Le bruit du train entrant en gare réveilla Eden qui s’y était endormi. Il avait envoyé un message à sa tante pour lui dire qu’il repasserait plus tard, pour récupérer ses affaires, car il avait quelque chose d’important à faire à Pyravis. A l’ouverture des portes automatique, Eden fut le premier à sortir. Il était vraiment pressé de vérifier sa théorie. Quand il arriva au manoir De Félicité, il fut assez surpris de voir que la porte était entre-ouverte. Inquiet, il entra sans prévenir dans la demeure. C’est alors qu’un cri strident retentit. Dans le salon, Iris était encerclée par des agents gouvernementaux, dont celui qui s’en était pris à Lucian et Matt. Il tentait de l’emmener avec eux, sous les yeux d’Honoré, totalement passif face à ce qu’il se produisait. Iris se débattait, donnait des coups à chacun d’entre eux, mais ne parvenait pas à les faire s’éloigner. Elle criait et lançait parfois des insultes à ses agresseurs. Eden n’allait pas laisser enlever sous ses yeux son assistante et surtout la possible héritière de la reine Céleste. Il resta caché derrière un mur et récita quelques formules pour retarder et immobiliser les agents. Il réussit à en engloutir quelques-uns avec le sol et à en changer d’autres en pierre. Mais la puissance de ses sorts l’affaiblit et le laissa sans défenses face aux trois hommes encore en état de se battre. Il fut rapidement remarqué et mis au tapis. Iris, pendant ce temps, s’était sauvée. Quand ils s’en aperçurent, ils laissèrent Eden sur le sol et partirent à sa recherche. Honoré quitta les lieux sans même venir en aide au jeune mage blessé, couvert de sang et gémissant de douleur.
Pendant ce temps, Iris attendait, cachée dans la boulangerie, le départ des brutes à sa recherche. Quand elle les vit s’éloigner, elle retourna chez elle. Là, elle ferma toutes les entrées et fenêtres avant de trainer Eden jusqu’au canapé. Celui-ci avait perdu connaissance et se trouvait dans un état critique. Iris commença par passer délicatement un gant d’eau froide sur son visage et son torse pour nettoyer ses plaies. Puis elle lui mit des bandages pour arrêter les diverses hémorragies. Il ne restait plus qu’à attendre son réveil en espérant que ce soit avant le retour des hommes de tout à l’heure. Au bout de dix minutes, Iris entendit des coups dans la porte : C’était eux, ils étaient de retour et Eden n’était toujours pas réveillé. Iris déplaça le plus de meubles possible devant la porte d’entrée. Elle alla aussi se munir d’un couteau dans la cuisine. Alors que la porte allait céder, Eden ouvrit les yeux. Iris, folle d’inquiétude et soulagée à la fois, se précipita vers lui :
– Eden ! Tu t’es enfin réveillé, affirma-t-elle, apaisée. J’ai eu tellement peur de te perdre…
– Humm… Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu n’étais pas partie te mettre à l’abri ?
– Je n’allais pas t’abandonner, après tout, nous sommes amis.
– Vraiment ? Si tu le dis…
– Bon, maintenant que tu es réveillé utilise ta magie pour nous faire partir d’ici.
– Je n’ai pas assez d’énergie pour nous téléporter tous les deux.
– Alors, utilise un autre sort, peu importe lequel. Ils vont entrer d’une minute à l’autre !
– Je pourrais nous transformer pour qu’on sorte incognito, mais il est possible que je n’arrive pas à nous redonner forme humaine après.
– Prends le risque ! C’est notre dernière solution !
– D’accord. Alors, donne-moi la main et je lancerai le sort.
Iris saisit la main d’Eden qui put commencer l’incantation. « De l’Homme au chat, il n’y a qu’un pas… ». Suite à ses paroles, les deux adolescents furent changés en le plus gracieux des animaux. Ils purent par la suite se cacher dans de petits endroits avant de se sauver par la porte sans être remarqués par les agents qui venaient d’entrer.
Quand ils furent dans une ruelle à plus d’un pâté de maisons de la demeure d’Iris, elle lui miaula de les retransformer. Ce dernier essaya mais, faute de pouvoir, il ne parvint à utiliser le sort que sur lui.
– Ne t’en fais pas. Je te retransformerai quand j’aurais récupéré mon énergie.
Iris miaula son mécontentement à Eden qui ne comprit pas un mot de ce qu’elle disait. Il la prit dans ses bras et l’emmena jusque dans son appartement. Là-bas, il lui versa un peu de lait dans un bol et lui servit un peu de thon dans une écuelle. Elle le fixa d’un regard noir avant de se laisser emporter par sa gourmandise. Eden l’observa avec tendresse. Était-ce parce qu’il était un amoureux des chats ou était-ce Iris qui l’attendrissait ? Lui-même n’en savait rien. Quand la petite chatte eut fini de manger, elle alla s’installer sur le divan à côté de lui. Ils regardèrent la télévision ensemble avant d’aller se coucher. Iris ne dormit pas longtemps cette nuit-là. A chaque fois qu’elle fermait les yeux, elle revoyait sa mère dans le temple d’Hérédite. Et quand elle ne dormait pas, elle pensait à tout ce qu’elle avait appris sur son frère. Quand elle allait être enlevée, il l’avait regardé sans intervenir. Eden avait sans doute raison de se méfier de lui.
La nuit ne voulant se terminer, Iris sortit par une fenêtre se promener sur les toits. Dehors, l’obscurité était percée par la lune et les étoiles. Le petit chaton marron fit connaissance avec tout un tas de chats errants pendant sa promenade. Elle fut assez heureuse de pouvoir communiquer avec des êtres qui la comprenaient. Après une ou deux heures de marches, elle fit demi-tour pour retourner à l’appartement. En approchant de l’immeuble, elle remarqua qu’au sol, les agents à leur recherche approchaient dangereusement de chez Eden. Elle se pressa de rentrer pour l’avertir. Quand elle fut enfin dans sa chambre, elle miaula pour le sortir de ses songes, mais son sommeil était si profond qu’il lui fallut briser le vase sur sa commode pour le réveiller. Par réflex, Eden lui jeta son oreiller en pleine figure, l’éjectant trois mètres plus loin. C’est alors qu’il se releva et se précipita vers elle pour s’assurer que tout allait bien. Iris, un peu sonnée, essaya tout de même de lui miauler ce qu’elle avait vu. Bien sûr, il ne saisit rien de ce qu’elle lui racontait. Eden avait récupéré assez de pouvoirs pour la retransformer et ainsi pouvoir la comprendre. Le sort réussit à lui rendre une apparence humaine. Iris était vraiment contente d’avoir retrouvé son corps, mais l’heure n’était pas aux réjouissances, elle devait l’avertir du danger :
– Eden, on doit partir d’ici tout de suite ! Je les ai vus, les types de ce matin ! Ils sont à une ou deux rues d’ici !
– Quand les as-tu vus ? interrogea-t-il, paniqué.
– Il y a environ cinq minutes.
– Alors, ils sont peut-être déjà dans l’immeuble. Il faut qu’on trouve un moyen de sortir.
– Tu n’as qu’à utiliser ta magie !
– Je ne peux pas. Le peu d’énergie que j’avais récupéré, je l’ai utilisé pour te retransformer.
