, expliqua Eden, il parle à la troisième personne de lui-même.
– C’est un peu chelou, mais bon. Depuis la fondation de Pyravis, les gens ont évolué. Ceux qui t’ont fait du mal sont décédés depuis des siècles et nous, on a rien avoir avec eux. Tu ne peux pas te venger de toute une espèce seulement parce qu’une minorité de personnes t’a fait souffrir !
– Les paroles de l’enchanteresse sont sages, mais n’atteignent pas Mémôris. Quand il a était trahi, Mémôris n’avait rien fait de mal et pourtant, les hommes l’ont attaqué. Ils ont voulu se l’approprier et l’ont enfermé comme ils ne parvenaient pas à le maitriser. Même si les trois mages ne sont pas coupables, ils font partie de ces créatures avares, traitresses et calculatrices : Les Hommes.
Eden, las de devoir se démener pour convaincre le dragon de leur sympathie, décida de passer à un autre moyen de conviction, la menace :
– Comme preuve de notre bonne foi, nous somme venu ici vous libérer, mais si vous ne voulez pas nous aider, on peut toujours partir et vous laissez croupir ici le reste de votre vie. On trouvera sans doute un dragon moins têtu, vieux et bête ailleurs. Maintenant, on a fini de parlementer. Si dans les cinq secondes qui suivent vous n’acceptez pas de nous aider, on vous laisse ici. J’espère que cette fois-ci, vous prendrez la bonne décision.
Eden lança le compte à rebours allant de plus en plus vite pour déstabiliser et intimider Mémôris. Arrivé à la dernière seconde, le dragon craqua et accepta l’offre des mages. Eden dissipa alors le sort de paralysie puis avec l’aide des deux autres magiciens et du dragon, il détruisit les gravas qui leur bouchaient la sortie. Une fois en dehors du souterrain, ils furent confrontés à un problème plutôt évident qu’ils n’avaient pourtant pas envisagé. Comment allaient-ils survoler la ville sans se faire remarquer ? Déjà dans le parc, tous les enfants étaient tournés vers eux et regardaient ébahi la « grosse bêbête ». Heureusement, au bout de quelques mensonges, ils parvinrent à leur faire croire qu’il ne s’agissait que d’un automate crée pour le défilé de charre qui se déroulerait deux semaines plus tard. Mais maintenant que les enfants étaient écartés, il restait à élaborer un plan pour berner les adultes qui étaient bien moins crédules que leur progéniture. Matt et Kenna pensèrent à peindre le dragon en gris afin de le faire passer pour un avion. Mais même s’il serait moins visible dans le ciel, le mouvement des ailes resterait suspect. Et puis voir trois adolescents sur le dos d’un « avion », ce n’était pas ce qu’il y avait de plus discret. Eden, constatant le manque flagrant de bonne idée, demanda à Matt d’appeler la petite scientifique pour avoir de ses conseils…

À des milliers de kilomètres de là, dans leur titanesque palace, Iris et Rùna étaient en train de s’amuser avec les deux petits. Chacune à leur manière, bien entendu. La plus âgée préféra jouer avec eux afin de se rapprocher de cette famille qu’elle ne connaissait que depuis quelques jours. L’alchimiste, en bonne psychopathe, privilégia ses recherches sur les humains en les mesurant, pesant et relevant leurs salives et sueurs. Le coup de fil de Matt l’interrompit alors qu’elle s’apprêtait à leur prélever un morceau de peau :
– Alors Matt, t’as encore besoin de mes services ? C’est pourquoi cette fois ? Tu cherches une licorne ou un centaure ?
– Ah ! Ah ! Toujours aussi drôle Rùna. Si t’as fini de jouer à la poupée, tu vas pt ‘être pouvoir m’aider. Sauf si c’est l’heure de ta sieste, reprit Matt.
– Bien envoyé pour un crétin. Si tu veux mon aide, tu vas casquer et cette fois pas de rendez-vous arrangé. J’attends déjà ceux de notre précEdent accord.
– J’te filerai une photo du dragon qui s’trouve à côté d’moi !
– Tu l’as trouvé, vraiment ? interrogea-t-elle septique. Dans ce cas, qu’est-ce qu’il te faut ?
– J’aurais besoin de pouvoir voler sur le dragon sans qu’on soit repéré. J’me disais qu’une intello comme toi pourrait pt‘être m’aider.
– Hm… T’as pensé à le peindre en gris pour le faire passer pour un avion ?
– Si tu n’as pas d’idée plus sérieuse, je raccroche, affirma-t-il en s’impatientant.
– Bien, bien. Eden pourrait le rendre invisible.
– Disons qu’il a un peu de mal avec ce sort…
En effet, par le passé Eden avait rendu des tas de choses invisibles et n’avait jamais réussi à leur rendre leur apparence. Certaines avaient même totalement disparu. Il valait mieux éviter de prendre ce risque.
– Dans ce cas, tu n’as qu’à prendre mon sérum rétrécissant et en donner à boire au dragon et à tous les passagers. J’en ai une dizaine de fioles dans mon cartable. Buvez-en une chacun et trois pour le dragon. Les antidotes eux, sont dans le labo dans l’étagère la plus basse à droite. Il y a une étiquette dessus. Si tu sais lire, tu ne te tromperas pas.
– Pourquoi t’as des potions dans ton sac de cours ? interrogea-t-il en imaginant le pire.
Rùna préféra raccrocher plutôt que de répondre à cette question embarrassante, ce qui ne fit qu’inquiéter encore plus Matt. Suite à cette conversation, elle oublia ses analyses et prise de culpabilité alla avouer son crime à Julicia…
Pendant ce temps, Iris, intriguée par tous les appels que passait Matt à Rùna, décida d’écourter son séjour. Elle refit sa valise lentement et peinée. Elle voulait rester plus longtemps, mais ne se sentait pas à l’aise. Ces personnes avaient beau être sa famille, elle avait l’impression d’être de trop. Ils avaient construit leurs vies et leurs souvenirs sans elle. N’était-ce pas égoïste de vouloir s’immiscer dans la vie de parfaits inconnus seulement parce qu’ils partageaient le même sang ? Elle savait que ses doutes n’étaient pas fondés et que tôt ou tard ils s’estomperaient, mais son passé venait constamment la hanter. Les images de sa famille avant la soudaine disparition de sa mère, lui rappelaient un bonheur lointain qui lui semblait inaccessible maintenant que son frère n’était plus son frère et que son père avait trouvé une autre femme à aimer. Tout le monde avait continué sa vie alors que la sienne s’était stoppée alors qu’elle avait huit ans. Finalement, sa place était plus au côté de Matt, Eden, et même Lucian que de son père et ses frères. Alors qu’elle eut fini sa valise et qu’elle se rendit auprès des autres pour leur dire au revoir, son père lui annonça qu’il désirait qu’elle reste vivre avec lui. Cette demande plus que l’enchanter, l’acheva. Elle trouva cela mal placé après tant d’années d’écart :
– Pourquoi est-ce que tu t’intéresses à moi soudainement ? Cela fait sept ans qu’on ne c’était pas vu parce que tu voulais une nouvelle vie. C’est trop tard pour me demander ça ! T’as abandonné maman ! Tu nous as laissé Honoré et moi ! J’ai grandi toute seule à cause de toi. Alors, ne te met pas à jouer le père s’il te plait, car c’est déjà trop tard.
Elle laissa tomber sa valise et quitta la pièce bouleversée. Elle courra jusqu’à la sortie du manoir puis prit un taxi jusqu’à la gare. Son père n’avait même pas essayé de la retenir. Il était resté de glace, comme si la peine ne pouvait l’atteindre puis, il s’était enfermé dans son bureau où il travailla sur les dossiers de son entreprise toute la nuit.
Quand Iris arriva à l’entrée de la gare de Pyravis, la première chose qu’elle vit dans le ciel couchant fut une petite chauve-souris volant vers l’horizon. Elle ne le savait pas, mais il s’agissait de ses deux amis et d’une future connaissance en route pour un long périple. Le premier lieu où elle se rendit fut l’appartement d’Eden. Bien sûr, lorsqu’elle arriva, le logement vide et il en fut de même lorsqu’elle retourna au manoir. Tout ce qu’elle trouva, c’est son grimoire ouvert à la page de la mélodie du dragon ainsi que le dossier de Kenna et le livre de contes traitant de la légende de Pyravis. Elle comprit alors qu’ils étaient partis à la chasse aux dragons sans elle.
Pour se changer les idées, elle se rendit dans une petite crêperie sur la jetée où elle savoura un milkshake vanille myrtille tout en observant la mer danser. Quand elle eut fini son exquis breuvage, elle se rendit sur la plage où elle marcha pieds nus un long moment. Elle joua avec les vagues puis dessina un cœur sur le sable avec à l’intérieur les initiales de son petit copain et d’elle-même. Puis, après s’être promené les pieds dans l’eau, elle s’allongea au sol, contempla les étoiles et se vida l’esprit, accompagnée par le rythme des vagues qui frappaient le sable.
Pendant qu’elle rêvassait, Matt, Eden et Kenna installaient leur campement pour la nuit. Ils se trouvaient déjà dans la contrée d’Auréalis. Un magnifique petit pays situé à mille-cinq-cents kilomètres de Pyravis avec la particularité d’être toujours survolé par des aurores boréales. C’est sur un petit sentier de terre, proche d’un village, qu’ils firent un feu et dégustèrent un immense paquet de chips. Après manger, ils se construisirent un minuscule abri avec des brindilles et des feuilles qui trainaient aux alentours. Ensuite, ils allèrent se coucher, après avoir établi les tours de garde. Eden commença et comme Iris, il passa son temps à contempler le ciel ne pensant plus qu’à elle, complètement sous le charme des premières flammes de l’amour…
Iris se releva aux alentours de minuits. Alors qu’elle marchait sur les quais, elle croisa Kira. Celle-ci était en train de s’entrainer au tir sur des canettes encore pleines. L’adresse dont faisait preuve cette femme était incroyable. Elle arrivait à décapsuler chacune des canettes sans les faire tomber ou fuir. Quand elle remarqua la présence d’Iris, elle la cribla de balles rien qu’avec son regard. Elle cogitait sur sa vengeance depuis le jour de leur rencontre. Elle contenait si bien sa rage que cela la rendait encore plus effrayante car imprévisible. Iris détourna les yeux, angoissée et continua son chemin comme si elle n’avait pas vue la tueuse aux cheveux de feu. Celle-ci n’accepta pas de se faire ignorer et tira une balle en plein dans le tibia d’Iris. Elle s’effondra au sol, la jambe ensanglantée, tout en poussant d’insupportables cris. Puis elle se calma et essaya de contenir sa douleur. Elle tenta tant bien que mal de se relever, mais à une jambe, cela lui était impossible. Kira s’approcha d’elle et s’exclama avec froideur :
– Si Lucian n’avait pas besoins de toi en vie, cette balle serait allée droit entre tes deux yeux.
