Je traversai plusieurs villages, plusieurs forêts, volant une jument ainsi qu’une épée et une dague à des chevaliers.

Arrivée face à la forêt je stoppai ma monture. La dernière lumière du jour allait bientôt s’éteindre derrière l’horizon, les quelques arbres qui allaient la cacher la striaient d’ombres piquantes. Je descendis du dos de la jument et m’avançais près d’un arbre. Il était courbé, comme par le poids des années, ses feuilles sombres tombaient avec lassitudes. J’avançais lentement ma main jusqu’à l’écorce, sèche, cassante, cet arbre était vieux. Cette forêt avait vieillie…le sort qui la protégeait aussi…il était faible, très faible, trop faible, il ne protégeait plus rien.
Je remontai en vitesse sur la jument et la fis partir. Il fallait que je comprenne, que je sache si j’étais véritablement le dernier elfe sur le continent.
La forêt était immense, comme à sa belle époque, mais plus on se rapprochait de son cœur, plus on s’enfonçait dans l’ombre, les frondaisons s’épaississaient, les feuilles basses devenaient rares, les troncs étaient devenu ternes, maigres, la forêt devenait obscure, animée par le mélange de la lueur rouge sang du soleil et le bleu nuit glaciale sous la lune.
Je fis ralentir ma monture à la vue d’un ravin, descendis de son dos, je me penchai pour en voir le fond. Avant ce gouffre était empli d’une eau pure, douce, brillante, désormais il était vide…ou du moins il n’y avait plus d’eau, mais ce que je vis dans le fond me fit frissonner d’horreur, des silhouettes noires encore torturées par d’horribles souffrances. Je lâchai la jument et me mis à grimper dans un arbre, non pas pour voir plus haut, mais pour cacher les œufs. Une fois redescendus, je descellais la jument, la laissant ainsi libre de partir si elle le désirait.
Je m’avançais sur le pont, prudemment et entrai dans la forteresse.
Une forteresse, autrefois belle, splendide, rayonnante de lumière, une cité comme on en trouvait nulle par ailleurs, un endroit unique, merveilleux, des murs blancs reflétant les rayons du soleil tels des diamants, des décorations d’or et de lumière, des détails exquis bien propres aux elfes.
Attentive aux moindres bruits autour de moi, je finis par me pencher sur une silhouette noire au sol. Le corps était calciné, la chair brûlée formait encore les contours du corps de l’homme. Le feu…chez des elfes cela me paraissait impossible, mon peuple maîtrisait parfaitement cet élément de la nature…ça ne pouvait pas être un accident. Je pris délicatement la flèche présente aux côtés du mort et l’observait. Une flèche d’onyx, un matériau très utilisé par les elfes…mais les flèches étaient habituellement faites autrement…de bois et de fer…cela voulait donc dire…non, c’était impossible.
J’agrippai rapidement l’arc par terre, enclenchais la flèche puis partis vers la première porte. Braquant la flèche devant moi j’avançais, à chaque nouvelle embrasure je m’assurais qu’il n’y avait personne dans la pièce.
Je finis par arriver à la plus grande des salles, la pièce du roi, là où il recevait. J’abaissai mon arc en observant la pièce. Cet endroit où j’avais passé une partie de mon enfance. Dévastée, presque entièrement vide…Un ouragan devait être passé pour ne laisser aucune trace ainsi…un ouragan de colère, de rage, mais de qui ?
Je passai rapidement la pièce puis me rendis dans la chambre, là je restai sur le seuil. Dans le lit du roi, une ombre, une silhouette…Je m’approchai, lentement, redoutant ce que je pensais…Oui c’était bien le roi qui était allongé là…dans son lit. Les bras croisés sur une épaisse cuirasse encore légèrement dorée ne laissait pas de doutes, c’était bien le roi…mon père. Même si je m’en étais douté, même si s’était prévisible, je m’effondrai aux pieds du lit en pleurant. Je ne l’avais pas vu depuis des lunes ! Et voilà que je le retrouvai mort ! Tué par on ne sait quoi !
Lorsqu’enfin je fus calmée, je me redressai et l’observai. Contrairement aux autres corps que j’avais pu voir il n’était pas recroquevillé sur lui-même, cherchant à échapper aux flammes, il était bien droit.
Des bruits de pas et je me retournai rapidement en brandissant mon arc, il n’y avait personne. Mais je n’étais pas seule dans la cité.