Iris se remit à angoisser. Elle regarda tout autour d’elle, recherchant une sortie. C’est alors qu’elle vit la fenêtre qu’elle avait empruntée plus tôt. Elle prit Eden par la main et le conduisit à l’extérieur. Comme elle avait déjà repéré les lieux, elle savait exactement où ils devaient aller pour descendre. Ils marchèrent sur les toits quelques minutes avant de se faire repérer par les agents. Ils ne leur restaient plus qu’à courir en espérant les semer en routes. Mais les toits étaient glissants et étroits, à cause de cela, ils leur arrivaient de trébucher et ils étaient retardés. De plus, leurs poursuivants étaient bien plus entrainés qu’eux, ils courraient plus vite et ne se fatiguaient pas. Eden, à bout de force interrogea :
– Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?
– Je n’en sais rien. Tu ne peux pas leur jeter un tout petit sort ?
– Je peux essayer. Tu penses à quelque chose en particulier ?
– Tu n’as qu’à les aveugler pendant une minute. Ça devrait nous aider à prendre de l’avance.
– Je vais essayer. Continue d’avancer, je te rejoins.
Eden s’arrêta et démarra son incantation « Ces yeux sont fatigués, ils doivent se reposer ». Suite à cela, leurs poursuivants s’arrêtèrent et se frottèrent les yeux. Seul leur chef réussi à les pourchasser, malgré sa cécité, en utilisant ses autres sens. Eden et Iris reprirent leur course. Mais au bout de tout juste dix minutes, la jeune fille, à bout de souffle, s’arrêta un instant pour se reposer et interroger son compagnon sur leur destination :
– Et maintenant, où est-ce qu’on va ?
– À l’antre, répondit-il, essoufflé. On y sera en sécurité.
– Mais le lycée est encore à quinze minutes d’ici, je ne sais pas si je tiendrai. Et puis, s’ils savent où l’on habite, ils connaissent sûrement là où l’on étudie.
– T’en fais pas, j’ai un plan. Il faut juste qu’on court encore un peu.
– Mais j’en peux plus…
À ce moment-là, Iris perdit l’équilibre et glissa jusqu’au bord du toit où elle ne tenait plus que grâce à sa manche coincée dans la gouttière. Eden l’aida à se relever et reprit sa course la trainant par le bras afin d’accélérer sa cadence. L’agent qui les poursuivait depuis près de vingt minutes avait retrouvé la vue et il n’était plus qu’à quelques mètres d’eux. D’un bond surhumain, il grimpa sur le toit. Cet homme dont la détermination égalait la puissance, avait tout d’un monstre auquel on ne pouvait échapper. Iris, toujours tirée par Eden, décida d’agir.
– Continue sans moi ! Je vais utiliser ma magie.
– Mais de quoi tu parles ? Tu n’as pas de pouvoirs.
– La magie de Hierro-Terra peut rivaliser avec la tienne, expliqua-t-elle avec conviction. Fais-moi confiance, tu ne le regretteras pas.
Elle le fixa droit dans les yeux pour lui montrer sa détermination. Il hésita un moment avant de lâcher sa main. Il continua d’avancer comme demandé et la laissa seule à la merci de leur poursuivant. Iris saisit son téléphone portable et activa l’application lampe avec la luminosité réglée au maximum, cela lui permit d’aveugler son adversaire le temps de briser et de jeter les perles de son collier à terre pour le faire tomber. Elle eut ainsi un court laps de temps pour activer le mode ultra-son de son téléphone et ainsi attirer tous les chats du quartier. Elle laissa au sol son appareil qui en continuant d’émettre des ondes faisait venir de plus en plus d’animaux autour de l’agent à terre. Elle put partir et laisser ses alliés à quatre pattes s’occuper de leur ennemi.
C’est à l’antre qu’elle retrouva Eden. Celui-ci était mort d’inquiétude depuis qu’il l’avait laissé. Quand elle entra dans la pièce, le beau prince laissa un sourire lumineux lui échapper. Il se précipita ensuite vers elle pour l’interroger sur les évènements. Elle ne lui raconta pas en détail ses actes, préférant enjoliver les choses pour paraitre plus courageuse et plus puissante. Eden compris malgré tout la supercherie et en rit un long moment avant de reprendre son calme pour parler plus sérieusement. Il sortit une boite remplie de chewing-gum rose et en donna un à Iris. Avant qu’elle ne commence à le mâcher, il lui expliqua son fonctionnement :
– Quand tu commenceras à le mâcher, tu seras téléporté à Fortius-Mancie. Pour revenir ici, il te suffira de mastiquer ceci.
– Un chewing-gum vert ? Je ne pensais pas qu’une simple friandise pourrait me téléporter d’un monde à un autre.
– Tu es prête ?
– J’ai encore une question. Quand on sera téléporté, on ne sera pas séparé ?
– Ne t’en fais pas pour ça, comme ils proviennent de la même boite, ils nous emmènent au même endroit.
– Justement où est-ce qu’on va atterrir ?
– Ça, je ne peux pas le prévoir. Mange et tu le sauras !
Eden et Iris, après avoir chacun mastiqué la délicieuse friandise, se retrouvèrent en un fragment de seconde, dans une forêt plus qu’original. De géantes plumes de couleurs et de formes diverses s’élevaient autour d’eux, le sol était recouvert à chaque millimètre d’écailles ardoises et le ciel argenté était parsemé de nuages jaunes et azurés. L’horizon ne semblait s’achever comme si cette étendue multicolore s’étendait à l’infinie. L’air d’ici n’avait pas la même odeur que sur Hierro-Terra. Il était légèrement plus humide et dégageait un parfum fruité proche de celui de la pêche. Iris était toute désorientée et regardait tout autour d’elle, impressionnée par toutes ses bizarreries. Eden lui demanda de se calmer et de le suivre. Celle-ci refusa d’avancer sans savoir où ils se rendaient et surtout combien de temps ils auraient à marcher.
– Je ne marcherai pas une minute de plus. Je ne sais pas en quoi sont faits tes pieds, mais pour ma part ils sont faits de chair. Une chair qui en ce moment est couverte de plaie et d’ampoule.
– On fera une pause dans une heure. En attendant, marche.
– Une heure ! Je ne tiendrai jamais. Si tu veux ma mort continue sur cette voie ! Et puis, je ne sais même pas où on se rend.
– On va à Ré-Jasme. C’est ce que l’on pourrait appeler la capitale de la magie blanche. On y sera dans trois jours. Si on évite de faire des pauses tous les quarts d’heures, bien sûr.
– Trois jours ! s’exclama-t-elle avec horreur. Dans ce cas, je crois que je n’ai pas le choix, je vais devoir marcher. Mais après, j’espère que l’on aura plus à fuir.
Pendant une heure, ils continuèrent de s’enfoncer dans la forêt de plumes et d’écailles. On entendait résonner durant tout le parcours, les plaintes de la jeune fille au bord de l’épuisement. Puis, plus rien. Un silence de mort se fit. Même le vent cessa de faire danser les barbes multicolores. Toutes les petites créatures du jour laissèrent place en une fraction de seconde à leur consœur de la nuit. Et une onde sonore imperceptible habilla le ciel de magenta. Cette longue étendue aérienne cessa d’être éclairée par ses sept soleils colorés de chacune des teintes de l’arc en ciel. Tout ceci se déroula en très peu de temps. Iris n’en revenait pas des phénomènes extraordinaires de cette planète. Comme la nuit avait fait son apparition, les deux voyageurs établir leur campement. Alors qu’Eden cueillait des fruits sur les arbustes autour de lui, Iris se mit à lui poser quelques questions qui l’intriguaient.
– Dis Eden ? Est-ce que tu sais pourquoi on est recherché ? Est-ce que j’aurais fait quelque chose de mal ?
– Arrête de tracasser ton pauvre petit cerveau attardé et mange.
– Je suis sérieuse Eden. Si je ne m’étais pas mêlée de tes affaires, on n’en serait peut-être pas là.
