Erwin se leva instantanément, comme s’il n’avait pas dormi et attendait la main d’Etaile pour se lever. Il fit le tour du camp, regardant la plaine enténébrée autour, et rencontra la jeune femme qui avait prit le guet après sa mère. Elle lui sourit et engagea la conversation sur leurs voyages respectifs. L’attitude réservée d’Erwin, presque maussade, fondit peu à peu. Erza était vive, et sa conversation aussi agréable que sa présence. Il gardait la mission à l’esprit, balayant le paysage à intervalle régulier pour s’assurer que les dangers restaient à l’écart. Elle par contre parlait sans surveiller quoi que ce soit, racontant sa vie, celle de ses parents, lui posant quelques questions. Elle prit son élan pour lui demander :

— Erwin, vous n’êtes pas… totalement humain. Je me trompe ?

Il sursauta, puis avec un sourire demanda :

— Je ne ressemble pas à un homme ?
— Si si, totalement, et un bien beau encore.

Elle rougit, respira et reprit.

— Pourtant, quelque chose est étrange. Vos lames sur le visage, je n’ai jamais rien vu comme ça. Votre manière de marcher, de monter à cheval aussi. Vous êtes érudit, mais ce n’est pas ça. Vos yeux ont une forme pas commune. Ma question vous dérange ?
— Elle est surprenante. Mes lames sont celles de mon maître, sa magie est très peu connue, normal que ses symboles étonnent. Rares aussi ceux qui remarquent mon ascendance, hors mes amis et bien évidemment ces moines qui savent tout. Je suis en grande partie humain, mais le père de ma mère était un Aérien.

Erza réagit vivement à son tour. Elle leva la main droite, comme pour saisir quelque chose entre eux, puis la baissa, gênée, et regarda le paysage éclairé par la lune pleine pour la première fois.

— Cela te choque ? Te gêne ?
— N… Non. Je suis surprise. Les Aériens… tant de récits courent sur eux. Ils ont disparu depuis longtemps.
— Peut-être suis-je la dernière trace de leur existence, avec quelques ruines, et les histoires qui se racontent encore.

Elle joignit les mains derrière elle, accentuant son côté enfantin, pour demander :

— Avez-vous, vous savez…
— Des ailes ?
— Oui, c’est ce que je voulais…
— Qu’est-ce que cela changerait ?
— Vous pourriez voler.
— Non, pour toi ?
— Moi… J’aimerais les voir. Les Aériens étaient si fascinants, et je rêve d’en rencontrer depuis toujours.

Avec de légers craquements, comme un papier froissé que l’on lisse, Erwin sortit doucement ses ailes de sous sa tunique. Erza était fascinée par la fine membrane, presque transparente, qui se tendait, s’étendait, s’étirait. Elle commença à tourner autour de lui pour les regarder de plus près, tandis qu’il la suivait du regard, souriant. Elle leva la main, s’arrêta.

— Je peux ?

D’un hochement de tête, il acquiesça. Elle posa le bout des doigts sur l’arête externe d’une aile, ressentant la tension, la solidité, fascinée par la finesse et la force qui s’en dégageait. La membrane était rugueuse, un peu comme la langue d’un chat, et solide. Elle ne cédait pas sous la pression. Erza se recula, l’air extatique. Erwin battit doucement des ailes, et commença à s’élever. Il resta quelques instants en l’air, avant de se poser, et de remplier ses ailes lentement. Erza les regarda se racornir, perdre toute tension, et disparaître.

— Je dois être discret.

Elle sourit d’un air complice. Ils parlèrent jusqu’à la fin de leur garde, principalement du peuple disparu, et des nombreuses histoires qu’elle connaissait à son sujet. Quand il rejoignit sa couverture, laissant à Longine le soin de surveiller le campement, Argon ouvrit les yeux.

— Fichu séducteur.
— Pourquoi ?
— Tu sens la vanité jusqu’ici, Erwin, et j’ai l’ouïe fine. Apprend à être discret avec tes ailes.
— Oui, compagnon, je fais bien attention, répondit-il avec un sourire.

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