Je quittai le corps de mon père pour rechercher qui, ou quoi, se trouvait dans ses murs.
Je marchai lentement, faisant le moins de bruit possible, pesant chacun de mes pas sur le sol glacial.
Alors que je me rapprochai de la salle du trône, une silhouette apparue devant moi, je braquai immédiatement mon arc. Mais à la vue plus en détail de ce personnage, je souris et baissai mon arme. Vieille elfe, tassé par les années, mais il n’avait pas changé.
– Danayel ?
Je courus rapidement vers lui et l’étreignis.
– Princesse ?
Je souris et l’aidai à marcher, on alla s’installer au centre de la cité, une immense place meublée uniquement d’un autel, seul édifice encore entièrement debout de ce palais.
– Que s’est-il passé Danayel ?
– Chut, ne parlez pas si fort vous allez la réveiller.
– Réveiller qui ?
– La bête.
Je fronçais les sourcils et regardai la flèche que j’avais dans la main, une flèche portant un puissant poison soporifique. Si une bête avait attaqué la cité…c’était alors logique que les elfes se soient servis de ces flèches.
– Elle est venu des entrailles de la cité, réveillée par on ne sait quoi de nos cages, elle a tout tué, même les autres prisonniers.
– C’est elle qui a fait tout cela ?
– Oui, la foudre voilà son arme, la foudre et ses crocs bien sûr, la colère s’est abattue d’un coup sur la cité, enflammant les murs de pierres, détruisant absolument tout.
– Allons Danayel, elle doit être morte maintenant.
– Non…bien sûr que non…elle dort encore, là-haut dans la salle du trône.
Je souris d’amusement, ne le croyant pas.
– Attendez-moi ici.
Je sortis rapidement de la forteresse, la jument était partie, retournée à la liberté, c’était bien mieux pour elle.
Je pris les œufs puis retournai auprès de Danayel. L’elfe était assis au bord de l’autel, une main sur chaque genoux, se tenant, il était épuisé cela se voyait, il avait aussi beaucoup maigrit par rapport à la dernière fois que je l’avais vu. J’allais poser les œufs près de lui puis me mis en face pour le regarder.
– Quelle est cette bête ?
– La plus féroce que nos prisons aient connue.
– Maïrouk ?
– Oui.
– Mais elle n’était pas agressive d’origine…
– Elle l’est devenue.
– Bien, je vais aller voir, je suis certaine qu’elle est morte.
– Non, c’est une bête millénaire, le temps ne la tue pas et nous n’avons fait que l’endormir, elle pourrait se réveiller n’importe quand !
– Raison de plus, si elle peut se réveiller il faut s’en occuper.
– Personne n’a jamais réussi ! Aliane revenez !
Mais j’étais déjà parti, mon arc prêt à tirer, mon attention à son apogée.
Je traversai les longs couloirs de pierres ternes en silence, cette bête, je l’avais vue une seule fois, lors de sa capture à laquelle j’avais participé. Le roi avait préféré l’enfermer, affamée, ne trouvant pas de proie suffisante pour elle, elle dévastait des villages, ne tuant pas mais dévalisant les réserves.
Arrivée face à une porte, je brandis rapidement mon arc en direction de la salle, un gros bébé endormit, voilà ce que j’avais devant moi. Elle ne paraissait pas si atroce que cela ainsi, vautrée sur le flanc, son ventre gonflant d’air et sa bouche expédiant un ronflement tel le grondement du tonner. J’abaissai mon arc et me mis à l’observer. Son poile était plus grisonnant, la peau de son cou commençait à tomber, elle n’était plus la vigoureuse bête d’autrefois, mais le plus frappant était sa taille, pratiquement le triple !
Alors que j’allai m’avancer, une main se posa sur ma bouche, une autre me saisit le poignet et on me força à reculer pour ensuite me plaquer contre le mur du couloir.
– Vous voulez vous suicider ?
J’écartai l’homme face à moi et le dévisageai. Une forte corpulence, caché sous une cape, un homme, rien qu’un homme.
– Ça ne vous regarde pas, vous ne devriez pas être ici.
– Ah oui ? Et pourquoi cela ?
– C’est un territoire elfique sacré.
– Sacré et normalement protégé, hors là il ne l’était pas.
Je le contournai pour regarder de nouveau dans la salle, alors je me figeai.
– Cette bête dort depuis bien longtemps, rien ne sert de l’éveiller.
– Trop tard.