– C’est vrai que ta curiosité a accéléré les choses. Mais tu sais, c’est Matt et moi qui avions le garde du collier, on aurait dû être plus discrets et plus combatifs face à Lucian. Ces agents sont là pour nous punir.
– Mais que nous feront ils s’ils nous retrouvent ?
– Je préfère éviter de te le dire si tu veux pouvoir fermer l’œil cette nuit.
Iris eut un léger frisson. Elle entreprit le repas sans ajouter une seule parole. Mais à la seconde où elle croqua dans l’étrange fruit qu’Eden lui avait donné, elle retrouva immédiatement sa voix. Ce met amer, sec et dur lui donna la nausée et lui fit recraché l’intégralité de son estomac. En effet, le noisin était un fruit qui ne pouvait être apprécié que par un palais fin et délicat comme celui d’un gentleman tel qu’Eden. Le jeune garçon, lui, fermait ses doux yeux violets et humait les odeurs dégagées par l’aliment pour en percevoir tous les arômes. Il ne prêta même plus attention à la jeune fille qui n’avait de cesse d’injurier le fruit ainsi que son donateur. Au final, c’est le ventre vide qu’elle dut se coucher. Elle s’allongea sur un tas de plume morte puis s’endormit rapidement, exténuée par cette journée. Eden veilla plus longtemps. D’abord pour lancer un enchantement de protection autour d’eux et aussi pour réfléchir à tout ce qui s’était produit et l’avenir qui l’attendait. En allant à la capitale, il pensait pouvoir s’adresser au tribunal et faire disparaitre toute sanction contre lui et Iris en divulguant une partie de ce qu’il avait appris. Il savait que cela ne fonctionnerait sans doute pas mais ce n’est pas comme s’il y avait une autre solution. Où qu’ils aillent, ils ne seront jamais en sécurité.
Les ronflements de la jeune fille allongée non loin lui donnèrent soudain à Eden, l’idée d’aller vérifier ses mains et son front à la recherche des ailes et de l’auréole. Il observa attentivement ses paumes mais n’y vit pas la moindre marque. Il souleva ensuite délicatement sa frange et le résultat fut le même. Il s’était encore trompé et cette fois c’était comme si le ciel lui était tombé sur la tête. Il était enragé à en perdre la raison. Il comptait sur le fait de détenir l’héritière pour s’en sortir. Mais ce n’était qu’une humaine inutile. Qu’allait-il dire au tribunal ? Il n’avait vraiment plus aucune piste pour le collier, aucunes informations à échanger contre sa liberté. Désorienté, il avança sans but dans les plumes laissant sa protégée seule, vulnérable. Il scrutait l’immensité forestière en espérant y voir apparaitre la solution à ses problèmes.
À son réveil, Iris rechercha inquiète son compagnon de voyage. Mais, il n’y avait plus aucune trace de son passage. Elle crut que quelque chose lui était arrivé et se mise à sa recherche. Seule, la forêt de plume lui paraissait effrayante. À chaque sifflement du vent, à chaque petite créature traversant son chemin, elle sursautait. Qui plus est, le cri des immenses oiseaux voyageant dans les cieux ne faisait que l’inquiéter un peu plus. Ses pieds frôlèrent les écailles durant près de deux heures. Tout ce temps, elle n’avait fait qu’appeler Eden sans recevoir de réponse de sa part. Elle avait crié son nom à s’en blesser la gorge. Elle était désormais perdue dans des bois de près de quatre-vingts hectares, sans guide, sans savoir si elle sortirait un jour. Et comme si la situation n’était pas assez préoccupante, la pluie se mit à tomber. Ce n’était même pas de l’eau, c’était une gelée verdâtre et gluante. Elle se mit sous une grotte d’écaille et contempla mélancolique la pluie tomber. Quoi qu’elle fasse dans sa vie, elle se retrouvait toujours seule. D’abord sa mère, son père puis Honoré, Matt et maintenant Eden. « Qu’est-ce qui chez moi fais fuir les autres ? » se demandait-elle. Quelques larmes de peur et de solitude firent briller ses yeux avant de laisser couler un délicat ruisseau jusqu’à son menton. Les heures s’écoulèrent jusqu’au retour de la nuit. Affamée et épuisée par ses recherches, elle se décida à se relever et tenta de nouveau de retrouver Eden. Le sol collant était difficile à traverser, mais elle ne désespérait pas. Elle continua de se frayer un chemin parmi les dangers de la nuit et de hurler le nom du disparu. Eden non loin de là entendit sa voix, son appel douloureux. Il l’ignorât d’abord essayant de se mentir à lui-même, mais, chacun des cris sembler de plus en plus désespérés. Il était blessé par cette attention qu’elle lui portait. Ses mensonges, ses trahisons, son égoïsme, tous ces aspects néfastes de sa personnalité l’étranglaient, lui serrait le cœur. Il ne pouvait plus faire semblant parce que les remords le rongeaient au plus profond de lui. Ils n’avaient plus la force de supporter son égoïsme. Un cri lui échappa. Cet appel, comme la mélodie de l’espoir retentit aux oreilles d’Iris. Elle se précipita vers le lieu d’où il l’avait appelé, tombant à plusieurs reprises sur le chemin, mais se relevant toujours. Quand elle aperçut enfin Eden et qu’elle vit qu’il allait parfaitement bien, son court instant de joie cessa immédiatement. Il n’avait pas disparu. Il n’était pas blessé et n’était menacé d’aucun danger. Il était bel et bien parti de son gré. Comme tous les autres, il l’avait abandonnée. Eden s’approcha d’elle et il vit dans les deux yeux turquoise d’Iris comme une lueur s’éteindre. Son regard était décédé, avec le néant comme expression. Comme si la déception, la tristesse et les souvenirs l’avaient rendue en un instant froide et dénuée de sentiment. Comme si la blessure avait tué sa pensée. Eden s’aperçut soudainement du mal qu’il lui avait fait, mais aussi de la nature de ses véritables sentiments pour elle. Il comprenait que s’il n’avait jamais éprouvé de remords avant de la rencontrer, c’était parce qu’il n’avait jamais aimé jusqu’à ce jour. Il fit alors ce qu’il n’avait jamais fait. Il saisit le bras d’Iris et l’attira vers lui, il la prit dans ses bras et tout en posant sa tête sur ses frêles épaules lui murmura :
– Je suis désolé. Je ne sais pas pourquoi je t’ai fait du mal. Si j’avais su que te laisser me blesserait autant, je ne l’aurais jamais fait. Peu importe que tu ne sois pas celle que j’ai cru, je veux te garder près de moi, je veux te serrer dans mes bras, sentir ton délicat parfum fruité, entendre ton rire agaçant et pourtant si mélodieux, tous les jours sans que cela ne prenne fin. Je ne veux plus te voir pleurer à cause de moi ou d’un autre. Je te veux pour moi. Alors, je t’en prie, pardonne-moi. Te voir souffrir m’a fait comprendre pour la première fois que je t’aimais plus que quiconque. Je…je ne me suis jamais montrée aussi sincère avec quelqu’un. Je me déteste.
Iris, émue, sortit de sa passivité. Elle ne pouvait plus le croire tant il l’avait déçue et pourtant elle désirait l’écouter sans douter. Mais devant elle se trouvait Eden le prince, celui qu’elle avait aimé depuis longtemps. Elle ne voulait pas de cette façade, de ce garçon faux et pourtant honnête. Elle le repoussa, tout simplement répugnée par ces comportements contradictoires et parfois si atroces. Elle essaya de lui faire comprendre sans le blesser :
– Ecoute Eden, tu t’es sauvé sans moi. Je pensais qu’on était ami et toi tu m’as laissé dans ce lieu que je ne connais pas, comme si, tu n’en avais rien à faire de moi. C’est dur de croire en toi pour l’instant et d’imaginer ne serait-ce qu’une seule seconde que tu es sincère, que tu as des sentiments. Pourtant, j’aimerais le croire, mais je n’y parviens tout simplement pas.