Elle contempla Iris se tordre de douleur une minute avant de partir sereinement. L’adolescente resta seule dans la nuit en serrant de toutes ses forces sa jambe avec sa main droite afin de stopper l’hémorragie. De sa main gauche, elle tenait le collier des anges et essayait de lancer un sort. Elle tenta à plusieurs reprises de se téléporter en face de l’hôpital, mais ne parvint pas à rester concentrée suffisamment longtemps pour effectuer le sort. Elle prit son portable et contacta une ambulance qui arriva un quart d’heure plus tard. Quand ils furent enfin là, Iris était inconsciente et gisant dans son propre sang.
À son réveil, elle était dans un lit d’hôpital, perfusée et la jambe recouverte d’un pansement blanc. Elle se sentait faible et avait le teint livide d’un macchabée. Une infirmière vint lui apporter un plateau-repas et la questionna sur son identité et les circonstances de son agression. Elle raconta ce qui lui était arrivé en omettant un détail plutôt important :
– Je m’appelle Iris de Félicité. J’ai passé la soirée sur la plage et je comptais rentrer chez moi quand je suis tombé nez à nez avec cette personne. Je ne l’ai pas vue clairement, elle était dans l’obscurité. Tout ce dont je me rappelle c’est qu’elle a sortie sont arme et m’as tiré dessus. Quand je me suis effondrée, le tireur a dû penser que j’étais décédé et il s’est enfui. Une fois seule, j’ai appelé les urgences puis j’ai perdu connaissance.
– Etes-vous sûr de ne pas avoir vue le visage de votre agresseur ?
– J’en suis sûre et certaine. Maintenant, vous pensez que je peux rentrer chez moi ?
– Nous allons procéder à quelques derniers examens pour vérifier que vous allez bien. Ensuite, vous répéterez votre témoignage aux forces de police et vous pourrez enfin vous en aller. Connaissez-vous quelqu’un qui pourrait vous raccompagner ?
– Je me débrouillerai seule, ne vous en faites pas, affirma-t-elle en s’efforçant de sourire.
– Bien. Je vais chercher le docteur Antiqua. Je reviens dans cinq minutes.
L’infirmière sortit de la chambre avant même qu’Iris puisse lui parler. Antiqua n’était pas un nom très courant. Ce docteur devait de faire partie de la famille de Matt. Quand la porte s’ouvrit, elle fut surprise de voir la ressemblance frappante entre le médecin et son ami. Les mêmes cheveux rouges, mais en moins volumineux et moins décoiffés, les mêmes yeux verts, mais cachés par de fines lunettes métallisées. Une mâchoire carrée lui donnant un air mature et séduisant. Il était bien plus grand que son frère et était paré d’une musculature très développée. Par contre, les traits de son visage indiquaient que cet homme n’avait pas pour habitude de sourire. Sa figure dégageait tant de sérieux qu’il rendait mal à l’aise. Elle ne l’avait pas vue depuis longtemps et pourtant, elle reconnut sans difficulté Aurélian. Contrairement à Matt, il avait toujours était d’un calme troublant. Doué pour les études, il y avait consacré toute sa vie. Il ne s’était jamais encombré d’amis et n’avait jamais était très proche de sa famille. Il n’avait ouvert son cœur qu’à une personne, Cristal. Elle était la baby-sitter de Matt et d’Iris. Puis à force de se croiser, ils firent connaissance et se prirent comme confident. Elle avait réussi à le faire sortir et lui avait fait découvrir la vie en dehors du lycée. Son caractère insistant et son franc parlé l’avaient séduit. Jusqu’à ce que, lors d’une épidémie d’un virus mortelle, elle s’éteignit… Depuis il s’était encore plus refermé sur lui-même et avait nourri une haine maladive contre la mort. C’est sans doute ce qui l’avait poussé à devenir médecin.
Quand son regard croisa celui d’Iris, on eut dit qu’il ne l’avait pas reconnu. Il procéda aux examens en restant le plus formel possible et en utilisant le moins de mots nécessaire. Ensuite, il l’aida à aller jusque dans l’ambulance chargée de la ramener chez elle, en poussant son fauteuil roulant. Elle aussi resta muette, ne sachant pas vraiment quoi dire à une personne qui n’avait clairement pas envie de lui parler.
Une fois arrivée chez elle, elle essaya de contacter Matt pour lui parler de son frère, mais à cause de l’altitude à laquelle était son correspondant, elle n’obtint pas de réponse. Elle n’abandonna pas pour autant l’idée de lui parler. Elle prit son grimoire et chanta la mélodie qu’Eden lui avait jouée au piano quelques jours auparavant. Elle put ainsi communiquer avec son lointain amour par télépathie. Comme tous les nouveaux couples, ils commencèrent par s’échanger de long discours romantique, niais, mais tellement beau. Après une dizaine de « je t’aime » et « tu me manques mon adoré », elle lui parla de son séjour à l’hôpital suite à la folie de Kira. Elle le somma d’informer Matt de sa rencontre avec Aurélian. En entendant cela, Eden cru bon d’avertir Iris des soupçons qu’il avait à l’égard du médecin. Elle lui promit de rester prudente et le pria d’en faire tout autant. Lorsqu’elle essaya de se renseigner sur le lieu où ils se trouvaient, elle n’obtint de son interlocuteur qu’une réponse vague et inutile. Après qu’ils eurent fini de parler de sujets sérieux, elle clôt la conversation en lui disant de nouveau combien elle l’aimait et s’inquiétait pour lui.
Eden préféra taire ce qu’il venait d’apprendre à Matt afin de ne pas le rendre plus insupportable qu’il ne l’était déjà. S’il avait su pour la blessure d’Iris, il aurait voulu rentrer immédiatement et ils auraient dû refaire tout le trajet. Il était lui-même inquiet pour elle, mais avait foi en son courage et sa force de caractère. Il savait qu’il ne lui arriverait rien de grave, car malgré les apparences, elle était plutôt chanceuse et débrouillarde. Il devait se concentrer sur la bague et son possesseur.
Osauryx était juste en dessous d’eux, ils ne leur restaient plus qu’à survoler cet immense territoire tropical à la recherche de Troodons. Mais la tâche était bien plus compliquée qu’il n’y paraissait. Les arbres en dessous d’eux étaient abondants et touffus et un immense nuage de brume masquait le sol. Et comme si cela ne suffisait pas, il se mit à pleuvoir des cordes. Ils durent atterrir au milieu de cette faune sauvage afin de s’abriter de l’orage. Après avoir bu les antidotes et retrouvé leur taille normale, ils décidèrent de s’aventurer dans ce lieu inconnu afin de trouver la grotte. Ils prirent la décision plutôt risquée de se séparer en deux groupes. Eden et Mémôris prirent la direction du sud et Matt et Kenna du nord. Le groupe du dragon marcha jusqu’à arriver à un marécage survolé par une armée de moustique géant et de mouche bleue. L’odeur nauséabonde des carcasses entassées au sol semblait indiquer qu’un dangereux prédateur logeait dans les parages, peut-être même un Troodons. Eden fouilla les parages à la recherche de la créature ayant massacré toutes ces bêtes et tomba sur une sorte de petit écureuil tout mignon. La petite bestiole fixa le jeune mage de ses gros yeux puis afficha un sourire à en effrayer plus d’un. Ses petites dents pointues étaient faites dans un métal si aiguisé qu’elle aurait pu trancher un rocher. Le rongeur se propulsa à la force de ses pattes arrière et planta ses crocs dans le bras d’Eden. Le jeune homme se secoua activement afin de faire déguerpir cette horrible créature, mais le rongeur ne voulait pas lâcher prise. Il le frappa contre un arbre puis contre un rocher, essaya de la retirer avec son autre bras, mais en vain. L’écureuil, tel un vampire, vidait sa victime de son sang et ne voulait pas la lâcher tant qu’elle n’était morte. Mémôris finit par intervenir en attrapant lui-même la tenace créature avec ses dents et en la dévorant. Eden lui en fut extrêmement reconnaissant et après s’être fabriqué un bandage à l’aide de sa chemise, il s’excusa des moyens dont il avait fait preuve pour le sortir de sa grotte. Par la suite, ils préférèrent fouiller ailleurs afin d’éviter d’avoir de nouveau affaire à ces sales bestioles. En s’enfonçant dans les bois, ils finirent par trouver une petite cabane entourée par des barbelés, des tranchées, et même des pièges à souris, sans doute destinés aux écureuils. Comme la porte était inaccessible, Eden balança des pierres. Un homme baraqué et coiffé comme un ours en sortie accompagné d’un fusil de chasse. Il fut aussi surpris qu’Eden de voir des personnes dans cet endroit reculé de la civilisation. Tandis que le dragon resta à l’extérieur, Eden rejoignit l’inconnu dans sa cabane en suivant un petit passage que l’habitant lui avait indiqué. A l’intérieur, il y avait le strict minimum, un lit en bois à côté d’un poêle ainsi qu’au milieu de la pièce une table en chaine où étaient posés une carte et un épais livre avec une couverture en cuire. Il y avait aussi sur les murs, une impressionnante collection d’arme à feu, de têtes d’animaux empaillées ainsi que sur un crochet, un polaroid. Avant d’entamer la discussion, l’habitant sortit une trousse de soins et donna à Eden de quoi désinfecter sa plaie et se faire un pansement, ainsi qu’un t-shirt trois fois trop grand pour lui. L’homme se montra accueillant et apporta quelques aliments fraichement chassés. Après qu’ils se furent présentés, Eden engagea la conversation :
– Tom, c’est ça ? Que faites-vous dans un lieu aussi reculé ?
– J’vins là pour faire une carte de c’t’endroit. J’compte pas laissé les bestiaux nous privé de c’te terre plus longtemps. Et qu’est-ce qu’un jeunot comme toué vint faire dans la zone ?
– Je suis un explorateur venu découvrir ce territoire. Plus particulièrement la vallée des Troodons. Ne sauriez-vous pas s’il y aurait une grotte là-bas ?
– Une grotte, j’crois ben en avoir vu une. Faut regarder sur c’te carte, affirma-t-il en montrant celle qui était posée sur la table.