Il se pencha également puis se redressa, soudainement inquiet.
– Où est-elle passée ?
Je me retournai et le fusillais du regard.
– C’est votre faute, si vous ne m’aviez pas éloignée je m’en serais occuper !
– Vous pensez qu’une simple femme comme vous peut venir à bout de ce monstre ? Laissez-moi rire !
D’un geste rapide, ma main dans son cou, je l’éloignai sur le côté et bandais mon arc face à moi. La bête était là, bien réveillée, les babines suintantes retroussées, prête à refermer ses crocs sur sa proie. Elle partit au même instant que ma flèche, je n’avais droit qu’à un seul tire, il fallait que je la touche. Ma flèche ne loupa pas sa cible, mais la bête ne s’effondra pas immédiatement, elle était lancée, vers moi. Je tentais de l’éviter mais de ses griffes elle me lacéra le dos.
J’étais appuyée contre un mur, la bête n’était toujours pas endormie, le poison ne faisait pas encore effet, elle se retournait pour m’attaquer de nouveau. Alors qu’elle allait m’achever, l’homme vient rapidement se mettre entre nous en la repoussant d’une épée.
Lorsqu’elle s’effondra, l’homme se retourna face à moi et s’accroupit avec un sourire.
– Bah alors ? Vous ne me remerciez pas de vous avoir sauvée ?
Je le repoussai rapidement et, m’appuyant contre le mur je me rendis près de la bête.
– Que faites-vous ?
– La première fois que je l’ai vue elle était beaucoup plus petites, ses dents moins pointues et moins agressive.
– Et alors ?
Je ne répondis pas et, à l’aide de l’arc, je lui ouvris la gueule. Une immonde odeur putride me monta alors au nez.
– Mais vous êtes dingue !
L’homme m’agrippa le bras pour tenter de m’empêcher d’entrer dans la gueule de l’animal. Je me retournai rapidement et le stoppai d’un geste alors qu’il s’apprêtait à entrer avec moi.
– Ne faites pas un pas de plus.
Il baissa les yeux sans comprendre.
– Sa bave est un acide puissant.
Il recula rapidement en me relâchant.
– Et vous alors ?
– Moi je ne craints rien.
J’entrai dans la prison de dents de la bête et plissai les yeux pour voir dans la sombre gorge. Si je me souvenais bien, elle devait avoir une partie de la gorge d’une couleur différente… Mais dans ce noir affreux je ne voyais absolument pas les couleurs, juste les contrastes.
La hauteur de la bouche était tout même basse et j’étais forcée d’être pliée, tendant la peau de mon dos, me provoquant d’horribles douleurs.
Je finis par trouver ce que je cherchai, plus profond dans la gorge que ce que je pensais…je devrais donc me mettre en danger pour l’atteindre, mais il le fallait.
Je sortis mon poignard, ce fus seulement à ce moment que je remarquai qu’il me manquait l’épée…peut-être perdue lors de la petite bataille.
D’un coup sec je tranchai la partie sombre de la paroi gluante, une matière écœurante en sortie, dégoulinant dans toute la gorge, dégageant une odeur de putréfaction très avancée…comment pouvait-il supporter une telle odeur ! Je pris précieusement l’objet se trouvant à l’intérieur de cette poche et ressortis en vitesse.
Le corps de la bête se mit à rétrécir, ses canines s’arrondirent légèrement et son souffle cessa de gronder.
– Eh bien, je ne sais pas ce que vous lui avez fait, mais elle paraît moins hostile ainsi.
– Sa véritable nature, ce n’est pas une bête féroce d’origine.
Je m’apprêtai à partir dans le couloir lorsque je vis l’épée que l’homme tenait, je la lui prise rapidement.
– Quand me l’avez-vous volée ?
– Lorsqu’on était près du mur…
Je le dévisageai avec une certaine méchanceté mais finis par contourner l’animal endormit désormais de la taille d’un bœuf, et partis dans le couloir. L’homme vient rapidement marcher à mes côtés avec un regard très étrange.
– Vous ne voulez pas m’expliquer un peu ?
– Quoi ?
– Que vous soyez résistante à l’acide, ou qu’est-ce que vous êtes allé faire dans sa gueule ?
– Non.
Il se tut alors et on rejoignit Danayel.
– Qui est ce charmant jeune homme ?
– Aucune idée.
– Je m’appelle Lilian.
Je m’assis près de l’elfe, il tenait les deux œufs sur ses genoux, toujours dans les sacs.