– Tu m’as ouvert les yeux, fais regretter tous les mots blessants que je t’avais dits ainsi que toutes les menaces prononcées. Je ne te laisserais plus et je te ferais comprendre que je suis ce qu’il y a de mieux pour toi et que réciproquement, tu es la seule que j’aime et aimerai. Et si tu ne me crois jamais, et bien, je ferais tout pour devenir une personne de confiance et je rattraperai mes erreurs.
– Je ne demande qu’à y croire, affirma-t-elle calmement. Mais chacun de tes mots sonnent faux.
– Alors, reprenons notre route et je suis sûr que tu ouvriras tes yeux à un moment de notre parcours. Je vais devenir un homme meilleur, pour toi.
Ils marchèrent ensemble jusqu’à arriver sur un sentier où une charrette s’arrêta pour les conduire à la ville. Eden contempla Iris en train de ronfler et de baver pendant tout le trajet ; la pauvre jeune fille était épuisée après avoir tant recherché son ami dans les bois et, fainéante comme elle était, sa marche de plusieurs heures relevait de l’exploit. Quatre heures s’écoulèrent avant que le véhicule n’arrive à destination. Là-bas, Eden entraina directement Iris chez un ami à lui, Jack, avec qui il avait étudié la magie avant de devenir gardien. Après s’être rassasié, il la laissa là-bas le temps de se rendre au tribunal de la magie pour s’expliquer sur ce qu’il avait fait. Avant de partir, il demanda à son ami d’enfance de prendre soin d’Iris s’il ne revenait pas.
Arrivé au tribunal, le jeune mage ne fut pas accueilli en grande trompe, mais plutôt par des soldats qui l’entrainèrent dans une cellule le temps que les juges lui accordent audience. Des cris se faisaient entendre d’une pièce au fond du couloir. Sans doute était-ce une des nombreuses salles de torture du tribunal. Lorsque la porte s’ouvrit, Eden vit sortir son ancien ami, ensanglanté et escorté par les soldats jusque dans la cellule en face de la sienne. Matt était inconscient. Il portait des marques de lacération, des traces de blessure et de profondes plaies infectées. Il était là depuis que les agents l’avaient embarqué quelques jours auparavant. Il était continuellement torturé, il n’avait de répit que lorsqu’il était inconscient. Eden ne pouvait que regarder son ami, impuissant. Il angoissait énormément d’avoir à finir comme lui. Les pas de la milice retentirent. Ils vinrent et l’emmenèrent jusqu’à la salle d’audience. Il n’y était pas retourné depuis le jour où on lui avait confié le collier. Les magiciens qui le reçurent était les même que ceux d’il y a huit ans. Contrairement aux jugements qui se déroulaient habituellement, il n’y avait aucun témoin, même la garde fut contrainte de se retirer. Le procès débuta dans une atmosphère tendue qui ne présageait rien de bon pour Eden…
De l’autre côté de la ville, Iris s’inquiétait du temps que prenez Eden. Elle angoissait surtout à cause de ce qu’il lui avait raconté sur la peine qu’il encourait. Peut-être ne reviendrait-il pas ? Peut-être l’avait-elle vue pour la dernière fois ce matin ? Elle ne pouvait pas rester les bras croisés pendant qu’il risquait sa vie. Surtout qu’elle était en grande partie responsable. Peut-être qu’il obéissait aux règles du tribunal, mais pas elle ! Elle saisit un couteau de cuisine qu’elle glissa dans l’une de ses poches puis elle se dirigea rapidement vers la porte de sortie. Jake, le propriétaire des lieux et ancien rival en magie d’Eden, l’interrompit. Il lui donna quelques conseils pour qu’elle évite tous risques :
– Si tu veux voler au secours de ton copain, je ne te retiendrai pas. Mais tu devrais changer de tenue et d’arme avant.
– Et pourquoi ça ?
– Ici tu n’es pas à Hierro-Terra, personne ne porte des vêtements comme les tiens. Et ce n’est pas avec ton petit canif que tu vas faire le poids contre des mages aussi puissants que ceux du tribunal. Moi, je dis ça, je dis rien…
– Peu importe, j’y arriverai.
– D’accord, mais si cela t’intéresse, je peux te fournir une tenue et une arme.
– Dans ce cas, je veux bien les essayer.
Il lui fournit un short bouffant marron avec un top fait de plume blanche à pointe brune ainsi qu’une cape bleu foncé surmontée de décor abstrait en fil d’or. Une tiare dorée embellit sa chevelure châtaigne et pour ses pieds, elle chaussa des sandales en cuir. Il ne restait plus qu’à choisir une arme utilisable par les êtres humains. Elle choisit une épée très fine et légère capable d’endormir un adversaire en un coup de lame. Une fois équipée, Jake l’accompagna jusque devant le tribunal avant de retourner chez lui. Elle était prête à aider Eden, il ne restait plus qu’à pénétrer les lieux et à le retrouver…
Le tribunal laissa Eden s’exprimer avant de rendre sa sentence. Il tenta de rester serein pendant qu’il s’expliquait :
– J’ai fait tout ce que vous m’avez demandé pendant huit ans et j’ai échoué. Mais personne n’est à l’abri d’une défaite. J’ai combattu jusqu’au bout et j’ai recherché activement le collier. J’implore votre clémence et, si jamais ce que je vous ai dit ne vous suffit pas, je peux vous divulguer tout ce que j’ai découvert sur le collier.
– Mes confrères et moi allons délibérer. En attendant, vous retournerez en cellule, affirma le chef du tribunal.
Les soldats le ramenèrent derrière les barreaux…
Iris avançait le plus discrètement possible à travers les salles du tribunal. Quand elle atteignit la salle du jugement, Eden n’y était déjà plus. Elle continua d’avancer dans l’immense bâtiment avec la même envie de revoir Eden que dans les bois. Elle fut guidée par son cœur, son courage ainsi que par les cris qui émanaient d’une des salles de torture. Là-bas, il y avait trois soldats en train de frapper avec acharnement Lucian. Le mage était beaucoup trop affaiblit pour répliquer. Même si ce n’était pas pour lui qu’elle était venue, elle se devait d’intervenir. Elle pénétra la salle en fonçant vers l’un des gardes, épée à la main. Elle le frappa au bras. Ce qui était supposé l’endormir ne fit que le blesser. Apparemment, entre ses mains, l’arme perdait tous ses pouvoirs. Les trois soldats répliquèrent activement aux attaques de l’épéiste, délaissant complètement leur prisonnier. Elle encaissa plus de coups qu’elle n’en donna. Surtout parce qu’elle ne voulait pas prendre le risque de tuer qui que ce soit. Mais rapidement, elle comprit que c’était eux ou elle. Elle lâcha son épée, à la grande surprise de tous ceux qui étaient dans la sinistre pièce, puis elle entama un combat à main nue. Elle commença par donner un coup de pied d’une puissance phénoménale dans l’abdomen du plus petit d’entre eux ainsi qu’un autre dans sa tête qui le propulsa sur plusieurs mètres. Lorsque l’un d’entre eux lui saisit le bras, elle se projeta vers lui et lui mit un coup de genou entre les jambes. Il n’en restait plus qu’un, mais lui contrairement à ses camarades était un véritable colosse. À chaque coup qu’elle lui donna, c’est elle qui se blessait. Le géant, la saisit par le col de sa cape et l’envoya contre un mur. C’est avec une grande difficulté qu’elle se releva et repartie à la charge. Mais cette fois encore, il la repoussa et l’envoya s’écraser au fond de la pièce. La scène se répéta encore trois fois avant qu’elle se décide à changer de tactique. Essoufflé et fortement affaiblie, il n’y avait qu’avec son épée qu’il lui restait une chance. Quand elle se pencha pour la ramasser, le soldat déposa son pied sur sa main et lui écrasa les phalanges avec force. Elle criait à s’en époumoner tout en essayant de dégager ses doigts. Lucian, qui avait pu récupérer un peu, saisit le cou de son agresseur et commença à l’étrangler. Le colosse dégagea son pied de la main de la jeune fille et se débâta jusqu’à perdre connaissance à cause du manque d’air. Les deux adolescents débutèrent une conversation tout en se dirigeant vers les cellules :
– Merci pour ton aide ! s’exclama Lucian.