Eden lu la carte en détail et ne vit aucune grotte. Par contre, il était indiqué qu’au milieu de la vallée des Troodons se trouvaient un trou menant à un souterrain. Après avoir mémorisé le plan et remercié son hôte, Eden retourna sur le dragon et parti retrouver l’autre moitié du groupe.
Matt et Kenna s’étaient pendant ce temps rapprochés de la vallée des Troodons. Alors qu’ils faisaient connaissance et s’apercevaient de leur nombreux point commun, un animal avec la démarche d’une autruche vint se poster devant eux. Il faisait environ un mètre de haut et deux mètres de large. Il avait une peau recouverte d’un fin duvet de plume, de petits membres antérieurs terminés par trois petits doigts ainsi que deux pattes munies chacune d’une griffe au talon. Au milieu de son fin et long crâne, ses énormes yeux dévisageaient les deux aventuriers. D’ailleurs, sa bouche remplie d’une multitude de petite pointe semblait saliver à l’idée de faire leur connaissance. Il s’agissait d’un sténonychosaure aussi appelé Troodons, un dinosaure d’une dangerosité extrême et d’une grande intelligence. Matt préféra prendre les devants en faisant apparaitre son épée. Il se posta juste devant Kenna pour la protéger. La créature l’attaqua avec la même vigueur que le petit écureuil qui s’en était pris à Eden, mais elle était bien moins tenace. En un coup de lame, il fit tomber la tête de la bête sauvage. Mais rapidement, une dizaine de ses congénères rappliquèrent attirés par l’odeur du sang et le cri de la bête. Matt et Kenna unirent leurs forces, mais ne parvinrent pas à tuer ou éloigner suffisamment de Troodons. Ils prirent alors leurs jambes à leur cou, mais eurent du mal à maintenir un écart entre eux et les bêtes. Alors qu’ils allaient être rattrapés, Kenna trébucha et entraina avec elle Matt. Ils dévalèrent à toute vitesse sur le sol jusqu’à tomber dans un faussé auparavant dissimulé par des feuilles. Heureusement pour eux, leur chute fut amortie par un tas de déchet peu commun dans une forêt. Il y avait des restes de fruits, de viandes, mais aussi des pots de yaourt, des boites de céréales et des dizaines de bouteilles d’eau ou de jus. Ce n’était surement pas les dinosaures qui avaient utilisé tous ses produits. Matt se précipita vers Kenna qui avait perdu connaissance. Il dut attendre cinq minutes en lui donnant de légères tapes sur les joues avant de la voir se réanimer. Matt n’envoya aucune vanne, aucun reproche, bien que l’envie lui brulait les lèvres. Il préféra se concentrer sur un moyen de sortir de cette fausse. Kenna essaya de reprendre sa forme de dragon, mais ne parvint pas à se transformer. Par manque d’expérience, elle avait besoin de la mélodie des dragons pour se transformer et, comme elle ne l’avait pas mémorisée, elle était incapable de faire apparaitre ses ailes. Ils tentèrent d’escalader la paroi, mais, à cause de l’humidité, la terre s’effritait et ne permettait pas de s’accrocher. En observant avec plus d’attention, Kenna aperçut une surface métallique. Intrigué, elle ôta les ordures qui la recouvraient et découvrit que cet arc en fer était en fait, un tunnel. Si comme elle le supposait les déchets étaient acheminés par ce conduit, ils ne leur resteraient plus qu’à le remonter pour accéder à la surface ou du moins, à un bâtiment abritant des Hommes.
C’est par l’ouverture d’un vide-ordure qu’ils sortirent de cet affreux conduit aux odeurs nauséabondes. Ils se retrouvèrent dans une cuisine en pierre avec un attirail ultra moderne. La dizaine de cuisiniers présents lors de leur sortie les encerclèrent, couteaux à la main. Les deux adolescents furent accompagnés de force dans une salle immense ressemblant beaucoup à celle des ruines d’Hérédite. Sur les murs, il y avait des textes et des dessins contant l’histoire du sorcier et de son héritier. Mais ces fresques n’allaient plus leur être utiles, car sur le trône de pierre était assis ce dit héritier. Il dégageait une très grande prestance et paraissait détendu en même temps. Sa mâchoire carrée, son regard de braise et sa chevelure brune, luxuriante et volumineuse faisait de lui un habile séducteur. On ne pouvait lui reprocher absolument rien sur le plan physique. A leur arrivée, il se leva et vint les accueillir avec sympathie et humour :
– Bienvenue dans ma grotte, mes chers amis. Je suis vraiment heureux de pouvoir enfin vous rencontrer et d’avoir l’honneur de vous héberger pour une durée indéterminée. Alors, racontez-moi. Comment vous avez réussi à me trouver ? Ça m’intéresse vraiment et puis comme ça je serais un peu diverti.
– Vous nous connaissez ? interrogea Kenna.
– Bien sûr, je ne laisserai personne entrer chez moi sans m’être renseigné quelque peu auparavant. Surtout que vous êtes des invités de marque.
– Vraiment ? Et qu’est-ce que tu sais de nous ? questionna Matt, sceptique.
– Eh bien, commençons par toi. Tu t’appelles Matt Antiqua, tu es le frère d’Aurélian. Tu es un magicien ou peut-être n’es-tu plus qu’un mage, je ne sais pas, en tout cas tu es un guerrier et tu manies l’épée comme si elle faisait partie de toi. Tu étais le gardien du collier des anges jusqu’à ce que Lucian te le vol habilement et que le tribunal te juge coupable de trahison. Sinon, tu as un sale caractère et la seule matière où tu as des notes convenables, c’est le sport. Satisfait ?
– C’est Lucian qui t’a tout dit, n’est-ce pas ? demanda Matt, pas réellement surpris.
– Et bien entre autre, mais ton frère aussi m’as parlé de toi. D’ailleurs, vous vous ressemblez vraiment, enfin physiquement. Pour l’intellect et la magie tu es loin derrière. Bon, passons à ma seconde invitée. Tu t’appelles Kenna Avia. Tu appartiens à la longue lignée des enchanteurs dragons et jusqu’ici tu ne savais rien faire de tes pouvoirs. Tu vis seul dans la banlieue de Pyravis et pour payer ton loyer, tu travailles au noir dans un petit restaurant où tu fais la plonge. Même si tu peux paraitre insolente, tu travailles bien en classe parce que tu es soucieuse de ton avenir. Et je sais que tu craques sur les hommes au physique de mannequin parce que tu me dévores du regard depuis tout à l’heure.
– Je ne te dévore pas des yeux, je t’observe pour savoir à qui j’ai affaire ! affirma-t-elle avec méfiance.
– Très bien, je te crois. De toute façon, je suis déjà pris, alors… Enfin, commençons les festivités. Mais avant que vous me contiez votre incroyable aventure, acceptez ces présents.
Les cuisiniers qui les avaient amenés face à lui sortirent d’un boitier quatre bracelets en métal. Ils les mirent aux poignets des deux aventuriers de force, puis se retirèrent et retournèrent au fourneau. Matt resta incroyablement silencieux et calme quand il questionna leur hôte :
– J’ai trois questions : Qui es-tu ? À quoi servent ces bracelets ? Et est-ce que mon frère est ici ?
– Tu as raison, ne faisons pas plus de mystère. Je me présente, Antonin Dantareste. Je suis un sorcier déchu, un mage avec plus d’ambition et de pouvoir que la moyenne. Je n’ai qu’un objectif : mener notre espèce à son apogée par tous les moyens possibles. Et surtout, je suis le fier héritier du sorcier le plus puissant qui ait existé. Maintenant que nous sommes présentés, passons à la deuxième question. Ces magnifiques bracelets sont la création de mon équipe d’alchimiste. Ils ont l’incroyable faculté de priver un mage de ses pouvoirs. Pour finir, ton frère est encore à Pyravis, mais il ne saurait tarder de nous rejoindre. Il doit d’abord me ramener quelqu’un… Maintenant, si vous le voulez bien, je dois me retirer. Je vous laisse visiter les lieux à votre guise. Et s’il vous plait, ne tentez rien pour vous évader ou pour vous en prendre à moi. Je ne voudrais pas vous faire du mal.
Il quitta son trône puis les laissa seuls dans la salle. Ils furent d’ailleurs assez surpris de le voir s’en aller sans rien fermer et sans prendre aucune précaution contre eux.
À Pyravis, Iris était vraiment déprimée et s’ennuyait à mourir. Elle venait de passer près de dix heures devant la télévision à grignoter. Quand on sonna à la porte, elle fut bien obligée de se décoller du canapé pour aller ouvrir. Elle se recoiffa légèrement, retira les miettes de divers aliments de sa robe, puis prit ses béquilles afin d’aller accueillir le visiteur. Elle fut assez surprise de voir qu’il s’agissait de Lucian, car elle le croyait parti avec les autres. Après l’avoir salué, il l’invita à faire un tour dans le quartier histoire de discuter. Pour cette longue marche, Iris privilégia son fauteuil roulant. Lucian commença par lui présenter des excuses et lui poser tout un tas de questions sur sa santé :
– Je ne croyais pas Kira aussi rancunière. En tout cas, je l’ai viré de mon équipe et je l’ai averti de ce qu’elle risquait si elle s’approchait de toi à nouveau. Je suis vraiment désolé qu’elle t’ait fait du mal.
– C’est vrai qu’elle est un peu hystérique. Mais toi, tu n’as pas à t’en vouloir, tu ne m’as rien fait.
– Il te faut combien de temps pour te rétablir ?
– Environ un mois, peut-être plus, expliqua-t-elle. Merci de t’inquiéter. Tu es la première personne que je vois depuis ma sortie de l’hôpital.
– Ta mère et les autres ne sont pas là ? demanda-t-il intéressé.
– Non. Rùna et ma mère sont à Hérédite et quant à Matt et Eden, ils sont partis je ne sais où. Du coup, je me retrouve toute seule avec la télé et le frigo. Je ne peux même pas aller dans ma chambre à cause des marches.
– Je peux rester avec toi si tu veux, proposa-t-il amicalement.
Iris allait accepter, mais elle se remémora d’un coup ce que Lucian avait fait à l’un des juges. Elle se remit à avoir peur de lui et adopta une attitude plus distante :
– Je…Je peux me débrouiller seule, bafouilla-t-elle. Je crois que je devrais rentrer maintenant. Il commence à se faire tard et il fait plutôt froid ce soir.