– La salle des bains est toujours utilisable, enfin il faudra juste mettre de l’eau propre.
Je souris et me levai donc, dans un regard d’avertissement pour Lilian je partis.
La salle des bains était certes utilisable comme l’avait dit Danayel, mais la porte ne fermait plus correctement, défoncée certainement lors d’une quelconque altercation entre Maïrouk et des elfes, je ne pourrais pas m’enfermer. Le bassin au centre de la grande pièce était encore en état, son fond bleu quelque peu terni, il ne semblait pas trop avoir subi la colère de Maïrouk.
Je m’accroupie près du bassin et fermai les yeux. Un sourire se dessina sur mes lèvres lorsque le doux bruit de l’eau se fit entendre. Un son que j’adorais, surtout s’il présageait un bain.
Je fis lentement glisser mes habits sur moi, essayant d’éviter de toucher ma blessure même si ce fut inévitable. Une fois déshabillée j’entrai dans l’eau chaude. Je pouvais en régler la température, j’avais appris cela lorsque je partais seule en forêt, me baignant dans les rivières que je chauffais grâce à ma magie.
Au contact de l’eau, l’acide de la bête se dissipait, c’était là sa faiblesse, l’eau, voilà peut-être pourquoi Maïrouk n’avait pas attaquée cette salle. Je me prélassai un moment, essayant d’oublier la douleur de ma chair à vif plongée dans ce bassin.
Nous les elfes, nous apprenions très jeune à supporter la douleur, c’était ainsi, parce que chacun devait être capable de se sacrifier pour les autres, pour le bien de son peuple. C’était tout à fait normal, de se sacrifier pour le plus grand nombre. Moi-même je l’aurais fait si j’en avais eu le devoir, même si j’étais l’un des rares elfes à qui s’était interdit. Enfin, cette époque était révolue, il n’existait que très peu d’elfe en ce jour, mon titre n’avait donc plus aucune valeur.
Je m’immobilisai dans l’eau lorsqu’un léger bruit de pas survient. Je m’en étais douté qu’il viendrait, de la part d’un homme ça ne m’étonnait pas. Ma dague était posée près du bassin, je la pris discrètement et continuai de me prélasser.
Alors que je sentis l’eau derrière moi bouger, je me retournai rapidement et mis la lame sous la gorge de Lilian.
– Si vous avez pensé une seule seconde pouvoir être assez discret pour ne pas que je vous remarque, vous avez rêvé.
– Décidément, vous ne déméritez pas à votre réputation.
Je fronçais les sourcils mais n’enlevai pas la lame.
– Quelle réputation ?
– Celle d’un elfe magnifique à fort caractère.
– D’où tenez-vous cela ?
– De Danayel bien sûr.
– Que vous a-t-il dit ?
– Que vous étiez la princesse des elfes, un titre très avantageux, vous le porter à merveille.
– Mais encore ?
– Que tous les elfes du monde vous connaissait et que chacun rêvait de vous rencontrer car c’était un honneur. Que vous êtes l’elfe le plus courageux, le plus puissant, que ce soit magiquement comme mentalement. Et surtout qu’aucun elfe ni aucun homme n’a jamais réussi à vous avoir.
– Surtout ? Parce que c’est important ?
– Oui, j’aimerais être le premier.
J’enlevai le poignard et le regardai avec amusement.
– Si vous pensez avoir une chance vous êtes fou mon chère.
Il sourit et s’approcha de moi pour me prendre par la taille. Mais avant qu’il n’aille plus loin je lui saisis le poignet pour le retourner brusquement dans son dos.
– Vous êtes fou, arrogant, prétentieux et trop sûr de vous.
Je le relâchai puis me retournai pour tenter de nager vers le bord du bassin, mais il vient rapidement derrière moi et me prit les hanches, m’empêchant d’avancer, il enlaça ma taille entièrement, me serrant dans ses bras.
– Vous n’avez donc pas une belle image de moi.
Il me tient alors d’une seule main et de l’autre, douce, de ses doigts, il effleura ma peau, autour de l’une des profondes plaies de mon dos.
– Laissez-moi vous aider.
Je me retournai et me mis à le fixer dans les yeux.
– Vous ne pouvez rien pour moi.
– Ah oui ?
– Parfaitement, et si vous pensez que je me laisserai faire par un humain vous n’avez pas toute votre raison.
– Première erreur de votre part, je ne suis pas humain.