– Ce n’est rien je passais par-là, je ne pouvais pas les laisser te blesser.
– Tu es vraiment très puissante au combat. Je ne m’y attendais pas.
– Mon père a insisté pour que je prenne des cours de self-défense quand j’étais p’tite. C’est la première fois que j’ai besoin de ce savoir.
– D’ailleurs comment es-tu arrivé ici, à Fortius-Mancie ?
– C’est une assez longue histoire. Pour résumer, Eden et moi étions poursuivis par des types bizarres et comme il connaissait tous les endroits où nous pourrions nous cacher, nous sommes venus ici.
– Où est Eden en ce moment ?
– Ça, j’aimerai bien le savoir. Il est venu ici pour demander l’annulation de sa peine. C’était il y a plusieurs heures, c’est pour cela que je suis venu ici. Et toi, comment as-tu fini ici ?
– Peu de temps après ton départ des ruines, un agent est venu nous arrêter. Toute mon équipe, Matt et moi avons été vaincus et emmené ici. Depuis, on est tous les jours malmené par ces cinglés.
– Matt est ici ?! On doit le retrouver, lui, Eden et le collier des anges.
– Je vais t’aider à les sortir d’ici, mais tu devras me laisser le collier ensuite.
– Marché conclu.
– Dans ce cas, allons-y. Les cellules sont justes ici et elles sont bien gardées.
– Alors, on a plus qu’à combiner nos forces.
Ils s’échangèrent un regard complice avant de partir à l’assaut. Lucian étant à court d’éléments à utiliser, c’est lui qui prit l’épée. Iris reprit son combat à main nue plus déterminé que jamais. En près d’un quart d’heure, ils vinrent au bout de la garde. Eden et Matt étaient là, devant eux. Ils les sortirent de leurs cellules à l’aide des clés appartenant aux soldats vaincus et les conduisirent jusqu’à la sortie. Matt, tout comme Lucian était très affaibli. Il fallait donc à tout prix éviter les combats pour ne pas aggraver leur état. Alors qu’ils étaient en dernière ligne droite pour sortir, ils remarquèrent que la garde avait était renforcée. Tous furent découragés. Iris bien décidé à accomplir sa mission annonça aux trois mages qu’elle ferait diversion pour qu’ils puissent s’échapper. Bien entendu, ils furent tous opposés à cette idée. Mais elle n’en avait que faire. Elle était trop têtue pour voir le danger et écouter les craintes de ses amis. Avant de partir elle leur chuchota une phrase qui les contraignit de l’écouter : « Faites que mon sacrifice ne soit pas inutile. » Puis elle fonça comme une furie, attirant toute la garde vers elle et laissant l’entrée dégagée. Les garçons se sauvèrent sans attirer les regards et jurèrent de revenir la sauver. L’impertinente Iris, fut rapidement immobilisée et entrainée jusque dans la salle des jugements où les magiciens attendaient des explications. Un interrogatoire débuta entre les juges et l’humaine :
– Présentez-vous à la barre, Mademoiselle.
– Je suis Iris de Félicité.
– De Félicité ? Comme Julicia de Félicité ?
– C’était ma mère ! Mais je ne vois pas pourquoi vous la connaissez ou même en quoi cela concerne ce que j’ai fait aujourd’hui.
– Alors, c’est vous qui avez réussi à échapper à Derren. Le principal, c’est que vous soyez là désormais.
– Je ne comprends pas. Qui est ce Derren ? Et ne devriez-vous pas être mécontent de ma présence après tout ce que j’ai fait ?
– Au contraire, nous somme plus qu’heureux que vous soyez là. Nous avions envoyé un agent vous enlever quand vous étiez sur Hierro-Terra. Vous ne vous souvenez pas ?
– Pourquoi ? Qu’est-ce que vous me voulez ?
– Ce qu’on veut, c’est s’assurer que le collier ne puisse être utilisé que par nous. Maintenant qu’il est en notre possession, il ne nous manque plus qu’à nous assurer d’avoir tous les héritiers avec nous.
– Je ne sais pas de quoi vous me parlez, mais quoique vous me demandiez c’est non. Je n’ai aucun pouvoir et aucun lien avec ce collier.
– Voyons, nous vous avons envoyé un message il y a quelque temps par l’intermédiaire de votre mère. Nous vous avions dit que vous deviez le chercher et vous l’avez fait. C’est d’ailleurs en vous suivant que l’on a pu le récupérer et arrêter Lucian et Matt. Pensez-vous vraiment que l’on envoie ce type de message à de simples humains ?
– Vous m’avez manipulé ? Pourquoi ? Vous n’aviez pas le droit de vous servir de ma mère pour cela ! J’ai réellement cru que je la retrouverais, je n’aurais jamais fait cela si j’avais su ce que vous feriez aux garçons.
– Peu importe vos sentiments, je veux que vous utilisiez le collier pour aider notre empire à s’étendre sur la totalité de Fortius-Mancie.
– Mais puisque je vous dis que je ne sais pas utiliser la magie. Et même si je savais, je ne l’utiliserais pas pour des criminels comme vous.
– Même pas pour revoir votre mère ?
– Elle est ici ? interrogea-t-elle plus que surprise par cette information.
– Depuis sept ans. Vous savez, votre mère approuve, nos méthodes et nos ambitions et elle nous aide depuis tout ce temps. Mais elle commence à se faire vieille et nous avons besoins de sang neuf pour finir la bataille.
– Je ne sais plus quoi penser…Vous me laisseriez y réfléchir une journée ?
– Bien sûr ! Vous avez tout votre temps.
Iris fut escortée jusque dans une chambre installée au dernier sous-sol du bâtiment. La décoration était assez rudimentaire avec seulement un lit en fer gris et une ampoule au plafond. Même s’ils avaient voulu lui faire croire qu’elle était libre de sa décision, il l’avait enfermée et quelque peu menacée en lui parlant de sa mère. Iris l’avait bien compris et elle n’avait aucunement l’intention de se rallier à eux. En fait, elle savait déjà comment s’enfuir : grâce au chewing-gum vert. Mais avant cela, elle devait en apprendre plus sur sa mère. Si elle était réellement ici, c’était forcément contre son gré. Jamais elle n’aurait pu être d’accord avec la violence du tribunal. Et elle n’aurait pas abandonné sa famille pour ça. Et dans ce cas, elle ne pouvait pas la laisser entre les mains du tribunal plus longtemps.