Alors qu’elle s’apprêtait à s’éloigner, il saisit le fauteuil et l’empêcha de partir. Puis avec une voix aussi sérieuse qu’effrayante, il s’exclama :
– Je veux que tu restes. Je n’en peux plus d’attendre que tu te décides enfin à m’aider. Tu as peur de moi, c’est ça ? Tu as beau essayer de le cacher, je le vois. Et tu as raison d’avoir peur. Je suis capable de tout ce que tu as imaginé, et même pire.
– Laisse-moi Lucian ! ordonna-t-elle. J’ai pas envie d’en discuter maintenant.
– Ce n’est plus toi qui mènes la danse. Tes amis ne sont plus là pour te protéger et il faut reconnaitre que tes connaissances en magie sont très limitées.
– C’est vrai que tu me fais peur. N’importe qui serait effrayé après t’avoir vue torturer de sang-froid ce vieil homme. Tu allais le tuer et tu semblais y prendre du plaisir. J’ai peur de toi parce que je ne te comprends pas, je ne sais pas comment tu fais pour être si insensible à la douleur des autres.
– Dans la vie, il faut privilégier ses objectifs et ne pas songer aux autres. Les faibles tombent, les forts triomphent. C’est la seule et unique règle qui régit ce monde. C’est avec cette devise que j’avance.
Iris recula son fauteuil d’un coup sec et fit tomber Lucian, puis elle se sauva après lui avoir demandé :
– Si tu fais tout ça pour toi, qu’as-tu à gagner à réunir les mondes ? Est-ce vraiment ton objectif ? Est-ce que ça en vaut vraiment la peine ?
Lucian qui allait repartir à sa poursuite resta figé sur place. Il était convaincu du bien-fondé de sa mission, mais étrangement, il était gêné par la manière dont elle s’effectuait. Des vols, des combats et maintenant, un enlèvement. Comment un objectif pur pouvait être atteint après des actes aussi discutables ? Il rêvait de ce monde dont Antonin lui avait parlé, mais devait-il agir comme un monstre ? Après ce qu’il avait fait au juge, Iris en était venu à avoir peur de lui. Ce n’était pas ce qu’il voulait… Ce n’était plus ce qu’il voulait.
Iris profita de l’introspection de Lucian pour le distancer. Pendant sa fuite, elle tomba nez à nez avec Aurélian. Celui-ci la fixa vide d’émotion et s’avança droit vers elle. Elle demanda son aide mais il ne sembla pas l’écouter. Elle se souvint alors de ce que lui avait dit Eden : le frère faisait sans doute partie des coéquipiers de Lucian. Il s’avança à tout juste quelques centimètres d’elle, lui saisit le bras et, avant même qu’elle ne réagisse, il lui injecta un produit soporifique à l’aide d’une seringue. Le liquide agit au bout de quelques secondes. Il la prit alors inconsciente dans ses bras et se rendit ensuite au port. Là-bas, il demanda à l’un des enchanteurs présents dans le repère de Lucian de les téléporter dans la grotte.
Une fois dans le repère de l’héritier du sorcier, il confia l’adolescente à son patron et observa ce qui suivit. Le jeune homme eut l’air encore plus ravi qu’habituellement. Il passa sa main dans les cheveux d’Iris et l’observa avec la plus grande attention. Il avait l’impression de contempler une poupée de porcelaine. Sa nouvelle marionnette semblait vraiment lui plaire. Il la transporta jusque dans la salle du trône et l’installa sur le prestigieux siège. Il lui retira son collier et pris soin de le déposer sur un socle qu’il avait prévu à cet effet. Puis, il retourna auprès de sa prisonnière et l’embrassa sur le front. Ensuite, il attendit que le somnifère cesse de faire effet.
Quand elle reprit ses esprits, Iris essaya de se rappeler de la dernière chose qui lui était arrivée. Lorsqu’elle s’en souvint, elle prit le temps d’observer les lieux. Elle s’intéressa ensuite à l’étrange individu qui la contemplait depuis son réveil. Elle se doutait bien qu’il s’agissait de l’héritier du sorcier de la légende, mais elle préféra tout de même le questionner :
– Vous êtes l’héritier du sorcier, n’est-ce pas ?
Sa réponse étonna la jeune fille et l’embarrassa au plus haut point. Car au lieu de lui parler, il s’approcha d’elle et lui déroba un baiser. Ensuite il répondit fièrement :
– Voilà qui je suis ! Tu aimes ?
Elle resta sans voix un long moment avant de s’énerver. Jamais personne n’avait osé lui manquer de respect à ce point. Surtout qu’elle se sentait coupable vis-à-vis de son petit ami, alors qu’elle n’était qu’une victime. Le pire dans toute cette histoire, c’est qu’elle ne pouvait s’empêcher de reconnaitre qu’il embrassait divinement bien. Elle cria tout ce qu’elle avait sur le cœur :
– Mais comment as-tu pu m’embrasser d’une manière aussi vicieuse ? Espèce de sale pervers. Tu me dégoutes.
– Tu as du caractère, j’aime ça.
– T’as les neurones en vrac, je ne m’intéresse pas du tout à toi. T’es vraiment qu’un sale type !
– Je suis désolé, c’était vraiment déplacé de ma part, affirma-t-il l’air sincère. Mais, si tu devais noter ce baiser, reprit-il, tu lui donnerais combien sur cent ?
Elle redevint toute silencieuse et elle rougit d’un coup. Le fin séducteur en face d’elle prit cet embarras comme l’un de ses plus prestigieux trophées. Iris essaya de changer de sujet et revint à sa question initiale :
– Maintenant, pourrais me dire qui tu es ? avec des mots de préférence.
– Et bien comme tu l’as deviné, je suis le yin de ton yang, l’ombre de ta lumière…
– Donc tu es bien le vicieux propriétaire de l’anneau des abysses, l’interrompit-elle.
– Oui, mais cela ne veut pas dire qu’on ne peut s’entendre. Beaucoup de temps s’est écoulé depuis que nos ancêtres se sont affrontés. En tout cas moi, je suis bien au-dessus de tout ça et je ne pense pas que cela doit compromettre notre relation.
– Notre… relation ? Interrogea-t-elle énervée. Tu ne m’intéresses pas le moins du monde ! En plus, je sors déjà avec quelqu’un de merveilleux.
– À force de passer du temps avec moi, tu t’apercevras que je suis le seul qui soit fait pour toi. De plus, quand nous aurons réuni Hierro-Terra et Fortius-Mancie, je te veux comme reine à mes côtés.
– Ça n’arrivera pas ! Je t’en empêcherai, mes amis t’en empêcheront. Nous te combattrons sans répits jusqu’à ce que tu capitules !
– Tu peux toujours essayer, mais avec une seule jambe et sans pouvoir, je crains que tu aies déjà perdu d’avance. Et sans vouloir t’offenser, tes amis ne sont pas vraiment une menace. Enfin, libre à toi d’essayer. En attendant si tu as fini ton magnifique discours sur la bravoure, je vais pouvoir te faire visiter les lieux.
Il la porta de nouveau et, même si elle se débattait, l’entraina à travers la grotte souterraine. Enfin, la cave rocheuse ressemblait plus à un palais. Il y avait quatre salles de bains, deux cuisines, un nombre incalculable de chambres, plusieurs salons… Chaque pièces avaient étaient décorées par Antonin avec beaucoup de goût. Pour finir cette visite forcée, il l’emmena dans la chambre qu’il lui avait préparée. La pièce rayonnait tellement de beauté qu’on se serait cru en plein conte de fées. Au fond de la pièce se trouvait un lit à baldaquin recouvert de draperie rose. De chaque côté de la couchette, il y avait un guéridon blanc avec des ornements dorés. Sur l’un était placé une boite à musique ivoire avec un intérieur en fil d’or. Au lieu d’une ballerine, il y avait un ange ressemblant énormément à Iris qui tournait en diffusant une musique belle à en pleurer. Sur l’autre guéridon était posée une lampe de chevet au pied opalin avec un abat-jour en soie d’une teinte saumon. Dans le coin au fond à gauche de la pièce, il y avait une coiffeuse de même couleur et décoration que les guéridons avec dessus, peignes et produis de beauté en tout genre, ainsi qu’un petit tabouret surmonté d’un coussin doré. Un énorme dressing avait était aménagé sur tout le côté droit de la pièce. Des robes dignes des plus grands couturiers avaient était élaborées rien que pour Iris. Un piano à queue blanc se trouvait au milieu de la pièce. Sur le parquet de chêne ciré était posé un somptueux tapis framboise avec des broderies dorées. Afin de dissimuler l’hideux plafond de pierre asymétrique, il avait, à l’aide de plantes grimpantes, fabriqué un toit végétal. Pour finir, il avait disposé dans toutes la pièce des fleurs exotiques au parfum envoutant. Iris elle-même resta sans voix et cessa un instant de gigoter et de crier afin de pouvoir contempler la sublimité des lieues. Antonin, en voyant à quel point elle semblait enchantée, lui demanda fière :
– Alors, c’est à ton goût ? Cela m’a pris beaucoup de temps. Je voulais que tu t’y sentes chez toi.
– C’est tout simplement magnifique ! s’exclama-t-elle sous le charme.
Soudainement, elle reprit ses esprits et se souvint qu’il ne s’agissait que d’une prison, sublime certes, mais tout de même une prison. Elle affirma ensuite avec mauvaise foi :
– Enfin, ça n’a rien d’extraordinaire non plus. Et ce n’est pas ça qui va me faire t’apprécier.
– Tu es drôlement compliqué comme fille, je trouve que ça te rend encore plus charmante. Si tu veux, je te laisse profiter de ta chambre un instant. Si tu as besoins de moi ou que je te manque, tu n’as qu’à m’appeler, je rappliquerai aussi tôt.
– Je suis sûre que ça n’arrivera pas et puis tu ne m’as même pas dit ton nom.
– Je t’intéresse, n’est-ce pas ? Je m’appelle Antonin, mais libre à toi de me trouver un surnom sympa.
– J’ai biens des surnoms en tête, mais il ne te plairait sûrement pas, affirma-t-elle avec malice.
Il fit comme si de rien n’était et quitta la pièce après lui avoir donné des béquilles.
Pendant ce temps, Eden sur le dos du dragon recherchait la trace de Matt et Kenna :
– Mais qu’est-ce qu’ils font, on a fait sept fois le tour de tout Osauryx et on ne les a pas trouvés. Espérons qu’ils n’aient rien.
– Mémôris pense qu’ils ont peut-être trouvé la grotte. Sous terre, Eden et Mémôris ne peuvent pas les voir.