Je fronçais les sourcils et mes yeux descendirent sur son corps, un torse parfait de ce que je pouvais en voir, des muscles saillants, bien dessinés.
– Que fait un vampire sur un territoire d’elfe ?
– Vous avez été rapide à deviner.
– Les vampires ont tous le même corps.
Je sortis rapidement de l’eau et fis apparaître par magie un tissu avec lequel je me couvris. Lorsque je me retournai il était face à moi, mais encore nu. Mes yeux descendirent malgré moi jusqu’à son bassin, alors je me sentis rougir. Même si ça devait être le même que celui que j’avais…touché…c’était assez gênant de le voir.
Décidément les vampires étaient vraiment parfait physiquement, ou du moins si l’on considérait cette forme-là comme parfaite, long, large, mais ni trop ni pas assez…parfait.
– D’après ce que j’ai compris vous avez déjà vu le corps d’un vampire, mais qui ?
– Cela ne vous regarde pas.
Je détournai les yeux de son corps, me retournai et tentai de calmer mes idées. Bien sûr, je ne pouvais m’empêcher de penser au moment délicieux que j’avais passé avec l’autre vampire…Et si avec lui c’était le même ? Le même plaisir, le même délice…
Et voilà ! Mon seul point faible à ma connaissance ! Les hommes, ou plutôt le plaisir possible avec eux.
A peine je sentis le contact sur mes hanches que je ne pus m’empêcher de frissonner, ses doigts, délicats et lents, glissaient sur ma peau.
– Laissez-moi vous soigner.
Je me retournai rapidement et on se regarda dans les yeux.
– En échange de quoi ?
– Votre confiance.
J’hésitai un instant. Je finis par me retourner et laissai tomber le drap qui me recouvrait. Alors l’homme, certainement dans un sourire et baissant les yeux, se pencha. Il déposa un baisé sur ma nuque puis descendit. Ses lèvres chaudes sur ma peau étaient…délicieuses. Les vampires Sangamia pouvaient, entre autres, soigner n’importe quelle blessure ou douleur, par leur simple souffle. Voilà ce que l’autre vampire m’avait fait et ce que Lilian me fit, laissant s’échapper ce don sur mes blessures. Je sentais ma peau se refermer, sur les quatre longues griffures.
– Vous avez un dos magnifique.
Il me prise par les hanches et me tourna face à lui. Je rougis, j’étais nue, lui aussi, et nous étions face à face…il pouvait voir les parties les plus intimes de mon corps et moi les siennes.
– Vous savez, le sang d’une personne peut nous en apprendre beaucoup.
– Pourquoi dites-vous cela ?
– Je n’ai pas pu m’en empêcher, maintenant je sais que vous avez déjà couché avec un vampire, et même qu’on vous a déjà mordue.
– En effet, en quoi est-ce important ?
Il sourit et avança, m’obligeant à reculer. Mais mon dos finit par heurter le mur, alors il se colla à moi. Je sentis le moindre détail de son corps, un plus particulièrement qui provoqua un frisson dans mon bassin.
– Notre race de vampire a tendance à mordre lors de relation intime.
– Ça ne s’est pas passé ainsi.
– Alors comment ?
– Ça ne vous regarde pas.
Il sourit et s’éloigna de moi. Il alla prendre ses affaires et les remit, ou du moins seulement le bas.
– On devrait y aller maintenant.
Je restai contre le mur, à le regarder.
– Vous êtes vraiment un homme étrange.
– Pourquoi ?
– Tous les hommes que j’ai rencontrés jusque-là, de n’importe quel peuple autre que le mien, ont cherché plus que ma confiance.
Il sourit et baissa les yeux.
– Je suis réaliste, je sais que je n’obtiendrais pas ce que je veux pour le moment.
Je souris également et, après avoir fait apparaître des habits elfique sur moi, m’approchai de lui. Avec un regard que je voulais envoûtant je m’approchai au point d’effleurer ses lèvres des miennes. Mais je m’éloignai ensuite.
– Vous avez parfaitement raison.
Je partis ensuite sans un mot de plus. Mais une fois dans le couloir, le vampire me rattrapa, me prit rapidement le bras pour me retourner et me bloquer contre le mur. Il colla son corps au mien avec un sourire.
– Timide à un moment mais envoûtante quelques secondes plus tard, et vous dites que c’est moi qui est étrange ?
– Je n’ai pas dit que vous étiez plus étrange que moi.