Les trois garçons mirent leurs tensions de côtés afin de pouvoir être utiles à leur sauveuse. Lucian et Eden discutaient activement afin d’élaborer un plan alors que, Matt broyait du noir et n’attendait que d’intervenir. Il avait développé pendant ce séjour en prison, une haine sans limites contre les juges du tribunal. Et depuis qu’il savait Iris entre leurs mains, il était partagé entre la colère et le remord. Il n’aurait pas dû la laisser seule, il aurait préféré rester à croupir dans sa cellule sale et humide à subir les pires traitements plutôt que de la perdre. Las de rester les bras croisés à se morfondre, il se releva dans le but d’aller se venger de chaque membre du tribunal. Eden tenta de le retenir, mais fut violemment repoussé. Il essaya de le raisonner :
– Tu es encore blessé et cela affecte ta magie et ton esprit. Si tu y vas maintenant tout ce que tu feras c’est te faire capturer voire même tuer et ce n’est pas comme ça qu’Iris sera en sécurité.
– Je ne vais pas attendre là que tu trouves une idée pour réparer tes erreurs ! s’énerva Matt. Qu’importe ce qui m’arrivera, ce qui compte, c’est que je lui vienne en aide.
– Comment ça mes erreurs ? interrogea-t-il en haussant le ton.
– C’est toi qui avais insisté pour qu’elle t’assiste, c’est toi qui l’as amené ici alors qu’elle devait rester hors de toute magie. Maintenant, elle va finir comme sa mère !
– Qu’est-ce que tu veux dire ? Qu’elle est le rapport avec sa mère ? Je ne comprends pas.
– Alors, tu ne t’en es même pas aperçu, même après avoir visité les ruines. C’est Iris la descendante de la reine Céleste ! Sa mère avait accepté d’aider le tribunal à condition qu’il laisse sa fille tranquille, mais le jour où Iris s’intéresserait à la magie, le contrat serait rompu parce qu’elle deviendrait une menace et voudrait se venger du tribunal. J’ai tout fait pour l’écarter de notre monde et toi, tu n’en as fait qu’à ta tête, tu l’as exposé au danger sans même t’en apercevoir.
Lucian, qui écoutait leur conversation depuis le début, fut étonné au même titre qu’Eden de toutes ses révélations. L’intérêt qu’il portait à la jeune fille se multiplia d’un coup. Eden ne pouvait pas le croire :
– Elle ne peut pas être l’héritière, elle n’a pas d’ailes sur ses mains ni d’auréole sur son front…
– Les marques n’apparaissent que lorsqu’elle porte le collier. Maintenant, je crois que je t’ai tout expliqué. Alors, libre à toi de venir m’aider. Mais si tu ne viens pas, ne t’attends pas à la revoir.
– Je viens ! s’exclama Lucian. Tu auras besoin de mon aide si tu veux tous les mettre K.O. En plus, j’ai moi aussi des comptes à régler avec le tribunal.
– Si tu veux venir libre à toi. Mais ne tente rien contre moi où je te le ferai payer.
Les deux mages laissèrent Eden chez son ami et se rendirent ensemble au-dessus du tribunal. Ils attirèrent deux des soldats qui montaient la garde, les assommèrent, les déshabillèrent puis ils se vêtirent de leurs uniformes. Ils purent ainsi pénétrer les lieux en toute discrétion. Ils se séparèrent afin de pouvoir couvrir plus de terrain.
Matt fit le tour de la salle des jugements afin de retrouver l’un des juges, l’interroger et peut-être le malmener un peu. Il y en avait justement deux en train de traverser le couloir à sa gauche. Alors qu’il s’apprêtait à sortir ses armes, il entendit un nom qui le sortit de sa phase de colère. Il s’agissait de celui de Julicia de Félicité, la mère d’Iris. Il préféra les suivre plutôt que de les attaquer. Ils marchèrent une vingtaine de minutes dans le tunnel menant au palais des lumières. Il s’agissait du plus haut édifice de Fortius-Mancie avec le palais des ombres. Les deux bâtiments étaient faits sur le modèle d’une termitière. L’un était fait en ivoire et l’autre en marbre. Le palais était si haut qu’il traversait les nuages et il s’étendait si bas que la chaleur du noyau de Fortius-Mancie en réchauffait les derniers sous-sols. Personne mis à part les dirigeants, quelques nantis et la garde du palais était admis à y rentrer, si bien que personne ne savait ce qu’il y avait dedans. Il réussit à s’y introduire en même temps que les deux sages.
Matt ne se laissa pas désorienter par le prestige des lieux. Même si tous ces murs et meubles blancs aux motifs dorés dégageaient une mélancolie oppressante. La souffrance d’une ou de plusieurs personnes ayant habitées ses lieux semblait résonner. Et le silence y sonnait comme un cri. Un escalier s’étendait jusque dans l’infinie et le plafond ne se voyait même plus. Matt fouilla le rez-de-chaussée et s’aperçut bien vite que la demeure était à l’abandon depuis plusieurs centaines d’années. Les meubles avaient des formes très étranges, car considérablement différentes de celles de Fortius-Mancie ou même de celle de Hierro-Terra. Il ressemblait à ceux que l’on retrouvait sur les gravures représentant le monde avant la séparation. Le palais datait surement de cette époque.
Après avoir fouillé tout le bas étage, il retourna face à l’immense escalier. Des séries de nombres allant de moins vingt-cinq à quarante ce trouvait sur les soixante-cinq premières marches. Toutes les autres étaient neutres, sans aucun motif. Quand il posa son pied sur la marche moins vingt-cinq, il se retrouva téléporté face à une porte avec ce même numéro gravé dessus. Il avait le choix entre la franchir, appuyer sur l’interrupteur zéro ou tirer le levier moins vingt-quatre. Il décida de faire le tour de cet étage avant de passer au suivant. Toutes les pièces semblaient être consacrées à plusieurs laboratoires. Les appareils utilisés ressemblaient extrêmement aux plus perfectionnés de Hierro-Terra sauf qu’il s’en dégageait une puissante force magique. C’était assez étrange, car Fortius-Mancie avait près de cinq cents ans de retard en technologies en comparaison à sa dimension parallèles. Alors qu’il observé les lieux en détails, il fut surpris par une fillette d’une dizaine d’années. Ses cheveux noirs comme l’ébène dévalaient ses petites épaules bronzées. Sa robe-blouse blanche était accessoirisée par une ceinture dorée avec plusieurs fioles accrochées dessus. Ses lunettes jaune moutarde étaient parfaitement accordées à ses yeux citron. La jeune fille l’interrogea d’une voix très aiguë et agaçante :
– Qui t’a permis d’entrer dans mon laboratoire ? Es-tu le cobaye que j’attendais ? Ou un valeureux prince charmant venue veiller sur moi ? Vu ton allure tu n’es surement pas un prince. Donc tu dois être le cobaye. Tu es là pour la dissection ou pour la greffe ?
– Quelle pipelette ! Je ne suis ni un cobaye ni un prince ! Je suis là pour aider une amie. Mais dis-moi, qu’est-ce qu’une gamine comme toi fait dans ce laboratoire ?
– Moi ? Une gamine ? J’ai douze ans, deux mois, quinze jours et seize heures ! Ce n’est pas parce que je ne suis pas une vieille comme toi que je suis une gamine. Et sache que je suis l’un des plus grands génies scientifiques de Fortius-Mancie. Je suis la grande, la belle, l’intelligente Rùna. Je suis chargé de l’amélioration des membres du tribunal ainsi que leurs gardes. Je fabrique aussi la plus part des armes derniers cris que l’on trouve sur le marché. Mais bon, revenons-en à toi. Présente-toi de manière brève, je n’ai pas que ça à faire.
– Vraiment, tu n’as pas que ça à faire ? Eh bien moi non plus. Je ne peux pas te dire mon nom, mais si tu m’aides, je te présenterais à un gars qui pourra être ton prince.
– Vraiment ?! Que puis-je faire pour toi ?