– Humm…, c’est une bonne idée. Surtout que s’ils s’étaient faits dévorés par les écureuils, cela ne servirait plus à rien de chercher leurs dépouilles. Ces horribles vermines poilues n’auraient pas laissé une miette.
Ils se rendirent là où la carte indiquait l’entrée de la grotte et furent surpris de voir que l’escalier qui conduisait au repère du mage des abysses ne soit ni gardé ni protégé. À cause de son imposante carrure, le dragon fut obligé d’attendre à l’entrée. Eden s’aventura dans le palais en évitant de croiser les divers acolytes d’Antonin. Il avança furtif comme un chacal de pièce en pièce jusqu’à croiser Matt et Kenna :
– Enfin je vous trouve ! Heureusement que l’on avait dit de se contacter si on trouvait la grotte.
– Bah ! T’es là toi aussi ! Donc t’es aussi entré sans prévenir, répliqua Matt. Et puis, on est arrivé ici par accident.
– Je vous pardonne. Mais avant que l’on ne continu de parler…
Il prononça une incantation et fit disparaitre les ordures ainsi que l’horrible odeur que revêtaient ses deux amis, depuis leur séjour dans la fosse aux déchets. Ensuite il reprit la conversation :
– C’est bien mieux ainsi. Alors, qu’avez-vous découvert depuis que vous êtes ici ?
– Eh bien, on a rencontré le boss de Lucian, expliqua Kenna. Et il nous a refilé ces bracelets pour nous empêcher d’utiliser nos pouvoirs.
– Faites voir, je peux peut-être vous les enlever.
Juste à ce moment, Antonin débarqua accompagner du frère de Matt. Le maitre des lieux tout pompant, engagea la conversation en les avertissant :
– Je ne ferais pas cela si j’étais vous. Ces bracelets on était conçu pour ne s’ouvrir que si on utilise la bonne formule. Dans le cas contraire, ils vous sectionnent les mains. Je serais vraiment navré si vous deveniez manchot à cause de l’un de mes présents.
– Antonin, je vais te démonter avec ou sans pouvoir ! s’énerva Matt.
– Si cela t’amuse de perdre du temps et de te blesser pour rien, viens. Mais avant, je vais laisser ton frère vous accueillir comme il se doit. Si vous me cherchez, je serais dans la salle du trône avec Eden.
– Moi ? interrogea-t-il surpris. Pourquoi ça ?
– J’aimerais m’entretenir avec toi d’un sujet important que je préfère ne pas ébruiter.
Ils se rendirent comme prévu dans la salle du trône. Antonin prit position sur le siège royal et commença à s’expliquer :
– Eden d’Éclipse, tu es un mage impressionnant. Un prodige depuis tout jeune et sans certain événement, tu aurais été à la tête du tribunal une fois adulte. Tu excelles en cour et tu es très apprécié par la gente féminine.
– Est-ce qu’on se connait ? interrogea-t-il un peu déstabilisé.
– Toi non, mais moi je sais tout ce qu’il y a à savoir sur toi. Malgré toutes tes qualités, je ne t’avais pas vue comme une menace alors qu’en réalité tu es un ennemi redoutable.
– Même si j’aime beaucoup être flatté, puis-je savoir pourquoi tu m’as fait venir ?
– Je veux te défier en duel à mort pour l’amour d’Iris. Passionnant, n’est-ce pas ?
– Je ne vois vraiment pas l’intérêt, elle m’aime déjà.
– C’est vrai. C’est d’ailleurs pour ça que tu menaces mon plan. Iris et moi sommes liés par le passé et par notre magie et pourtant, elle persiste à t’aimer toi plutôt que moi. Je sais que malgré mes pouvoirs, je ne peux pas briser vos liens. Enfin, sauf si elle te quitte ou que tu meurs.
– Tu veux dire qu’Iris est ici ? J’espère que tu ne lui as rien fait ! s’exclama-t-il en imaginant le pire. Pourquoi veux-tu qu’elle t’aime ?
– Je la trouve intéressante. Et je pense que si nous partagions la plus puissante forme de magie, elle voudrait m’aider.
– Je n’accepterais pas que tu la manipules pour mener à bien ton plan. J’accepte le duel, mais je veux changer les règles.
– Je t’écoute, affirma-t-il intéressé.
– Eh bien au lieu de mourir, je propose un simple duel amical. Si je gagne, tu me rends Iris et tu enlèves à Eden et Kenna leurs bracelets.
– D’accord, par contre si je gagne, tu romps avec Iris et toi et tout ton petit groupe retournerez chez vous.
– Marché conclu ! s’exclama-t-il prêt à en découdre.
Deux des familiers d’Antonin vinrent donner à chacun des combattants un fleuret. Eden qui s’attendait à un duel d’enchanteur dû se contenter de cette manière de combattre simple, ancienne et pourtant si romantique. Avant de commencer le combat, ils effectuèrent ensemble un enchantement censé les obliger à tenir promesse. En cas de trahison, le mage resquilleur serait condamné à une peine fixée par les deux duellistes. Dans leur cas, c’est la mort qui fut choisie.
Les deux duels se disputèrent au même moment, Matt contre son frère et Eden contre son rival en amour. Du côté du combat des frères, les pantins du marionnettiste semblaient l’emporter sur l’adolescent qui n’avait que ses poings pour se défendre. Kenna ne voulant pas se mêler de leurs problèmes familiaux, se mise en quête d’une arme. Elle se rendit donc dans la cuisine et déroba discrètement un désosseur. Désormais armée de son énorme couteau de cuisine, Matt triompha sans problème de la plus part des poupées. Il lui restait à affronter une araignée géante, un épouvantail armé d’une fourche et une espèce de lion en peluche avec des griffes et des dents extrêmement tranchantes. Les trois créatures l’attaquèrent simultanément. Il essaya de désarmer l’homme de paille et risqua à plusieurs reprises de se faire empaler. Les adversaires étant trop nombreux, il perdit l’avantage ainsi que son arme. L’araignée le paralysa ensuite en collant sa jambe à l’aide de son fil. Il était désormais à la merci des trois marionnettes. Kenna ramassa le désosseur et essaya de les éloigner. Elle réussit à le planter dans le lion suffisamment profondément pour le détruire. Elle eut ensuite à affronter l’épouvantail tout en évitant les attaques collantes de l’arachnide. L’humanoïde devait être un mâle, car lorsqu’elle le frappa dans l’entrejambe, il perdit tous ses moyens. Il ne restait plus que l’insecte géant. Elle libéra d’un coup de couteau la jambe de Matt et le laissa achever le combat. D’un bond spectaculaire, il s’éleva à la hauteur de son adversaire et le trancha en deux parties. Épuisé par toutes les défaites de ses marionnettes, il invoqua son plus faible pantin, tout juste capable de se battre et pourtant, Matt était incapable de l’affronter. Les longs cheveux noirs, le teint porcelaine, tout le visage, mais surtout les yeux de cette poupée le déstabilisaient. Elle était morte et pourtant sa réplique se tenait juste face à lui. Cristal semblait revenu du royaume des morts. Il savait que ce n’était pas possible, que ce n’était qu’une folie de son frère, mais il ne pouvait pas détruire le sosie de son ancienne amie et baby-sitter. Après la surprise, Matt fut pris d’une colère incontrôlable contre son frère :
– Alors, c’est pour ça que t’es devenu marionnettiste, pour la faire revivre ? Ça relève de la névrose. Cristal est morte et tu le sais bien, tu ne peux pas la ramener ni l’utiliser pour m’affronter.
– Antonin m’a donné le pouvoir de la faire revivre. Elle est la seule personne qui ait compté pour moi. Et malgré toutes mes connaissances, je n’avais pas pu la sauver. Mais je n’ai jamais abandonné l’espoir de la revoir me sourire et maintenant je l’ai retrouvé. Ce n’est pas un simple pantin, grâce à la magie des abysses elle peut parler, se nourrir et dormir, comme un être humain. Il ne lui manque plus que des sentiments et elle sera complètement de retour.
– Pauvre lâche ! lui cria-t-il Tu as toujours cachés ton chagrin et tu n’as jamais accepté de souffrir comme les autres. Regarde cette chose, ce n’est pas Cristal et ça ne le sera jamais.
– Si Iris était morte, ne ferais-tu pas tout pour la récupérer ? Tu es fort, car tu n’as jamais perdu quelqu’un. Il n’y a que les idiots qui acceptent leur destin. Tu as toujours était trop bête. Moi, avec mon intelligence supérieur et les pouvoirs d’Antonin, j’ai pu surpasser la mort !
– Pt’ être bien que je suis bête. En tout cas, je me rappelle de ce que Cristal disait « Les gens qui ont peur de mourir sont ceux qui n’ont pas assez vécu. Moi, je n’ai pas peur, car j’ai connu des personnes merveilleuses qui m’ont donné tout le bonheur dont j’avais besoins. » Elle n’avait pas peur de mourir, elle voulait partir sereine et toi, tu l’as gardé égoïstement. Range ce pantin et battons-nous poing contre poing !
Aurélian se referma en entendant les paroles de son aimée. Il rangea sa marionnette et repartit sans un mot. Il ne semblait pas prêt à accepter la vérité. Matt préféra le laisser, trop écœuré par son attitude.
Les deux escrimeurs se battaient à bout de souffle depuis une dizaine de minutes, quand Iris pénétra la pièce vêtue d’une somptueuse robe bustier verte en soie. La traine de la robe était au ras du sol et laissé à peine apercevoir les escarpins olives qu’elle avait essayées. Des émeraudes avaient été cousues sur toute la partie supérieure du buste ainsi que quelques perles noires. Des ourlets parfaitement cousus avaient été effectué sur tout le bas de la robe et un nœud en satin serrait la fine taille d’Iris. Bien que les béquilles ne fussent pas l’accessoire idéal, cette robe lui allait à ravir. Les deux garçons s’arrêtèrent un léger instant pour observer la demoiselle pour laquelle ils se battaient. Iris s’inquiéta immédiatement pour Eden, pensant qu’il était lui-même captif. Elle savait aussi que, dans un duel physique, il n’avait quasiment aucune chance de gagner. Il suffisait de le regarder, petit et frêle face à ce géant aux abdominaux bien bâtis. Elle avança jusqu’à eux à béquilles et se plaça juste entre les deux lames. Antonin la saisit alors de son bras libre et la serra contre lui. Ensuite il s’exclama :
– Ah ! Voilà ma précieuse invitée. Tu ne vas pas le croire, mais on se battait rien que pour toi.