Il sourit et me relâcha. Dans un soupire il m’invita d’un geste à avancer.
On rejoignit Danayel, toujours assit près de l’autel avec les œufs.
– Alors vous deux, que fait-on maintenant ?
Je pris l’un des œufs et tendis l’autre au vampire.
– Il faut partir.
Mais Danayel se leva d’un bond et se planta face à moi.
– Je m’y attendais, auriez-vous oublié le rôle de cet autel ?
Je levai les yeux vers le symbole incrusté dans la pierre : réveiller les êtres sacrés, voilà son rôle.
– Et alors ?
– Alors vous en avez deux ! La possibilité de les éveiller et vous ne voulez pas le faire ?!
– Il faut un sacrifice.
– Il ne vous fera rien à vous.
Avec tout de même une certaine crainte, je pris l’œuf des mains du vampire et posais les deux près de l’autel. Délicatement je sortis les deux trésors des sacs pour ensuite aller les poser au centre de l’autel. Je restai debout près des deux œufs puis levai les bras et les yeux.
– Que fait-elle ?
– Vous verrez.
Je sentis une main invisible me saisir à la taille, je baissai alors les yeux, le sol s’éloignait.
– Ça ce n’est pas normal…
En bas les œufs ne bougeaient pas. Ou du moins pas jusqu’à un moment. La main jusque-là sur ma taille m’envahit complètement, je me sentis enfermée comme dans un cocon, mais transparent. Alors une sensation très étrange, quelque chose me transperça, au niveau du cœur, comme me déchirant de l’intérieur…Je savais bien…que ça allait se passer ainsi…Ce genre d’autel prenait toujours une vie…Toujours. Une immense silhouette blanche m’entoura, une silhouette dont je ne pouvais pas voir les contours, me trouvant à l’intérieur.
Lorsque tout fut finit, lorsque la douleur dans mon torse disparue, je me sentis redescendre, posée doucement sur le sol par l’invisible.
Le vampire vient au-dessus de moi, il me prit par les épaules et m’installa sur ses genoux.
– Elle a juste besoin de repos.
– Que s’est-il passé ?
Il leva les yeux vers Danayel qui s’approchait.
– L’autel l’a fait fusionner avec l’un des œufs.
– Fusionner ?
– Vous comprendrez plus tard.
Ils tournèrent tous les deux la tête en entendant un craquement : le seul œuf restant s’ouvrait. A la sortit du…petit lézard, Danayel s’agenouilla.
– Qu’est-ce que c’est ?
– Ça mon garçon, c’est l’un de nos sauveurs.
Le vampire regarda Danayel prendre la bête dans ses bras et s’approcher d’eux.
– Je propose que nous aillions dans la forêt, nous serons plus tranquille et nous pourrons trouver à manger.
Le vampire acquiesça et me souleva contre lui.
J’étais encore éveillée, mais je ne pouvais bouger aucun muscle, comme si j’avais été paralysée. On s’installa dans une clairière, Danayel s’arrangea pour faire un feu puis s’assit à côté de nous.
– Vous savez, il y a un moyen de l’apaiser.
Le vampire leva les yeux vers lui.
– Lequel ?
– Vous êtes un Sangamia non ?
– Oui.
– Embrassez-la.
– Pardon ?
L’elfe sourit.
– Ça l’endormira complètement, elle ne pourra pas sinon.
– Mais…
Il baissa les yeux vers moi.
– …je n’ai pas son accord.
Danayel se mit à rire et lui tapa dans le dos.
– A votre place n’importe quel homme n’aurait pas hésité.
– Je n’ai jamais embrassé sans accord…
– Regardez-la, vous voulez qu’elle reste ainsi éveillée toute la nuit ?
– Non…
– Alors allez-y, vous y perdez quoi ?
– Sa confiance…
– Elle entend ce qu’on dit là, donc ce serait plus moi qui la perdrais.
Le vampire soupira légèrement mais il se pencha. Même si j’avais pu le repousser je ne l’aurais pas fait, Danayel avait raison, il fallait qu’il le fasse pour que je dorme. Je fermai tout de même les yeux volontairement lorsque le vampire déposa ses lèvres sur les miennes. Il ouvrit légèrement les lèvres, me forçant à ouvrir les miennes, alors il laissa s’échapper son souffle et je me sentis partir, une sorte de frisson partant du haut de ma tête puis se propageant. Une sensation chaude, une sorte d’étreinte dont on ne veut plus sortir.

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