– J’aimerais que tu me conduises à mon amie et à sa mère. Il s’agit d’Iris et de Julicia de Félicité. Alors, tu peux m’aider ?
L’espièglerie dont elle faisait preuve prit fin et son regard devint inexpressif :
– Non. Julicia de Félicité n’a qu’une fille et c’est moi. Je ne connais pas d’Iris et je ne te conduirais pas à ma mère.
– Arrête de raconter des bêtises, et emmène-moi à elle. Je n’ai pas de temps à perdre si je veux les aider.
– Je ne le ferais pas. En fait, je vais même t’empêcher de les retrouver !
La petite alchimiste saisit une fiole verte et la lança en plein sur le torse de Matt. Sa peau prit alors une teinte marron et se recouvrit d’écorce. Il était en train de se changer en un petit arbre touffu et tordu qui n’avait plus que sa voie pour le distinguer des autres. Elle observa la totalité de sa transformation avec un sourire crispé et un regard angoissé. Matt était en mauvaise posture et il ne pouvait plus compter que sur Lucian pour aider Iris puis lui redonner forme humaine.
Celui-ci avait descendu de nombreux étages et se trouvait désormais devant la chambre où la jeune fille était retenue prisonnière. Il utilisa un enchantement pour faire fondre le verrou magique installé sur la porte et put libérer la précieuse héritière. Comme il n’y avait personne aux environs, ils purent prendre leur temps et discuter un peu. Iris laissa éclater sa joie à son sauveur :
– Oh, Lucian ! Merci d’être venu m’aider ! Je commençais à me sentir seule.
L’adolescent resta silencieux quelques instants, gêné d’être si bien reçu par une personne qu’il sauvait par intérêt. Il lui répondit :
– Tu m’as aidé la dernière fois. Disons que comme cela, nous sommes quittes.
– Si tu veux jouer à celui qui n’a plus de dettes, je te rappelle juste qu’une sorte de colosse m’a brisé contre un mur quand j’ai voulu t’aider. Donc, je crois que tu vas devoir me sauver encore une fois, affirma-t-elle toute joyeuse.
– Je ne devrais pas avoir beaucoup de mal, tu as l’air habitué aux situations dangereuses. Maintenant, si l’on ne veut pas se faire prendre par un des soldats, on devrait s’en aller.
– Je dois d’abord retrouver ma mère. Elle est quelques parts ici et je dois la retrouver.
– On n’aura jamais le temps. Cet endroit est immense et les gardes sont partout. Tu devrais laisser tomber ou tu perdras tout. Tes amis, ta liberté, ils te prendront tout ce que tu as !
– Cela fait sept ans que j’attends ! Je n’abandonnerai pas ! Et si je ne la retrouve pas de moi-même, j’accepterai leur proposition et utiliserai le collier des anges pour eux.
– Je ne le permettrai pas. J’ai travaillé sans relâche pour obtenir ce collier et trouver celle qui pouvait l’utiliser. Je ne les laisserai pas arriver à leur fin. Ce collier au même titre que toi m’appartient. Je ne te partagerais avec personne d’autre.
Lucian saisit Iris par le poignet et l’emmena de force. Alors qu’ils approchaient de la sortie, Eden apparut comme un sauveur devant eux. Il ordonna à Lucian :
– Lâche-la ! Bas toi avec une personne de ta force.
– Eden ?! Je te croyais trop effrayé pour venir ici !
– Et pourtant, je suis là. Quand j’ai imaginé ma douce Iris prisonnière en train d’attendre son prince charmant, affirma-t-il en se montrant avec ses mains, j’ai tout de suite compris qu’elle serait déçue de te voir toi ou Matt à la place.
– Vous sortez ensemble ? interrogea-t-il, complètement chamboulé par cette véritable déclaration d’amour.
– C’est ce qu’il voudrait, affirma Iris exaspéré.
– Dans tous les cas, je ne te laisserai pas me la prendre sans rien dire, affirma Eden avec assurance.
– Si c’est un combat que tu veux, tu vas être servi !
Les deux garçons entamèrent un duel, enchanteur contre mage élémentaire. Pendant le combat, Iris put se libérer et partir à la recherche de sa mère. Les deux rivaux ne la poursuivirent pas pour autant, trop absorbés par leur affrontement. Les deux mages étaient de force et de détermination égale. Si bien qu’aucun indice ne paraissait sur l’identité du vainqueur. Bien qu’il n’y ait que peu d’éléments à exploiter, Lucian parvenait à utiliser sa magie en détournant celle d’Eden. La bataille dura si longtemps qu’ils finirent par épuiser leur magie. Ils passèrent donc à un combat à main nue. Eden se retrouva fort désavantagé à cause de sa petite taille et de sa faible masse musculaire. Surtout que Lucian était bien décidé à arriver à ses fins. D’un coup de genou dans l’estomac, il mit hors d’état de nuire son adversaire. Ensuite il lui fit mâcher de force un chewing-gum qui le téléporta jusqu’à Hierro-Terra. Maintenant, il avait le champ libre pour retrouver Iris.
Celle-ci avait eu le temps de parvenir à l’entrée du palais des lumières. Cette fois-ci, la porte était gardée. Comme elle n’avait pas d’arme sur elle et que personne ne pouvait l’épauler, elle tenta d’être stratégique. Elle aborda les soldats qui pointèrent immédiatement leurs armes vers elle. L’un d’entre eux, sans doute leur chef, lui demanda de dévoiler son identité et ses intentions :
– Au nom de la garde du tribunal, je vous demande de présenter votre identité ainsi que votre autorisation de passage immédiatement.
– Comment osez-vous me barrer la route ?! Avez-vous seulement la moindre idée de qui je suis ?
– Non mademoiselle, marmonna le garde intimidé par le ton employé par Iris.
– Je suis celle qui en un claquement de doigts pourrait vous faire emprisonner au tribunal. Celle qui commande aux côtés de vos juges et maitre. L’Impératrice de ce monde au même titre que mon ancêtre Céleste. Je suis la fille de Julicia de Félicité et l’on m’a envoyé utiliser ma magie pour faire prospérer les magiciens et conquérir les territoires sorciers. Je suis votre future souveraine et si vous m’empêcher d’entrer, je tacherai de vous le faire payer.
– Nous ne savions pas mademoiselle… Je vous prie de bien vouloir excuser notre ignorance. Vous pouvez passer.
– Ce n’est pas grave, mais tachez de vous en souvenir la prochaine fois. Oh ! Une dernière chose, pourriez-vous me dire à qu’elle étage se trouve ma mère ?
– Oui mademoiselle, c’est au quarantième.
Iris fut éblouie par l’ouverture de la porte de cristal. Elle était vraiment heureuse de la franchir et ainsi, de se rapprocher de l’instant où elle reverrait sa mère. Lorsqu’elle arriva au niveau moins vingt-cinq et qu’elle s’apprêtait à passer à l’étage suivant, elle entendit la voix de Matt qui criait des injures sans répits. Elle se détourna quelque peu de son chemin pour jeter un œil à ses hurlements. Elle fut assez surprise quand elle aperçut une petite fille en train de se battre avec une plante verte. Elle interrompit leur dispute pour en apprendre plus :
– Petite fille, tu peux peut-être m’aider. J’ai entendu des cris qui me sont familiers et je me demander si tu saurais d’où ils viennent
– C’est cette abrutie de plante ! Elle est en train de me traiter de tous les noms depuis tout à l’heure, mais t’en fais pas, je vais lui couper ses racines et ce sera fini. À moins qu’un poison ait un meilleur effet. Et tandis qu’il agonisera, il comprendra que je suis la plus puissante. Il me suppliera pour que je le soigne. Ce sera un véritable enchantement pour mes oreilles… Maintenant que j’y pense, je ne t’ai jamais vu dans le coin. Qui es-tu ?