– Pour moi ? interrogea-t-elle, gênée.
– Lâche-la tout de suite ! ordonna Eden jaloux.
– Mais peut-être ne veut-elle pas s’éloigner de moi. Tu sais elle et moi avons vécu des choses très forte quand tu n’étais pas là. Elle m’a même embrassée, affirma-t-il tout fier de lui.
– C’est toi qui m’as embrassé, répliqua Iris. Eden je te promets qu’il ment.
Eden reprit le combat et se précipita sans réfléchir vers son adversaire. Ses attaques étaient puissantes, mais totalement irréfléchies et guidées par la colère. Il faisait de si grands gestes que sa garde était complètement à découvert. Antonin arriva à éviter chacun de ses coups tout en gardant Iris près de lui. Pour en rajouter une couche, il continua de provoquer son adversaire pour le faire sortir complètement de ses gonds. À un moment du combat, Eden recula d’un pas pour prendre de l’élan pour sa prochaine attaque. C’est alors qu’il glissa sur les béquilles d’Iris et tomba aux pieds d’Antonin. Celui-ci posa délicatement Iris à terre puis retourna près de son adversaire qu’il empêcha de se relever en posant son pied sur son dos. Il posa ensuite son arme sur la nuque du mage et il lui chuchota :
– J’ai gagné, à toi d’honorer ta promesse. Je te laisse cinq minutes pour la quitter. Essaye de ne pas trop la faire pleurer. Quoi que, je pourrai mieux la réconforter ensuite.
Il feint de quitter la pièce et les observa. Eden se redressa et s’avança jusqu’à Iris. Il se remémora sa rencontre avec elle, sa déclaration dans les bois, leur premier baiser, leurs moments à deux, puis il s’assit à côté d’elle. Quand elle essaya de lui parler, il déposa avec tendresse son doigt sur ses lèvres et il lui murmura :
– Laisse-moi te parler, une dernière fois. Je pense qu’il vaut mieux pour nous deux qu’on s’arrête là. Je crois qu’en fait, j’ai joué avec toi comme avec toutes les autres et ça ne serait pas honnête si je continuais de faire semblant. Ce que j’essaie de te dire, c’est qu’on devrait rompre.
Ces phrases, il les avait prononcés une quinzaine de fois auparavant, mais c’était la première fois qu’elles le blessaient plus que la personne qui les recevait. Iris était désorientée, il venait de se battre pour elle et maintenant, il la laissait :
– Ça n’a aucun sens. Est-ce juste parce qu’Antonin m’a embrassé ? Je ne te comprends pas, tu ne peux pas penser ce que tu dis. C’est lui qui t’a demandé de me laisser ? C’est pour cela que vous vous battiez ?
– J’ai pris moi-même cette décision et je suis le seul à blâmer.
– Je ne te crois pas. Pourquoi étais tu en train de te battre pour moi si c’était pour me laisser ? Ça n’a pas de sens.
– Je me suis battu pour satisfaire mon égo. Tu imagines si la petite amie du prince Eden se faisait voler par un autre, se serai la fin de mon règne de séducteur.
– Ton égo ? Tu ne battais pas pour moi ? tu l’as fait pour toi ?! J’aurais dû savoir que ce n’était qu’un jeu ! J’espère que tu es fière de toi. Tu peux me rajouter à la longue liste de toutes celles qui t’ont cru et qui s’y sont perdues. Bravo prince Eden !
Il redevint silencieux, se releva et s’éloigna d’elle sans se retourner. Avant qu’il parte, elle lui déclara calmement avec le même regard sans vie que dans la forêt:
– Tu avais dit que je n’aurais plus jamais à être seule. Que tu serais toujours là ! Moi je t’ai cru comme une idiote ! Tu m’as menti alors que je t’aimais tellement. J’avais raison quand je pensais que tu n’étais qu’un sadique bourreau des cœurs. Je regrette de t’avoir laissé une deuxième chance. Je suppose que maintenant, tu n’as plus aucune raison de me sauver. Je ne te retiens pas plus longtemps. Sauve-toi de cette grotte, oublie-moi et retourne briser le cœur d’autres jeunes filles.
En entendant cette phrase, il se sentit plus lâche que jamais et compris qu’il n’y aurait plus de retour en arrière. Il marcha dans le couloir et même s’il était loin d’elle, il lui sembla entendre sa voix et la voir partout où il regardait. Il ne parvenait pas à oublier les yeux larmoyant d’Iris, la haine qu’elle lui vouait. Plus d’une fois, il voulut faire demi-tour mais s’il rompait son accord avec Antonin, il serait tué. Il était obligé de l’abandonner.
Il retourna auprès de Matt et de Kenna, qui venait d’être libérés de leurs bracelets. Ses deux amis l’interrogèrent sur cette discussion qu’il avait eue avec Antonin pendant leur combat :
– Alors, qu’est-ce qu’il t’a dit ? Pourquoi nous a-t-il libérés ? interrogea Kenna.
– On doit s’en aller, expliqua-t-il sèchement. Je vous en parlerai plus tard.
Matt dévisagea longuement Eden. Il le connaissait bien et il savait que ce visage et ce ton froid signifiaient qu’il était affligé par une mauvaise nouvelle. Il savait aussi qu’il ne se dévoilerait pas si facilement et qu’il aurait du mal à savoir ce qui s’était passé. Dans tous les cas, il avait une certitude, cela concernait Iris. Il avait compris qu’ils étaient toujours ensemble, mais il avait préféré attendre qu’Eden fasse un faut pas pour lui tomber dessus. Peut-être venait-il de le faire ? De toutes manières, il n’avait pas l’intention de repartir sans s’emparer de la bague. Il n’avait pas fait toute cette route pour rentrer bredouille. Il demanda à Eden et Kenna de partir sans lui puis il se mit en quête de l’anneau des abysses.
Iris était dans la salle du trône, recroquevillée sur elle-même et elle pleurait à chaude larme en essayant de comprendre ce qui n’avait pas été. Avait-elle dit ou fait quelque chose de mal ? Tout allait parfaitement bien et la minute qui suivait, il n’était plus là. Elle était vraiment perdue. Antonin retourna auprès d’elle et joua la carte du réconfort. Iris, étant trop affaiblie et démoralisée pour le repousser, se laissa avoir par ses belles paroles. Le plan d’Antonin se déroulait encore mieux que prévu. Grâce à cette séparation, il pouvait se rapprocher d’elle bien plus rapidement. Il lui passa le bras au-dessus de l’épaule et il lui chuchota :
– Je vous ai entendu discuter. Je suis désolé d’avoir écouté, c’était vraiment indélicat de ma part. Mais, si je peux me permettre, s’il a pu quitter quelqu’un d’aussi merveilleux que toi, c’est qu’il n’en valait pas la peine. Regarde-toi, belle, drôle, intelligente. Plus d’une personne voudrait te ressembler ou t’aimer. Moi le premier.
– Je ne suis ni belle ni drôle. Et tout le monde s’attarde à dire que je suis bête. Non, en fait, tout est de ma faute, comme avec Méliana et papa.
– Tu sais comment je me remonte le moral ?
– Comment ? interrogea-t-elle. En roulant des pelles aux inconnues ?
– Ah ! ah ! ah ! Tu vois, je t’avais dit que tu étais drôle. Enfin, si ça peut t’aider à oublier, je veux bien t’embrasser.
Elle lui sourit pour la première fois. Il avait le même humour agaçant qu’Eden, sa même passion pour la drague, son même charme de prince charmant. Il était seulement une pointe plus manipulateur et vraiment plus direct.
En la regardant, Antonin eut une idée. Il se redressa puis tendis sa main à Iris. Elle l’observa interloquée puis lui saisit la main, histoire de voir ce qui se passerait. Le mage diffusa une musique de slow à l’aide d’une de ses incantations, puis il lui déclara avec sa voix enjôleuse :
– On dit que la musique adoucit les mœurs. Tu veux danser ?
– Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, je ne peux me servir que d’une jambe.
– Ne nous encombrons pas de détails aussi futiles.
Il chuchota une petite incantation qui enveloppa la jambe d’Iris d’une fumée noire. Avant de la serrer contre lui, il lui expliqua :
– Grâce à cette fumée, ta jambe restera toujours à cinq centimètres du sol. Autrement dit, on peut danser sans que tu te blesses.
– Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, affirma-t-elle hésitante.
– Laisse-moi une chance. Tu auras tout le temps pour me détester après. Et puis, ce n’est qu’une danse, cela ne t’engage à rien.
Il l’entraina doucement au rythme de la musique. Elle avait le regard noyé dans ses yeux dorés. Elle avait beau rester méfiante, quelque chose en elle faisait entièrement confiance à cet habile séducteur, mais le visage d’Eden était toujours présent dans sa tête. Le talentueux danseur la fit virevolter puis la fit basculer dans ses bras. Comme des aimants, ils s’attirèrent et rapprochèrent tout doucement leur visage. Alors qu’ils allaient s’embrasser, Iris vit clairement le visage d’Eden à la place de son cavalier. Elle le repoussa, dégoûtée par ses propres sentiments. Ensuite, elle s’enfuit de la pièce en courant. Pour la retenir, il annula son sort, ce qui la fit tomber. Il revint vers elle et en bon samaritain l’aida à se relever :
– Le sort s’est estompé, désolé. Ai-je fais quelques choses de mal pour te faire fuir ainsi ?
– Oui… enfin non. Je ne sais plus. Je veux partir d’ici. Je ne veux plus aimer, je ne veux plus entendre parler de la magie. Je veux juste une vie normale !
– Rien de ce que je te dis ne semble t’atteindre. Tu vois, cette fois je croyais vraiment t’avoir convaincu. Sérieusement, tu es plus coriace que ce que je croyais.
– À quoi bon me garder ici si je ne veux pas t’aider.
– C’est que j’ai besoin de toi et donc je n’ai pas d’autre choix que de te garder. Si l’amour ne te convainc pas, il ne me reste qu’à t’expliquer pourquoi je veux que tu m’aides et à espérer que tu comprennes. Suis-moi, nous allons dans ma chambre.
Il lui tendit les béquilles puis ils se rendirent dans la chambre d’Antonin. Elle reflétait tout le narcissisme du propriétaire. De chaque côté de la porte, il y avait un buste en marbre à son effigie, ainsi qu’un immense autoportrait au-dessus de son lit en pierre. Comme dans celle d’Iris, il y avait un dressing à droite. Un bureau était dans l’angle au fond à gauche de la pièce avec des livres, un planisphère et un tas de photos. C’est autour de ce meuble en bois de cèdre qu’ils s’installèrent pour parler. Antonin discuta sérieusement, sincèrement :
– Tout remonte à il y a sept ans. À cette époque, je faisais partie des disciples des sages obscurs. J’étais traité comme un prince et ma famille aussi. Lorsque ta mère fut emprisonnée aux palais des lumières, tout changea pour nous. Ces crétins du tribunal l’utilisèrent pour détruire les villes appartenant aux sorciers, afin d’avoir le total contrôle de Fortius-Mancie. Les sages ne possédant pas l’anneau, je ne leur étais plus d’aucune utilité. Ils m’envoyèrent alors sur Hierro-Terra afin de retrouver l’anneau des abysses pour leur venir en aide. Après maintes recherches, c’est dans cette grotte que je l’ai trouvée. Je suis immédiatement retourné voir les miens et c’est alors que j’appris qu’ils avaient tourné le dos à ma famille au profit des elfes et de quelques tributs autrefois sans camps définis. Au lieu de reprendre leurs terres, ils s’en prirent à des familles innocentes et se lancèrent dans une tuerie pour se venger. La majorité des morts furent des femmes et des enfants. J’ai compris, malgré mon jeune âge, que quelques soit leur camp, les mages n’étaient que des monstres avides de pouvoir et que je n’étais qu’une arme dans leur guerre sans fin. Au cours des combats mes parents sont décédés. J’ai préféré retourner sur Hierro-Terra pour oublier ce spectacle affligeant et ne plus causer la mort de personne. J’ai appris à connaitre les humains et je me suis pris de fascination pour eux. Ils se battent comme les mages, mais s’efforcent d’épargner les civiles et de respecter des règles que les pays ont fixées ensemble. Ils combattent, mais en parallèle essayent de faire la paix. Ces créatures ont beau être dénuées de magie, elles comprennent leur monde, font preuve de sagesse et d’empathie, fabriquent des médicaments et des armes aussi complexes que les nôtres. Mais ils ne sont pas pour autant au maximum de leurs capacités. Après avoir analysé les deux mondes dans le but d’en lister les bons et les mauvais côtés, je suis parti à la recherche d’information sur le monde originel. La culture, la technologie de cette planète étaient plus développées que celles de Fortius-Mancie et de Hierro-Terra réunis. J’en ai conclu que les Hommes et les mages sont complémentaires et ce serait criminel de les laisser séparés plus longtemps, tu ne penses pas ? Regarde Matt et Eden, ce sont d’excellents mages et grâce aux humains, ils sont aussi de bonnes personnes mêmes s’ils se sont égarés en rejoignant le tribunal. Je veux amener les deux espèces à leur apogée et je ne peux pas y arriver sans toi.
– Si tu les réunis, les Hommes et les mages vont s’entretuer, comme avant.
– Non, pas obligatoirement. C’est mon ancêtre qui les avait montés les uns contre les autres, mais à nous deux on a assez de puissance pour réprimer tous ceux qui s’opposeront à nous et à la paix de notre monde.
– On n’a pas le droit de changer la vie de milliards de personnes parce qu’on pense que ce serait mieux pour elle. Et puis, qu’est-ce qui me dit que tu ne veux pas seulement devenir le maitre du monde ?
– Parce qu’on est pareil ! Toi aussi tu as souffert à cause du tribunal et tu as été rejetée par ton amie parce que tu étais une magicienne. Mais tu penses que la vengeance n’est pas le moyen. En fait, la seule solution est de refonder à zéro ce monde et la base de ses fondements. Regarde comme ta vie a été complètement chamboulée juste à cause d’une guerre de pouvoir qui ne t’intéresse même pas. Si on ne les arrête pas, les trois sages et les juges nous exploiteront nous et notre descendance. Je ne veux plus être l’esclave d’une poignée de dirigeants et je ne veux pas que mes enfants subissent ce que moi j’ai dû vivre !
– Tout ça est si compliqué. Moi non plus, je ne veux plus que ma famille souffre à cause de la magie, mais je ne veux pas non plus décider à la place de milliards de gens. Nous n’avons que seize ans, on ne connait pas assez le monde pour savoir ce qu’il y a de mieux pour les autres. Ton idée est belle. Un monde de paix, de connaissance infini, tout ceci est utopique. Mais c’est si beau qu’il est dur d’y croire. J’aimerai y réfléchir et te donner une réponse plus tard si tu veux bien.
– Je n’y vois pas d’inconvénients. Je ne vais pas construire un monde parfait en un jour de toute façon. Je suis vraiment content que tu m’ais écouté. Si tu es d’accord, je te raccompagne dans ta chambre enfin, sauf si tu veux te joindre à moi pour le dîner.
– Je veux bien manger avec toi, mais seulement à deux conditions. La première, c’est que tu n’essaies pas de me draguer de tout le repas. Je ne suis pas prête pour cela. Je ne veux pas être une arme, mais je ne veux pas être ton jouet non plus. La deuxième condition, c’est que, parmi les mets que tes cuisiniers nous prépareront, je veux une pizza. C’est mon plat préféré et ça fait une éternité que je n’ai pas mangé une pizza faite main.
– Donc un menu pizza. D’accord, c’est vrai que c’est romantique, affirma-t-il pour l’embarrasser.
– Qu’est-ce que j’ai dit ! s’exclama-t-elle devenue soudainement rouge.
– Ne t’en fais pas, je plaisantais. Mes chefs cuisiniers vont s’en occuper tout de suite, en attendant, allons-nous mettre à table.
Il l’emmena jusque dans la salle à manger où, après une incantation simple et rapide, il lui fit une surprise digne de leur repas…
Matt s’était perdu dans les couloirs de pierre de cette immense grotte. C’est par hasard qu’il arriva devant la chambre d’Antonin, la seule pièce fermée à clé. Il tenta d’enfoncer la porte, mais celle-ci était protégée par un charme. Curieux de savoir ce qui s’y cachait, il fit apparaître sa Masse terrestre, un immense marteau capable de briser une montagne en quelques coups. Il en envoya un énorme coup à côté de la porte et brisa le mur et la statue qui se trouvait derrière. L’onde de choc provoqua un mini séisme ainsi qu’un bruit assourdissant. Il pénétra la chambre et s’intéressa aux papiers sur le bureau. Le plan d’Antonin y était expliqué à peu près de la même manière que ce qu’il avait raconté à Iris. Il y avait effectivement tout un tas d’information sur le monde originel. Mais parmi tous ces papiers inoffensifs, il y en avait un qui parlait de comment se déroulerait la réunification. Les univers et les planètes en fusionnant créeraient d’importants dommages. Des tas de villes dont Pyravis serait détruite et des millions de gens mourraient. Les écosystèmes seraient chamboulés et des espèces entières d’animaux, de plantes et d’insectes disparaitraient. Tout ça pour qu’une poignée de personnes vivent en paix et se perfectionnent. Il emporta la feuille et repartit à la recherche de celui qui avait prévu ce plan tordu.
Iris était à table en tête à tête avec Antonin et dévorait comme une ogresse la pizza quatre fromages devant elle. Elle avait de la tomate tout autour de la bouche et même un peu sur le front et le nez. Ils étaient tous les deux en train de discuter, et même parfois de rire dans une salle au décor de pizzéria : couleurs exotique sur les murs, nappe à carreaux blanche et rouge, enseigne suspendue ; il avait même appareillé ses chefs en serveur et demandé à quelques mages de lui jouer de la musique. Il lui fit goûter son breuvage préféré, le sirop des étoiles. C’était une potion avec un gout fruité de mure et de vanille, mais sans aucune utilité. On voyait dans ce liquide le ciel d’une nuit étoilée et, si on rajoutait une pincée de sucre, on pouvait y admirer un magnifique feu d’artifice. Iris lui affirma amusée :
– Heureusement que je t’ais dit de ne pas être romantique.
– Je ne vois pas de quoi tu parles, je mange tous les jours comme ça.
– Bien sûr, c’est évident. Tout le monde mange accompagné d’un orchestre de chambre en regardant un feu d’artifice dans son verre.
À ce moment, Matt débarqua à pleine vitesse dans la pièce. Il pointa son doigt droit vers Antonin et s’exclama :
– Toi ! Je sais ce que t’as prévu de faire. C’est limite flippant quand on sait le nombre de gens que tu vas tuer.
– Matt ?! Que fait-il ici et de quoi parle-t-il ? interrogea la jeune fille surprise.
– C’est ce que j’aimerai savoir, expliqua Antonin. Je ne me rappelle pas l’avoir convié au repas.
– Iris, éloigne de toi de ce fou ! ordonna-t-il. Et ne fais plus rien de ce qu’il te demande.
Un peu confuse, elle préféra obéir à son ami d’enfance, mais Antonin lui saisit la main et la retint auprès de lui.
– Ne l’écoute pas, je n’ai rien fait. Je t’ai dit toute la vérité.
– J’ai contacté le tribunal ainsi que les sages, ils sont en route pour t’arrêter. Eden et Kenna aussi, même Lucian a rejoint notre cause. Julicia et Rùna sont venues lutter à nos côtés. Face à cette armée, ta p’tite bague ne peut plus rien pour toi.
– Je ne te laisserais pas tout gâcher ! cria-t-il en se levant de table. Ce rêve m’a trop coûté pour que j’abandonne maintenant ! Je suis désolé Matt, mais je vais devoir te faire partir par la force.
Il frappa dans ses mains et une multitude de mages, dont Aurélian, vinrent encercler Matt. Il se précipita ensuite avec Iris en haut des marches qui menaient au trône et récupéra le collier des anges. Il le passa au cou d’Iris puis il lui déclara :
– C’est notre dernière chance de réunir les mondes. Il faut que tu prennes ta décision maintenant.
– Mais Matt a dit…
– Il est manipulé par le tribunal ! Tu ne dois pas l’écouter. Si tu veux l’aider, offre-lui un meilleur monde.
– Je ne sais pas quoi faire ! Je…j’ai peur de me tromper.
– Tu n’as qu’à chanter ceci. Et ce sera la fin de tes doutes, de tes peines et de celles de tes amis. Fais-moi confiance ! Je me suis montré honnête avec toi alors que tes amis n’ont fait que de te tromper !
– Comment ça ? Tu m’as enlevé et tu me retiens prisonnière ! Matt est juste venu pour me sauver.