– Je m’appelle Iris. Je suis ici parce que le tribunal a besoin de mon aide.
– Iris ! C’est toi ? interrogea la plante. Tu dois tout de suite partir d’ici ! Cette gamine est tarée.
– Matt tu es une plante ? J’ai toujours su que tu étais un empoté, mais là c’est littéralement vrai.
– Arrête avec tes blagues stupides et part.
– Ce n’est qu’une enfant, que veux-tu qu’elle me fasse ?
– Bah, je ne sais pas… Ah ! si ! Elle pourrait te changer en plante.
– Alors, c’est elle qui t’a fait ça ? Ah ! ah ! ah ! Matt le rebelle s’est fait battre par une gamine de dix ans !
Pendant que Matt essayait d’écarter Iris du danger, Rùna qui avait fait le lien entre Iris et la supposée fille de Julicia, était en train de s’interroger, de douter, de s’énerver. Elle avait pris une fiole dans sa main et hésitait à la lui jeter. Elle était vraiment troublée par la ressemblance entre « sa mère » et Iris. Elle prit alors la décision de vérifier ce que lui avait expliqué Matt. Elle prit une autre fiole et la lui lança dessus. Iris se mit alors à rétrécir jusqu’à atteindre la taille de quinze centimètres. La jeune alchimiste la déposa dans sa poche et se mise en route pour le quarantième étage.
Pendant tout le chemin, elle resta silencieuse, essayant d’ignorer les cris de la mini adolescente. Avant d’ouvrir la porte des appartements de Julicia, elle s’arrêta environ une minute pour prendre une grande inspiration et se préparer à affronter la vérité. Dès qu’elle ouvrit la porte, sa mère la prise dans ses bras et l’embrassa sur le front. Elle l’invita ensuite à s’assoir dans le salon afin de prendre de ses nouvelles et de lui faire déguster un délicieux fondant aux baies d’éclipses (ce sont des baies très rares qui ne poussent que lors d’une éclipse solaire) avec du jus de poisson. La ressemblance entre Julicia et Iris était encore plus flagrante vue de près. On aurait cru voir Iris plus âgée. Rùna dévisagea sa mère pendant un long moment et resta silencieuse. C’est Julicia qui aborda le sujet en premier :
– Ma douce petite Rùna, je tenais à te parler de quelques choses qui me blessent depuis des années. Un lourd passé qui m’a forcé à te mentir. Je pense que tu es suffisamment âgée pour comprendre maintenant. Écoute-moi jusqu’au bout s’il te plait, et pardonne-moi si tu le peux. Avant de vivre au palais des lumières, j’habitais dans la petite ville de Pyravis, sur Hierro-Terra. J’y avais fait ma vie avec un homme très influent dans la ville, capable de tout pour me faire sourire. Au fil des années, la famille s’agrandit. Mon fils adoptif Honoré et ma fille Iris vinrent apporter du soleil à mon quotidien. Des années de bonheur s’écoulèrent jusqu’au jour où toute ma vie s’écroula. Les dessins du tribunal firent pleuvoir tristesse et malheur sur toute ma famille. Il nous voulait, moi et ma fille afin de pouvoir utiliser les pouvoirs du collier. Ce jour où ils sont venus me chercher, je m’en souviendrais toujours. Les enfants dormaient à l’étage et mon mari était à terre, inconscient, le crâne en sang à cause du coup qu’ils lui avaient mis. Quand je vis qu’ils se dirigeaient vers l’escalier, je pris peur pour mes enfants et je décidai de les suivre et à faire tout ce qu’ils me demanderaient s’il ne s’en prenait pas à eux. Ce jour maudit, tout ce que j’avais le tribunal me l’a pris. Dans cette prison d’or, je t’ai rencontrée. Tu n’avais que quatre ans à l’époque et toi aussi tu avais été enlevée à tes parents à cause de ton intelligence et tes capacités prometteuses. Au début, je n’éprouvais que de la compassion pour toi et au fil du temps, c’est devenu une grande affection, de l’amour maternel. Tu étais devenue cette fille que j’avais perdue. Je suis contrainte depuis sept ans de faire des actes que je désapprouve et le seul réconfort que j’ai, c’est toi, ma chérie.
Rùna pleurait pendant tout le récit, frottant son nez jusqu’à l’irriter sur sa manche. Son visage rouge et décomposé culpabilisa la jeune femme. Elle ne savait même plus si elle pourrait encore la consoler en la prenant dans ses bras. Elle pensait avoir perdu encore un de ses enfants. La petite fille lui prit la main et y déposa Iris. Elle lui rendit sa taille et quitta la pièce sans un mot, sans un regard.
Mère et fille furent extrêmement émut par ses retrouvailles. Ce moment qu’elles avaient tant désiré depuis des années. Iris s’exclama : « Maman ! » avant de se jeter dans ses bras. Elle la serra le plus fort qu’elle put pour être sûr qu’elle ne disparaitrait pas comme dans son cauchemar. Julicia plaçât une main sur le dos de sa fille et une autre à l’arrière de sa tête puis elle lui chuchota :
– Je suis là maintenant, tu n’as plus rien à craindre.
– Si tu savais comme tu m’as manqué maman ! Je n’ai pas passé une minute sans penser à toi !
– Moi aussi mon ange. Chaque jour était si dur sans toi, Honoré et ton père, mais j’ai réussi à tenir en sachant que vous étiez à l’abri du danger.
Iris se redressa et prit la main délicate de sa mère :
– On devrait s’en aller maintenant. On aura tout le temps d’être ensemble une fois sortis d’ici.
– Dans ce cas, mettons-nous en route. Avant de nous en aller, nous devons retrouver Rùna. Je tiens vraiment à elle et j’aimerais lui rendre sa liberté et pourquoi pas, lui donner une vraie famille.
Toutes deux se précipitèrent vers l’escalier. À peine arrivèrent-elles au vingt-septième étage qu’elles furent encerclées de toutes parts par les soldats de la garde. Parmi eux, un des juges du tribunal était venu régler le problème en parlementant :
– Voyons mesdemoiselles, vous savez aussi bien que moi qu’on ne peut pas vous laisser partir.
– Ce n’est pas ça qui nous arrêtera, affirma Iris.
– Cette tour est gardée par les meilleurs mages et vous, vous n’avez aucun moyen de riposter. Vous feriez mieux de laisser tomber, vous avez tout à y gagner.
– Vous ne pouvez rien contre nous ! En fait, vous avez besoin de nous pour garder le contrôle de vos territoires sur Fortius-Mancie et pour ne pas vous faire écraser par les sorciers. Vous ne pouvez rien faire sans nous !
– Pas vraiment. Le collier n’a besoins que d’une héritière pour fonctionner. Alors si vous ne voulez pas qu’il arrive malheur à votre mère, vous feriez mieux de coopérer.
Iris, plus inquiète du sort de sa mère que de ce qui arriverait si elle utilisait le collier, préféra renoncer à l’affrontement. Alors qu’elles allaient être raccompagnées jusqu’au dernier étage, Matt et Rùna déboulèrent en sauveur et aidèrent les filles à se libérer de leurs ravisseurs. La puissance de l’épéiste et de la scientifique en herbe vint rapidement à bout des guerriers. Le juge, prit à dépourvu et surprit par la trahison de Rùna, prit ses jambes à son cou. Matt le rattrapa et lui lia les mains. Il le garda avec eux en tant qu’otage et ensemble, ils reprirent leur route vers la liberté…

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