– C’est ce que tu crois ? Je t’ai traité avec beaucoup de respect et je ne t’ai jamais rien imposé. Me suis-je mal conduit en te faisant enlever ? Je ne crois pas. Je ne pensais qu’à ton bien. Je te l’ai dit, nous sommes pareils. Je voulais te protéger de l’emprise du tribunal, c’est tout. Je t’ai révélé mon passé et mon plan dans les moindres détails. Moi, je ne t’ai jamais menti. Pas comme Eden qui s’est joué de toi. Pas comme Matt et Honoré qui t’ont caché ce qui était arrivé à ta mère et qui ont continué de travailler pour ceux qui avaient détruit ta famille.
– Je n’avais jamais vu les choses sous cet angle. Tout le monde m’a trahie. Dans ton nouveau monde, je souffrirai encore ? Dis-moi !
– Dans notre monde, tu ne seras plus jamais blessée. Tu dirigeras à mes côté et ainsi, plus personne ne pourra nous contrôler. Tu seras heureuse. Je ferai tout mon possible pour que tu ne connaisses plus la tristesse.
Il lui tendit une partition nommée le chant des anges. Avant de la prendre, elle observa longuement son ami en train de combattre puis dirigea son regard vers Antonin. Il lui sourit en acquiescent de la tête comme pour lui dire que c’était le bon choix. Elle se laissa convaincre et entonna le chant de sa voix douce et enfantine. La sinistre mélodie retentit aux quatre coins des mondes et fut perçue comme un signe de la fin des temps. Les habitants, qu’ils soient mage ou Homme, cherchèrent l’origine de ce son et certains, paniqués, essayèrent de rejoindre les abris des services militaires. Antonin l’accompagnait en chantant l’écho des abysses, une musique composée des accords complémentaires de ceux du chant des anges. Les terres tremblaient et la barrière dimensionnelle qui séparait les deux mondes céda après avoir subi plusieurs distorsions. Depuis Hierro-Terra, on pouvait observer Fortius-Mancie se rapprocher dangereusement et inversement. Les séismes avaient déjà causé des tas d’éboulements, détruit des bâtiments et créé d’énormes fissures dans le sol. Les satellites de chaque planète se détachèrent un à un de leurs champs gravitationnels. Tout le monde avait les yeux pointés vers le ciel et attendait à leur manière que cela se termine. Certains priaient, d’autres réalisaient un de leurs derniers rêves, certains se laissèrent aller au pillage et à la casse, d’autres essayèrent de passer du temps avec ceux qu’ils aimaient.
Les magiciens et les sorciers finirent par débarquer. Ils durent faire face à tous les alliés d’Antonin ainsi qu’à quelques-uns des mages obéissant autrefois à Lucian. Les renforts, malgré leurs camps divers, furent d’un véritable secours à Matt qui était roué de coups depuis tout à l’heure et qui s’essoufflait à repousser l’ennemi. La famille et les amis d’Iris tentèrent de la raisonner, mais cette incantation semblait avoir pris possession d’elle. Dans son état de transe, elle n’entendait rien d’autre que la voix d’Antonin et la sienne. Eden se fraya un passage à travers la foule de combattants à l’aide d’Honoré, qui faisait partie de la troupe du tribunal. Il se rapprocha de son amour perdu. Il essaya de l’appeler, de lui expliquer son geste. Mais elle resta sourde, complètement imperméabilisée contre les paroles de son traitre d’ex-petit ami. Il essaya encore et encore, c’était son combat et il croyait en la force de ses sentiments. Il sentait qu’elle l’aimait toujours et il espérait la ranimer. Les membres du tribunal prirent une mesure drastique, celle de tuer l’un des deux enchanteurs. Là-dessus, magicien et sorcier furent tous les deux d’accord mais lorsqu’ils leur fallu choisir la victime, ils furent de nouveau en désaccord. Ils finirent par décider de sacrifier Iris puisque si elle périssait, il leur resterait sa mère pour utiliser le collier. Matt, Eden, Honoré, Julicia et Rùna refusèrent catégoriquement de les laisser faire. Ils s’opposèrent à leurs alliés. L’un des trois sages prit la parole :
– La vie de votre amie peut sauver celle de millions de personnes innocentes. Voulez-vous qu’on se souvienne d’elle comme une sauveuse ou comme une meurtrière ? Opposez-vous à nous et vous serez complice. Et dans ce cas, nous devrons vous éliminer.
– Essayez toujours ! s’exclama Matt. Vous goûterez à ma lame.
– Je ne vous laisserai pas me prendre celle que j’aime ! affirma Eden
– Cette fois, je protégerai ma sœur de vos salles manigances ! s’opposa Honoré.
Eden utilisa un enchantement pour rendre Matt plus rapide et Honoré améliora l’épée du guerrier en une arme pétrifiante. Ensuite l’épéiste se chargea de tous les mages qui visaient Iris. Durant son combat, il fut violemment blessé par les attaques des enchanteurs. Tandis que les garçons s’opposaient aux mages et aux sorciers, Rùna essayait d’écarter les troupes d’Antonin en utilisant ses potions. Julicia de son côté essayait de réveiller sa fille en lui parlant. Elle restait calme et sa voix était aussi douce que d’habitude. Elle la rassura :
– Tu es forte ma chérie et je sais que tu peux lutter. Tu n’es pas une mauvaise personne et encore moins une tueuse. Et je sais que ce n’est pas de ta faute, ce qui est en train d’arriver.
Sa voix devint tremblante et ses yeux brillèrent comme le ciel étoilé. Elle s’efforça de sourire et elle lui dévoila ce qu’elle avait sur le cœur :
– Je veux que tu te battes et que tu te réveilles parce que… je ne veux pas te perdre à nouveau, je ne veux pas que tu meurs. On vient à peine de se retrouver après huit ans de séparation. S’il te plait, ouvre les yeux ! cria-t-elle désespérée.
Iris entendit la voix de sa mère et reprit connaissance un fragment de seconde, puis elle sombra de nouveau dans les ténèbres. Julicia s’effondra sur le sol en larme et ferma les yeux pour ne pas voir cet horrible spectacle. Alors que chacun se battait pour une cause différente, un bruit sourd fit cesser les combats ainsi que le chant des deux mages. Une balle venait d’atteindre Iris et s’était logée directement en dessous du sternum. Elle ne semblait pas réaliser ce qui venait d’arriver. Elle toucha la plaie doucement avec ses doigts, et regarda le sang couler abondamment. Elle se sentit faible d’un coup et elle s’effondra au sol. Son cœur battait de plus en plus lentement, sa vision était trouble, et elle se sentit congelée petit à petit. Elle convulsait au sol, luttant contre la mort qui venait la prendre. Matt s’approcha lentement de celui qui venait de tirer et il lui planta son épée dans le ventre si profondément que la lame ressortit dans le dos de l’individu. Il tourna l’épée à l’intérieur des entrailles du tireur avant de la faire ressortir en tirant brusquement. L’homme rendit un dernier soupir avant de s’écrouler, sans vie. Eden se précipita directement vers Iris avec Honoré et Rùna. Il murmura :
– Ça va aller, je ne te laisserai pas partir. Accroche-toi ! Tout ira bien, on va te soigner.
Elle lui sourit en larmes et toute tremblante, mais ne put pas répondre, n’en ayant plus la force. Il s’affola, cherchait tout autour de lui quelqu’un qui pourrait la sauver. Il regarda Rùna, espérant qu’elle aurait une potion ou un baume capable de la soigner, mais l’alchimiste lui répondit d’un mouvement de tête qu’elle ne pouvait rien faire. Eden se précipita alors vers la seule personne qui pouvait encore l’aider, Antonin
– Sauve-la ! Je t’en prie ! Utilise ta magie et guéri la, supplia-t-il.
– Même moi, je ne peux pas défier la mort. La magie n’a jamais guéri personne, elle est condamnée.
– Je refuse de la regarder mourir sans rien faire. Il y a toujours une solution. ça ne peut pas se finir ainsi !
– On ne peut plus rien. Tout ce qu’on peut faire, c’est accepter.
Julicia se releva se rendit auprès de sa fille et s’exclama :
– Moi, je peux la sauver !
Ensuite elle saisit le collier dans sa main et invoqua une toute dernière fois ses pouvoirs. La lumière qui émanait du collier et des marques de Julicia était d’un bleu aveuglant. Elle fit preuve d’une immense concentration malgré l’intense douleur que lui faisait ce sort. Au fil de l’incantation, ses ailes et son auréole disparurent et, au final, le collier se brisa en des dizaines d’éclats de verres. La magie qu’il contenait s’évapora dans un nuage de fumée azur. Lorsque le nuage se dissipa, Eden retourna auprès d’Iris et Julicia. Il y avait toujours une grande quantité de sang qui coulait, mais cette fois, il s’échappait du corps de Julicia. Iris par contre n’avait plus une seule égratignure. Quand elle reprit connaissance et se retrouva complètement trempée par le sang de sa mère, elle paniqua et essaya de comprendre pourquoi ce n’était pas elle qui était en train de mourir :
– Maman ! pourquoi tu saignes ? Réponds-moi maman.
– Je…ne pouvais pas te laisser…mourir, répondit-elle la voix faible et tremblante. Tu as vécu…la moitié de ta vie sans moi…je sais que tu pourras réussir cette épreuve.
Rùna et Honoré accoururent immédiatement vers leur mère agonisante et eux aussi, la supplièrent de s’accrocher à la vie. Elle ne pouvait plus les voir tant son heure était proche et elle les entendait tout juste. Elle leur murmura une dernière phrase :
– Je vous aim…
Elle s’éteint, apaisée d’avoir pu protéger une dernière fois ses enfants. Iris et Rùna fondirent en larmes totalement effondrées par la perte de leur mère. Honoré resta plus distant et essaya tant bien que mal de masquer son chagrin. Les cris et les larmes des deux enfants transpercèrent la grotte, attristant tous ceux qui avaient un cœur.
Les membres du tribunal ainsi que les trois sages vinrent arrêter le responsable de toutes ces catastrophes. Ils lui ôtèrent sa bague et l’entrainèrent vers la sortie de la grotte. Mystérieusement, Antonin resta tout souriant. À croire qu’il n’avait pas peur d’être condamné. Iris ne fut pas inquiétée dans cette affaire, les deux parties la reconnurent innocente. Comme le collier était brisé, elle n’avait plus à redouter les membres du tribunal et pouvait désormais reprendre une vie normale, enfin presque. Honoré prit sa mère dans les bras et suivit les autres vers la sortie. Mais dehors, plus rien n’était comme avant.

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